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Citations de Henri Alleg (31)


Ne pas céder à ces brutes qui se flattaient d’être des émules de la Gestapo.
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Dans la soirée, un autre que je ne connaissais pas, entra à son tour. Un petit blond, au fort accent du nord : un appelé. Il me dit avec un grand sourire : "Vous savez j'ai assisté à tout, hein! Mon père m'a parlé des communistes pendant la Résistance. Ils meurent, mais ils ne disent rien. C'est bien!"
Je regardai ce jeune à la figure si sympathique, qui pouvait parler des séances de torture que j'avais subies comme d'un match dont il se souviendrait, et qui pouvait venir me féliciter sans gêne, comme il l'aurait fait pour un champion cycliste. Quelques jours plus tard, je le vis congestionné, défiguré par la haine, battre dans l'escalier un musulman qui ne descendait pas assez vite : ce "centre de tri" n'était pas seulement un lieu de torture pour les Algériens, mais une école de perversion pour les jeunes Français.
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C'était le temps des exécutions sommaires par centaines, des "corvées de bois", des prisonniers "abattus au cours d'une tentative de fuite", le temps de la torture généralisée, le temps des "crevettes-Bigeard" comme disaient cyniquement les émules de l'officier tortionnaire. Les prisonniers, les pieds attachés à un parpaing ou pris dans un bloc de béton étaient chargés dans un hélicoptère lourd qui prenait son envol vers la mer au-dessus de laquelle était lâchée cette cargaison vivante.
Des "crevettes-Bigeard". Un "bon mot" des assassins .
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tout cela, je devais le dire pour les Français qui voudront bien me lire. Il faut qu'ils sachent que les Algériens ne confondent pas leurs tortionnaires avec le grand peuple de France, auprès duquel ils ont tant appris et dont l'amitié leur est si chère. Il faut qu'ils sachent pourtant ce qui se fait ici EN LEUR NOM.
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C'est aux "disparus" et à ceux qui, sûrs de leur cause, attendent sans frayeur la mort, à tous ceux qui ont connu les bourreaux et ne les ont pas craints, à tous ceux qui, face à la haine et la torture, répondent par la certitude de la paix prochaine et de l'amitié entre nos deux peuples qu'il faut que l'on pense en lisant mon récit, car il pourrait être celui de chacun d'eux.
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(p. 56)

Tout cela, je devais le dire pour les Français qui voudront bien me lire. Il faut qu’ils sachent que les Algériens ne confondent pas leurs tortionnaires avec le grand peuple de France, auprès duquel ils ont tant appris et dont l’amitié leur est si chère.

Il faut qu’ils sachent pourtant ce qui se fait ici EN LEUR NOM.
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Le "centre de tri" s'emplissait alors de cris, d'insultes, de rires énormes et méchants. Erulin commençait l'interrogatoire d'un musulman. Il lui criait : "Fais ta prière devant moi." Et je devinais dans la pièce d'à côté un homme humilié jusqu'au fond de l'âme, contraint de se prosterner en prières devant le lieutenant tortionnaire. Puis, d'un coup, les premiers cris des suppliciés coupaient la nuit. Le "vrai travail" d'Erulin, de Lorca et des autres avait commencé. Une nuit, à l'étage au dessus, ils torturèrent un homme : un musulman, assez âgé semblait-il au son de sa voix. Entre les cris terribles que la torture lui arrachait, il disait épuisé : "Vivre la France! Vive la France!"
Sans doute croyait-il calmer ainsi ses bourreaux. Mais les autres continuèrent à le torturer et leurs voix résonnaient dans toute la maison.
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"Alors, il ne veut pas parler? dit l'un des civils.
-On a tout le temps , dit le commandant, ils sont tous comme ça au début : on mettra un mois, deux mois ou trois mois mais il parlera.
-C'est le même genre que Akkache ou Eyette Loup, repris l'autre. Ce qu'il veut : c'est être un "héros", avoir une petite plaque sur un mur dans quelques centaines d'années." Ils rirent à sa plaisanterie
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La carrière d'un personnage comme Aussaresses en est, d'une certaine façon, une très démonstrative illustration. On a ainsi appris qu'il ne s'est pas seulement fait connaître comme un parfait organisateur des centres de torture en Algérie mais que sa réputation l'a amené à "exercer" ses talents dans bien d'autres pays. Il fut, tour à tour, "prêté" par les services de Renseignements français à l'armée américaine qui combattait au Vietnam, aux divers dictateurs régnant sur le Brésil, l'Argentine, le Chili.
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Il y a maintenant plus de trois mois que j'ai été arrêté. J'ai côtoyé, durant ce temps, tant de douleurs et tant d'humiliations que je n'oserais plus parler encore de ces journées et de ces nuits de supplices si je ne savais que cela peut être utile, que faire connaître la vérité c'est aussi une manière d'aider au cessez-le-feu et à la paix. Des nuits entières, durant un mois, j'ai entendu hurler des hommes que l'on torturait, et leurs cris résonnent pour toujours dans ma mémoire.
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(p. 23)

Brusquement, Érulin me releva. Il était hors de lui. Cela durait trop.
«Écoute, salaud ! Tu es foutu ! Tu vas parler ! Tu entends, tu vas parler !» Il
tenait son visage tout près du mien, il me touchait presque et hurlait : «Tu
vas parler ! Tout le monde doit parler ici ! On a fait la guerre en Indochine,
ça nous a servi pour vous connaître. Ici, c’est la Gestapo ! Tu connais la
Gestapo ?» Puis, ironique : «Tu as fait des articles sur les tortures, hein,
salaud ! Eh bien ! maintenant, c’est la 10e D. P. qui les fait sur toi.»
J’entendis derrière moi rire l’équipe des tortionnaires. Érulin me martelait le
visage de gifles et le ventre de coups de genou. «Ce qu’on fait ici, on le fera
en France. Ton Duclos et ton Mitterrand, on leur fera ce qu’on te fait, et ta
putain de République, on la foutra en l’air aussi ! Tu vas parler, je te dis.»
Sur la table, il y avait un morceau de carton dur. Il le prit et s’en servit pour
me battre. Chaque coup m’abrutissait davantage mais en même temps me
raffermissait dans ma décision : ne pas céder à ces brutes qui se flattaient
être les émules de la Gestapo.
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Je sentais, à l’attitude différente des paras à mon égard qu’ils avaient dû apprécier en « sportifs » mon refus de parler. Le grand para de l’équipe Lorca avait lui-même changé de ton. Il entra un matin dans ma cellule et me dit :

« Vous avez déjà été torturé dans la Résistance ?

– Non, c’est la première fois, lui dis-je.

– C’est bien, dit-il en connaisseur, vous êtes dur. »
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Dans la soirée, un autre, que je ne connaissais pas, entra à son tour. Un petit blond, au fort accent du nord: un appelé. Il me dit avec un grand sourire: "Vous savez, j'ai assisté à tout, hein ! Mon père m'a parlé des communistes dans la résistance. Ils meurent, mais ils ne disent rien. C'est bien !" Je regardais ce jeune à la figure si sympathique, qui pouvait parler des séances de tortures que j'avais subies comme d'un match dont il se souviendrait, et qui pouvait venir me féliciter sans gêne, comme il l'aurait fait pour un champion cycliste. Quelques jours plus tard, je le vis congestionné, défiguré par la haine, battre dans l'escalier un Musulman qui ne descendait pas assez vite: ce "centre de tri" n'était pas seulement un lieu de tortures pour les Algériens, mais une école de perversion pour les jeunes Français.
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Ce « centre de tri » n’était pas seulement un lieu de tortures pour les Algériens, mais une école de perversion pour les jeunes Français.
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Le courant avait desséché ma langue, mes lèvres, ma gorges, rêches et dures somme le bois. Erulin devait savoir que le supplice électrique crée une soif insupportable. ça fait deux jours que tu n'a pas bu. Encore quatre avant de crever. C'est long quatre jours. Tu lècheras ta pisse.
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Dans l'abrutissement où les coups et les tortures m'avaient plongé, une seule idée restait claire en moi: ne rien leur dire, ne les aider en rien. Je n'ouvris plus la bouche.

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On tortura jusqu'à l'aube, ou presque. Au travers de la cloison, j'entendais les hurlements et les plaintes, étouffés sous le bâillon, les jurons et les coups. Je sus bientôt que ce n'était pas une nuit exceptionnelle, mais la routine de la maison. Les cris de souffrance faisaient partie des bruits familiers du "centre de tri", et aucun des paras n'y prêtait plus attention, mais je crois pas qu'il se soit trouvé un seul prisonnier qui n'ait comme moi pleuré de haine et d'humiliation en entendant pour la première fois les cris des suppliciés
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Dès le moment où le lieutenant entra dans la pièce, je sus ce qui m'attendait. coupé par un immense béret, son petit visage bien rasé, triangulaire et anguleux comme celui d'un fennec, souriait, les lèvres pincées. "Excellente prise, dit-il en détachant les syllabes; c'est Henri Alleg, l'ancien directeur d'Alger Républicain".
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Dans cette immense prison surpeuplée, dont chaque cellule abrite une souffrance, parler de soi est comme une indécence.
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Le matin et le soir, quand Boulafras entr'ouvrait la porte pour me passer mes "repas" ou bien lorsque j'allais aux lavabos, il m'arrivait de croiser dans le couloir des prisonniers musulmans, qui rejoignaient leur cellule. Certains me connaissaient pour m'avoir vu dans des manifestations organisées par le journal: d'autres ne savaient que mon nom. J'étais toujours torse nu, encore marqué des coups reçus, la poitrine et les mains plaquées de pansements. Ils comprenaient que, comme eux, j'avais été torturé et ils me saluaient au passage:"Courage, frère!" Et dans leurs yeux, je lisais une solidarité, une amitié, une confiance si totales que je me sentais fier, justement parce que j'étais un Européen, d'avoir ma place parmi eux.
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