Les 3 mousquetaires 1 & 2
[La] vision de l’homme de Philip Roth
Elle n’est pas très gaie, même si elle est souvent drôle. Dès ses débuts, Roth crucifie le mâle américain en proie à de démons : sa mère et les femmes. Portnoy, petit garçon vénéré par une mère qui se sacrifie pour lui et qu’il est en retour supposé adorer, ne rêve que de sexe. Obsédé primaire et infantile, il court les femmes, et surtout celles qui ne sont pas juives. Ce portrait ravageur, mais encore plein de tendresse, montre où Roth situe le mal : au niveau de la pulsion toute-puissante, pulsion que bien sûr tout tend à contrarier. Chez lui, l’épopée de la fornication s’échoue sur les écueils de la culpabilité sexuelle. Un de ses romans les plus étonnants, « Le sein » (1975), voit son héros, professeur de littérature, se transformer en un énorme sein. À travers ce symbolisme loufoque, Roth se demande ce qui fait l’identité de l’homme comme être sexué pourvu d’un corps spécifique, et dessine l’image d’une société américaine obsédée par la virilité et le machinisme, par les mythes violents du Far West et du gangstérisme.
Cette confrontation de l’homme avec l’imprévu d’une destinée qui ne contrôle pas prend place aussi bien dans le quotidien le plus trivial que dans les aléas de l’Histoire, que Roth va jusqu’à inventer en imaginant dans « Le complot contre l’Amérique » (2004) des États-Unis gangrenés par le nazisme. Certains pages du Complot sont presque une étude de la virilité en situation difficile. Tout comme Coleman Silk dans « La tache » au Seymour Levov dans « Pastorale américaine » le héros de Roth est l’archétype de l’homme fort et responsable poussé aux limites de sa patience, puis aux limites de sa colère et, finalement, très près de sa destruction. Chez lui, l’homme expérimente la malédiction d’être ce qu’il est : un homme dans un corps d’homme et avec des désirs d’hommes Toutes ses dernières œuvres font une place très large à la vieillesse à l’impuissance et à la déchéance physique. Si la relation amoureuse permet encore au héros de « La tache » d’avoir un sursaut, Zuckerman dans « Exit le fantôme » n’est plus qu’un homme affaibli, un survivant du cancer qu’une opération de la prostate a rendu impuissant et incontinent. Pourtant, cette sexualité qui le travaille tant va finir par sauver l’homme. Dans « Le rabaissement » c’est elle seule qui permet à Simon Axler de surmonter le dégoût de soi qui le saisit à l’approche de la vieillesse. Et dans « Un homme », son escapade sexuelle avec sa maîtresse Merete est le seul élément qui l’aide à surmonter son âge.
"Les décisions qui nous engagent le plus ne sont pas forcément celles qui sont le plus réfléchies."
Nouvelle "...pour gagner plus"
Au départ, ce devait être une enquête classique, un article suscité par le rapport 2001 de la Cour des comptes. Ce dernier, dans un long chapitre consacré à la psychiatrie, relevait sans l'expliquer un chiffre qui, au Nouvel Observateur, nous avait plus particulièrement interpellés : 45% d'augmentation des hospitalisations sous contrainte entre 1988 et 1995. Pourquoi cette inflation? Je suis allé le demander à des psychiatres, à des malades, à des internés. Au fil des entretiens s'est dessinée une image de l'hôpital psychiatrique étrange, dure, parfois difficile à croire, souvent confuse et contradictoire. J'ai eu alors envie d'aller y voir de plus près, de raconter de l'intérieur le quotidien d'un internement.
Tous les psychiatres que j'ai rencontrés ont trouvé l'idée excellente... jusqu'au moment où je leur ai proposé de passer quelques jours dans leur service. Là, d'un coup, cela ne devenait plus possible, vous comprenez, l'administration, le secret médical, le droit des malades...
Que peut-on écrire après un prix
Goncourt ? Comment concilier l’inspiration
et le poids du prestige ? Entre la
promotion, la pression grandissante et les
critiques qui vous attendent au tournant,
l’exercice est parfois difficile. Et le prix
peut bloquer plus qu’il ne libère…
La "plante" (l'ayahuasca), comme il dit, se présente sous la forme d'un liquide vert. C'est un composé de deux végétaux, une Banisteriopsis et une rubiacée, que chaque tribu mêle selon sa propre recette. Qui a eu l'idée de les apparier ? On ne sait, et la complexité de la découverte ne laisse aucun doute à ses adeptes : si l'on a "découvert" la plante, c'est parce que les esprits en ont offert la recette aux hommes.
Pendant l’hiver 1992-1993, j’ai vécu en SDF. J’ai mangé dans des soupes populaires, dormi dehors ou dans des foyers, bu du gros rouge, pris quelques coups, attrapé des poux, vécu sans femme. J’ai senti mauvais et me suis ennuyé à mourir, j’ai été épuisé presque en permanence et j’ai parfois eu honte. On m’a peu regardé, beaucoup méprisé, traité souvent avec moins de respect que la plupart des chiens. J’ai côtoyé des zonards, des clochards, des toxicos1. J’ai sympathisé avec certains, n’ai suscité que de l’indifférence chez la plupart. N’eût été ce livre, j’aurais vécu quatre mois pour rien. Cette existence à la fois odieuse et inutile, ils seraient 120 000 en France à la subir. Les chiffres sont toujours contestables : la postface de cette nouvelle édition fait le point sur eux, ainsi que sur ce qui a changé dans leur condition depuis 1993. Mais l’essentiel du constat que je faisais alors est malheureusement toujours exact : le lent désespoir de ces vies perdues, la solitude, le poids du regard restent inchangés.
Livre intéressant et rafraichissant. J'ai beaucoup appris sur l'époque, sur les petits évènements, coutumes de l'époque. Excellent livre pour ce remettre dans le contexte. Sinon l'histoire est somme-toute assez simple et l'intrigue plutôt secondaire. J'ai été un peu réfractaire au début à l'idée de me représenter Diderot comme un p'tit vieux plein d'énergie, un peu pleutre, un peu capricieux et pédant mais en restant attachant. ce livre était un cadeau et je suis contente de l'avoir lu et d'avoir appris des choses
« SDF, on l’est d’abord dans sa tête. » Le côté hâbleur sympa s’efface presque pour laisser place à un soupçon de colère, quand Patrick Henry assène cette vérité qui « a tant de mal à passer ». En 1980, jeune externe de médecine, parce que « j’avais été nul pendant toutes mes études et n’avais rien pu demander d’autre », il se retrouve en stage à l’hôpital de Nanterre. Tous les soirs, il voit débarquer les miséreux ramassés sur les trottoirs et transportés par un car de la préfecture de police de Paris. Le dénuement médical qu’il y rencontre le bouleverse. Pour ces gens-là, rien n’est prévu. En septembre 1984, il obtient l’autorisation de créer sur place une consultation réservée aux SDF, dont il s’occupera pendant huit ans. En huit ans, il en verra défiler quarante à cinquante par jour. En huit ans, sa conviction se fait : la faillite économique cache finalement ce que le problème a aussi, a surtout de personnel. Fragilité, instabilité, alcoolisme, solitude, voire problèmes psychiatriques lourds, ont déjà désigné ceux qu’une catastrophe économique poussera vers la chute. Sans elle, ils auraient sans doute continué à vivre comme avant. Mais il n’y aurait eu qu’elle que le trou noir qui les absorbe n’aurait été qu’un « mauvais moment » à passer. « Tous les cocus, tous les chômeurs ne se retrouvent pas à la rue. Il y a quelque chose en plus, quelque chose qui est là. Avant la chute. »
« J’étais convaincu que j’allais retrouver un travail sans problème. Des gens de mon niveau, il n’y en avait pas tant que ça. J’avais touché un gros paquet d’indemnités. Et, même à cinquante-quatre ans, se dire qu’on recommence tout, cela a aussi quelque chose d’exaltant. » Au début, peut-être… Très vite cependant, il s’aperçoit que les « gens de son niveau » ne sont pas si courtisés que cela. « Je me refusais à accepter un poste inférieur à celui que je venais de quitter. J’ai fait de grosses erreurs avec ce foutu orgueil : j’ai refusé par principe des baisses de salaire, ...
Ton incroyable mémoire stupéfiait. "Il est hypermnésique. Il regorge de citations, est capable d'en sortir beaucoup, récite des passages entiers de ses livres et de ceux des autres, mais les arrange souvent ou les tronque pour pouvoir les utiliser. Il est obligé de monter le son en permanence pour gagner une longueur d'avance sur les Finkielkraut et les Onfray qui chassent sur les mêmes terres." [Nicolas Domenach] (28-29)