AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Henri Gourdin (35)


Léopoldine n'est pas faite de ce bois-là. L'émancipation de la femme, le progrès social, la marche de l'histoire... rien de tout cela ne l'intéresse vraiment. Elle est aux premières loges des soubresauts qui agitent le monde et annoncent l'avènement d'une ère nouvelle, mais ces évolutions la laissent de glace. Son penchant, c'est la douceur du foyer. Le foyer de son père, dont elle est toujours très proche, et celui qu'elle fondera un jour avec Charles Vacquerie. Car le projet de mariage n'est pas mort. Adèle y est toujours favorable, et elle pousse ses pions avec son habileté coutumière. Victor y est encore opposé, mais il suffirait que Didine lui parle pour qu'il s'incline devant son choix ; il a toujours écouté ses avis et compris ses points de vue.
Le problème, c'est que Didine n'avait pas de point de vue sur la question de son mariage. Il lui semblait que cette histoire la dépassait ou alors ne la concernait pas. Si quelqu'un lui avait demandé son avis, à elle, la principale intéressée, elle aurait été embarrassée pour lui répondre. Elle remarquait l'agitation qui se faisait autour de sa personne, mais elle ne savait pas ce qu'elle devait en penser. Elle attendait seulement qu'une décision tombe, dans un sens ou dans un autre. De toute manière, rien ne pressait. Il fallait attendre que Charles ait une situation, que les revenus du ménage soient assurés, que Victor Hugo se fasse à l'idée de voir sa fille s'éloigner un peu de lui... Eh bien ! Elle attendrait.
Commenter  J’apprécie          250
Et le vingt et unième jour dudit mois de mai nous partîmes dudit havre avec un vent d'ouest, et fûmes portés au nord, un quart nord-est du cap de Bonne-Viste, jusqu'à l'île des Oiseaux, laquelle île était tout environnée et encerclée d'un banc de glaces, rompues et divisées par pièces. Nonobstant ledit banc nos deux barques furent à l'île, pour avoir des oiseaux, desquels il y a si grand nombre que c'est une chose incroyable pour qui ne le voit, car nonobstant que ladite île contienne environ une lieue de circonférence, elle en est si pleine qu'il semble qu'on les ait entassés. Il y en a cent fois plus autour de celle-ci et en l'air que dans l'île ; une partie de ces oiseaux sont grands comme des oies, noirs et blancs, et ont le bec comme un corbeau. Et ils sont toujours dans la mer, sans jamais pouvoir voler en l'air, parce qu'ils ont de petites ailes, comme la moitié de la main ; avec lesquelles ils volent aussi fort dans la mer que les autres oiseaux dans l'air. Et ces oiseaux sont si gras que c'est une chose surprenante. Nous nommons ces oiseaux " apponatz ", desquels nos deux barques furent chargées, en moins d'une demi-heure, comme de pierres, et dont chacun de nos navires sala quatre ou cinq pipes, sans compter ce que nous en pûmes manger de frais.

(Retranscription en français moderne du rapport de Jacques Cartier lors de son expédition de 1534 sur l'actuelle île Funk au large de Terre-Neuve.)
Commenter  J’apprécie          170
Chacune avait son spectre ; Adèle avait en outre celui de Léopoldine. Car la famille reportait sur la cadette, seule fille survivante de la tribu, le devoir de maternité dont la mort exemptait l'aînée. Au poids de ce double fardeau s'ajoutait, pour Adèle, la volonté formidable de son père ; une volonté caressante, habillée de beaux mots, enveloppée de tendresse... et non moins formidable. Car Hugo avait du mythe de la rédemption une vision particulière: pour lui, le destin de la femme était de racheter les fautes d'Ève, de gagner son Ciel et un peu celui de son époux dans les douleurs de l'enfantement et les embarras de la maternité. Entre le père, apôtre du mariage bourgeois, et l'enfant, éblouie de sa propre beauté, la tension montait. La farce du refus des prétendants menaçait de tourner au drame.
Commenter  J’apprécie          120
D'ailleurs, de tous les lieux où il vivra, c'est de Zakharovo qu'il gardera le souvenir le plus ému, sans doute parce que la vie simple et paisible, en lisière des bois, que la famille mène là chaque année pendant les trois mois d'été parle au cœur de l'enfant, peut-être aussi parce qu'il y retrouve les paysans, les bûcherons, les renards, et jusqu'aux fantômes qui peuplent les contes d'Arina.
Commenter  J’apprécie          111
« Vois-tu, chère fille, on s’en va, parce qu’on a besoin de distraction et l’on revient, parce qu’on a besoin de bonheur".
Commenter  J’apprécie          91
La femme est dévouée d’instinct, affirmait Jean-Jacques Rousseau ; si elle ne l’est pas par nature, elle le sera par devoir, ajoutaient les disciples ; ou pour mériter le Ciel, complétaient les prêtres.
Hugo se chauffait de ce bois-là ; il trouvait naturel que sa femme se consacre corps et âme à ses enfants, les suive en vacances, s’isole avec eux à la campagne jusqu’à six mois de suite, tandis que lui-même effeuillait la marguerite, à Paris ou ailleurs, avec des vénus et parfois de simples Manon.
« Pair de France, père de famille, paire de couilles », dira Jean Genet pour résumer Victor Hugo ; de ces trois atouts, le second, dans les années 1840, était un peu de trop.
Commenter  J’apprécie          80
pour elle Léopoldine n'était pas morte, ce n'était pas possible. une voiture allait surgir, une main s'agiter, et elle serait là, souriante, empressée,affectueuse. comme toujours. Quand enfin, elle comprit que sa sœur n'était plus, elle entra dans une profonde prostration. Que ferait-elle désormais sans Didine?..........Pourquoi est-ce elle que Dieu rappelle, se demandait-elle, elle notre soleil à tous, au lieu de moi qui ne suis utile à rien ni à personne?
Commenter  J’apprécie          80
Tel est le pouvoir de la musique. Vos oreilles captent quelques notes sorties de quatre cordes accrochées à une caisse de bois, et vous êtes bouleversé! Sens dessus-dessous! Et vous vous rappelez toute votre vie!
Commenter  J’apprécie          70
Ce n'était pas la première fois, loin s'en faut, que Casals était prié de se prononcer sur le talent d'un enfant que ses parents lui amenaient ainsi, dans un salon ou à la fin d'un concert. J'ai appris plus tard, bien plus tard, qu'il acceptait toujours : il mettait l'enfant en confiance, lui posait des questions sur son âge et ses goûts, l'écoutait dans un morceau de son choix. Après quoi il donnait son avis, et toujours à l'enfant.
Commenter  J’apprécie          60
Donnez la parole à la douleur ; le chagrin qui ne parle pas murmure au cœur gonflé l'injonction de se briser.

(William Shakespeare, Macbeth, IV, 3. 1606.)
Commenter  J’apprécie          60
En ce temps de libre expression du sentiment et de respect de l’individu, de lettres quotidiennes et de billets quatre fois par jour, aucune des centaines de missives que le poète reçoit à Guernesey ne se préoccupe d’Adèle Hugo ni même ne la mentionne. Qui en effet, qui de Georges Sand, de Balzac, d’Alphonse Karr…. Qui des éditeurs Hetzel ou Lacroix…. Qui des Bertin, des Girardin, des Meurice… qui de tous ceux qui l’ont connue et fréquentée se soucie de savoir où est Adèle, si seulement elle est toujours en vie ? Qui de Juliette Drouet, d’Alice Ozy, de Léonie Biard ? Qui de Clésinger et des Vacquerie ? Personne.
Les prêtres du romantisme campaient l’amour et le sentiment sous toutes leurs formes. Ils les chantaient sur leurs toiles, dans leurs livres, sur leurs partitions. Ils ne pensaient pas à les mettre en pratique pour la fille de leur ami Hugo. Cette réserve s’expliquait : Léopoldine s’était noyée dans l’estuaire de la Seine, Adèle avait sombré dans la folie, Hugo choisissait de souffrir en silence de ces deux disparitions, c’était son droit, c’était son privilège. Personne n’eût osé, n’eût pensé même à le lui contester. C’était aussi une condition de son inspiration, on commençait à le comprendre. Que pesait le bonheur d’une jeune femme, fût-elle la fille du génie, face à l’éternité des « Travailleurs et la mer », par exemple ?
… Le romantisme se targuait de bousculer la vieille morale, il prônait le culte de l’individu, mais les romantiques, devinant qu’une des leurs, humble et sans véritable génie certes, mais une des leurs tout de même, croupissait au loin, avaient un geste d’impuissance et passaient au sujet suivant.
Commenter  J’apprécie          50
« Sauf que Victor Hugo, étant Victor Hugo, ne veut descendre que d’un père et d’une mère parfaits. Parfaits selon ses critères à lui, bien entendu. Selon les critères propres à l’élever dans l’opinion et à servir son image de demi-dieu, de messie universel, de réconciliateur des parties adverses. […] Voilà comment l’édition française noircit du papier depuis bientôt deux siècles pour colporter des bobards inutiles, qui n’ajoutent rien à la grandeur ni du poète Hugo ni du défenseur des libertés Hugo. » (p. 22)
Commenter  J’apprécie          50
La description d'un être vivant est une chose, celle d'une espèce disparue en est une autre : elle conduit le biographe aux frontières de l'histoire naturelle et de l'histoire tout court, devant des textes imprécis, souvent invraisemblables, et en présence de spécimens naturalisés dont la corpulence, la posture, la taille, les couleurs..., doivent autant à l'inspiration de l'empailleur qu'à la réalité de l'espèce. Si voius entrez dans le détail et que vous vous intéressiez - mettons - au bec si particulier et si spectaculaire du grand pingouin, ne cherchez pas dans la littérature : aucun observateur ne s'est donné la peine de le décrire précisément, et ne vous fiez pas aux spécimens conservés : le déssèchement modifie l'aspect des organes cornés et les peintures appliquées assez souvent par le taxidermiste, en particulier la peinture blanche sur les sillons latéraux, faussent la perception.
Commenter  J’apprécie          50
L’exil est ce qui pouvait arriver de mieux à Victor Hugo à ce point de sa carrière, politique et littéraire. Il le grandit dans l’opinion, lui offre une posture d’opposant irréductible, le statufie en martyr de la liberté et de la démocratie. Il l’élève au-dessus de ses concurrents, en politique comme en littérature, au-dessus des compromissions avec le tyran qui vont entacher l’image de ceux qui restent. Il l’éloigne du quotidien, du contingent, le porte au-delà des mers, dans un ermitage d’où il adressera au monde les messages qu’il voudra, que personne ne pourra confronter à la réalité de son existence. Il n’y serait pas allé spontanément, il était trop attaché à ses privilèges, moraux et matériels, pour les abandonner de son plein gré. Et on peut dire que la proscription est en somme, paradoxalement, le meilleur service que Napoléon pouvait rendre à son ennemi Hugo.

L’exil est-il bénéfique alors à sa femme et à ses enfants ? Pas du tout. Passer de Paris à Jersey, pour eux, c’est se couper des amis, de la famille, des habitudes, de la vie brillante qu’ils ont menée jusque- là pour aller s’enfermer sur une île au milieu de nulle part, pour une durée indéterminée.
… Mais Victor Hugo perdait le sens commun quand il s’agissait d’exercer l’autorité absolue dont le code Napoléon l’investissait. Parce que la conscience de cette autorité lui montait à la tête ? Peut-être, mais surtout parce que son cercle familial était la pièce maîtresse d’un mécano affectif qu’il avait bâti patiemment pour le protéger des déchirements de son enfance. Il savait que sa femme et ses enfants en faisaient les frais mais c’était plus fort que lui.
Commenter  J’apprécie          40
Les moindres déplacements d'Adèle, à partir du 15 février 1872, sont surveillés et contrôlés, à la fois par la dame de compagnie qui lui est attachée et par le personnel médical. En réalité, elle quitte rarement sa chambre ou le parc de l'établissement. Son infirmière l'emmène parfois en promenade ou au théâtre, toujours en matinée, et les bulletins de santé rapportent fidèlement ces petites sorties en décrivant l'état du ciel et l'humeur de la promeneuse. Mais ne cherchez pas un rapport médical un peu détaillé, une analyse des comportements de la pensionnaire ou de son évolution, l'un des quatre certificats exigés par la loi de 1838. Où que vous alliez, on vous répondra que tout a disparu.
Commenter  J’apprécie          40
Ses œuvres sont dispersées entre quelques collections particulières, chez ses héritiers principalement, à l’étranger beaucoup (aux États-Unis et en Grande-Bretagne principalement), et celles de musées publics : la maison Victor Hugo de Paris, le musée des Beaux-Arts de Nîmes, le musée PAB d’Alès en Cévennes, le musée du château de Blérancourt, quelques musées américains. La BnF conserve au moins un exemplaire de chacun des livres qu’il illustra. En valeur marchande, ses productions restent très en dessous des encres et des dessins de Victor Hugo, et le resteront tant que la notoriété de l’artiste pèsera plus lourd que sa performance artistique dans les motivations des collectionneurs. Peu d’échos au total pour une œuvre aussi originale, aussi cohérente dans sa longue durée (entre 1914 et 1984), aussi homogène dans la variété de ses supports (l’écriture, la peinture, la décoration, l’illustration…). Oh certes, Jean Hugo n’a pas atteint les sommets de l’expression artistique frôlés en son temps par son ami Picasso, par ses contemporains….

Mais il fut l’un des rares à concevoir et à exprimer, à la fois en peinture et en écriture, les enjeux formidables de son temps : la dictature de l’industrie et de l’argent, le saccage des campagnes et des paysages, la méconnaissance et le mépris de la nature. Sous une autre forme bien sûr mais un peu dans l’esprit du grand ancêtre.
Commenter  J’apprécie          30
Elle ( Agnès son amie) s’inclinait un peu, penchait la tête vers moi, et ces gestes infimes me donnèrent la mesure d’un fond de tendresse secrète qu’elle dissimulait d’ordinaire sous des dehors bourrus, de jeune femme décidée et sans scrupule.
Commenter  J’apprécie          30
La musica ! Pablo Casals prononçait le mot «musique» dans notre langue, de sa voix un peu râpeuse. Il hésitait entre la pluie du «mu» et le soleil du «ca», mais enfin il le prononçait et je me demandais si je ne l’entendais pas pour la première fois. Il y mettait une telle ferveur ! une telle tendresse ! Il y mettait tout le bonheur que la musique lui avait donné et lui donnerait encore. Cela faisait beaucoup de bonheur. Et cela se sentait. Le mot chantait dans sa bouche. Il dansait un moment sur sa langue, se promenait sous son palais, puis il éclatait entre ses lèvres et sur ses yeux. Est-ce que la musique me manquait à moi-aussi ?
--- Oui, dis-je sans réfléchir.
Commenter  J’apprécie          30
... c’était le moment délicat où commence l’indécence de l’innocence. La fille trop grande fait la jupe trop courte.
Commenter  J’apprécie          20
L’attention aux enfants paraît toute naturelle, à deux siècles de distance ; dans les années 1830, elle sortait de l’ordinaire. Les enseignements de Jean-Jacques Rousseau cheminaient dans les esprits ; on voyait des parents s’intéresser ici et là aux progrès de leurs bambins, mais ces comportements restaient exceptionnels. Adèle et Victor Hugo sont les seuls, ou à peu près, à emmener les leurs au théâtre ou à la promenade, à leur fabriquer des
jouets, à leur confier la réponse au courrier. Dans l’historique des tableaux de famille dressés par la littérature française depuis son émergence, quelque part du côté du XIIe siècle, celui de la tribu Hugo est un des tout premiers dont l’enfant ne soit pas banni.
Commenter  J’apprécie          20



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Henri Gourdin (91)Voir plus

Quiz Voir plus

Le film mystère [8]

1. Qui est inséparable de Narcejac?

La Fontaine
Boileau
Corneille
Diderot

7 questions
88 lecteurs ont répondu
Thèmes : déduction , cinema , mystèreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}