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Critiques de Hannah Kent (189)
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A la grâce des hommes

Attention : gros coup de cœur !

En ouvrant ce livre, vous allez littéralement être plongés en Islande dans les années 1800, vous allez habiter une maison humide et venteuse, vous allez vous réveiller le matin avec du givre sur vos draps, vous allez porter des couches et des couches de vêtements sans jamais pouvoir éloigner le froid de votre corps, vous allez souvent avoir faim, vous serez tout le temps ou presque dehors, dans le vent et le brouillard, vous allez devoir faucher pendant des heures, traire les vaches, tondre les moutons, aller chercher sans cesse des seaux d’eau à la rivière ou réparer des murs en pierre, et lorsque vous serez à l’intérieur, vous allez devoir tisser des kilomètres de cordage ou tricoter sans fin, sans espoir d’une vie différente.



C’est ce que vivent les membres d’une famille et il en est de même pour tous leurs voisins à un détail près : eux doivent accueillir dans leur foyer Agnès, une femme reconnue coupable de meurtre et condamnée à mort. L’île ne possédant pas de prison, c’est au sein de la famille d’un agent de sécurité qu’elle attend la date de son exécution.



Sa venue va bouleverser la vie de cet homme, de sa femme, de leurs deux filles et de leurs domestiques. Ces braves gens n’ont pas le choix, ils savent qu’ils doivent faire leur devoir envers la loi et l’église mais cette présence leur pose un problème de conscience.



J’ai dévoré ces pages, j’ai aimé les descriptions des gestes du quotidien et les paysages.

J’ai été intriguée et passionnée par les réactions de tous concernant la présence d’Agnès, j’ai adoré apprendre à la connaître…et j’ai attendu la fin avec l’espoir d’une fin moins inéluctable que celle annoncée.

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A la grâce des hommes

Gros coup de coeur !

Quand A la grâce des hommes m'a été proposé dans le cadre d'une opération Masse Critique privilège, je ne pensait pas faire une si magnifique découverte. Ce roman qui se déroule dans l'Islande du XIXème siècle met en scène Agnes Magnùsdottir, servante de son état et condamnée à mort pour le meurtre de son amant. Ce pays froid et austère est dépourvu de prison. Pour purger sa peine en attendant la mort, la captive est envoyée dans une famille de fermiers qui la rejette dès son arrivée, horrifiés par le crime qu'elle a commis et les bruits qui courent sur son compte. La seule personne qui accepte d'adresser la parole à la meurtrière est le révérend Toti qui a été choisi pour lui montrer le chemin de la rédemption. Se condamnant au silence dans un premier temps, Agnès va révéler peu à peu plusieurs facettes de sa personnalité. Femme intelligente sachant lire et écrire, dotée d'une capacité d'analyse supérieure à la moyenne, c'est au moment où elle va commencer à raconter son histoire que l'entourage qui la pointe du doigt va comprendre que la vérité que l'on croit connaître n'est pas toujours exacte...



Voilà une lecture qui m'a carrément rétamée, à tel point que l'inspiration pour en écrire la chronique s'est envolée, ayant du mal dans un premier temps à mettre des mots sur les sentiments qui m'ont habitée au fil des pages tant ils étaient puissants. Hannah Kent nous a dépeint une fresque vivante et vibrante de l'Islande pourtant ce n'est pas l'action qui prime dans l'intrigue mais suivre le quotidien de cette femme, dernière condamnée à mort dans son pays, est bouleversant, j'en ai pleuré! Lire un tel récit fait office de piqûre de rappel sur l'injustice qui règne et a toujours régné quand une personne veut aller au-delà de sa condition initiale, les accusateurs ne cherchent jamais à savoir les faits réels et condamnent des pauvres âmes à mourir pour l'exemple. Je pense que c'est ce qui m'a chamboulée c'est de savoir qu'Agnes a certes été la dernière femme à connaître une telle sentence dans son pays mais de nos jours, combien y a-t-il d'Agnès qui connaissent le même sort à travers le monde? Mickbu, dans son excellente critique nous a interpellés sur ce sujet et je rejoins parfaitement son avis. C'est cette vision du roman qui a contribué à me le faire adorer, j'avais beau avoir le coeur retourné au fur et à mesure que j'avançais dans la lecture, il fallait que je sache jusqu'où la connerie des hommes pouvait aller et une fois de plus, j'ai eu la certitude qu'elle n'avait pas de limite et allait jusqu'à enlever des vies gratuitement simplement parce que la différence d'état d'esprit fait peur et n'a pas sa place dans la société.

Dès sa réception, j'ai dévoré le livre en trois jours, on ne peut pas rester insensible devant un tel récit et quasiment un mois et demi après l'avoir fini, le souvenir de cette lecture est encore bien présent comme si je l'avais achevé hier. L'auteure nous a pondu un véritable bijou, cruel, réaliste alors je vous conseille vraiment de le lire, chacun y trouvera un petit quelque chose dedans qui le touchera.

A lire!
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A la grâce des hommes

Cette oeuvre littéraire extrêmement bien rédigée , nous fait vraiment ressentir les émotions des personnages , les paysages ... ce fut pour moi un coup de coeur . A la grâce des hommes est inspiré d'un fait réel en Islande dans les années 1800.

Hannah Kent s'est vraiment bien renseignée et documentée pour écrire un tel ouvrage si poignant .

Agnès jeune fille est accusée à mort pour l'assassinat de son employeur et amant.

Voilà le début de l'histoire ...mais au fur et a mesure des pages ... on va découvrir peu à peu la vie d'Agnès .

Agnès est une jeune qui travaille dans les fermes Islandaises et qui vit modestement hébergée chez les fermiers .Les conditions de travail ainsi que la vie sont rudes .Le climat , la neige ,le vent ne laisse pas de place aux faibles.

Agnès rencontrera Nathan , un homme égoïste , odieux .Par ses belles paroles, lui fera découvrir l'amour ..il lui propose de l'emmener dans sa ferme ou elle sera la gouvernante .....

Malheureusement , Agnès naïve , jeune et amoureuse croirais paroles de cette homme.



Dans les années 1800 en Islande , il n'y a pas de centres pénitentiaires et Agnes qui est condamnée à la peine capitale est hébergée en attendant la date de l'exécution chez une famille d'accueil.

Elle est sous la responsabilité d'un homme de Dieu qui à en charge la préparation d'Agnes au jugement dernier.

Agnès arrive donc dans cette famille ou elle est accueillie avec réticence et ou elle est considérée comme la criminelle.

Au fur et mesure des visites du pasteur , Agnes va se confier et raconter son histoire ....

La famille l'acceptera et aura de l'empathie pour Agnes qui est une jeune fille intelligente ...elle aidera même une voisine à accoucher alors que son bébé se présentait en siège ....Elle a sauver la vie de cette famille.



Je vous recommande ce livre ...je ne connaissais pas l'Islande , ni ses paysages ...

Je vous recommande ce livre car parfois la vie est injuste et ce livre remet les idées en place...surtout quand il est si bien écrit .
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A la grâce des hommes

Un des aspects que j'aime dans la lecture, c'est la possibilité qu'elle nous procure de voyager, dans l'espace et dans le temps.

Avec ce roman, question voyage, j'ai été servie !

Hannah Kent nous emmène dans l'Islande du début du dix-neuvième siècle.

La vie des fermiers y est rude.

J'ai adoré partager le quotidien de ces gens modestes, courageux et attachants.

J'ai vécu dans leurs maisons complètement dépourvues de confort ; il y fait froid et humide, on n'y est pas à l'abri du vent ("J'ai vécu à demi gelée pendant si longtemps que l'hiver semble avoir élu domicile dans ma moelle épinière.").

J'ai dormi avec la maisonnée dans la pièce principale, cette pièce dans laquelle on vit et on dort tous ensemble, sans intimité possible.

J'ai travaillé dur, en toute saison et par tout temps. Je me suis occupée des bêtes et j'ai disputé à une terre aride une maigre subsistance.

J'ai vécu une autre vie, elle était difficile, mais qu'est-ce que j'ai aimé ça !

Mais ce n'est pas tout. Loin de là.

Hannah Kent ne s'est pas contentée de nous immerger dans cette Islande du passé.

Elle a écrit un roman historique dans lequel elle nous raconte la vie d'Agnes Magnúsdóttir, la dernière condamnée à mort islandaise.

En ces temps-là, l'Islande ne possède pas de prison, et c'est dans une famille qu'Agnes va attendre son exécution.

Imagine-t-on couloir de la mort plus cruel ?

Car si la méfiance est au départ de mise des deux côtés, la cohabitation forcée va nécessairement créer des liens entre la "prisonnière" et ses "geôliers".

La vérité n'est pas celle que l'on croit ("Comme la fine pellicule de glace sur l'eau d'un étang, la vérité est trop fragile pour mériter notre confiance."), et va se dévoiler petit à petit au cours d'une histoire haletante, digne des grands polars.

Pour son premier roman, Hannah Kent fait preuve d'un immense talent. Elle s'est inspirée d'une histoire vraie pour construire un récit puissant et très bien rédigé, dans lequel l'émotion monte au fil des pages.

Un très beau livre dans lequel la vie des hommes et la nature sont intimement liées.

Une grande réussite.
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A la grâce des hommes

L’histoire se déroule en Islande, au début du XIXème siècle. Agnès Magnusdottir est accusée de complicité pour le double meurtre de Natan Ketilsson, son amant, et celui de Pétur Jonsson. Jugée coupable, la jeune femme, ainsi que ses deux acolytes, est alors condamnée à la peine de mort. Mais en attendant que la sentence soit exécutée, Agnès se retrouve placée dans une ferme, isolée dans la campagne islandaise, à Kornsa. Son arrivée comme domestique chez Jon Jonsson, le policier du canton, et sa femme Margrét est vue d’un mauvais œil par les gens du coin, qui voient en elle une menace pour leurs enfants et leur tranquillité. Mise à l’écart par la famille, elle va néanmoins trouver une oreille attentive en la personne du sous-révérend Thorvardur Jonsson. Chargé d’aider cette brebis galeuse à retrouver le chemin vers dieu, cet homme bienveillant va tout faire pour comprendre ce qui s’est réellement passé et accompagner de son mieux la jeune femme dans les derniers mois qui lui restent à vivre, afin qu’elle parte l’esprit apaisé…





« A la grâce des hommes » reprend l’histoire vraie d’Agnès Magnusdottir, la dernière femme à avoir été condamnée à mort en Islande, en 1930. Hannah Kent nous livre un portrait contrasté de cette femme aux multiples facettes. Abandonnée à ses huit ans par sa mère, Agnès a dû se construire seule, parcourant l’Islande de fermes en fermes et proposant ses services en échange du gîte et du couvert. Malgré sa basse extraction, la jeune fille fait preuve d’une grande intelligence et d’une volonté redoutable. Son érudition et son désir de réussir afin de s’extraire de sa classe sociale, lui vaudront d’être diabolisée et jugée manipulatrice par ceux qui l’ont connue. Le portrait d’une femme froide, calculatrice et insondable se mêle donc à celui d’une femme blessée, vulnérable, évoluant dans un monde violent et impitoyable, dominé par les hommes. Agnès a beau être coupable, on s’y attache dès lors qu’elle nous livre ses failles.





Un roman à l’ambiance sombre, glaciale, qui dépeint une Islande hostile et rude pour ceux qui y vivent. Un climat qui endurcit les hommes, qui ne connaissent que trop le froid et la faim. Je me suis complètement laissée prendre par cette atmosphère oppressante et cette plongée dans les mœurs islandaises. Même si l’issue est connue d’avance, j’ai trouvé le sujet intéressant et bien traité. Les personnages sont bien représentés et les différentes voix des narrateurs qui se font entendre rendent le récit vivant et l’éclairent d’un regard chaque fois différent. Un roman habilement construit donc, qui offre une lecture agréable et particulièrement prenante.





Un grand merci à Babelio et aux éditions Presses de la cité pour cette découverte réalisée dans le cadre de l’opération Masse Critique !

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Incandescentes

En 1836, dans un petit village de Prusse, vivre sa foi est devenue difficile pour les vieux-luthériens , des protestants rigoristes, leur église est fermée et ils doivent se réunir en secret dans la forêt pour célébrer leur culte.



C'est là que vit Hanne, une jeune fille qui se sent exclue du cercle des autres jeunes filles de son âge et elle supporte mal la rigidité et l'obligation des tâches incombant aux femmes .

Elle et son frère jumeau , Matthias se sentent mal-aimés de leurs parents et Hanne s'enfuit souvent dans la forêt, elle entend les arbres chanter et les considèrent comme ses seuls amis.



Un jour de brouillard, elle fait la connaissance de Thea , une jeune fille de son âge dont la famille vient d'arriver au village.

D'emblée, entre les deux filles c'est l'étincelle et une profonde amitié nait et s'enracine . Ce sont vraiment deux âmes sœurs qui se comprennent et s'aiment.



Coup de tonnerre au village, l'autorisation est enfin donnée à la communauté protestante de pouvoir s'exiler et fonder son église . Pour eux , ce sera l'Australie.



IL faut tout quitter, les préparatifs sont fébriles , l'arrachement à leur pays d'origine est dur mais l'espoir d'une vie plus accomplie dans leur foi est fort leur permettant de supporter, pensent-ils le long voyage de 6 mois en bateau .



Tempêtes, avaries, promiscuité, pénurie d'eau et maladies rendent leur traversée éprouvante et les morts clairsèment les familles .



Celles de Hanne et Thea ne sont pas épargnées alors que l'amour entre les deux amies se renforcent.



Fin de la première partie .



Et là, au début de la partie suivante, le choc , avec un récit qui devient beaucoup plus onirique , surnaturel puisqu'il est raconté par un fantôme , une âme errante.



Lors de l'arrivée des vieux -luthériens en Australie , des terres leur sont octroyées, ce sont celles du peuple primitif Peramangk qui sont plutôt accueillants , aidant même les nouveaux arrivants à survivre à l'hiver en leur montrant les sources de nourriture .



Il se greffe dans le récit une accusation de sorcellerie contre la mère de Thea, Anna Maria qui est sage-femme et guérisseuse .

Ce soupçon , accentué par la jalousie poursuit cette femme et retentit aussi sur sa fille avec des conséquences qui vont être dramatiques .



Si j'ai été assez intéressée par le coté historique véridique entre l'expulsion de ces gens liée à leur pratique religieuse et la dépossession des terres des autochtones , oh combien habituelle sans que cela soit un problème , ce n'est pas vraiment le sujet principal de ce roman plus axé sur cet amour entre Hanne et Thea au delà du réel , je n'ai pas une attirance pour le surnaturel et les fantômes , cela ne m'émeut pas , je dois l'avouer ...



J'avais beaucoup plus apprécié @À la grâce des hommes lu en 2014.



Je remercie Masse Critique et les Éditions Presses de la cité
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A la grâce des hommes

Islande, 1829. Agnès Magnusdottir est condamnée à mort pour avoir tué son amant Nathan Ketilsson. Avant son exécution, elle est logée par la famille de l’agent de sécurité de Kornsa, Jon Jonsson. Sa femme et ses deux jeunes filles craignent la prisonnière avec qui elles vont devoir travailler. Totti, un jeune révérend, vient voir Agnès pour l’aider à se préparer à sa mort prochaine.

Pour écrire A la grâce des hommes, Hannah Kent s’est inspirée d’une histoire vraie. Agnès Magnusdottir a vraiment existé. C’est une histoire émouvante même si l’histoire se met doucement en place. Agnès effraie au début, par son allure, par son attitude. Et puis, petit à petit, elle arrive à convaincre son entourage de sa bonne nature. Les conversations entre le révérend Totti et Agnès sont captivantes, le passé de la prisonnière est dévoilé : abandonnée par sa mère, travailleuse depuis son plus jeune âge, elle peine à gagner sa vie. J’ai été un peu frustrée que la vérité sur le meurtre de son amant soit dévoilée qu’à la fin, comme dans un policier. On découvre aussi l’Islande du début du XIXe siècle : des paysans besognant les terres, un temps froid très présent et un pays très religieux où Agnès Magnusdottir sera la dernière condamnée à mort.

Un roman très touchant d’Hannah Kent.

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A la grâce des hommes

J'ai découvert cet auteur dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio.

J'ai apprécié le thème original, inspiré de faits réels.

L'héroïne du livre, Agnes Magnusdottir, a été la dernière personne exécutée en Islande, en 1828.

Elle a été accusée avec deux autres personnes d'un crime commis sur la personne d'un certain Natan Ketilsson, personnage assez complexe, mi-sorcier, mi-guérisseur.

Le récit nous entraîne donc dans une Islande bien différente de celle que nous imaginons facilement. Ici la nature grandiose est peu évoquée, en revanche nous vivons le quotidien des gens du peuple, population paysanne soumise à une vie rude et austère, et soumise aux caprices de la Nature.

Agnes est un personnage à part, rejetée très vite par les communautés rurales. Elle a un parcours difficile: elle a été abandonnée par sa mère, ses parents n'étaient pas mariés, et elle a été ballotée de famille en famille, devant survivre comme elle pouvait sans aucune aide et aucun lien familial.

Le pasteur Toti est chargé pendant plusieurs mois de préparer religieusement Agnes à sa fin prochaine.

Celle-ci doit habiter chez l'adjoint du commissaire de police et la famille de cet adjoint est terrifiée à l'idée de devoir accueillir une criminelle.

Le récit est captivant surtout dans la première partie, ensuite le rythme se ralentit un peu trop je trouve.

L'atmosphère est bien rendue et on pénètre l'intimité et le quotidien de ces personnages rudes et attachants.

L'auteur rend les moindres détails avec une minutie extrême: ainsi le compte rendu du commissaire indiquant au gouverneur qu'il va falloir commander une hache à Copenhague pour l'exécution.

Un beau roman historique, plein d'authenticité, attachant même si le rythme ne suit pas toujours.

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A la grâce des hommes

Je ne connais pas grand-chose de l'Islande, excepté que c'est, comme son nom l'indique, une ile, qu'elle est couverte de glace et peu peuplée (ça c'est à cause de la coupe du monde...). Avec ce premier roman d'Hannah Kent, je sais à présent qu'au XIXème siècle, on y vivait de ce que l'on produisait, que même les "nantis" qui n'étaient pas que fermiers avaient du mal à joindre les deux bouts, ou tout simplement à isoler avec du bois les murs de leur maison, que tout le monde, maitres, employés, invités, dormait dans la même pièce, le badstofa, et que c'est en 1830 qu'a eu lieu la dernière application de la peine de mort pour une femme. Cette femme s'appelait Agnes Magnusdottir, et avait tué, à l'aide d'un homme et d'une autre femme, deux hommes, dont l'un était à la fois son employeur et son amant.

A la grâce des hommes raconte les derniers jours d'Agnes à Kornsa, dans une ferme obligée de l'accueillir jusqu'à ce que soit fixée la date de son exécution. Elle y sera servante, et devra tenter de se repentir de ses pêchés afin de se remettre dans les petits papiers du Créateur qu'elle ne tardera pas à rejoindre.



Il y a beaucoup de choses que j'ai aimé dans ce roman. La reconstitution de la vie du XIXème siècle en Islande, très bien réussie, est sans doute ce que j'y ai préféré. Qu'il s'agisse des activités, des modes de vie, de la nourriture, des habits, on se sent complètement immergé dans cette société. J'ai beaucoup aimé également les portraits d'Agnes et de Margret en particuliers. Deux femmes fortes et intelligentes dans un monde gouverné par des hommes, chacune sachant sa fin proche. Il faut dire que les hommes de cette histoire ne sont spécialement présentés sous leur meilleur jour, sauf peut-être le gentil et naïf sous-révérend Toti. L'alternance de la vie à Kornsa et des évènements qui y ont conduit Agnes, des poèmes et autres correspondances, rythment gentillement le récit, et il y a même un semblant de suspense quant à ce qui s'est réellement passé à Illugastadir, le lieu du double meurtre.

Dans "La note de l'auteur" en fin d'ouvrage, Hannah Kent explique que les ouvrages se rapportant au double meurtre d'Illugastadir "tendent à donner d'Agnes l'image d'une sorcière inhumaine, attisant les pulsions meurtrières". Son intention était "d'offrir aux lecteurs un portrait plus contrasté de cette femme". Et c'est un peu là que se trouve ma légère déception vis-à-vis de cette lecture : il y a un parti pris trop visible d'innocenter, ou en tout cas, de défendre le "cas Agnes Magnusdottir", au point d'affadir un peu, de mon point de vue, la modernité du personnage.

Mieux vaut en tout cas ne pas être à la merci des hommes, et ne pas s'en remettre à leur grâce !

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A la grâce des hommes

Très beau moment de lecture. Moment que je dois à Nastie92 (un grand merci !) dont le commentaire m'avait donné envie de me plonger dans ce texte, dans cette Islande du début du 19e siècle, auprès de ces fermiers qui vont loger une jeune meurtrière jusqu'à son exécution.

Un roman que j'avais du mal à lâcher (l'atmosphère y est tellement bien rendue !) mais que j'ai néanmoins laissé traîner, car justement j'appréciais de retourner dans ces vallées pauvres, soumises aux aléas du temps. Je n'avais pas envie d'aller trop vite, le dénouement étant malheureusement connu.

Un beau roman, basé sur des faits réels, une description de l'Islande du 19e très documentée, des personnages bien campés et très attachants, une atmosphère envoûtante.... En un mot j'ai savouré et me suis régalée !
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Dans la vallée

L'Irlande du 19ème siècle, celle des campagnes et de la pauvreté : voilà le décor de ce beau roman d'Hannah Kent, une saga qui nous plonge dans cette campagne irlandaise avec un soin extrême dans la reconstitution



Hannah Kent qui s'est fait connaître avec À la grâce des hommes (Presses de la Cité, 2015), a construit son second roman en prenant soin de mélanger avec une grande maitrise fiction aux faits historiques, avec en toile de fond pas mal de croyances et de mythologie, le récit est un bel hommage à la nature et à ses pouvoirs infinis



Inspiré de faits réels, Dans la vallée montre à quel point le folklore irlandais était un système de croyances populaires extrêmement complexe, d’une ambigüité terrifiante.Grâce à un talent de conteuse hors pair, l’auteure fait revivre la vallée et le comté de Kerry. entre malnutrition et misère la plus totale.



La plume de Hannah Kent est si finie qu'elle parvient à rendre ces gens de petite condition attachants et souvent poignants.







L’ensemble sonne si juste tour à tour ombre et brumeux , à l'image de cette campagne irlandaise que Hannah Kent décrit.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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A la grâce des hommes

L’histoire islandaise d’une femme condamnée à mort au 19e siècle.



Comme on n’a pas de prison pour l’accueillir, la condamnée sera logée dans une ferme, au lieu d’une famille de paysans. D’abord horrifiée, la mère en viendra à apprécier cette femme meurtrie qui travaille de son mieux et est généreuse dans l’aide qu’elle apporte. Elle ne semble pas du tout la criminelle dangereuse qu’elle avait craint de devoir héberger.



Pour aider la condamnée à se repentir, un jeune religieux lui rend visite. Il lui demande de raconter son histoire et c’est ainsi qu’on en saura davantage sur la vie d’Agnes et sur les coutumes du pays à cette époque.

Un roman qui a une part de polar, avec le suspens d’attendre la résolution des meurtres.



Un roman dépaysant, des conditions de vie difficile, avec par exemple une famille pauvre qui a vendu jusqu’au bois de ses murs intérieurs pour survivre.



Mais c’est surtout la triste histoire d’une femme pas comme les autres dans une société qui ne pardonne pas facilement.

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Dans la vallée

Dans la vallée Hannah Kent Les Presses de la Cité Août 2018.



Roman surprenant et fascinant que celui-ci, un roman qui nous entraine en Irlande au début du 19 ème siècle dans une vallée encaissée, un petit village est éparpillé sur les coteaux. An 1846, Martin s'effondre brutalement alors qu'il s'activait à nettoyer un fossé. Nora sa veuve est anéantie, d'autant plus que depuis peu ils ont recueilli Micheal ,le fils de Johanna leur fille trop tôt disparue.. Mais cet enfant handicapé, incapable de marcher ou de parler alors qu'il va sur ses 4 ans est-il vraiment son petit-fils? N'y a t'il pas eu un échange fait avec un Fé , les Bonnes Gens sont si présents.... Se pose alors la question si il y a eu échange comment récupérer le vrai petit-fils et qui peut réussir l'opération si ce n'est Nance Roche, celle qui a un don, celle qui sait les plantes, les remèdes et accouche les femmes. Mais c'est sans compter sur le nouveau curé le Père League hostile à toutes ces pratiques qu'il juge païennes et hérétiques au nom de la Très Sainte Eglise ... Un roman qui démarre lentement, au pas lourd des hommes fatigués par le labeur et l'inquiétude des jours à venir, un roman qui soudain vous happe et que vous ne lâcherez plus .. Que reste t'il de toutes ces croyances dans le subconscient irlandais actuel? sans doute plus que nous le soupçonnerions .. Un bien beau roman que je recommande à tous ceux et celles qui aiment l'imaginaire et les légendes qui s'y rapportent . Bonne lecture.

Merci beaucoup aux Presses de la Cité via NetGalley pour ce partage.

#Rentreelitteraire2018 #NetGalleyFrance
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A la grâce des hommes

1828, vallée de Vatnsdalur, au nord de l’Islande. Agnes Magnúsdóttir, une jeune femme condamnée à mort pour l’assassinat de son employeur et amant, est confiée à une famille de paysans en attendant la date de son exécution. L’affaire est inspirée d’un fait divers réel, minutieusement étudié par Hannah Kent, qui s’est rendue sur place et a pu examiner les archives locales et s’imprégner de l’atmosphère des lieux. Hannah Kent connaît donc bien son dossier, du caractère supposé des divers protagonistes mêlés au drame au protocole des exécutions capitales par décapitation à la hache, en passant par l’ambiance humide et l’odeur des badstofas, pièces communes chauffées à la briquette de bouse séchée où s’entassaient les habitants pour manger et dormir, si quelqu’un peut maintenant ouvrir une fenêtre, là, je suis pour. Inutile d’en dire plus sur l’histoire, déjà abondamment commentée avec moult détails dans une quarantaine de critiques sur Babelio.



Ce roman déroule une trame de récit sans surprise et au dénouement connu d’avance, étant donné qu’il raconte la dernière exécution capitale islandaise. On aurait donc aimé trouver un peu plus de rebondissements dans la mise en scène, susceptibles au moins de conserver intact jusqu’au bout l’intérêt du lecteur. Un faux suspense est distillé avec le récit intérieur de la condamnée, insérant dans la trame principale les épisodes de sa vie en flashback conduisant à la scène de crime. On assiste sinon à la renaissance d’Agnes, bête sauvage écumante de rage tout juste sortie du cachot, retrouvant peu à peu son humanité en participant aux travaux de la ferme. On aurait aimé de la part d’un tel personnage un peu plus de mordant et de combativité pour faire valoir son point de vue, adopter une stratégie de défense plus convaincante et sortir de cette résignation passive qui la condamne.



Je reste par ailleurs sceptique devant la pertinence du principe littéraire consistant à mêler aussi intimement réalité historique (contrainte par les faits) et développement romanesque comportant ici une part importante d’extrapolations, d’interprétations et de partis-pris de l’auteur. Nul ne sait si la véritable Agnes Magnúsdóttir correspond bien au personnage sensible et érudit décrit dans le roman qui cadre d’ailleurs assez mal avec les faits brutaux qui lui sont reprochés, officialisés dans les documents de l’époque.



On retiendra au final deux ou trois leçons de cette lecture : la dure vie des paysans islandais en ce début du XIXe siècle, utilisant des outils de production directement issus du moyen-âge, harassés par le travail ingrat de la terre où chaque bras compte (y compris ceux d’une condamnée à mort provisoirement condamnée aux travaux d’intérêt généraux, c’est toujours ça de pris), l’importance de la religion et de ses représentants dans le maintien de la cohésion sociale, le pouvoir dépêchant sur place un sous-révérend pour verser l’opium du peuple dans le dernier verre de la condamnée, et, malgré tout, la modernité de l’Islande, dont la dernière exécution capitale date de 1830 (1977 en France) et qui a officiellement aboli la peine de mort en 1928 (1981 en France).
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A la grâce des hommes

Assurément, ce n'est pas le livre qui était bien choisi en fonction des attentats à Bruxelles. Je crois qu'aucun livre n'aurait pu convenir. Mais, il était commencé avant.

Bon, ceci mis à part, les évènements se passent en 1828 en Islande. Agnes Magnusdottir a tué son amant Natan Kettilson.

Elle est placée dans une ferme en attendant son exécution.

C'est un roman très bien écrit. Il relate bien les moeurs de cette époque dans ce pays du bout du monde.

La pauvre cherche à faire comprendre les raisons de son meurtre et désire un peu d'humanité.
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A la grâce des hommes

Immersion dans l'Islande du 19 ème siècle, rustre, sauvage, inhospitaliere. Agnès Magnusdottir, jeune paysanne, est accusée d'un double meurtre avec deux autres personnes, elle a été condamnée à mort. En attendant que la sentence soit exécutée, elle est envoyée dans le nord du pays, dans une famille de fermiers qui doivent l'accueillir jusqu'à son exécution. Les fermiers, leurs filles et les voisins immédiats ne sont pas rassurés de devoir côtoyer une criminelle. Agnès, d'abord mal accueillie, finit par acclimater la mère et l'une des filles qui finissent par la prendre en pitié. Agnès reçoit les visites d'un pasteur qui doit l'accompagner, spirituellement, jusqu'à la fin. Au fur et à mesure, la parole d'Agnès se libère, et elle commence à livrer sa version des faits et parler de sa triste vie.

Abandonnée par sa mère à l'âge de 6 ans, elle n'a jamais connu d'amour et de tendresse. Placée dès l'enfance comme journalière dans des fermes, maltraitée, méprisée, abusée. Elle s'attache à une fermière qu'elle considère comme sa mère et qui meurt en couches sous ses yeux..Sa misérable existence se résume à des places successives dans des fermes où elle connaît le froid, la faim, le manque d'hygiène , elle vit dans des conditions atroces, allant jusqu'à manger du suif de bougie et à machonner du cuir pour tromper sa faim. Sa courte vie n'est que douleur, malheur . Dans ce pays où la rudesse du climat n'a d'équivalent que la brutalité des habitants : paysans, pecheurs, chasseurs, ignares, rudes, superstitieux qui sont sans empathie pour plus faibles qu 'eux.

J' ai été suspendue aux lèvres d'Agnès, à mesure qu'elle livrait sa vérité, espérant qu'elle n'avait pas commis l'irréparable et qu'elle serait graciée, au final.

Ce roman m'a permis de découvrir la vie âpre en Islande à cette époque chez ce peuple confronté aux éléments :mer, vent, froid glacial, neige, manque de nourriture et qui vivent dans des maisons en tourbe mal isolées, élevant des moutons, pêchant la baleine, chassant les animaux sauvages, les phoques pour leur viande et leurs peaux. Une vie dure toujours sur le fil du rasoir.

L'auteure a admirablement dépeint cette atmosphère et ces gens. La fin du roman m'a émue aux larmes. J'ai pleuré sur cette vie misérable, perdue et trop courte.
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A la grâce des hommes

En 1830, l'Islande est danoise.

Deux meurtres sauvages ont eu lieu. La population est d'autant plus horrifiée, que l'une des deux victimes est une sorte de médecin-herboriste, très charismatique. La police et la justice veulent faire un exemple. Les trois accusés sont condamnés à la peine de mort par décapitation. Pour exécuter le jugement, il faut attendre la confirmation par Copenhague, organiser l'exécution (choisir le lieu, trouver le bourreau, faire fabriquer la hache) et héberger les condamnés. Pas de prison à l'époque en Islande. Il a été donc décidé que chaque condamné sera déplacé dans une famille de fermiers et surtout accompagné par un révérend qui les visitera régulièrement, les sermonnera pour mieux les préparer à leur fin. Pas de frais de garde : pas de possibilité de s'enfuir car le climat est hostile et tous les paysans se connaissent. C'est une bonne affaire pour la ferme qui pourra faire travailler le condamné et recevra même un petit subside. Le travail est harassant et le pays est pauvre, miséreux.



Quand le roman commence, seule une femme reste à croupir au fond d'un réduit, ayant refusé le Révérend qui lui était alloué. Elle a exercé le seul droit qui lui reste et a choisit un tout jeune révérend pour l'accompagner vers son supplice. Première caractéristique d'Agnès : réduite à l'état de bête, fermée sur son silence « Je suis résolue à me fermer au monde. » mais qui choisit.

Elle arrive à la nuit tombée, dans une ferme pauvre , au sein d'une famille unie horrifiée et tétanisée par la peur face au monstre que tous voient en elle. Elle est d'une saleté repoussante et c'est la maîtresse de maison qui va la décrotter, la décrasser, sorte de « baptême » la ré-introduisant dans le monde des humains. Or le monde des humains est celui de la parole. On sait dès lors que le sujet de ce livre est la parole d'Agnès.



La ferme est faite de tourbe et les habitants ne peuvent se réunir que dans une seule salle, à la fois séjour et dortoir. Quand le révérend viendra accomplir sa mission auprès d’Agnès, c'est dans cette pièce qu'ils échangeront, discuterons. Même en s'isolant dans un coin, les autres entendront, écouteront.

Et c'est ce récit que nous suivons : quand Agnès raconte sa vie, son cheminement, quand elle s'investit dans son travail et y trouve un plaisir, quand elle s'investit dans cette famille, dans ce voisinage par son savoir et sa personnalité, et s'y fait accepter, respecter.

A la vérité du procès, va se substituer, peu à peu, une autre vérité : celle d'Agnès.



Hannah Kent a vécu en Islande, parle islandais et est complètement sous le charme de ce pays. Elle a envie d'évoquer la beauté de ses paysages, la poésie de sa culture, cette vie sociale où le silence est celui de la réflexion, pas de l'indifférence. Il y a cette qualité de silence dans « Le Festin de Babette » .

Devant le cadre exceptionnel de cette île, c'est à se demander si ces vents furieux, ces tempêtes de neige, ce froid, ce givre qui s'immisce même dans les lits, ces bois flottés rejetés rageusement par les flots, si tous ces éléments ne façonnent pas les habitants dans leur vulnérabilité et leur austérité. Il y a quelque chose des « Hauts de Hurlevent » dans ce récit.



Le déclencheur à ce roman, c'est le fait réel du meurtre d'Illugustadir, et la raison de ce roman cette Agnès représentée comme un stéréotype de femme monstrueuse, l'équivalent de Landru dans notre imaginaire. Hannah Kent est allée à la découverte de cette femme, à percé l'image de sorcière qui colle au nom d'Agnès Magnusdottir ; elle lui a redonné une réalité, a réalisé un fabuleux cheminement pour reconstituer plausiblement sa vie et donner un autre éclairage de sa personnalité. Agnès est une femme aguerrie, caustique, bien instruite du dogme chrétien et de la culture islandaise. Si elle choisit ce tout jeune révérend, c'est parce qu'elle l'a déjà rencontré et reconnu en lui de la magnanimité, c'est aussi parce qu'il écoutera plus qu'il ne sermonnera. Manipulatrice ? Sans aucun doute : un de ses traits sombres, qui lui confère encore plus d'humanité . Adresse de l'auteure qui en même temps suggère qu'il ne lui était pas possible d'être autrement dans cette situation de femme seule, sans protection aucune, pas même celle d'une famille.

A côté d'elle, deux autres portraits de femme : Margret, la maîtresse de la ferme qui l'héberge et Rosa la poétesse. Agnès a toutes les capacités d'une bonne fermière et comme Rosa, qu'elle qualifie de son amie, elle-aussi à ce don de poésie. Bien que non dit clairement, elle à qui Natan avait promis ce poste d'intendante à Illugustadir et qui l'en a flouée, elle qui s'est vue préférer Rosa par Natan, l'homme qu'elle aimait, elle qui se retrouve à épauler Margret, n'éprouve-t-elle pas une sorte d'amertume ? Son attitude est toujours digne, sans soumission et à l'intérieur, elle s'exprime avec une émotion à fleur de peau. C'est cette dualité de sentiments, juste suggérée par l'auteure, qui nous la rend profondément humaine.



Hannah Kent par ce récit, nous fait découvrir un autre « personnage » de second rôle : l'organisation de la Religion, véritable terreau spirituel de la vie sociale. Les Révérends allaient de fermes en fermes pour exercer leur sacerdoce, mais aussi recenser la population, suivre les déplacements des ouvriers, éduquer les populations. Sachant lire, les sagas aussi participaient à l'éducation, à la spiritualité. Les religieux assuraient également - et bien chichement compte tenu de la misère du pays et du nombre d'indigents, d'enfants abandonnés - ce que nous appellerions aujourd'hui l'assistance sociale. Fonder une famille n'était pas facile pour les journaliers, alors comme Agnès, son frère et sa sœur, des petits de six ans ou moins étaient abandonnés aux bons soins de la Paroisse, comme au coin d'un congère, qui apprendrons vite que la pitance se gagne à tout âge, qu'il faut aller d'un lieu à un autre et que la nourriture n'est fourni que s'il y en a . C'est comme cela qu'Agnès a été formée, éduquée : au hasard de ses séjours dans les fermes, celles de cette vallée, surveillée d'un peu loin par les révérends. Et la dernière ferme où elle arrive et celle où elle a vécue son enfance ; étrange boucle !



Personnellement, dans ce roman j'ai plus entendu un portrait de femme, éclairé par le contexte de la société dans laquelle elle vit plutôt qu'un plaidoyer contre la peine de mort. Il y a de la mansuétude et du respect dans le fait de ré-introduire ces condamnés dans la vie des fermes en les accompagnant spirituellement. Certes l'échéance est brutale et inéluctable, mais l'est-elle moins du fond d'une geôle ? Sur ce sujet, décapitation ou guillotine c'est toujours « couper un être vivant en deux » et en Islande, ce dernier barbarisme a eu lieu en 1830.



La technique d'Hanna Kent est totalement maîtrisée (elle donne des cours d'écriture et est cofondatrice d'une revue littéraire). Le roman suit une chronologie, ponctuée par les textes officiels, et les différentes voix qui se mêlent. Même si j'apprécie cette technicité, le travail d'investigation minutieux effectué, c'est le style de cette auteure qui m'a complètement enthousiasmée, surtout pour ses envolées lyriques quand Agnès décrit ses émotions, son ressenti, ou dans la description de la nature et des paysages islandais. J'espère une autre œuvre de cette auteure où elle laissera plus de place à son lyrisme...

Comme certain le chante : « Tout est bon chez elle, y a rien à jeter ... »



Belle découverte d'une auteure pleine de promesses grâce aux Editions Presses de la Cité, et pour moi, grâce à la Masse Critique de Babelio. Merci à eux.
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A la grâce des hommes

+++ Lu en VO +++



1830 – Islande

Agnès Magnusdóttir est condamnée à mort pour avoir assassiné le propriétaire de la ferme où elle était servante et pour avoir ensuite incendié les lieux.



En attendant que sa sentence soit exécutée, elle est placée en résidence surveillée dans une ferme appartenant à l’agent de sécurité de la commune, Jon Jonsson. La famille de ce dernier est à la fois effrayée et honteuse d’avoir à héberger une criminelle pendant plusieurs mois, mais la venue d’Agnès signifie aussi qu’ils vont avoir une compensation financière et aussi qu’il y aura deux bras supplémentaires pour aider aux travaux de la ferme.

Les relations entre Agnès et l’épouse de Jon, ainsi que de ses deux filles sont froides et tendues. Agnès a demandé l’assistance d’un jeune révérend, Totti, qui doit l’assister et la mener au repentir pendant les semaines ou les mois qui vont précéder son exécution. C’est lui qui va, peu à peu, la faire sortir de son mutisme et l’amener à raconter son histoire et les raisons qui ont conduit au meurtre de son maître.



En découvrant cette histoire et en côtoyant Agnès quotidiennement, le révérend et les membres de la famille de Jon Jonsson, découvrent la personnalité de la prisonnière et comprennent que la vérité derrière le drame est loin d’être simple.



Un joli livre basé sur des faits réels qu’Hannah Kent a bien romancé en prêtant une voix à Agnès Magnusdóttir qui fut la dernière femme exécutée en Islande. L’autrice donne vie à ces personnages du fin fond d’une Islande aux mœurs rudes en s’appuyant pour cela sur des recherches et une documentation solide. Elle sait bien nous décrire l’isolement des fermes, la vie difficile due aux maigres ressources de la terre dans un pays aux hivers longs et rigoureux. Il est intéressant aussi de comprendre le poids de la religion et la place de la femme dans cette société de la première moitié du 19ème siècle qui n’avait guère évolué. C’est un roman bien écrit et prenant, qui n’a pour défaut principal que son titre français plutôt mal choisi qui ne reflète pas la qualité du récit. Le titre anglais ‘Burial Rites’ qu’on pourrait traduire par ‘Rites Funéraires’ était sans doute moins vendeur.

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A la grâce des hommes

Le jour où l'on manifeste contre les violences faites aux femmes, qu'on se souvienne du destin terrifiant d’Agnès, exécutée parce qu'elle était une femme, reconnue coupable de meurtre car elle était une femme, ce que Hannah Kent glissera pudiquement dans cette phrase, "femme qui pense n'est jamais tout à fait innocente", p 162.





Le roman, "à la Grâce des Hommes" de Hannah Kent est le poignant portrait d'une femme islandaise, Agnès. C'est au sein de la famille de Margrét, qu'elle attendra son exécution, la dernière d'Islande. Sa présence bouleverse l'âpre vie familiale portée par le froid féroce où le givre froisse les draps, les craquelle sans jamais calmer le vent.





Ce livre est d'une fracassante modernité sur la condition féminine, un plaidoyer Hugolien sur l'abolition de la peine de mort, un vertige de violence à l'encontre des femmes .

Agnès est abandonnée par sa mère à 2 ans, elle devient orpheline à 8 ans de sa mère adoptive Inga sa vrai maman, celle dont elle a reçu ce cadeau merveilleux pour une fille islandaise de savoir lire et de savoir écrire.

C'est de ce don, qu'Agnès tire toute la beauté qu'elle perçoit du monde et son unique désir d'orpheline est de grandir et de gagner sa liberté.





"Inga avait compris que j'aimais apprendre", "aussi elle m'enseignait tout ce qu'elle pouvait", "elle m'apprenait les sagas et dès que son mari était assoupi elle me demandait de les réciter à mon tour", p 174.

Elle a 8 ans et son petit frère 3 ans quand survient le drame, où sa vie bascula. Après la naissance d'une petite fille dans un froid glacial, Inga meurt en couche après trois jours de souffrances, dans une mare de sang. Aucun moyen d'alerter un voisin dans ces enfers islandais où le blizzard est féroce. le récit est douloureux.





Il me faut poser le livre. Le bébé s'endort dans les bras d'Agnès en effaçant le jour. La honte où tout se mélange, la peur et la culpabilité envahissent son corps d'enfant. "Chaque jour laisse l'impression que s'est arrivé hier".

Björn ne gardera pas Agnès, elle quittera la maison de son enfance son frère Kjartan est poussé dans les bras de la religion, et la plus proche paroisse.





Est-ce le sacrifice d'Inga sa mère qui la sauvera, par son désir de voir Agnès se réaliser? Ou est-ce le deuil ineffaçable qui doit s'achever dans sa propre mort, avec en filigrane cette certitude d'enfant, de retrouver un jour sa mère, car pour une orpheline ne pas y croire serait insoutenable ?

Ce roman, est devenu par les mots de Hannah Kent, une réflexion puissante sur la condition féminine, on ricoche sans cesse sur l'héritage de Simone de Beauvoir, la soumission des femmes, la lecture de la religion confisquée par les hommes, l'exercice de l'autorité captée par les hommes.





Natan ne s'y trompe pas, ébloui par son intelligence et sa beauté, "tu ne ressembles pas aux habitants de cette vallée", ici, "les gens ignorent qui nous entoure, n'y comprennent rien. Ils ignorent s'ils sont morts ou vivants, cette manière de se résigner, d'accepter les choses comme elles sont", ajoute Natan page 265.



Natan est ambiguë, déjà entouré de femmes, et de la mère de son enfant, "il la veut comme un prédateur, pas comme un sage, ou comme son égal, le jour viendra où le même homme lui rappellera, "n'oublie pas d'où tu viens", "tu es une servante rien de plus", "une femme qui pense on ne peut pas lui faire confiance. Voilà la vérité". p165





Le roman est écrit comme un dialogue tissé entre deux femmes qui s'écoutent et se répondent, Hannah et Agnès, puis Hannah finira par s'effacer pour laisser Margrét devenir son double, et poursuivre le dialogue, autour de "qui je suis vraiment" ? Car personne avant Margrét ne l'avait écoutée avec le cœur.

Essai de réhabilitation d'Agnès, réhabiliter la femme au sens de celle qui s'instruit, de celle qui apprend les gestes de la sage femme, de celle qui maîtrise la laine, la tond, la carde, la tisse, de celle qui écrit. Elle est condamnée car elle est pleinement une femme, différente des autres femmes, résignées ou servantes.





"De la vie elle n'a vu que les arbres. Moi, j'ai vu leurs racines tordues enlacer les pierres et les cercueils". Avec elle on a percé les pierres, avec Margrèt on les a aimées, comme ses filles on a pu les écouter.

L'écriture sobre, ciselée, s' incruste d'images poétiques ou noires, émaillant un texte percutant.

Magnifique.

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A la grâce des hommes

Quel premier roman !



Sans être magistral c'est un très bon roman, basé sur une histoire vraie et qui nous transporte complètement. On est ailleurs.



Ici, on est dans l'Islande rurale du début du XIXème siècle. Une société rythmée par le labeur difficile dans des conditions parfois extrêmes et très fortement marquée par la religion. Ambiance rigoureuse garantie à tous les sens du terme.



Il n'y a pas de prison en Islande. Et quand Agnes Magnusdottir est condamnée à mort pour meurtre, elle est placée "en détention" dans des fermes. Et notamment dans la ferme de Jon et Margret et leurs deux filles. Le sous révérend est chargé d'amener son âme à Dieu pendant le temps qu'il lui reste à vivre.



Des relations vont forcément s'établir, dans cet hiver où les jours sont très courts et où les hommes et les femmes passent beaucoup de temps dans la badstofa, à filer la laine, à coudre des vêtements, et à discuter.



L'auteur nous immerge. L'ambiance est très bien rendue et les personnages sont travaillés avec soin et profondeur. Le mal n'est pas toujours là où on le croit en dépit de ce qu'en pense le commissaire (sorte de Javert islandais) chargé de faire appliquer la sentence. La complexité de l'âme humaine est là parfaitement révélée.



La fin du roman est captivante, elle happe le lecteur.



Un coup de cœur à conseiller. C'est une lecture d'autant plus originale que l'auteure est australienne (mais visiblement elle connaît bien l'Islande, sa population et sa langue).
Lien : http://animallecteur.canalbl..
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