La Loire, le fleuve majestueux, sauvage, si beau mais qui peut être traitre et si dangereux avec ses bancs de sable attirants et brutalement fuyants, ses courants violents et ses remous qui entraînent et engloutissent.
Nous sommes en Anjou, par une journée ensoleillée de fin août. Une poignée d’adolescents achèvent leur séjour en colonie par un pique-nique au bord du fleuve. Il fait très chaud et après une partie de foot, l’un d’eux, comme un défi, lance un « si on se baignait ? » qui va tout faire basculer. Les deux moniteurs, à peine plus âgés que les jeunes qu’ils encadrent et noyés dans leurs préoccupations personnelles, vont laisser lentement dériver cette journée vers le drame.
On devine d’avance la tragédie sans en connaître vraiment les ressorts et le lecteur passe alors imperceptiblement de la lecture plaisir à la lecture angoisse. Ce sentiment ne nous quittera plus jusqu’à la fin du livre.
La seconde partie du roman revient sur les portraits des garçons, leurs relations, leur histoire familiale, les espoirs, aspirations, les difficultés de vivre pour certains. Comme dans tout groupe, il y a des rapports de force, un chef, un souffre-douleur, des amitiés, des jalousies, des attirances, des amours balbutiantes et cachées… Au fur et à mesure de la découverte des personnages, le lecteur apprend à les connaître et s’y attache, inévitablement…
Alors quand l’ombre du danger ressurgit, lorsque l’histoire reprend son cours chronologique normal dans la dernière partie du livre, l’angoisse remonte d’un cran car on sent le dénouement terrible approcher.
Qui de Gus, Pierre, Farid, Totof, Lorenzo… vaincra la cruauté du fleuve qui, tel un monstre surgissant brutalement de l’eau calme, happe sans pitié des vies innocentes ?
La construction du livre est originale avec ses 3 parties, le courant, l’amont et l’estuaire, chacune encadrée par de courtes pages intitulées « Le fleuve », comme pour nous rappeler que la Loire et le danger sont toujours là, tapis, attendant leur heure.
L’écriture est tantôt poétique et picturale lorsqu’elle dépeint la beauté du fleuve, tantôt vivante et crue quand elle décrit l’insouciance des jeunes garçons. C’est un livre sur l’adolescence, sa fièvre et son inconscience, un roman étrange où la douceur côtoie la cruauté et la vie flirte avec la mort.
Une lecture très ambivalente pour moi, qui m’a à la fois emmenée dans la douceur des paysages de bords de Loire que je côtoie quotidiennement et dans un malaise diffus lié à la conscience de la fragilité de la vie. Sans doute est-ce là justement le talent de l’auteur que de nous faire ressentir cette vulnérabilité et la rupture qui peut se produire à chaque instant.
« On ne se baigne pas dans la Loire.
Ni printemps, ni été, ni même un doigt de pied. »
Ce récit est inspiré du drame de Juigné-sur-Loire en 1969 ayant coûté la vie à 19 enfants ; l’auteur a souhaité leur rendre hommage.
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