Dans mon livre sont cachées beaucoup de choses qui font partie de l’histoire de la République fédérale ; lorsque j’ai commencé à l’écrire, cette république avait douze ans, lorsqu'il parut, elle avait quatorze ans et, depuis, elle a pris de l’âge, elle a aujourd'hui trente-six-ans. L’un des reproches les plus importants adressés à ce roman, c’est qu’on y voyait vivre ensemble deux personnes non mariées.
Quel est le jeune qui peut aujourd'hui comprendre de tels reproches, sans qu’on lui donne les explications nécessaires sur une certaine évolution qui s’est également produite dans le « milieu » catholique lorsque les porte-parole des associations n‘ont pas voulu aller aussi loin que Carl Muth ― c’était encore le cas il y a un peu plus de vingt ans ? Non, ce roman n’a pas cent ans, il n’en a que vingt-deux et voilà que déjà il est historique.
Vivre ensemble sans être mariés n’est pas seulement chose courante, c’est accepté dans les milieux catholiques comme dans ceux qui ne le sont pas, et pourtant « La Grimace » est un roman traitant du mariage, presque au sens biblique du terme : ce que Dieu a uni, l’homme ne doit pas le séparer. Cette interprétation, certes, est à nouveau « trop pieuse » pour Carl Amery. La prétention de l’Église ou de l’État, la plupart du temps des deux ensemble, selon laquelle ils ont le droit de définir ce qu’est un mariage est ici mise en cause. C’est tout. Il ne d’agit pas de propagande pour le « concubinat » ni pour la promiscuité, mais en revanche ― et je n’ai pas honte de l’écrire ― d’une sorte de chasteté qui a échappé à la plupart des protagonistes. Dans les familles catholiques aussi, on accepte depuis que l’on vive ensemble sans être mariés ― ce n’est pas toujours facile, mais on l’accepte. (Pages 192-193)