Henri Gourdin dont c'est là le premier roman a auparavant publié des biographies notamment d'
Eugène Delacroix, de
Pouchkine, d'Audubon et de Adèle et Léopoldine Hugo.
Ce roman est pour moi une réussite. Une alliance de violence et de douceur, plein d'une grande compassion pour tous les êtres que l'on y croisent, d'un grand amour aussi pour toute la région catalane et le village de Villefranche de Conflent.
Maria Soraya fuit avec sa soeur plus jeune la ville de Tarragone où elle s'est réveillée, sous les bombardements des forces nationalistes qui vont s'emparer de la Catalogne. Ses parents sont morts sous les décombres.
Les deux soeurs vont suivre les milliers de réfugiés qui gagnent la France où ils aboutissent dans le camp insalubre, sans protection d'Argelès-sur-mer. Teresa, la petite soeur, va y mourir et Maria Soraya se retrouve alors seule au monde.
Et dans ce moment de grande détresse, après avoir découvert sa soeur morte dans son sommeil à ses côtés, ne sachant plus très bien où elle est ni qui elle est :
« ...j'entends monter en moi, dans le tintamarre de la pluie et la toux d'une malade, les premières mesures de la Maja y el Ruisenor - La Jeune fille et le Rossignol, la pièce pour piano de Granados, le compositeur espagnol. Je suis là, debout, immobile. Je regarde ces hommes manipuler ce corps comme si cela ne me concernait pas, comme j'ai vu ces mêmes hommes soulever d'autres corps, à peu près chaque matin depuis mon arrivée à Argelès, et j'ai cette mélodie qui me berce et m'enveloppe.»
La musique tient une très grande place dans sa vie, la protège mais c'est surtout grâce à son intégration progressive, parfois difficile, dans le village de Villefranche de Conflent ,où la famille Puech l'a engagée pour travailler à la boulangerie, qu'elle parviendra à surmonter sa douleur car cela tranche avec son passé. Elle doit se réadapter, lutter.
Ce village fortifié qui lui apparaît comme hostile dans un premier temps, la gardera à l'abri de ses remparts le temps qu'elle parvienne à reprendre une certaine confiance en elle et dans la vie. Elle apprendra à aimer la rudesse de l'environnement et les habitants qui s'attachent à elle comme elle à eux.
Et il y a les retrouvailles à Prades avec Pau Casals qui, lui, va l'aider à rétablir le lien avec son passé et la ramener progressivement vers sa passion pour le violoncelle qu'elle s'interdit dans un premier temps. le vieil homme généreux qui aide ses compatriotes à survivre et la jeune fille blessée vont se soutenir l'un, l'autre et communier dans l'amour de la musique et de la Catalogne. Relation émouvante, lumineuse qui contraste avec la violence des événements qui les entourent. Un ilot dans la tempête
La fin m'a, dans un premier temps, paru brutale mais finalement elle s'explique. Il est temps pour Maria Soraya de quitter l'abri des remparts et de prendre son envol.