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Critiques de György Dragomán (30)
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Le bûcher

Dans le contexte historique très particulier de l'immédiate après-révolution roumaine de 1989, une adolescente prénommée Emma raconte sa vie presque ordinaire auprès de son étrange grand-mère. Dans son village on dit que la vieille femme est folle. Elle pratique en effet de curieux rituels qu'elle enseigne avec bienveillance à sa petite fille. Toutes deux sont endeuillées et hantées par un passé (récent pour l'une et beaucoup plus ancien pour l'autre) qu'elles n'arrivent pas à balayer. Au contact l'une de l'autre, la parole va se libérer pour les aider à surmonter la douleur.

Derrière le portrait d'Emma, se profile celui d'une société marquée par les violences d'un régime totalitaire. Les séquelles sont profondes mais la mutation est en cours. Pour la jeune fille et son aïeule, tout comme pour le pays, il est temps de se reconstruire sur les cendres du passé.



J'ai trouvé ce roman aussi singulier que captivant. Singulier par la façon dont Emma s'exprime; simple et directe, presque plate, convenant parfaitement à son jeune âge mais qui devient riche et très précise quand son imagination l'emporte au-delà du visible. Et captivant par l'introduction de la magie, encore très vivace en Roumanie, le seul pays d'Europe à reconnaître officiellement la profession de sorcière.



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Le bûcher

C'est un livre à l'image des peuples de l'Europe de l'Est. du moins à l'idée que je m'en fais car leur culture m'est étrangère.



Aux antipodes des épanchements larmoyants de la littérature francophone, la distance et la pudeur dans l'expression des sentiments font de ce roman une expérience de lecture étrange. Je n'en mesure probablement pas toute la portée littéraire.



Par contre, je suis certaine d'une chose ... ce livre m'a touchée.

C'est beau, c'est émouvant. C'est l'histoire d'une grand-mère et de sa petite-fille Emma qui s'apprivoisent, la première n'ayant appris l'existence de la seconde qu'après la récente mort tragique des parents.

Et dans la Roumanie post Ceausescu, cette adolescente doit apprendre à se reconstruire dans un environnement qu'elle ne connaît pas. Elle doit se faire une place parmi les pestes de sa nouvelle école, passer le cap des premiers amours et faire face à la hargne incompréhensible des habitants du village envers son grand-père décédé et sa grand-mère un peu sorcière.



C'est un livre où il ne se passe rien de fracassant avant les 50 dernières pages. On a l'impression que ce sont des tranches de vie juxtaposées. Les gestes ancestraux se transmettent à nouveau à travers la tarte aux prunes et les beignets au paprika. Les anicroches quotidiennes sont l'occasion de parler des blessures, des joies et des peines, de tous ces moments qu'une famille est censée partager quand les liens ne sont pas rompus. .



L'écriture est sans fioriture, factuelle. Moi j'ai choisi d'y voir l'expression d'une mentalité , d'une culture, d'une manière d'exprimer les sentiments complètement différente de la nôtre.

Il y a dans le style de l'auteur (et de la traductrice) la retenue d'un peuple pour qui trop parler était synonyme de danger.

Sans doute, nous qui vivons dans un pays où la parole est libre, ne mesurons pas à quel point ce roman doit faire écho aux personnes qui ont vécu sous une dictature, à la merci permanente de la police secrète.

Ce livre m'a permis d'approcher ce que fut l'après-dictature de Ceausescu. Et ce n'est ni plus facile ni plus propre que ce que fut l'après-guerre chez nous. Les rancoeurs, les questions restées sans réponse, la difficile acquisition de la liberté sont malheureusement internationales.

L'auteur m'a emmenée au coeur de son peuple, là où les blessures de l'histoire saignent toujours avec l'espoir d'un avenir meilleur dans une société plus égalitaire.



Si vous arrivez à dépasser le dénuement apparent de l'écriture, si vous vous laissez porter par l'histoire lovée entre rêve, imagination et réalité, alors vous apprécierez.



Pour ma part, la dernière page refermée, je sais que je viens de terminer un livre particulier, situé hors de ma zone de confort littéraire, mais je sais aussi que je viens de refermer un grand livre.

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Le bûcher



Une adolescente de 13 ans vient vivre chez sa grand-mère après le décès de ses parents.



La Roumanie vient de se débarrasser de son triste dictateur et l’heure est aux cruels souvenirs des exactions et des disparus du communisme. Comme après toute libération, on stigmatise les individus, les vengeances et rancœurs macèrent et la petite orpheline devra comprendre, guérir, grandir et se dégager de cet héritage nauséabond.



Si le parcours d’Emma est assez touchant, l’écriture a été pour ma part un vrai chemin de croix: des phrases méticuleusement descriptives dans leur banalité, un excès de pronoms personnels pour une narration au présent (je fais ci, je fais ça, il fait, il fait ça, ...). La lecture en est très alourdie.

Est-ce une manière de se mettre à hauteur d’enfant pour raconter? Pour appuyer le sentiment d’une ambiance lourde où la mort est souvent présente?



Un roman d’apprentissage adolescent et de résilience. Un roman à clés qui désarçonne par ses interprétations d’une réalité historique à peine suggérée.



La magie participe à cette étrangeté, y apportant la seule note de fantaisie, mais je suis hermétique (aussi ;-) à cette thématique.

Je reconnais être complètement passée au large...

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Le bûcher

Étrange, oui, c'est l'adjectif qui me vient quand je tente de définir ce long et lent roman de György Dragomán, grand écrivain hongrois encore peu connu en France. Oui, étrange et beau. Envoûtant même, si l'on accepte de s'y plonger, de prendre son temps, de s'habituer à cette prose toute simple et à cette quasi-absence d'événements, à ces mille petits gestes racontés avec beaucoup de précision et au présent.

Les drames ont eu lieu et l'on arrive après : le camarade-général Ceaucescu (devine-t-on, car son nom n'est jamais cité) vient de mourir et l'on brûle rapidement ce qui appartient à ce temps maudit, les yeux résolument tournés vers l'avenir.

Mais il faut se relever du communisme, panser les plaies de la dictature, se reconstruire après des années de totalitarisme, réapprendre à vivre dans un pays avide de liberté, d'ouverture. On met le feu aux portraits des généraux et l'on tente de construire du nouveau sur des cendres encore chaudes et de terribles souvenirs qui hantent encore les esprits. Il est impossible d'oublier, et le passé resurgit constamment à travers les voix des vivants, des témoins, des familles meurtries à jamais.

Emma, jeune narratrice âgée de treize ans, vit en pension depuis que ses parents sont morts dans un accident de voiture. Un jour, une vieille femme se présente : elle dit qu'elle est sa grand-mère et souhaite que sa petite-fille reparte avec elle. Emma suivra cette inconnue, une femme étrange qui s'adonne à des rituels mystérieux et semble avoir quelques pouvoirs magiques dont elle se sert régulièrement pour mettre à mal les importuns. Qui est cette femme ? Une sorcière, une déséquilibrée ? Ou bien une grand-mère folle d'amour pour le seul être qui lui reste au monde : sa petite-fille ?

Comment la jeune fille va-t-elle réussir à partager sa vie avec une sorcière et un grand-père fantôme ?

Nous découvrons le monde avec les yeux d'Emma, étrangère à tout ce qu'elle voit et entend, essayant comme elle peut de comprendre qui est cette grand-mère, pourquoi elle s'est fâchée avec sa fille, la mère d'Emma, au point de ne jamais la revoir.

La jeune fille tente de deviner ce que cette aïeule a vécu, ce qu'elle a fait pendant le régime de terreur et pourquoi son mari, le grand-père d'Emma, est mort. A-t-il été un mouchard comme certains le disent, s'est-il suicidé ? A-t-il vraiment connu les camps de travail, de rééducation, l'a-t-on obligé à balayer les rues et à oublier son métier de chirurgien ?A-t-il été tué par la police secrète comme certains le disent  ? Qui ment ? Qui dit la vérité ? Et d'ailleurs existe-t-il une vérité et si oui, qui la détient ?

Emma tentera de comprendre, de déchiffrer ce monde opaque, terni par des années de dictature, mais sa grand-mère parle peu. Il faudra à la jeune fille beaucoup de patience pour amener cette vieille femme à se libérer d'un poids trop lourd pour elle. Il faudra à Emma beaucoup de temps, de gestes, de silences pour que se dégèlent les mots de sa grand-mère et qu'ils sortent enfin...

Le bûcher est un roman d'initiation, d'apprentissage : Emma, en observant les gestes de sa grand-mère, va acquérir certains pouvoirs qui vont l'aider à modifier le réel s'il lui déplaît, à moins que cette magie dont elle use ne soit que le fruit de sa volonté, une volonté farouche, inébranlable, un désir puissant de vivre et de profiter de la vie.

Folie, poésie, sensualité se taillent la part belle dans ce roman, que ce soit quand Emma regarde sa grand-mère dessiner des cercles, des spirales dans de la farine ou bien lorsqu'elle assiste à la confection d'un strudel. Souvent, le merveilleux s'introduit dans le réel : les objets semblent avoir une vie propre… En effet, une cuillère en bois peut remuer toute seule une marmite de confiture de prunes ! L'évocation d'un fait sans importance de la vie quotidienne peut soudain basculer dans la fantaisie, le fantastique, le surnaturel et déboucher sur un univers onirique et halluciné. On a parfois l'impression d'être dans un conte : chaque chapitre nous raconte un petit moment de la vie des deux femmes autour d'un motif précis. Dans ce petit village loin de tout et où l'atmosphère est extrêmement pesante, on sent que chacun s'épie, se soupçonne du pire ou, au contraire, regarde l'autre avec bienveillance et amour.

Le bûcher est aussi et surtout l'histoire d'une renaissance : celle d'un pays, symbolisé ici par une jeune fille, Emma, qui va, grâce à sa grand-mère, grandir, mûrir, prendre de l'assurance, devenir une femme forte et volontaire, porteuse d'avenir. La façon dont l'une va éduquer l'autre (et réciproquement!), la complicité qui naîtra entre les deux femmes et l'amour qui les liera à jamais donneront à chacune d'elles une telle force qu'elles en sortiront l'une et l'autre grandies, plus libres et susceptibles d'être heureuses, enfin.

Emma devra tout apprendre. Le pays où elle vit aussi. De tâtonnement en tâtonnement, de douleur en douleur, Emma deviendra une femme et pansera ses plaies tandis que le pays s'ouvrira sur une ère nouvelle. Il faut du temps. Chaque geste compte, chaque parole aussi. C'est précisément ce que le livre nous montre : que tout se fait dans la douleur, la peur, le doute mais aussi l'amour, la complicité et la confiance.

Tout repousse, les cendres sont un très bon engrais, les jardiniers le savent. La grand-mère d'Emma le savait certainement, elle aussi.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Le bûcher

La vieille dame dit qu’elle est sa grand-mère et qu’elle est venue la chercher. Pour elle, Emma est un cadeau du destin, elle n’a plus personne, elle n’a plus que sa petite fille. Emma a perdu ses parents dans un accident de voiture, c’est pour cela qu’elle se trouve dans un orphelinat. Son grand-père s’est pendu, il n’était qu’un sale mouchard, une pourriture, un lâche jusque dans sa façon de mourir. Tout le monde sait que sa grand-mère a passé des années dans un asile de fous. Le camarade général Ceausescu est mort d’une balle dans la tête, mais la violence peut éclater à tout moment, car le passé inachevé est toujours très vivant. Pour Emma la seule chose qui compte c’est de savoir la vérité. Petit à petit, sa grand-mère va la lui raconter.



Un récit conçut comme un journal intime, un roman qui est à la fois une histoire de famille et un tableau historique des années de dictature, la police politique, les dénonciations, les fusillades et les corps qui disparaissent. L’auteur fait aussi référence à la Seconde Guerre mondiale et à l’Holocauste. L’auteur utilise une écriture dense, mais simple, tout est vu à travers les yeux d’une orpheline solitaire. Une jeune fille et sa grand-mère un peu sorcière nous raconte la Roumanie d’après Ceausescu et la difficulté d’oublier cette période noire. Un récit fait de courtes phrases avec des descriptions détaillées comme dans un scénario cinématographique.



Je dois reconnaître que je me suis parfois perdu un peu dans ce récit où la réalité se mélange aux rêves et à la magie, où passé et présent s’entremêlent.



« On ne peut raconter les choses douloureuses que si celui qui écoute a l'impression d'avoir lui aussi vécu la même chose, la même histoire. »

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Le bûcher

Deuxième roman de Dragoman traduit et publié en France, "Le bûcher" est une oeuvre littéraire qui mérite d'être lue.

Nous sommes en Roumanie au lendemain de l'exécution du dictateur roumain. Emma, orpheline à treize ans, est recueillie par sa grand-mère après la mort de ses parents mais les habitants de la ville lui réservent un accueil hostile. Il lui faudra alors découvrir les secrets familiaux intimement mêlés à l'histoire du pays.

Une histoire passionnante qui relate les traumatismes vécus au lendemain de l'assassinat de Caucescu. Dans ce roman habile, on ne nomme jamais le nom du dictateur. Le style de l'écriture semble simple au premier abord avec ses phrases courtes et incisives, mais il est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Le texte est en effet empreint d'une certaine musicalité et poésie. La menace fantôme du communisme n'est jamais très loin, et l'élément magique, personnifié par une grand-mère férue de magie et superstitieuse, nous entraîne dans un monde toujours réinventé. C'est un roman qui raconte également avec brio les difficultés de l'adolescence. Si la mort est omniprésente dans ces 500 pages, elle reste évoquée avec pudeur. Une belle découverte de la littérature hongroise
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Le roi blanc

Né en Roumanie, György Dragomán a quitté ce pays à l'âge de 15 ans pour vivre en Hongrie. Dans le roi blanc, livre traduit dans vingt-sept pays, il fait parler un garçon de onze ans qui fait partager sa vie quotidienne avec une franchise et une spontanéité émouvantes.



Dans la société totalitaire des années 1980, l'absurdité du mode de vie imposé par le pouvoir est de plus en plus fragrante. Non seulement la vie devient absurde mais les souffrances s'accumulent dans ce peuple au nom duquel les autorités sont censées gouverner.

Dès le début, on comprend que son père a été emmené, déporté à cause de ses idées qui déplaisent au pouvoir. Naïvement, son fils croit que des collègues l'ont emmené faire des recherches comme son poste de professeur l'aurait permis mais c'est dans un camp de travail sur le Danube qu'il est interné pour « atteinte à la sûreté de l'État ».

En bute aux moqueries de ses camarades, aux brimades de ses professeurs, notre garçon ne cesse de croire au retour de son père, même s'il ne donne plus de nouvelles après quelques cartes imposées par l'administration. D'un chapitre à l'autre, on souffre avec lui, on découvre une sombre brute, entraîneur de foot, les paris stupides entre garçons, ses premiers émois sexuels avec Iza, studieuse camarade de classe, une mauvaise blague faite par des hommes n'hésitant pas à faire travailler des enfants à leur place…

Les phrases sont très longues comme le récit d'un enfant qui ouvre son coeur et ne sait plus s'arrêter. le récit est délicieux aussi avec des remarques sur le mode de vie, l'embrigadement des écoliers et les résultats trafiqués. Il doit même appeler son grand-père « camarade secrétaire » ! Il y a aussi une bataille épique dans les maïs, l'alcool que des adultes n'hésitent pas à faire boire aux enfants et ce petit Marius, (6 ans et demi) qui, affamé, fait du porte à porte pour vendre des cintres et des épingles à linge en bois.

On découvre aussi comment était géré l'approvisionnement de la population avec cette queue immense devant la supérette pour acheter des fruits exotiques, des oranges et des bananes… Notre garçon souffre avec sa mère et remarque : « … avant que papa ne soit emmené, elle ne cassait jamais rien, et ne claquait pas les portes, même quand elle se disputait avec papa… » Ils vont chez un « camarade ambassadeur » vivant dans quatre appartements regroupés pour lui seul. Sa mère tente de convaincre cet apparatchik d'intervenir en faveur de son mari mais la rencontre tourne mal et l'enfant s'empare alors d'une pièce en ivoire d'un jeu d'échecs : un roi blanc !



Toujours avec ce talisman dans la poche, il trouve la force de résister et d'espérer. le livre se termine avec une scène terrible, atroce, insupportable qu'il ne faut pas raconter mais qui finit d'horrifier devant les perversions des régimes totalitaires
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Le bûcher

Comme une envie de continuer l'exploration de ce territoire à l'Histoire plus que chahutée. Entre Hongrie et Roumanie. Histoire plus que chahutée et dont les romanciers s'emparent avec leurs propres styles, connaissances intimes ou au contraire un recul historique. Originaire de Transylvanie, une région particulièrement ballotée au gré des conflits, György Dragomàn explore ici de façon obsédante l'ambiance singulière qui enveloppe les habitants, sorte de chape de plomb faite de mensonges, de secrets, de suspicion et de peurs après des années de régimes autoritaires.



Si je parle de "façon obsédante" c'est que c'est d'abord cette atmosphère opaque qui a imprégné ma lecture, au fil de la narration par la jeune héroïne, Emma, une récente orpheline de 13 ans. Nous sommes au lendemain de la révolution roumaine (1989) au cours de laquelle le peuple a renversé son tyran, Nicolae Ceaucescu après des années d'une terrible dictature qui a elle-même succédé à d'autres années de plomb, depuis la prise de pouvoir de la garde de fer à la fin des années 30 et l'engagement aux côtés de l'Allemagne nazie pendant la guerre, avant le joug soviétique, une autre forme de totalitarisme. Bref, la population a pris cher, comme on dit. Emma, donc a perdu ses parents dans un accident de la route lorsqu'une femme se présente à l'orphelinat où elle vient à peine d'arriver. Il s'agit de sa grand-mère, dont elle ignorait totalement l'existence. Et qui l'emmène avec elle, dans une région bien éloignée de la ville, une de ces campagnes où règne un esprit assez proche du Moyen-Âge. D'ailleurs, cette grand-mère est un peu magicienne, mystérieuse... et Emma découvre un environnement qu'elle va devoir apprendre à apprivoiser.



L'apprentissage de la jeune fille est double ; elle fait face aux problèmes classiques de l'adolescente qui doit se familiariser avec de nouveaux camarades de classe, un nouveau mode de vie, un nouveau corps aussi, etc. Mais ce parcours est rendu bien plus compliqué par les événements qui ont meurtri le village pendant des décennies. Les secrets sont partout, à commencer par l'esprit de sa grand-mère qui ne se résout à lui raconter son histoire tragique que par épisodes ; ils sont aussi à chercher dans l'actualité plus récente et les atrocités commises par un régime meurtrier. La jeune fille avance pas à pas, au milieu des fantômes et le lecteur avec elle, guidé par une narration extrêmement lente où chaque geste ou presque est décrit et qui contribue à asseoir ce climat très particulier.



Ce que l'on perçoit très bien c'est le désastre causé par des décennies de dictature sur des populations acculées, où chacun est suspect et l'autre forcément un espion à la solde des autorités. Un désastre renforcé par la relative inculture des populations rurales volontairement maintenues hors des progrès de la civilisation, et encore influencées par des croyances ancestrales. Chaque famille est ainsi fortement meurtrie, souvent détruite même par la suspicion ; et renverser un tyran n'est qu'une toute petite étape avant l'immense travail de reconstruction. Qui commence par la libération de la parole et la recherche de la vérité, chemin sur lequel se lance la jeune Emma, auparavant enfant choyée à l'écart des horreurs du monde et désormais confrontée aux fantasmes qui masquent encore trop souvent la réalité, comme des voiles qu'il faut écarter les uns après les autres, ou des couches de crasse qu'il faut gratter avant de retrouver le sujet original.



Une lecture entêtante, obsédante, que j'ai parfois trouvée longue à cause de cette forme particulière de narration extra lente. Mais qui au final parvient parfaitement à faire ressentir cette terrible atmosphère au point peut-être de mesurer le défi qui attend ce peuple engagé dans une transformation aussi douloureuse que salutaire.
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Le bûcher

Je suis assez dubitative face à ce roman, l'histoire d'une orpheline qui rencontre sa grand-mère pour la toute première fois, et qui part vivre avec elle dans une petite ville, peu de temps après la chute d'une dictature. La ville est principalement braquée contre elles, pensant que où la grand-mère ou feu son époux ont été des mouchards, et la grand-mère pratique une étrange magie, plus ou moins prise à un mage juif durant l'Holocauste, ce qui est d'assez mauvais goût. J'aime le thème de la transmission, la tension aussi qui se ressent dans ce livre, car tout du long, on attend l'explosion, qu'elle vienne des habitants, du passé de la grand-mère, de ses pratiques magiques, peu importe.

Mais le style....Le style m'a semblé indigeste, plat, et là où un peu de peps m'aurait été à me passionner pour l'histoire et à passer les quelques longueurs, ça n'a pas aidé du tout!

Reste des thèmes sympas, mais l'essai n'a pas été transformé.

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Le roi blanc

Cela faisait déjà plus de six mois qu’on vivait sans papa



Sous la dictature, un narrateur enfant. Son père arrêté par la police politique et déporté aux travaux forcés sur le canal du Danube.



Derrière les images grisâtres d’une société de haine et de violence, des chapitres pleins de surprises, tantôt comiques, tantôt plus désespérés. György Dragoman, par la seule force de l’invention littéraire, nous fait toucher du doigts l’absurde de cette société. La découverte par un enfant des vexations, des humiliations, de la violence quotidienne. Le chapitre de l’automate et du jeu d’échec est une cruelle illustration des ombres qui dominent les êtres, leurs projections et restreignent leurs rêves. L’histoire du pistolet et du chat, une image de l’enfermement et des actes de pouvoir, de mort, sous la (ir)raison bureaucratique…



Une évocation littéraire profondément humaine d’une société où le mot camarade signifie tortionnaire.
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Le bûcher

Dans le filon surexploité des secrets de famille, le Bûcher est une belle pépite.

Une jeune fille devenue orpheline part vivre avec sa grand mère qu'elle ne connaît pas. Dans la Roumanie à peine sortie du communisme les coeurs ne sont pas apaisés et les rancunes sont tenaces. Auprès de cette grand-mère un peu sorcière à ses heures Emma va tirer les fils familiaux sans savoir s'ils seront honorables.

Mais surtout ces deux femmes vont se découvrir dans une relation rude et tendre à la fois.

L'écriture est oppressante et envoûtante, les sensations de l'adolescence sont finement rendues avec ce qu'il faut de crainte, d'imagination , d'exaltation, d'émois, le tout dans la sourde angoisse d'une tragédie à venir.
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Le bûcher

Le bûcher est un livre magnifique sur la famille, la résilience, ainsi que sur l’impact dévastateur d’une dictature bien méconnue chez nous. Et tout cela avec ce qu’il faut de magie pour ne pas qu'on le lâche!



Grâce à une écriture recherchée, mais efficace, Le bûcher est un roman fascinant… Peut-être est-ce cette sorcellerie qui traverse la vie d’Emma? Peut-être sont-ce ses magnifiques yeux verts que l’on imagine et qui nous charment?… Peu importe la raison, le fait est que l’on dévore ce livre du début à la fin.

Après la mort de Ceausescu (dictateur roumain), Emma découvre l’existence d’une parente: sa grand-mère. Elle quitte l’orphelinat, et retourne dans sa ville natale. Mais malheureusement une dictature ne s’efface pas aussi vite, et l’ombre de Ceasescu continue de planer et d’influencer encore les comportements et les relations sociales…

Je ne sais pas si l’on peut vraiment parler de roman polyphonique. Cependant les récits de la grand-mère, entrecoupant l’histoire principale, sont aussi terribles qu’ensorcelant (pour une supposée sorcière, quoi de plus normal)!

Le personnage d’Emma est très attachant. Elle a une manière d’accepter son sort avec cette placidité et cette froideur qui lui confèrent un caractère soit flegmatique, soit rebelle. Au fur et à mesure, elle va s’ouvrir aux autres, mais surtout à sa grand-mère dont, je l’ai déjà dit, on va découvrir l’histoire au fil des pages…




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Le bûcher

à lire si vous aimez l'univers de Guillermo des Toro au cinéma. On a ici un cadre historique réaliste, la Roumaine d'après la dictature, avec tous les souvenirs du nazisme, une narratrice de 13 ans ignorant tout le lourd passé historique et des événements surnaturels. Anna, orpheline que sa grand-mère, dont elle n'a jamais entendu parler, vient chercher pour la faire vivre chez elle, va découvrir que cette dernière est sorcière, et qu'elle a probablement hérité de ses dons. Mais pas une sorcière avec des gros effets, des formules magiques... plutôt une baba yaga comme dans les contes, dont chaque tâche quotidienne peut devenir une recette magique. Il y a aussi un grand-père dont le fantôme bienveillant se manifeste parfois des fourmis colaboratives, un homme d'argile serviteur et une poupée qui pleure... tout cela au service de la grand-mère, de son envie de vivre malgré les tragédie qui l'ont impactée. De belles descriptions qui laissent le temps à la magie de se manifester doucement...
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Le roi blanc

Le narrateur est un garçon de 11 ans, dont le père est arrêté pour avoir signé une pétition. Nous sommes en Roumanie dans les années 80, dans une région qui semble majoritairement peuplé d'Hongrois. Le livre se compose d'instantanés de la vie de Dzsata, en partant du moment de l'arrestation, moment charnière dans sa vie. Mais même si cet évènement change énormément les choses, Dzsata est un enfant, et vit dans le monde de l'enfance, de l'école, des batailles entre garçons, d'envie de gâteau, d'amours contradictoires... Mais voilà, il vit dans un moment donné à un endroit donné, et le système politique, la tyrannie et le mensonge dans lesquels vit la population affecte aussi la vie des enfants et leurs jeux. La violence, l'injustice se retrouvent à tous les niveaux, dans le comportement des professeurs, qui profitent de leur pouvoir sur les élèves, et les brutalisent, leur demandent de tricher pour ne pas contrarier des plus puissants plus haut. Dans la violence des jeux des enfants, parce que les plus forts savent être impunis, et prennent exemple sur ce qu'ils voient autour d'eux. Dans la façon dont les plus faibles acceptent d'être rudoyés et terrorisés, puisque c'est le fonctionnement normal dans la société dans laquelle ils vivent.



J'ai trouvé ce procédé original, montrer le fonctionnement de cette société totalitaire par le prisme de l'univers de l'enfance. En même temps cela reste subtil, puisque l'univers des enfants est tellement différent de l'univers des adultes, un certain nombre de choses y est par essence incompréhensible, illogique, et un enfant sais qu'il ne peut pas forcément poser trop de questions, ou que les réponses ne lui paraîtront de toute manière pas satisfaisantes.



Un beau livre, même si j'ai trouvé le passage final un peu trop pathétique, mais je pense qu'il était difficile de trouver un dénouement à ce récit qui n'en est pas complètement un.
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Le roi blanc

Parfait, lumineux, touchant.
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Le roi blanc

Bien que ce ne soit pas dit explicitement, le récit se déroule en Roumanie dans le milieu des années 80, sous Ceausescu. Le narrateur, un garçon de 11/12 ans raconte des épisodes de sa vie quotidienne. Son récit s’ouvre sur l’arrestation de son père, opposant au régime, chez lui, par la police politique. Il sera déporté dans un chantier sur le canal du Danube. Dzsátá, c’est le surnom du garçon, reste seul avec sa mère, une femme magnifique de courage qui s’attache à cacher sa douleur à son fils et qui tente tout ce qu’elle peut pour faire libérer son mari, y compris aller rencontrer chez lui un ancien dignitaire du régime où le garçon volera « le roi blanc », une pièce d’un jeu d’échecs. Il nous raconte des épisodes de sa vie dans le village où règne une grande violence autant entre les adultes qu’entre les enfants. Le jeune garçon rencontre aussi quelquefois son grand-père, un dignitaire du Parti, mis à la retraite après l’arrestation de son fils et qui a toujours refusé de voir sa belle-fille qu’il qualifie de « pute juive hystérique ». La scène finale de l’enterrement du grand-père est bouleversante et terrifiante à la fois.



J’ai beaucoup, beaucoupaimé ce roman tout à fait hors du commun. L’écriture particulière, presque dénuée de ponctuation, qui restitue la parole d’un enfant ne pose aucune difficulté de lecture. Les chapitres du livre sont une succession d’épisodes de sa vie. Il pose un regard d’une grande lucidité sur les gens qui vivent dans son village et qui sont singulièrement dénués de toute compassion. La peur les rend égoïstes et cruels. Une seule idée l’obsède : revoir son père, au point de se laisser parfois abuser par des hommes sans scrupule. Ce livre nous restitue le climat oppressant d’un pays soumis à une terrifiante dictature. Pourtant des scènes complètement burlesques viennent souvent en contrepoint de la tragédie. Il est à recommander aux grands adolescents sans aucune restriction ! C’est un grand, très grand roman ! Un futur Goncourt des lycéens ?



note : l’auteur est né en 1973 en Roumanie, dans l’importante minorité hongroise de Transylvanie. Il vit à Budapest depuis 1988 (un an avant la chute de Ceausescu) C’est son deuxième roman mais le premier traduit en français.

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Le roi blanc

Dzsata, 11 ans, vit dans la Roumanie (qui n'est jamais nommée) des années 80, en compagnie de ses parents. Mais un jour, son père s'en va en compagnie de mystérieux inconnus sous prétexte de travail et promet à son fils de l'emmener voir la mer à son retour. En vérité, il a été arrêté et envoyé aux travaux forcés pour cause d'opposition au pouvoir mais cela, son fils ne le découvrira que plus tard. Dès lors, l'attente de Dzsata se fait longue.



Récit à la première personne, nous allons découvrir son quotidien dans un pays sous la dictature communiste où la corruption fait rage, où les enfants sont forcés au travail pour le paiement de bonbons pris par obligation, où la guerre naît entre 2 clans d'enfant pour la possession d'un ballon de foot, où les entraineurs dirigent leur jeunes recrues à coup dans les tibias, où la menace nucléiare n'est pas loin... Bref un pays difficile pour un enfant qui cherche sa place.

Mais il y a aussi les premiers émois amoureux, les expéditions à la recherche d'une salle de projection secrète et coquine, les rencontres avec un grand-père silencieux.

Dzsata espère toujours le retour de son père que beaucoup croient mort et que lui-même cherche à faire revivre dans ses gestes du quotidien : très belle scène de cueillage illicite de fleurs pour sa mère comme avait coutume de faire son père. Père qui est toujours "le roi blanc" (pièce d'échec volée dans la maison d'un ambassadeur du parti) qui le protège de la violence du monde.



Les anecdoctes se succèdent et le roman dresse un portrait noir de cette enfance sous le signe de la violence mais éclairée malgré tout par quelques embellies.

La succession peut toutefois devenir un peu lassante et donner quelques signes d'ennui et de longueur.

Le roman reste pourtant poignant, sans pathos et écrit dans une langue enfantine qui correspond parfaitement au narrateur.



Inspiré par la vie de l'auteur lui-même, hongrois de Roumanie, "Le roi blanc" est un récit très réaliste dans la Roumanie de Ceausescu. Dragoman a quitté la Roumanie avec sa famille pour s'installer à Budapest en 1988 et ce sont les dernières années précédant son départ, les pires du régime, que nous retrouvons ici.

Un auteur à découvrir !
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Le choeur des lions

Les ombres des magies enfantines, la fugacité, toute musicale, que révèlent les fragiles enchantements capturés dans ces belles nouvelles d’une facture à l’évidence quasi classique. De ces dix-huit nouvelles, outre la musique qui les relie, se dégage une très fine relation de l’enfance, ses liens compliqués à la réalité adulte, celle sans doute dont, habilement, l’auteur dévoile la perte, sa souriante mélancolie surtout. Györgi Dragomán charme avec ce Chœur des lions d’une grande maîtrise dans l’évocation des sentiments, dans notre incapacité à les entendre, dans cette capacité que seule la musique aurait à communiquer leur heureuse dissipation.
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Le bûcher

Depuis que sa grand-mère est venue la chercher aux portes de l’orphelinat, la vie d’Emma, treize ans, a basculé. Partie vivre dans son village rude et reculé, elle découvre peu à peu le quotidien de cette vieille dame aux airs de sorcière païenne, dépositaire de rites séculaires et victime des médisances de ses voisins, convaincus qu’elle et son mari entretenaient des liens troubles avec la dictature tout juste renversée… Évoluant dans un univers peuplé de fantômes et de golems, Emma devra comprendre par elle-même de quelles erreurs, de quelles blessures elle est bien malgré elle l’héritière. Décrivant magistralement un monde en proie à la suspicion généralisée et à l’angoisse de la transition, György Dragomán déploie un réalisme magique noir et enchanteur et exorcise à travers la bouleversante quête initiatique d’Emma le passé proche de la Roumanie. A la fois paranoïaque et féerique, Le Bûcher, deuxième roman de l’auteur traduit en français par Joëlle Dufeuilly, envoûtera celles et ceux qui aiment les expériences littéraires étranges et fortes !
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Le bûcher

Roman traversé d'apparition, de cérémoniaux d'une magie enfuie, d'esquisses d'interprétation mais surtout récit au présent de l'adolescente d'une orpheline en pleine transition politique, Le bûcher offre une permanente et tenace opacité. György Dragomán emporte dans la puissance de sa prose elliptique, d'une fausse simplicité.
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