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Citations de Hernán Rivera Letelier (78)


…. si un livre déniché sur l’étagère la plus inaccessible d’une bibliothèque perdue dans le désert était capable de bouleverser – sauver – la vie d’un homme – d’un seul –, rien que pour ça il valait la peine d’avoir été écrit.
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Quelques jours plus tôt, elle avait accepté mon invitation au cinéma et, dans la pénombre de la salle, après plusieurs tentatives, j’osai enfin lui prendre la main. Ce seul contact suffit à m’exalter pendant tout le film. Durant ces cent dix minutes, je me vis passer le reste de ma vie avec cette femme magnifique : nous nous mariions, nous avions des enfants, gâtions nos petits-enfants, fêtions nos noces d’or et, à la fin de notre vie, assis sur une pierre à la porte de notre maison, heureux comme des fleurs, nous contemplions le vaste crépuscule de la pampa.
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C’était dimanche. Et, suivant l’exemple des gens qui se pomponnaient et revêtaient leurs plus beaux habits pour sortir dans les rues du campement, le soleil apparut du côté de la cordillère , rond et brillant, exact comme une Longines en or.
p.107
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Le mot poète m’a toujours pesé comme un halo de pierre. Enfant, je croyais que les poètes étaient tous morts. Ou qu’ils étaient des entités sublimes, quasi incorporelles. Il me paraissait impossible que quelqu’un écrivant des choses aussi belles tousse, par exemple, ou crache, ou saigne du nez. Je n’avais jamais vu un poète en chair et en os et la possibilité d’en voir un dans le désert me semblait aussi improbable que de rencontrer un ours polaire batifolant dans la réverbération des sables brûlants. Non, je n’étais pas poète, juste un païen s’efforçant de griffer le tissage de la beauté avec un crayon Faber No 2 sur les pages d’un cahier quadrillé.
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Dans l’unique librairie du campement il y avait de tout sauf des livres. En chemin pour la séance de cinéma de deux heures de l’après-midi – on passait un film avec Marilyn Monroe –, je jetai un coup d’œil machinal à la vitrine : parmi un fouillis de chemises, de cahiers et d’enveloppes, tel un poisson multicolore dans un aquarium de sardines, brillait la couverture d’un livre. Soit c’est un livre de cuisine, me suis-je dit, soit un recueil de chansons de la Nouvelle Vague, de ceux qui indiquent les positions des doigts pour plaquer des accords de guitare.
Moi, je ne cuisinais ni ne jouais de la guitare.
Je m’approchai de la vitrine : "Anthologie de la poésie chilienne contemporaine", d’Alfonso Calderón. C’était incroyable. À dix-neuf ans, je n’avais jamais eu un livre de poésie entre les mains. Le plus intellectuel que j’avais connu jusque-là – à part la Bible, le seul livre qu’il y avait toujours eu à la maison –, c’était de vieux numéros de Sélection du Readers’ Digest qu’un ami me prêtait.
(Incipit)
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-Il existe donc un miroir magique où les moches deviennent jolies,passager Titichoca?
-L’argent, les amis, dit sentencieusement don Olvido, voilà le miroir qui arrange tout. Par exemple si don Anonimo était riche, on ne le considérerait plus comme un pauvre fou, mais comme un monsieur un peu excentrique. De la même façon, si la brave épouse du boucher recevait un héritage et devenait millionnaire, on ne dirait plus qu’elle est moche à faire peur mais qu’elle a une beauté bizarre et exotique.
p.140
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Voyez-vous, mes frères, le démon lui-même ne boirait pas ce vin frelaté, dit-il quand les hommes lui firent remarquer qu'il ne buvait rien.
- Mieux vaut du vin maudit que de l'eau bénite, ami don Cristo, répondirent en riant grassement les poivrots.
Après avoir descendu plusieurs litres de vin en vrac - et un plat de sardines à l'oignon assaisonné d'aji vert, si piquant que les vieux l'appelaient "fils de pute" en écoutant avec résignation les conseils et les sages pensées pour le bien de l'humanité dispensés jusqu'à satiété par le prédicateur, les poivrots purent enfin lui couper la parole, "avec tout le respect que l'on vous doit, don Cristo", et se mirent à raconter leurs sempiternelles histoires de fantômes, de salpêtrières et leurs sublimes mensonges campagnards.
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Le Christ d'Elqui s'excusa :
- Je regrette beaucoup ma soeur, mais je ne crois pas avoir le courage de me montrer les fesses à l'air devant la Statue de la Sainte Vierge même si, comme vous me l'avez dit, vous lui couvrez le visage d'un carré de velours bleu quand vous êtes occupée. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, il vaut mieux rester ici, dans la cuisine. De plus, bien que je n'ai pas soulagé mes glandes ni pratiqué de pollutions nocturnes depuis plusieurs semaines, je ne veux pas d'accouplement dans les règles pour le moment. Je me contenterai de vous demander - ce disant, il relevait sa tunique, baissait son caleçon mortuaire et s'asseyait sur le banc, le dos contre la table - de vous agenouiller un moment là, entre mes jambes et de calmer ces ardeurs animales par une bonne "pipe", comme les mécréants appellent la fellation.
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- Rêver, c'est déjà une façon de lutter, don Olegario. Quelqu'un a dit un jour: tous les rêves sont séditieux.
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Le boxeur et moi étions aussi différents qu’une pierre du désert et une pierre de rivière, mais nous sommes devenus bons amis. Selon les copains de l’équipe, l’un représentait la force et l’autre la jugeote. Ce qu’ils justifiaient par la taille de nos mains : celles de Rosario Fierro grandes et larges comme des pelles ; les miennes longues et fines comme celles d’un pickpocket. Cependant nous sentions tous les deux que force et jugeote étaient la combinaison parfaite pour une amitié idéale.
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A cette heure hallucinante de la sieste dans le désert, le soleil était une pierre embrasée au milieu du ciel, il n'y avait pas un souffle de vent et l'atmosphère était si pure qu'on pouvait voir à plus de soixante-dix kilomètres à la ronde.
On n'apercevait pas le moindre nuage au loin.
Entassés sur le quai de la gare, les gens scrutaient l'horizon en mettant une main en visière et en s'éventant de l'autre. Quelques femmes avaient allumé des cierges et murmuraient avec ferveur des prières, dégoulinantes de sperme et de transpiration.
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Grâce à Ecran, j'avais découvert que la plupart des acteurs et des actrices célèbres avaient de faux noms car les leurs, les vrais, étaient aussi moches que le mien. Ou même davantage. Pola Negri, la diva du cinéma muet, était le meilleur exemple. J'avais toujours beaucoup aimé son nom. Je le trouvais parfait pour une actrice. Mais, un jour, j'ai découvert avec horreur que c'était un pseudonyme: elle s'appelait en réalité Apolonia Chavulez. Consternée, je me suis dit, ce n'est pas possible. Avec un nom pareil, la pauvrette n'aurait même pas eu assez de grâce pour battre des cils.
J'ai eu une autre déception quand j'ai su que le vrai nom d'Anthony Quinn, un de mes acteurs préférés, était Antonio Quiñones .
Le glamour en prend un sacré coup!
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Les bras en croix, ses yeux noirs lançant des flammes, il affirma aux gens que le désert était le meilleur endroit pour sentir la présence du Père éternel, le lieu le plus adéquat pour parler avec lui.
- Ce n'est pas pour rien, comme le dit la Sainte Bible, que Jésus lui-même s'est retiré quarante jours dans le désert avant de commencer à prêcher la bonne nouvelle. Par conséquent, mes frères, tout n'est pas mauvais ici. Ce que vous avez vaut mieux que tout l'argent et l'or du monde : le silence du désert. Le silence le plus pur de la planète, le plus indiqué pour permettre à chacun de vous de trouver son âme, le plus approprié pour entendre Dieu, pour écouter la voix du Père éternel.
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Cependant, mes biens chers frères, grondait-il parfois en marge de ses discours et de ses interminables sermons théologiques, il y a deux choses qui me tapent sur les nerfs et me mettent hors de moi. Primo, je ne supporte pas que certains communistes, ces messieurs qui prétendent savoir lire et écrire - la seule chose qu'ils écrivent c'est Vive Staline sur les murs des toilettes publiques et la seuls chose qu'ils lisent c'est le journal, à table, pendant les repas, une preuve de très mauvaise éducation et un très mauvais exemple pour les enfants -, disent de moi, en se fiant à l'apparence de ma barbe et de mes vêtements, que je suis un Arabe, un Chinois, un Hindou. Ces andouilles m'ont même traité de Mapuche. Et ce n'est pas tout, Vierge sainte, plusieurs de ces crétins ont été jusqu'à me comparer au Juif errant. A-t-on déjà entendu pareille énormité ! Il faut vraiment être un âne bâté.
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La salle plongée dans la pénombre me fascinait : elle ressemblait à une sorte de caverne mystérieuse, secrète, toujours inexplorée. Quand je franchissais les lourds rideaux de velours, j’avais l’illusion de passer de la dureté du monde réel à un monde merveilleux et magique.
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Il arrivait aussi que le Bancal du Ciné, comme on appelait l'opérateur, se trompe dans les rouleaux de pellicule-surtout quand il avait but un coup de trop- et nous passe la fin au milieu du film.
Ou le début à la fin.
Ou le milieu du début.
Dans ce méli-mélo,on comprenait que dalle.
P.49-50
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C'est à cette époque que je suis retombé amoureux dingue. Et comme pour la fille qui racontait des films c'était aussi un amour silencieux.Un amour de film muet, je me disais, enragé par mon incurable timidité.

( p.40)
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En déshabillé transparent, les cheveux en désordre et l'éternel petit brin de mélancolie dans ses yeux verts, Magalena Mercado changeait quelques cierges sur l'autel de sa Vierge quand on frappa à sa porte.
Comme elle venait de noter dans son grand cahier sa dernière prestation sur le compte du Vieux Nerf-de-Boeuf, un de ses plus anciens et fidèles clients, elle se dit qu'il revenait chercher son dentier oublié sur la table de nuit. Le vieux mineur qui souffrait d'une surdité galopante aimait faire l'amour complètement nu, sans même son râtelier. "Ça me permet de mieux savourer le nougat de tes mamelons, Maguita", bégayait-il à grands cris, tandis qu'il la chevauchait à cru en enfonçant la tête entre les globes de ses seins avec l'avidité d'un enfant à la mamelle.
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Je vais attendre le passage du train et partir sans tarder à sa recherche, se dit-il, en proie à une ivresse lubrique due à la fois au vin (l'alcool réveillait la bête qui sommeillait en lui) et à l'histoire troublante de la prostituée. Son excitation était telle qu'il faillit forniquer avec la Bolivienne aux lèvres de chou-fleur et à la croupe de jument percheronne quand celle-ci l'entraîna dans la pénombre des toilettes, situées au fond de la cour, en lui demandant : "Donnez-moi votre bénédiction, ô mon père." Après avoir tous deux retroussé leurs jupes, il lui saisit à deux mains ses fesses mondiales mais la Bolivienne lui échappa dans un effort haletant en lui disant tout bas, presque en s'excusant : je regrette, don Cristo, mais j'ai mes ragnagnas.
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Un proverbe ou une nouvelle pensée, Maître ?
"La franchise est la clé de l'amitié sincère."
"L’honnêteté est un palais en or."
"Les oiseaux du ciel sont plus heureux que les grands millionnaires bien qu'ils dorment sur leurs petites pattes et couverts de leurs seules plumes."
Et en voici une que le Père éternel m'a révélée il y a à peine quelques jours pendant que je vidais mon ventre en plein désert : "C'est un bon remède contre l'arrogance des hommes que de tourner la tête de temps en temps et de contempler sa propre merde."
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