L'écrivain Iain Pears confie ses méthodes d'écriture.
"- Votre fille n'en [de l'argent] gagne pas assez?
- Pas suffisamment pour que nous évitions les dettes, non. Elle a du mal à trouver du travail, car elle a la réputation d'être emportée et désobéissante. C'est très injuste : jamais mère n'a eu une si bonne fille.
- Elle est parfois plus franche dans ses propos qu'une fille de sa condition ne devrait l'être.
- Non, monsieur. Elle est plus franche dans ses propos qu'une fille de sa condition n'est autorisée à l'être." (p.108)

L'auditoire était lui aussi à la hauteur. Les enchères londoniennes varient beaucoup quant au style, au décor et à l'objet. Au bas de l'échelle, il y a les ventes de routine qui se passent dans des salles minables, situées dans des quartiers insalubres comme Marylebone, et où la clientèle se compose pour l'essentiel de marchands mal rasés qui se réunissent pour bavarder, manger des sandwiches et enlever des croûtes pour deux cents livres.
Tout au sommet se trouvent les maisons prestigieuses de St James Street, dont les chasseurs en livrée ouvrent les grandes portes de bronze, dont les employés parlent avec l'accent des classes privilégiées, tandis que la clientèle semble pouvoir acheter une huile valant plusieurs centaines de milliers de livres sans s'en apercevoir. Même là, cependant, les marchands sont en majorité, mais il s'agit des princes de la profession, propriétaires de galeries dans Bond Street, sur la 5ème Avenue ou rue de Rivoli. Ces gens peuvent vivre une année entière en vendant un tableau tous les trois mois, et ils sont à la tête de firmes - pas d'une affaire et jamais d'un magasin - fondées souvent il y a un siècle ou plus. Non que cela les rende plus honnêtes et moins susceptibles d'enfreindre la loi si nécessaire, mais ils le font avec une plus grande prudence, une plus fine intelligence et davantage d'élégance.
p.52
C'était agaçant. Doublement agaçant, en fait. pour Flavia, il ne faisait aucun doute que tous les négociants en œuvres d'art étaient plus ou moins malhonnêtes. Après tout, leur travail consistait à acheter des objets en sachant que leurs propriétaires pouvaient en obtenir davantage ailleurs. Byrnes, cependant, était l'image même de la respectabilité. Parlant parfaitement l'italien, il donnait souvent des pièces aux musées italiens et en prêtait certaines pour des expositions. Ses services dans d'autres domaines avaient été récompensés par des distinctions honorifiques en Italie et en France, qui s'ajoutaient à son titre de chevalier en Angleterre. Il avait la réputation d'être un gentleman cultivé ; on avait jamais ouï dire qu'il eût fait la moindre entorse à la loi et encore moins qu'il l'eût enfreinte. C'était exaspérant, et aux yeux de Flavia cela prouvait juste qu'il était trop malin pour se faire pincer.
A l'étranger aussi la décision de l'Italie fut applaudie. Partout, les directeurs de musées nationaux citaient cet achat comme un exemple que devraient suivre leurs gouvernements respectifs ; certains journaux allèrent jusqu'à désigner le ministre - un piètre administrateur à l'intelligence limitée - comme incarnant le genre de dynamisme et d'ampleur de vues qui feraient de lui un Premier ministre efficace.
Cela déplut au détenteur du poste, mais vu que le gouvernement dans son ensemble tirait quelques bénéfices de cette image d'efficacité, de diligence et de culture - cette dernière qualité étant, en un certain sens, considérée en Italie comme plus importante que les deux premières -, personne ne souffla mot. Cependant on s'en souvint, et le ministre fut surveillé de très près, au cas où il manifesterait de nouveaux signes d'outrecuidance.
p.59
Tôt ou tard, les faux sont démasqués ; c'est notre seule véritable consolation du point de vue de l'art. Ou, en tout cas, c'est ce dont se persuadent les connaisseurs pour justifier le prix exorbitant des originaux.
Des complications, rien que des complications. Ça n'arrangerait pas la réputation de Bottando qu'un témoin ait été tué sous sous nez. L'affaire s'en trouverait plus difficile à dénouer, et un meurtre engendrerait des querelles de territoires avec la brigade criminelle et d'autres services de police pour la gestion du dossier. L’enquête risquait de s'enliser et d'aboutir à l'une de ces situations à l'italienne où chacun passe son temps à combattre ses collègues pendant que rien n'avance.
p.183
"Sine doctrina, vita est quasi morti imago - Sans savoir, la vie n'est que l'image de la mort." (p.558)
Argyll expliqua qu'à son retour en Angleterre, après son infortune dans les cellules des carabiniers, il s'était replongé avec ardeur dans la question Mantini. Ses motifs n'avaient rien à voir avec une quelconque passion de l'histoire de l'art, ni avec un ardent désir de restaurer la réputation du peintre dont il s'occupait et que l’imagination la plus fertile ne pouvait guère considérer autrement que comme une artiste de seconde zone. C'était davantage une question de fierté personnelle : après avoir étudié le sujet pendant plusieurs années, il se devait d'obtenir un document couronnant ses efforts, même s'il ne s'agissait que d'une peau d'âne attestant son droit à être appelé M.Argyll, docteur en histoire de l'art.
Que personne ne dise que le chemin qu'il à choisi est le seul et le meilleur, car c'est uniquement par ignorance qu'il parle ainsi.
"Veritas vel silentio consupitur vel mendacio : la vérité est violée aussi bien par le silence que par le mensonge." (p.472)