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Critiques de Henry Bauchau (310)
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Oedipe sur la route

Henry Bauchau trouve le moyen d'écrire un road-movie antique ! Sacré programme, non ? Son matériau : les bribes de la biographie d'Œdipe, personnage mythologique grec, entre son expulsion de Thèbes et son arrivée à Colone, où il a choisi de venir reposer sous la protection de Thésée.



Tout le monde ou presque connaît la fameuse légende d'Œdipe, celui qui fut éloigné dès la naissance du trône de son père Laïos suite à la malédiction d'un oracle. Celui qui, devenu adulte, tuera son père (sans savoir qu'il s'agit de lui) et épousera la femme du défunt, Jocaste, c'est-à-dire sa propre mère, après avoir résolu la fameuse énigme de la Sphinx, libérant ainsi Thèbes de la terrible épidémie de peste qui s'abattait sur elle.



Avec cette femme il aura quatre enfants, deux fils, Étéocle et Polynice, qui s'entretueront pour la couronne de Thèbes, et deux filles, Ismène et Antigone. Cette dernière étant restée célèbre pour son refus d'obtempérer aux injonctions de son oncle Créon, devenu roi après la mort des deux fils d'Œdipe. (Je sais, ce rappel mythologique ultra rapide est sans doute assez indigeste fait à cette allure, mais c'est qu'il n'est pas essentiel pour comprendre la suite.)



Ce qui nous intéresse ici, c'est ce qu'il adviendra d'Œdipe, le roi aimé de Thèbes, puis le roi banni de Thèbes, lorsqu'informé de son double sacrilège (parricide et inceste) il décidera de se crever les deux yeux et d'aller par les routes, errant comme un mendiant aveugle.



C'est précisément ici que débute le roman d'Henry Bauchau, d'où son titre, on ne peut plus à propos. Œdipe ne veut rien ni personne pour l'accompagner, il veut errer, il désire mordre la poussière pour expier son crime, si tant est qu'une quelconque expiation soit possible.



Mais c'est mal connaître les principes et la ténacité de sa fille Antigone, qui se refusera à le laisser vaguer tout seul par les campagnes. C'est un voyage très symbolique auquel l'auteur nous convie. Il rallume, complète ou invente des légendes ou des personnages auxquels il donne corps et psychologie.



Au travers de certaines digressions, notamment autour de l'histoire personnelle de Clios ou du peuple des hautes collines, Henry Bauchau recrée tout un univers à l'antique, mais avec des problématiques bien actuelles. On n'est peut être pas si loin que cela d'un conte philosophique moderne à la Candide.



Il y a beaucoup de place pour l'interprétation, mais j'y vois pour ma part, avec mes yeux d'aveugle, une parabole sur le sens de nos existences. Nous sommes tous des Œdipe, frappés de cécité, errant au hasard parmi les vicissitudes de l'existence et de la destinée.



La gloire ? Le pouvoir ? La renommée ? Fariboles ! Tout disparaîtra. Le monde, la folie du monde, est symbolisée par la vague, la gigantesque vague qu'Œdipe, Clios et Antigone sculptent dans la falaise et surmontent d'un phare pour guider les âmes perdues. Cette vague de folie qui peut vous retourner à chaque instant, vous submerger, vous anéantir même si vous êtes attentif.



Dans cette sculpture, le pilote est aveugle et ne peut compter que sur les bras vigoureux des rameurs pour sortir de la tourmente mais sur ses lèvres, presque imperceptible, l'amorce d'un sourire, un reste de confiance, une pincée d'espoir... Cela ne vous rappelle pas un certain : " Il faut cultiver son jardin " ? Des choses simples, la saine fatigue du labeur honnête, les relations vraies, le respect, l'art, l'amour et la conscience qu'on n'est qu'un mortel.



Voilà ce à quoi Œdipe aspire, un Œdipe auquel Henry Bauchau donne parfois des faux airs de Gilgamesh. Un géant qui a tout perdu de son pouvoir et de sa superbe et pourtant qui est heureux. Il donne et il reçoit et il cherche sa voie en donnant de la voix, chantant à qui veut l'entendre, la philosophie issue de sa vie. Les gens s'amendent à son contact tout comme lui s'améliore au leur, c'est un échange, c'est la vie.



C'est la vie telle que nous la chante l'aède Henry Bauchau dans une langue française irréprochable, volontairement sobre, très sobre, extraordinairement sobre, presque privée d'adjectifs, presque privée d'emphase ou de figures de style pimpantes. Cela confine parfois à la poésie extrême-orientale des haïkus, mais juste par instants, par touches très fines et subtiles. Il est à l'écriture ce que Miles Davis était à la trompette : un virtuose puriste.



Certes, on n'est pas obligé d'aimer Miles Davis, tout comme j'ai un amour mesuré pour l'écriture de Bauchau, mais force est de constater que dans son style, c'est bien fait et c'est beau. Ce qui me dérange, personnellement, c'est justement le côté impersonnel, désincarné, froid.



Ça manque de peps à mon goût, d'adrénaline, de saines chaleurs et d'arc-en-ciel. C'est un marbre et j'aime le feu, d'où mes trois étoiles seulement, mais il ne me viendrait pas à l'idée d'amoindrir cette prose que je trouve de qualité. C'est juste que je ne m'y reconnais pas vraiment.



Un autre pan intéressant de la narration est l'intensité, l'épaisseur et l'évolution des relations qui unissent les trois personnages centraux de l'histoire : Œdipe, Antigone et Clios. Mélange de respect filial et d'amours inavouées entrelacés et interconnectés qui ne cessent d'évoluer et de fluctuer par vague en fonction des marées et des tempêtes éventuelles.



En somme, des remparts de Thèbes jusqu'à Colone, sur les traces de Sophocle et de quelques autres, je vous invite à allez rejoindre Henry Bauchau si le cœur vous en dit, à cheminer à l'aveugle sur ces sentiers poussiéreux et inondés de soleil d'une Grèce évaporée depuis des siècles. Et n'oubliez pas que ce que j'exprime ici bas n'est qu'un misérable avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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L'enfant bleu

L'enfant bleu est une de ces histoires de vie poignantes, bouleversantes, qui délimitent les lignes de fuite et les manifestations de l'imaginaire.



Henry Bauchau sait jusqu'où aller lorsqu'il nous fait entrer dans la tête d'un psychotique, faisant accepter aux lecteurs toutes les déchirures du récit, des corps et des destins.

L'auteur nous fait cadeau de cette perception différente du monde, de son langage propre et de l'incapacité à comprendre le monde et ce que s'y passe.



C'est une lecture complexe et déroutante, parfois un peu longue, avec des répétitions, mais qui sait captiver par sa psychologie sûre, persillée de certaines formules décoiffantes, faisant souffler dans le bons sens le vent de cette aventure intime.



Persécutés par un démon intérieur doté de volonté propre, habités par un autre être, obligé de cacher une partie d'eux-mêmes, les victimes de cette maladie, se sentent bâillonnées par un mors invisible.



Nous assistons à la transformation d'un albatros dont les grandes ailes l'empêchent de marcher en oiseau capable de voler, grâce au dévouement et l'acharnement d'une psychanalyste. L'expérience/aventure humaine, nuancée de transfert et contre-transfert, finira par les libérer chacun à leur façon et à trouver leur voie.



C'est doucement poétique, tendre, vivant et surtout si crédible dans cette parole lourde de souffrances.

Une histoire de résilience, de lutte, mais surtout d'espoir.

Non pas l'espoir de guérir les blessures, mais de parvenir à vivre avec, d'être capable de les apprivoiser et d'en tirer du bonheur.





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Déluge

Quelle jolie voix que celle d'Henri Bauchau ! Très singulière, je la découvre avec ce livre « Déluge » et je suis sous le charme. Ce livre m'a parlé, j'ai été portée par les couleurs, les fulgurances des personnages, par ce ton décalé et poétique. Par la psychologie qui pointe le bout de son nez à chaque page (Henri Bachau est psychanalyste de métier, un psychanalyste poète) et même si, sans doute, je n'ai pas toujours su interpréter les comportements et réactions des personnages, je me suis laissée portée par la beauté et l'émotion.



« Je suis celui qui ne comprend rien au monde et aux machines. Tous les autres savent, moi pas. » Il se présente comme ça, Florian, ce vieux peintre que l'on considère comme fou, pas à cause des oeuvres qu'il fait mais parce qu'il ne peut s'empêcher de s'agiter, de casser ou de brûler. de brûler ou de jeter la majorité de ses propres toiles. le tableau est tellement beau en brûlant. D'ailleurs, on les vend de plus en plus cher ses toiles, on parle des « tableaux de la folie de Florian ».



Ce livre, c'est tout d'abord l'histoire d'une rencontre, celle de Florence et de Florian ; de l'intellectuelle qui n'a pas vécu sa vie mais celle que sa mère aurait voulu avoir, qui a ainsi fait carrière, enseignante à Sciences Po, mais qui est aujourd'hui malade, et de Florian le peintre décalé, à l'air fou et défoncé, qui est uniquement dans le ressenti, l'instant présent, la sensation, d'une beauté de tour ancienne, ravagée par le temps.

Sur les conseils de sa meilleure amie, Florence plaque tout pour une vie plus simple dans le Sud de la France. Florence rencontre Florian sur le port, en train de peindre, c'est un coup de foudre amical, elle va être celle qui va porter, aider le peintre caractériel à aller jusqu'au bout de son oeuvre ultime, intitulée « Déluge », en tentant de ne pas la brûler, pour une fois, cette gigantesque oeuvre, la toile de sa vie. Une rencontre où la personne qui semble le plus aider, le plus porter est en fait celle qui est sauvée, comprise au plus profond d'elle-même. Une rencontre salvatrice pour tous deux.



Ce livre est un touchant plaidoyer pour la différence, la folie, cette façon différente d'appréhender le monde. Cette façon non pas de faire durer les instants mais de savoir les saisir. Florence est cérébrale, cette rencontre va transformer sa vie, lui apporter du viscéral, du tactile, de la créativité, de la beauté, de la poésie, de l'imprévu. Des choses à la fois simples et profondes qu'elle tenait à distance dans son monde parisien.



« Déluge », c'est également une plongée dans le monde de la peinture, celui de la créativité, de l'épineuse question de son caractère durable ou éphémère. Pour Florian la peinture devient magnifique en la brûlant : « le tableau est devenu plus beau en brûlant, tellement beau que j'ai cru que j'allais jouir / Je peins un tableau et je n'ai pas envie de le détruire. Est-ce que je ne l'aime pas assez pour cela ? ». le monde de l'art, pour lequel les peintures sont avant tout appréhendées à l'aune de leur valeur marchande, en fait alors son fonds de commerce sur la base de l'implacable loi de l'offre et de la demande : les tableaux de Florian sont rares dont côtés donc hors de prix. Il voit en lui un nouveau Van Gogh. Florian est donc richissime, il vit pourtant parfois tel un clochard. Les moments de bonheur sont simples et authentiques, jamais consuméristes : « J'aime pédaler seul sur de petites routes tournantes, le vélo aussi, nous devenons amis. Parfois je m'arrête pour faire un dessin ou sculpter une petite pierre ou un morceau de bois que j'abandonne sur place. »



Ce livre montre comment l'art peut être un moyen de guérison, de communication, de communion, de vie parfois au prix de bouleversements et de souffrances ; à l'image de la révolution de 1968, où, les barricades et la révolution devaient faire sortir l'herbe sous l'asphalte, le projet de Florian, même s'il n'en a pas vraiment conscience, est de faire sortir la lumière sous le chaos, la paix après le déluge. Derrière le désordre, les taches, les salissures faire naître une harmonie ou, tout du moins, une discordance stimulante. Après la maladie, faire éclore la guérison et le bonheur.

Le livre montre également que la peinture s'apprend, se ressent, s'entend. Que pour la voir dans sa beauté, il faut des yeux capables de la voir.



Ce livre, enfin et avant tout, est également un message d'amour, l'amour le plus noble, telle que celui donné par un enfant, fait de contacts, de gazouillis au-delà des mots, de regards, d'acceptation totale de l'autre dans son unicité et sa spécificité, de patience. Un déluge de sentiments subtilement et élégamment offert.



Un immense merci à Marlène et Croquignol, sans oublier @Pgilly pour m'avoir donné envie de lire ce livre et de m'avoir fait découvrir cet auteur, si étrangement touchant !



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L'enfant bleu

L'histoire d'une belle rencontre entre une psychothérapeute, analyste, Véronique et un enfant très déstructuré, qui n'a pas encore trouvé de situation de confort. Je n'aime pas plaquer des étiquettes sur les enfants particuliers. Je laisse le soin aux professionnels de le faire.

Véronique a souffert elle-même de deux pertes très difficiles dans sa vie avant de rencontrer son deuxième mari, Vasco.

Dans le centre où elle travaille, elle prend en charge Orion qui pique des crises de panique assez terribles. Elle arrive à l'apaiser car elle a remarqué qu'en créant des labyrinthes où la couleur bleue domine, le gamin se calme et s'exprime. C'est le début d'une ouverture de la personne d'Orion jusque là renfermé dans on monde.

Le travail de Véronique est remarquable car elle est passionnée par son observation et fait preuve d'un grand calme et d'une énorme patience.

Un très beau livre dont je voulais entamer la lecture depuis longtemps.

Henri Bauchau est bien placé pour écrire ce genre de roman car il est lui-même psychanalyste au départ.

J'ai été très sensibilisée par ce livre car dans l'école où je travaillais, nous recevions chaque année des enfants traumatisés par la vie. Ils vivaient dans un établissement non loin de l'école et devaient être éloignés de leur milieu familial.

Grâce à ces enfants et à la pédagogie de la gestion mentale qui passait aussi par cette observation de chaque enfant dans leurs apprentissages, j'ai pu changer ma façon d'enseigner.
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L'enfant bleu

« L'enfant bleu », c'est l'histoire d'une rencontre. Une rencontre fondamentale, fondatrice, qui change à jamais la vie des personnes dont les trajectoires se croisent et se rejoignent, pour un jour ou pour toujours.



En l'occurrence, la rencontre est celle entre Véronique, psychanalyste que la vie n'a pas épargnée, nouvellement engagée dans un hôpital de jour à Paris, et Orion, adolescent psychotique de 13 ans.



Gravement perturbé, Orion souffre d'un retard de développement et est sujet à des crises d'angoisse et de violence que l'équipe soignante a bien du mal à gérer. Véronique comprend vite qu'elle est le dernier espoir d'Orion, à deux doigts d'être exclu de l'hôpital. Elle le prend en charge presque exclusivement, et découvre bientôt qu'il a un don pour le dessin. Elle l'encourage à exprimer ses peurs par ce biais, et l'orientera plus tard vers la peinture et la sculpture. A force de patience, de persévérance, de confiance, entre progrès, échecs, avancées et régressions, elle parviendra à guider Orion hors de son labyrinthe mental, à apaiser ses démons et à l'ouvrir à lui-même, aux autres, au monde. de transfert en contre-transfert, Véronique se pose aussi beaucoup de questions sur son travail et la ligne floue entre professionnalisme et surinvestissement dans la relation thérapeutique, sur l'impossible étanchéité entre vie privée et professionnelle, sur l'impact de cette thérapie sur ses propres blessures.



« L'enfant bleu » nous emmène au coeur de la souffrance littéralement indicible du « peuple du désastre » (celui des handicapés, des inadaptés, selon l'expression de l'auteur), tout au long d'un chemin de compassion et de résilience.



Pour ce roman, Henry Bauchau s'est inspiré de son expérience professionnelle et sa longue relation thérapeutique avec Lionel (voir « Lionel. L'enfant bleu d'Henry Bauchau »).



L'écriture est très factuelle, très réaliste, la lecture est rapide, même si parfois elle est un peu laborieuse en raison du retard de langage d'Orion, retranscrit tel quel, et un brin fastidieuse dans ses descriptions des dessins et peintures.



Mais ce livre est terriblement émouvant, tant on y ressent tour à tour la douleur, la confusion, l'incertitude, la fragilité, le découragement, mais aussi l'espoir, les éclats de joie pure, les éblouissements déclenchés par l'art et la musique, le pouvoir de l'empathie et l'importance de l'humanité.



#LisezVousLeBelge
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L'enfant bleu

Je choisis ce livre pour une île déserte, tant pour la beauté de son écriture, que pour le sujet et la manière poétique dont il est traité.

C'est l'histoire d'un garçon de 13 ans, Orion, psychotique, suivi quotidiennement dans un centre adapté à ses besoins. La nouvelle psychothérapeute, Véronique, va découvrir, à travers les dessins qu'elle lui fait réaliser, que les crises de cet enfant s'amenuisent pendant ces périodes de "création artistique".

Petit à petit, elle va approfondir sa technique dans cette voie, et il naîtra, du fond de cet enfant, un véritable don en peinture et en sculpture. Véronique fera tout son possible pour l'aider à grandir, à se trouver une place dans la société, à travers son art, à trouver l'amour d'une jeune fille aussi démunie que lui.



Bien entendu, on est loin de la réalité par le seul fait qu'il n'y a pas de centre thérapeutique où une seule personne est chargée d'un seul enfant, tous les jours. Quand on lit ce livre, on le regrette car on se rend compte qu'alors, beaucoup d'enfants pourraient être délivrés de leur état léthargique ou d'autiste dans lequel ils demeurent, par manque de moyens surtout.

Mais bon, je ne suis pas experte dans ce domaine; c'est simplement mon ressenti.



En tous les cas, ce livre est un énorme livre d'amour. ET on sent que l'auteur en avait énormément en écrivant ce livre.

Henry Bauchau, c'est un grand monsieur.
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Antigone

A la mort de son père, le roi aveugle Oedipe, Antigone rentre à Thèbes. Après avoir marché dix ans durant avec son père sur les chemins De Grèce, elle doit retourner dans sa ville natale. Sa ville maudite, puisque ses deux frères jumeaux, Etéocle et Polynice, s'en disputent le trône, et que l'affrontement mortel se rapproche inexorablement. Etéocle occupe le pouvoir, mais Polynice, le traître banni, marche sur la ville avec une armée. La guerre menace, Antigone le sait, et veut tout faire pour empêcher ses frères tant aimés de s'entretuer. Elle sait aussi qu'elle va échouer, mais elle n'a pas le choix, en tant que soeur il lui est impossible de prendre parti pour l'un d'eux ou de les laisser se déchirer, son destin lui commande de s'interposer.



Fraîchement accueillie à son retour à Thèbes, elle y trouve néanmoins sa place, s'occupe de soigner et nourrir les miséreux de la ville. Elle tente une médiation entre ses deux frères, en vain. La guerre est là, les frères ennemis se livrent une lutte sans merci dont aucun ne réchappe. Etéocle a droit à tous les honneurs lors de ses funérailles, tandis que le cadavre de Polynice est laissé aux vautours hors les murs de la ville. Créon, leur oncle et désormais roi de Thèbes, a décrété que le traître ne méritait pas de sépulture, et que celui qui tenterait de l'enterrer serait condamné à mort. A nouveau, le devoir et le destin d'Antigone l'appellent ; elle parvient à jeter quelques poignées de terre sur le corps de Polynice, avant d'être arrêtée. Elle s'en justifie devant Créon : "Je ne refuse pas les lois de la cité, ce sont des lois pour les vivants, elles ne peuvent s'imposer aux morts. Pour ceux-ci il existe une autre loi qui est inscrite dans le corps des femmes. Tous nos corps, ceux des vivants et ceux des morts, sont nés un jour d'une femme, ils ont été portés, soignés et chéris par elle. Une intime certitude assure aux femmes que ces corps, lorsque la vie les quitte, ont droit aux honneurs funèbres et à entrer à la fois dans l'oubli et dans l'infini respect. Nous savons cela, nous le savons sans que nul ne l'enseigne ou l'ordonne". Elle n'attend aucune clémence, aucun secours, elle refuse que ses amis se révoltent contre Créon et que le sang soit versé en son nom, son destin doit s'accomplir.



A l'école, j'avais dû lire l'Antigone de Jean Anouilh quand j'avais 15-16 ans, et cette héroïne au tempérament entier, intègre, idéaliste, qui voulait tout, tout de suite, m'avait alors bouleversée, subjuguée. Avec le roman de Bauchau, le coup de coeur est moins fulgurant, mais tout de même, quel personnage. Et puis la forme du roman, plus longue que celle d'une pièce de théâtre, permet de pousser davantage l'analyse psychologique des protagonistes, et il faut avouer que le mythe d'Oedipe et de sa descendance est un aubaine pour le psychanalyste qu'était Henry Bauchau. Il y a la question fascinante de la gémellité, avec le brillant Polynice, préféré de sa mère Jocaste, et Etéocle, l'éternel complexé, qui n'existe et ne se construit que dans sa rivalité avec son frère. Et Antigone, vouée dès sa naissance à se sacrifier pour les autres sans jamais pouvoir vivre sa propre vie ni tenir compte de ses désirs, d'aimer ou d'avoir des enfants. Infiniment, terriblement seule malgré tout l'amour de sa famille, de ses fidèles amis, de ses soupirants à qui elle s'empêche de céder, parce qu'une force supérieure l'appelle. Et puis il y a le Destin, celui qui s'accomplira quoi qu'on fasse pour le détourner de son cours.



Il y a l'amour et la haine, les deux faces d'une même médaille, indissolublement liées, et qui conduiront Antigone à la mort. Il y a aussi l'opposition homme/femme, l'individuel et le collectif, la politique et le sacré, la filiation et la maternité, l'amour et le renoncement, la force et la fragilité d'une femme. Antigone l'héroïque est amour, passion, désespoir, désirs, féminité, regrets, révolte, impuissance, résignation. Elle porte sa souffrance et celle des autres et son horreur de la guerre, un poids bien trop lourd pour elle, qu'elle dépose dans un dernier cri de rage, avant le silence du tombeau.



L'Antigone de Bauchau est un texte très (parfois trop) lyrique et un peu long. Mais, parsemé de belles fulgurances et de moments poignants, entre noirceur et lumière, il est l'écho d'un cri qu'on entend encore bien après avoir refermé le livre, et le portrait d'un personnage inoubliable.
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Oedipe sur la route

Un roman d’aventures rongé par les mythes !



C’est le périple d’Œdipe, un personnage complexe. Il a tué un homme (un cas de rage au volant) et épousé la veuve. Mais rien n’est facile dans ce « téléroman » antique, celui qu’Œdipe a tué était son père et c’est avec sa propre mère qu’il a fait quatre enfants. Quand l’inceste fut découvert, pour se punir de son aveuglement, Œdipe parcourt la campagne avec les yeux crevés et seule sa fille/demi-sœur insiste pour l’accompagner.



Quel angle adopter pour parler de sa fille Antigone ? On ne sait pas par quel côté prendre cette figure. Pas de doute, pour elle, « Le plus fort, c’est mon père ! » et elle est prête à tout pour lui : mendier, se battre ou sculpter la pierre. (Heureusement, elle n’a pas besoin de supprimer sa mère car Jocaste est déjà morte…)



Sur la route, Œdipe et Antigone rencontrent d’autres tragédies grecques : Clios, victime d’une rancune familiale à la Roméo et Juliette, un village de pestiférés, un clan qui a mis en échec les envahisseurs armés en sacrifiant sa reine et son roi.



En chemin, le héros réalise aussi des épreuves surhumaines : maîtriser un tyran, sculpter la vague dans la falaise, guérir de la peste, se changer en géant pour gravir les hautes collines et disparaître finalement dans le chemin du soleil.



Pour agrémenter son voyage, Œdipe exerce tous les arts avec brio : de la musique et de la danse, de la poésie, du chant et de la sculpture pendant que ses compagnons font aussi de la poterie, de la peinture et du tissage.



Une épopée épique (avec des batailles où une pique bien aiguisée est un atout), qui tient du fantastique, mais qui est surtout dramatique, avec des angoisses et des souffrances infinies.



Un texte qui n’a pas du tout la légèreté que j’ai voulu donner à ma critique et si les commentaires de fin du livre décrivent la quête d’Œdipe comme une métaphore de nos tourments intérieurs, il est difficile de s’identifier à des situations si extrêmes et si éloignées de notre réalité.

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Antigone

Henry Bauchau est un auteur peu connu me semble-t-il, décédé il y a quelques années à presque cent ans. Il est entré dans la lumière des médias lorsqu'il a obtenu le prix du Livre Inter pour son roman le Boulevard périphérique en 2008, magnifique roman, mais c'est une amie bibliothécaire qui me la fait connaître. Elle a tout lu de lui : ses romans tout d'abord, mais aussi ses poèmes magnifiques, il a écrit aussi des oeuvres théâtrales, et étonnamment autour de ses publications il écrivait une sorte de journal en parallèle pour donner quelques éclairages sur le contenu de ses écrits. Un jour, elle décida de lui écrire pour lui faire part de son admiration pour ses oeuvres et il lui répondit, par une lettre manuscrite, une écriture en pattes de mouche, répondant tel un professeur bienveillant et attentif, à toutes les questions qu'elle lui avait posées pour mieux comprendre certains aspects de ses textes. Elle en fut totalement retournée... Ils continuèrent de s'écrire jusqu'à sa mort et en guise de partage, elle me donna l'envie de connaître mieux l'oeuvre de cet écrivain.

Ah, j'oubliais presque l'essentiel et qui donne une connotation particulière, en dehors de l'écriture romanesque, Henry Bauchau exerça la profession de psychanalyste, ce qui n'est pas anodin dans son oeuvre, en particulier sur le livre dont je vais vous parler ici, puisqu'il y plane forcément le fameux mythe d'Oedipe...

Avant de lire l'Antigone d'Henry Bauchau, qui est un roman, je pense que c'est important ici de le préciser, j'avais lu les deux oeuvres théâtrales les plus connues autour de ce mythe d'Antigone : celle de Sophocle tout d'abord, puis celle de Jean Anouilh, plus moderne. Je trouve que le récit sous forme de roman apporte vraiment quelque chose de nouveau par rapport à la dramaturgie théâtrale. Comme je savais qu'Henry Bauchau était psychanalyste, forcément ma lecture a été un peu influencée en cherchant ici et là où il avait pu poser cette empreinte particulière. Et je n'ai pas été déçu...

Tout d'abord Henry Bauchau rend ce personnage mythique très attachant, presque proche de nous. C'est sans doute dû à la narration, puisque c'est Antigone qui nous parle, c'est elle la narratrice du récit, de son propre destin.

Il en fait un personnage lumineux, sensuel, féminin. Elle est présente à nos côtés ou plutôt ce sont nous qui marchons dans Thèbes sa ville, dans ses pas, au plus près d'elle. Nous sommes presque dans sa respiration. Nous devenons intimes de ses pensées, des images qu'elle porte sur son enfance, les siens, son destin, les sentiments et les pulsions qui l'animent.

Après un long périple tumultueux qu'Henry Bauchau a raconté dans un ouvrage précédent : Oedipe sur la route, Antigone revient chez elle. Son quotidien est fait d'une maison, d'un havre de paix provisoire, d'une vie familiale où elle se retrouve avec bonheur. Cependant, cette tranquillité est éphémère. Les deux frères jumeaux d'Antigone, Etéocle et Polynice, s'affrontent, avec comme enjeu celui de poser leur pouvoir sur Thèbes. D'ailleurs, au-delà du désir de rejoindre le havre familial, elle était déjà préoccupée, animée par ce désir ardent d'agir pour éviter l'affrontement. Antigone n'est pas très bien accueillie lorsqu'elle revient à Thèbes, reconnaissons-le. Cependant, sa personnalité généreuse va s'imposer autour d'elle. Elle apporte une lumière, une respiration nouvelle, quelque chose qui manque en ce lieu. Mais la querelle des deux frères dévoile vite autre chose que la simple quête du pouvoir et du contrôle de Thèbes. C'est là que tout l'art d'Henry Bauchau, en fin psychanalyste, va se révéler. C'est une querelle entre deux frères jaloux de l'amour porté par leur mère Jocaste. Leur mère est à présent morte mais elle continue d'être présente dans ce récit. Jocaste, peut-être que ce nom ne vous dit rien et pourtant... Lors d'un second mariage, elle fut l'épouse de son propre fils, Oedipe, de qui elle aura quatre enfants, deux garçons, Étéocle et Polynice, et deux filles, Ismène et Antigone. Elle se pend lorsqu'elle apprend la vérité des liens l'unissant à Oedipe. Voilà, je savais bien que cela vous dirait quelque chose...

L'amour de la mère, désormais défunte, pour ses deux fils s'invite ici. Elle avait une préférence qu'elle ne cachait pas pour Polynice. Polynice est l'enfant qui vit dans la lumière, tout semble lui réussir, tout ce qu'il touche devient de la lumière. Mais il est excentrique, colérique. Etéocle l'enfant mal aimé est un être plus sombre, plus introverti. Il est d'une humeur calme. Comment deux frères jumeaux peuvent-ils être si dissemblables de caractère ? Comment dès lors Antigone pourra-t-elle éviter l'affrontement fratricide et réconcilier les deux frères qui portent malgré tout, un profond respect l'un pour l'autre ?

Pourtant Antigone, marche, crie. Son cri est merveilleux car elle ne veut pas la mort des siens, de ses frères. Elle aime ses frères plus que tout, elle ne supporte pas qu'ils puissent ainsi d'affronter. Elle marche vers son destin. À cet instant, elle croit encore que tout est possible. Nous aussi. Comme c'est beau l'espoir... Sinon, pourquoi se battrait-elle avec tant de fougue ? Elle est belle dans son combat. Tout au long de la lecture du roman, lorsque je refermais le livre, il m'arrivait de laisser mon imagination vagabonder vers les personnages, vers Antigone dont j'étais tombé amoureux, des images venaient alors vers moi, la silhouette d'une femme à la fois forte et fragile, belle marchant dans les murs de Thèbes. J'aurais voulu la sauver, retenir ses pas, l'amener hors de Thèbes, si loin, très loin.

Nous avançons vers le destin d'Antigone, nous marchons près d'elle, nous avons juste un pas d'avance car nous savons ce qui l'attend. Et malheureusement nous ne pouvons pas agir pour inverser le cours des choses.
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Le boulevard périphérique

Le narrateur visite quotidiennement sa belle-fille, Paule, atteinte d’un cancer qui semble impossible à vaincre. Il emprunte chaque jour le boulevard périphérique en voiture ou enchaîne les correspondances de RER, de métro et de bus. « Je vois une longue suite de jours où j’emprunterai le boulevard périphérique ou le métro et toutes les stations qui vont jusqu’au Fort d’Aubervilliers. » (p. 68) Ce voyage sans cesse recommencé constitue une boucle infernale dont le narrateur ne peut et ne veut s’extraire. Et peu à peu, c’est sa mémoire qui devient un boulevard périphérique, une longue boucle interminable dont il manque toutes les sorties, sans cesse repris par le flot de ses souvenirs. Ces derniers s’imposent au présent et la mort abolit le temps.



La mort imminente de Paule rappelle au vieux narrateur la disparition de son ami Stéphane, exécuté en 1944 par un officier nazi, le cruel colonel Shadow. « Je n’en peux plus de penser à Paule, de vivre à travers elle la mort de Stéphane. » (p. 15) Stéphane était jeune et plein de force, excellent grimpeur et premier de cordée. Le corps du bel alpiniste a été retrouvé, mais les circonstances de sa mort restent mystérieuses. Vers la fin de la guerre, le narrateur a été contacté par le colonel Shadow. Au cours de longs et d’intenses entretiens, l’officier nazi a révélé son admiration pour le résistant terroriste.



Près de 40 ans après la mort de son ami, le narrateur vit au quotidien avec son souvenir, avec l’ombre lourde de Shadow et le regret d’une jeunesse qui a été brisée en plein élan. « Je dis des petits bouts de prière pour qui ? Pour Paule, pour Stéphane ? Ou peut-être pour Shadow parce que c’est lui qui meurt peut-être le plus obstinément en moi. » (p. 144 & 145) À présent vieux et bien impuissant devant le mal qui ronge sa belle-fille, le narrateur ne sait comment parler à son fils Mykha ou comment atteindre son petit-fils Win. « Il y a que je suis l’homme sans argent, fragilisé par l’âge, mais dont les mains réchauffent encore. » (p. 173) Le narrateur porte durablement ses morts en lui-même et sa vie est couverte de l’ombre de la disparition prochaine. Mais face à l’inéluctable, il reste toujours un espoir et une possible suite.



J’ai aimé suivre le narrateur et Stéphane sur leurs de voies de varappe. L’ascension et la légèreté par rapport à la pierre contrastent fabuleusement avec la pesanteur de la guerre et du colonel Shadow. Autant Stéphane est un être aérien, autant Shadow est ancré dans le sol, voire dans le tréfonds, au plus près de la boue et de la salissure. Et l’unique faiblesse de Stéphane, dérisoire talon d’Achille, sera son ultime force et sa dernière liberté.



Le roman d’Henry Bauchau est de ceux qu’il faut aborder avec l’esprit reposé, voire apaisé. Il brasse trop de douleurs et de sourdes violences pour être lu dans l’effervescence ou l’agitation. Il y a de nombreux récits parallèles et de voix qui s’élèvent. Le tout est parfois difficile à suivre. Pour suivre le titre, je dirais qu’il ne faut pas manquer les sorties. Si j’ai d’abord eu des difficultés à m’intéresser à Paule, d’autant que les deux premiers tiers du roman sont plutôt consacrés à Stéphane, j’ai fini par m’attacher à cette famille marquée par la maladie et meurtrie par la routine quotidienne et nécessaire des déplacements à l’hôpital. Ce texte est d’un abord complexe : la langue est dense, le sujet est grave et l’issue très incertaine. Parvenue au bout de ma lecture, je me suis sentie comme le narrateur, la première fois qu’il a franchi un surplomb difficile, encouragé par Stéphane. C’est donc une très belle lecture, mais véritablement exigeante.

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Antigone

Ce livre est un cri... celui que pousse Antigone pour ses frères, sa ville, le souvenir de Jocaste et Œdipe et pour ses amours perdus... Elle porte sur ses épaules tout le poids de la guerre fratricide qui la mène à la mort. Elle souffre de ne pouvoir vivre pour elle, mais de devoir se sacrifier au nom de la famille.

Je ne possède aucune connaissance en mythologie grecque, je ne suis pas même spécialement attirée par cette période, mais on m'avait conseillé ce livre lors d'un club lecteur et je suis heureuse de l'avoir ouvert !!! On est littéralement emporté aux côtés d'Antigone, dans cette Thèbes bouleversée par l'orgueil et la soif de pouvoir des jumeaux de Jocaste...

Un roman dans lequel il faut absolument plonger si vous aimez les personnages forts et fragiles à la fois, qui vous hantent longtemps après la dernière page...
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L'enfant bleu

Quand Véronique trouve ce travail de psychanalyste à l'hôpital de jour, elle est criblée de dettes et sa vie perso est difficile. Ce travail, dans Paris, loin de chez elle, est plus que nécessaire. Véronique doit trouver sa place parmi ses collègues et trouver son rythme avec les trajets en train et à pieds fatigants.



Pour Orion, adolescent psychotique, qui vit avec son démon, c'est sa dernière chance de passer ses journées avec d'autres enfants. Orion, ou plutôt son démon, est violent quand on le provoque et ses camarades de classe adorent le pousser à bout.



Un gamin dont personne ne veut plus s'occuper, une nouvelle qui a besoin de son travail et surtout de son salaire, leur destin vient de se lier.



Véronique va accompagner Orion pendant plus de dix ans. Elle voit dans les premiers dessins d'Orion l'artiste qu'il deviendra, mets en place les dictées d'angoisse à la demande, Orion dicte et raconte ses angoisses.



Pour accompagner un adolescent comme Orion, Véronique a du sortir du cadre de son travail et faire un transfert, il a pris place dans sa vie et lui a permis de se reconstruire.



Ce récit ressemble à un conte dans la relation unique d'une psychanalyste et d'un gamin psychotique, mais est réaliste dans cette relation.



Une utopie réaliste que j'ai aimée lire.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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L'enfant bleu

Un beau roman que j'envisageais de lire depuis longtemps. Je ne suis pas déçue. Henry Bauchau y transcrit son expérience personnelle et professionnelle, et nous présente le handicap mental avec un regard neuf, empli d'espoir. Les personnages sont attachants. L'histoire est belle, sans pathos. Je trouve seulement quelques longueurs à ce texte. Je pense qu'il aurait pu être amputé de certains passages sans que cela nuise à la compréhension du récit. Mais c'est quand même un très bon roman, digne de son auteur.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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Le boulevard périphérique

Quel livre exceptionnel !

Un homme va quotidiennement voir sa belle-fille atteinte d’un cancer.

Pour se rendre à l’hôpital, au fil des jours, il emprunte le boulevard périphérique et égrène ses souvenirs comme s’égrène le chapelet des portes de Paris.

Dès les premières pages, les personnes qui ont marqué sa vie, les évènements passés se succèdent, se mêlent au présent.

Avec un grand art, Henry Bauchau nous fait passer d’une époque, d’un personnage à l’autre, sans que jamais on ne sente de rupture dans la lecture.

On suit avec délice les méandres de ses pensées et de ses souvenirs, l’une ou l’un entraînant l’autre.

Quelle sensibilité dans l’écriture, quelle fine analyse psychologique de l’Homme et des relations humaines !

De l’ouvrier immigré qui creuse le regard dans le vide à l’ami de jeunesse, au bourreau nazi, maîtrise personnifiée, tous les portraits, et ils sont nombreux, sont sublimes et criants de vérité.

Quel art pour dire si légèrement des choses si profondes !

La mort, omniprésente côtoie l’espérance et l’amour avec une infinie délicatesse.

J’ai lu ce livre lentement, très lentement, mais trop vite encore pour m’imprégner de toutes les richesses qu’il contient.

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Oedipe sur la route

'Revisité' par Bauchau, avec poésie, émotion et tendresse, l'exil vers Colone du magnanime roi Oedipe, banni de Thèbes, aveugle, divin mendiant assisté de sa fille Antigone. La rédemption du bandit Clios complétera ce trio de sculpteurs, danseurs, aèdes.



Superbe passage quand Clios raconte son amour pour le berger de l'autre vallée, de l'autre clan, l'un jouant de la flûte, et l'autre dansant sur l'autre versant, mais dans la peur d'être surpris car une dette de sang déchire les deux clans.



L'utilisation du 'présent' fait merveille, le texte est magnifique mais j'ai buté sur certains passages trop hermétiques et inaccessibles à mon petit cerveau cartésien.

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L'enfant bleu

Pour apprécier ce livre, je pense que le lecteur doit être inspiré par le sujet. Dans le cas contraire l'ouvrage peut paraître long. Dans ce roman, le lecteur est témoin de la thérapie mise en place par la psychologue d'Orion. Pas à pas, nous suivons les différents échanges entre la psy et son patient, les progrès, les échecs, mais surtout la formidable ténacité et l'implication sans faille de Véronique. Sensible à cet univers, j'ai beaucoup apprécié ce livre. L'écriture est accessible, l'ambiance générale du livre est fidèle à l'histoire si particulière qui est racontée. J'ai ressenti très fortement les interrogations, les doutes, les petites et grandes victoires, mais aussi la complicité entre les deux protagonistes. C'est une lecture marquante, à ne pas manquer !


Lien : http://uneautrelecture.blogs..
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L'Enfant rieur, tome 1

Achat 12 novembre 2011- Librairie- boutique de l'aéroport d'Ajaccio- Relecture 24 janvier 2024.



Un écrivain découvert en 2008 grâce à une amie, qui m'avait offert un roman qui l'avait captivée ; Il s'agissait d'un très beau texte" L' Enfant bleu", touchant sa pratique de psychanalyste....



Ressentant le même enthousiasme, je me suis plongée dans l'oeuvre abondante de cet écrivain belge, venu assez tard à l'écriture, même si cette dernière était bien présente très tôt, en latence !



Dans cet " Enfant rieur", il s'agit d'un récit personnel qui retrace l'enfance et la jeunesse d'un garçon né juste avant la fin de la première guerre...puis l'entre- deux guerres, et à nouveau une autre guerre ou le jeune officier Bauchau se battra avec ses hommes qui le respectent...mais où il sera en rébellion

( intérieurement)contre l'état-major, car il supporte mal d'accepter la " Retraite" qu'on lui ordonne...



D'ici là, on a un petit garçon qui nait et vit dans une famille belge de la haute bourgeoisie; il se débat avec de gros soucis scolaires, malmené par les autres gamins; l'école l'ennuie, l' insupporte...

Ses parents sont aimants, mais engoncés dans les règles et principes de leur milieu social: catholiques et grands bourgeois... Comme par exemple , la méfiance exagérée de la Mère envers la Lecture..., avec l'omniprésence des " curés " !



Et pourtant, cela sera bien la lecture qui sauvera le petit Henri....



En contrepoint, des passages admirables sur son père qu'il vénère. Un amour entier pour un père brillant, aimant, malheureusement écrasé, méprisé par son propre père, et par un frère aîné, si imbu de sa fonction de patron....qu'il en devient une caricature...et cette mère aimante, cultivée, mais plus conventionnelle et rigide...tout cela dans un contexte de fuites, déménagements fréquents dans la période difficile de l'entre-deux guerres...



"En fouillant ma mémoire, je trouve beaucoup d'autres traits de ce genre, qui me révèlent que mon père était un élève zélé mais qui riait sous cape de ce que lui apprenaient ses professeurs de littérature française ou antique.Cela révèle chez lui un être beaucoup plus complexe que celui auquel je suis habitué. C'est incontestablement quelqu'un qui défend le devoir civique, le devoir familial et le respect de l'Église, mais cet homme de devoir cache sous cette première couche un homme de la dérision qui aime se moquer de ce que notre société a connu de plus rigide : un collège de jésuites. "



Ce récit réunit la description de l'enfance et du mal de vivre d' un adolescent en construction , dans une période historique belliqueuse et complexe (*** Appris ainsi beaucoup de la situation plus compliquée et humiliante de la Belgique pendant la seconde guerre...où elle a dû abdiquer, au grand dam de notre narrateur)



Henri, l'enfant, l'adolescent nous raconte ses relations à ses parents, à son frère aîné Olivier,admiré et craint à la fois, sa passion pour la lecture, pour les histoires que son père leur racontait , où il se révélait totalement autre, loin de son image sociale...



Contrairement à l'aîné, Olivier, plus pragmatique et énergique, on ressent Henri notre futur écrivain, très, très introspectif, rêveur, tourmenté...plein de doutes et de questionnements sans fin...



Une relecture...qui fait d'autant mieux comprendre le très riche cheminement de l'écrivain, de l'écriture à la psychanalyse, sans oublier ses longues années d'enseignant, dans une structure innovante, créée par lui et son épouse...



J'achève ce billet par un extrait touchant son père; ces passages sont parmi ceux qui m'ont le plus émue !



"Chose étrange, maman venait rarement l'écouter dans ce rôle de conteur où l'on pouvait entendre ce qu'il y avait de plus intime, de plus charmé, caché sous l'écorce parfois rude de papa. Ainsi elle n'a pas perçu, derrière son côté bourgeois, provincial et scientifique, ce qu'il avait de plus précieux, qu'il dissimulait d'habitude et ne montrait que sous ce revêtement imaginaire auquel, en se trompant sur lui-même, il n'accordait aucune importance. Qui était-il vraiment ? Je pense que ses histoires nous révélaient plus sur lui que son comportement. Ingénieur et rêveur, bourgeois et romantique, mon père était avant tout un grand conteur que seuls les enfants pouvaient comprendre. "



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Oedipe sur la route

Je viens de terminer ce magnifique roman. Et je ne sais absolument pas ce que je vais en dire, tant je crains de ne pas rendre justice à un récit aussi beau.



Henry Bauchau nous raconte le périple d'Œdipe, qui quitte Thèbes et part, comme le titre du roman l'indique, sur les routes de Grèce. Antigone, qui ne veut pas le voir partir et craint qu'il ne puisse se débrouiller seul (Œdipe s'est déjà crevé les yeux) le suit, malgré la réticence d'Œdipe.

Père et fille vont rencontrer de nombreuses embûches en chemin. Ils mendient pour manger et boire. Ils dorment parfois à la belle étoile. Au début, ils sont confrontés à l'hostilité de certaines personnes, qui reconnaissent Œdipe et ne veulent rien avoir à faire avec lui... Le courage d'Antigone fait alors des merveilles : cette toute jeune fille de 14 ans n'hésite pas à mendier elle-même pour pourvoir aux besoins de ce père qu'elle admire tant.

Œdipe et Antigone rencontrent ensuite Clios. Ce dernier est qualifié de "bandit" mais, après une bagarre dont Œdipe sort victorieux, Clios décide d'accompagner les deux marcheurs. A partir de ce moment, le récit se transforme sensiblement. La route d'Œdipe est moins rude, car Clios veille à le guider et le soigne lorsqu'il se blesse. Antigone, qui admire Clios, est également encouragée par sa présence. Les relations entre Œdipe et sa fille semblent également facilitées par la présence de Clios. Peu à peu, les habitants des campagnes semblent tolérer ces étranges voyageurs, qui ne doivent plus mendier et s'humilier afin de recevoir un peu de pain.

Peu à peu, on en apprend plus sur chacun des personnages. Œdipe et Antigone se révèlent. Clios et Constance racontent l'histoire de leurs vies à Œdipe. Des souvenirs et des rêves reviennent à Œdipe, qui les partage avec certaines personnes. Et les personnages, sans devenir totalement attachants (Œdipe et Antigone étant bien trop impressionnants pour devenir familiers), semblent toutefois devenir plus humains et plus accessibles.



Œdipe sur la route est un véritable récit initiatique. On y retrouve des personnages en errance, en quête d'un sens à leur vie. Mais c'est aussi un roman qui m'a donné l'impression de célébrer de nombreuses formes d'art : sculpture, peinture, musique, chant, danse... Chaque personnage a un talent particulier que Bauchau nous révèle. Et ce talent devient, pour certains, la voie du salut : c'est par le chant et la sculpture qu'Œdipe retrouve un peu de sens à son existence.



Henry Bauchau a également beaucoup de talent pour "faire parler" ses personnages. A plusieurs reprises, la voix des personnages eux-mêmes est presque perceptible, tant le récit est bien écrit et permet d'oublier l'auteur qui sert d'intermédiaire entre le lecteur et les personnages. Le récit de Clios, en particulier, est totalement dépaysant !



Si je ne devais choisir qu'un personnage à retenir, ce serait Antigone. Malgré son jeune âge, elle fait preuve d'un grand courage et d'une grande résistance face aux épreuves rencontrées sur le route. Je ne connaissais cette héroïne que par la pièce de théâtre de Jean Anouilh et, déjà là, je la trouvais formidable. Henry Bauchau m'a permis de l'apprécier encore plus. Œdipe est intéressant lui aussi : alors qu'on en a souvent instinctivement une image négative vu son histoire (et vu la façon dont les professeurs nous racontent son mythe...), Bauchau parvient à le rendre admirable. Malgré son infirmité, il reste un grand roi, un homme puissant, qui a l'habitude de commander des troupes et de contrôler tout ce qui l'entoure. Son errance sur la route n'en est que plus douloureuse, mais on comprend petit à petit que ce voyage est nécessaire : afin de se (re)trouver, Œdipe doit d'abord se perdre...
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Le boulevard périphérique

Très beau roman écrit par un poète de 95 ans! Le narrateur traverse chaque jour le boulevard périphérique pour aller rendre visite à sa belle fille atteinte d'un cancer. Cette mort redoutée va le ramener quarante ans plus tôt et faire ressurgir la disparition terrible et mystérieuse de son ami Stéphane grimpeur magnifique , engagé dans la résistance.

Entre légèreté et pesanteur, beauté et noirceur, amour et haine, Henry Bauchau trouve dans leur puissance, un point de convergence des extrêmes. Dans un style épuré, ce psychanalyste nous entraine dans les profondeurs de l'âme. Tout en finesse et délicatesse, il décortique les racines du mal dans sa terrible intelligence, il interroge les questions fondamentales de la vie et de la mort.



«  je suis dans le petit bureau où je reçois mes patients. J'écoute, j'écoute des souffrances, des actes manqués, de faux espoirs . J'écoute des rêves, des piétinements, des élans ( ). J'écoute le mieux que je peux et comme il y a en moi une forte présence de mort j'entends leur parole de mort, de condamnation d'eux-mêmes qui s'élève sur un fond d'amour et d'espoir en mineur. Je pense c'est bien d'être heureux, c'est bien de jouir. Mais il n'y a pas de devoir de jouir pas de devoir d'être heureux. »

Un texte fort, qui porte vers la vie malgré les apparences, à savourer avec lenteur, à lire et à relire pour en saisir toute la profondeur.



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Déluge

"L'art et la folie, le rêve et le délire, la vulnérabilité et l'inépuisable nécessité de créer, tels sont quelques uns des chemins qu'Henry Bauchau propose à notre réflexion, et qu'il illumine d'une écriture aussi profonde que limpide".



Je me suis laissée emporter dans d'autres sphères, bien loin d'une réalité journalière banale avec ce livre "Déluge".

Prémonition d'une foule d'impressions et de sentiments exacerbés par l'histoire d'un peintre de génie.

Génie qui côtoie la folie d'une Oeuvre Infinie où il est peint la pluie et les tempêtes et nous les fait entendre.



"Ô bruit doux de la pluie".



Florian, la peinture est en lui, incandescente, ça le rend heureux mais désespéré, toujours.



Florian - ses terreurs - sa sauvagerie - sa bonté - sa fragilité - ses fuites de noir et de couleurs qu'il transcendent sur ses toiles.



Immense tableau, peinture à trois qui transpercera les coeurs et commencera par un chaos pour se terminer en apothéose de couleurs qui s'exaltent, mais aussi en noir dans des abîmes d'obscurité et d'allégresse.



Peindre le noir et en faire sortir la lumière !



Allégresse qui illumine et retombe en cendres ou en larmes.



Florian peint avec fureur, dessine des abominations, des déchirements, des éruptions, des accouplements affreux et y met le feu - Arbre foudroyé !



L' Arche de Noé - Florian/Noé rescapé du déluge.



Florence et Simon qui l'accompagnent et à qui il dit :

" Tout n'est pas en dehors. Mais en toi".



"Il te prend en lui-même et là sans t'enfermer, il te chérit, il te chérit".



"Il est doux d'être chérie par un regard, une pensée qui n'exigent rien de moi".



J'ai adoré ce bouquin, je l'ai vécu intensément.



Je ne connaissais pas cet auteur, mais je le relirais.



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