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Citations de Hermann Hesse (2212)


Tout recommençait : angoisse, tristesse et désespoir reprenaient le dessus. Tout ce qu'il avait surmonté ou rejeté dans le passé reparaissait. Il n'y avait pas de rémission possible.
Il s'habilla à la hâte, sans lumière, alla chercher derrière la porte ses bottines couvertes de poussière, se glissa dans l'escalier et sortit de la maison, désespéré, traînant la jambe, fuyant le village et la nuit. Il haïssait et bafouait ce personnage obsédant qui n'était autre que lui-même.
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Un abbé d’un ordre noir (les bénédictins), excellent homme d’une moralité à toute épreuve, avait des moines bien étranges et relâchés dans leurs mœurs. Certains d’entre eux, un beau jour, s’étaient procuré force victuailles et vins fins. Craignant leur abbé, ils n’osèrent faire ripaille dans une des salles du couvent et se retrouvèrent tous dans une énorme tonne à vin vide où ils apportèrent leur provende. Or l’abbé en eut vent et, tout affligé, il accourut aussitôt, jeta un regard dans le tonneau, et son arrivée transforma la gaieté des buveurs en tristesse. Il vit bien leur effroi, joua le bon compagnon, entra auprès d’eux et leur dit : « Oh ! Oh ! mes frères, on voudrait donc goinfrer et biberonner sans moi ! C’est fort mal à vous. En vérité, je veux être de la fête ! » Et il se lava les mains, mangea et but avec eux et donna si bien l’exemple qu’ils retrouvèrent leur bonne humeur. Le jour suivant – non sans avoir auparavant prévenu et instruit le prieur – l’abbé se rendit au chapitre devant le prieur, en présence de ces moines, et il implora humblement son pardon, jouant la crainte et le tremblement, et il s’écria : « Seigneur prieur, je vous confesse à vous et à tous mes frères ici assemblés que j’ai, pauvre pécheur, succombé au vice de gloutonnerie et qu’hier, en secret, caché dans un tonneau, j’ai mangé de la viande contre les ordres et la règle de mon saint père Benoît. » Ce disant, il se jeta à terre et se prépara à recevoir sa pénitence. Comme le prieur voulait l’en empêcher, il lui fit cette réponse : « Faites-moi donc donner les verges ; mieux vaut expier ici-bas que dans la vie future. » La punition reçue et la pénitence faite, il revint à sa place. Mais les moines coupables craignirent alors qu’il ne les dénonçât s’ils cachaient leur méfait ; ils se levèrent donc aussi et confessèrent la même faute. L’abbé leur fit administrer une sévère correction par un moine qu’on en avait chargé à l’avance, il les traita sans douceur et les menaça des pires punitions afin qu’ils n’y revinssent plus. C’est ainsi, comme un médecin habile, qu’il guérit le mal qu’il ne pouvait soigner par des paroles, en donnant lui-même l’exemple.
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Un abbé de notre ordre me narra sur saint Thomas de Canterbury, qui fut martyr en notre époque, une histoire fort divertissante que l’on ne trouve à lire ni dans sa passion ni dans les livres de ses miracles.

Un prêtre un peu niais de son diocèse ne savait pas d’autre messe que celle de notre sainte Vierge Marie qu’il célébrait chaque jour. Aussi plainte fut-elle portée contre lui auprès du bienheureux évêque, et par respect pour le sacrement, celui-ci lui interdit dorénavant de dire la messe. Quelle ne fut pas la détresse et la misère du prêtre, et comme il implorait instamment la sainte Vierge, celle-ci lui apparut et dit : « Va trouver l’évêque et dis-lui en mon nom qu’il doit te rendre ton office. » Le prêtre opina : « Notre Dame, je suis un pauvre homme de rien, il ne m’écoutera pas, je n’obtiendrai même pas accès à lui. » La sainte Vierge dit : « Ne te soucie de rien, je te frayerai un chemin. » Mais lui de répondre : « Notre Dame, l’évêque n’en croira pas mes paroles. » La Vierge dit : « Tu n’auras qu’à lui dire ce signe : jadis, à telle et telle heure et tel et tel endroit, il a raccommodé sa haire et je lui suis venue en aide, en la lui tenant d’un côté. Il te croira aussitôt. »

Au petit matin suivant, le prêtre trouva sans encombre accès auprès de l’évêque et lui transmit le message de la sainte mère de Dieu. « Comment saurais-je que tu es vraiment son envoyé ? » lui demanda-t-il, et le prêtre lui raconta comme signe l’histoire de la haire. Lorsqu’il entendit cela, le bienheureux évêque s’écria avec étonnement et effroi : « Vois, je te rends ton office et te prescris de ne chanter et de ne célébrer que la messe de Notre Dame ; et pour mon âme je te demande de prier. »
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Hermann Hesse
Voilà pourquoi je ne fais aucun cas des doctrines.
Elles n'ont ni dureté, ni mollesse, ni couleur, ni odeur, ni goût, elles n'ont qu'une chose : des mots. Peut-être est-ce pour cela que tu n'arrives pas à trouver la paix ; tu t'égares dans le labyrinthe des phrases ; car, sache-le, Govinda : ce qu'on appelle Délivrance et Vertu, même Sansara et Nirvana, ce ne sont que des mots.
Il n'y a rien qui soit le Nirvana ; il n'y a que le mot Nirvana.
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Hermann Hesse
Cette pierre est une pierre, elle est aussi Dieu, elle est aussi Bouddha, je la vénère et je l'aime, non parce qu'elle peut un jour devenir ceci ou cela, mais parce qu'elle est tout cela depuis longtemps, depuis toujours - et c'est justement parce qu'elle est pierre et qu'elle se présente à moi aujourd'hui sous cette forme, que je l'aime, ses veines et ses creux, sa couleur jaune et grise, sa dureté, le son qu'elle rend quand je frappe dessus, la sécheresse ou l'humidité de sa surface; toutes ces choses ont maintenant une valeur et un sens à mes yeux.
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Hermann Hesse
J'ai appris à mes propres dépens qu'il me fallait pécher par luxure, par cupidité, par vanité, qu'il me fallait passer par le plus honteux des désespoirs pour refréner mes aspirations et mes passions, pour aimer le monde, pour ne pas le confondre avec ce monde imaginaire désiré par moi et auquel je me comparais, ni avec le genre de perfection que mon esprit se représentait ; j'ai appris à le prendre tel qu'il est, à l'aimer et à en faire partie, telles sont, ô Govinda, quelques-unes des pensées qui me sont venues.
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Hermann Hesse
Le monde, ami Govinda, n'est pas une chose imparfaite ou en voie de perfection, lente à se produire : non, c'est une chose parfaite et à n'importe quel moment.
Chaque pêché porte déjà en soi sa grâce, tous les petits enfants ont déjà le vieillard en eux, tous les nouveau-nés la mort, tous les mortels la vie éternelle.
Aucun être humain n'a le don de voir à quel point son prochain est parvenu dans la voie qu'il suit : Bouddha attend dans le brigand aussi bien que dans le joueur de dés et dans Brahma attend le brigand. La profonde médiation donne le moyen de tromper le temps, de considérer comme simultané tout ce qui a été, tout ce qui est et toute ce qui sera la vie dans l'avenir, et comme cela tout est parfait, tout est Brahma.
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Hermann Hesse
Le pêcheur que je suis et que tu es, reste un pêcheur; mais un jour viendra où il sera Brahma, où il atteindra le Nirvana, où il sera Bouddha, mais, rends-y garde : ce "un jour" est une illusion, ce n'est que manière de parler! Le pêcheur ne s'achemine pas vers l'état du Bouddha, il n'évolue pas, quoique notre esprit ne puisse se représenter les choses d'une autre façon.
Non, le Bouddha à venir est maintenant, il est aujourd'hui en puissance dans le pêcheur, son avenir est déjà en lui, tu dois déjà vénérer en lui, en toi, ce Bouddha en devenir, ce Bouddha encore caché.
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Hermann Hesse
Quand on cherche, repris Siddhartha, il arrive facilement que nos yeux ne voient que l'objet de nos recherches ; on ne trouve rien parce qu'ils sont inaccessibles à autre chose, parce qu'on ne songe toujours qu'à cet objet, parce qu'on s'est fixé un but à atteindre et qu'on est entièrement possédé par ce but.
Qui dit chercher dit avoir un but. Mais trouver, c'est être libre, c'est être ouvert à tout, c'est n'avoir aucun but déterminé. Toi, Vénérable, tu es peut-être en effet un chercheur; mais le but que tu as devant les yeux et que tu essaies d'atteindre t'empêche justement de voir ce qui est tout proche de toi.
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Hermann Hesse
Toute souffrance n'était-elle donc pas dans le temps, toute torture de soi-même, toute crainte n'étaient-elles pas aussi dans le temps ? Est-ce que tout ce qui dans le monde pesait sur nous ou nous était hostile ne disparaissait pas et ne se surmontait pas dès qu'on avait vaincu le temps, dès que par la pensée on pouvait faire abstraction du temps ?
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Ce qui nous était légué, c'était surtout un sens de la discipline et une foi au service de laquelle notre père et notre mère avaient toujours vécu, à laquelle aucun de nous, enfants, n'avaient jamais songé à se dérober, et qui, même une fois que j'eus rompu tous les liens avec la communauté des croyants, continua à me marquer de son empreinte profonde. Cette foi, nous la ressentions tous, foi en une destination de l'homme, croyance en sa vocation, en ses devoirs. Cette foi, difficile à exprimer par des mots et dont aucune action ne pourrait jamais éteindre en nous la force profonde, elle nous était commune à tous, de même que notre sang. Et même si nous étions amenés un jour à nous perdre, nous savions que nous appartenions pour toujours à un ordre, à une chevalerie secrète dont on ne peut pas sortir. Car un foi comme celle-là, on peut la fouler aux pieds, mais on ne pas la détruire.

En mémoire de mon père
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Ce n'est que depuis ces belles heures de plénitude et de recueillement passées dans la petite pièce claire et froide de mon père mort que la conscience de la mort est devenue pour moi quelque chose d'important et de précieux. Jusqu'à présent, j'avais peu réfléchi à la mort, je n'en avais jamais eu peur, je l'avais souvent souhaitée dans l'impatience du désespoir. c'est seulement maintenant que je voyais vraiment sa réalité et sa grandeur, que je la comprenais comme un pôle opposé qui nous attend là-bas, de l'autre côté, et que nous devons rejoindre pour que notre destin s'accomplisse, pour que le cercle se referme.

En mémoire de mon père
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(...) ; et je rafraîchis une nouvelle fois mon front et mes mains à la source sacrée. Tout ce qui faisait mal disparaissait devant cette bienfaisante fraîcheur. Et, me disais-je, aussi mauvais fils, aussi indigne de ce père que j'eusse été, un jour, moi aussi, j'aurais l'âme apaisée, un jour la fraîcheur gagnerait mon sang inquiet. Et s'il n'était pas possible dans la souffrance de trouver d'autre consolation, j'avais au moins toujours celle-ci : mon front aussi, un jour, sera plein de fraîcheur, et mon esprit rejoindra le monde de l'essentiel.

En mémoire de mon père
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Pendant un instant, debout à la fenêtre de ce train brinquebalant, je n'éprouvai rien d'autre que la douleur de tout ce qui m'était dérobé et une sorte d'amertume à l'égard de tous les hommes pour qui il n'était pas perdu, qui ne l'avaient pas connu, qui ne savaient pas quel homme extraordianaire avait vécu là et venait de mourir.

En mémoire de mon père
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Et je repensai à l'incompréhension dans laquelle notre père avait vécu de si longues périodes de sa pénible vie, bien qu'il eût été doué du merveilleux talent de savoir montrer et offrir aux autres, comme un présent gracieux, tout ce qu'il y avait en lui de léger, de lumineux, d'aérien. c'est étrange : dans la vie de cet homme toujours souffrant, excessivement délicat, il y avait une solidarité spécifique, une dignité de tenue, un fond chevaleresque qui rayonnaient sur tous. Mais ce n'était pas la gaieté des natures saines et naives qui le remplissait de gratitude et lui permettait d'accueillir les agréments de la vie. Sa gratitude et sa sérénité étaient celles de l'homme qui souffre et qui a appris, dans les années difficiles, à laisser prudemment une porte ouverte pour les rayons du soleil et les petits réconforts de l'existence.

En mémoire de mon père
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Mais surtout, tout m'apparaissait en ce jour dans une juste lumière, je ne voyais plus ma vie, en regardant en arrière, comme une vallée aux détours capricieux, mais comme une ligne absolument droite, à l'implacable nécessité qui partait de mon père et y retournait.

En mémoire de mon père
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(...), ce monde de cauchemar m'entourait à présent de sa froide irréalité et me volait ma douleur, empêchait mon esprit de s'élever ailleurs. En de rares instants seulement, les murs ternes de ce monde inconsistant s'effaçaient, et je pouvais voir, très loin derrière un vide vertigineux, un homme silencieux, revêtu d'un suaire, qui m'attendait.

En mémoire de mon père
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Dans la nuit, j'arrivai dans la ville où j'habitais, je montai dans un tramway, aperçus sur les sièges quelques connaissances qui bavardaient, et je détournai le visage vers la vitre ; devant mon regard devenu comme étranger, les rues et les ponts familiers évoquaient quelque lieu inconnu que j'aurais traversé en voyageur fatigué.

En mémoire de mon père
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Il faut que je renverse le sac de ma mémoire pour trouver ce qui est tout au fond.

Eugen Siegel
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Ce n'est que tard dans la nuit, au lit, que je ressentis l'ébranlement de toutes mes racines jusqu'à des profondeurs mystérieuses, que je compris la triste beauté de ce qui était perdu à jamais, et que je pus pleurer.

En mémoire de mon père
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