Ce livre traite de la fin du III Reich en essayant de répondre à une vraie interrogation, comment l'Allemagne a pu poursuivre les combats après l'été 1944, alors qu'elle avait manifestement subi deux défaites dantesques à l'Ouest en Normandie et à l'Est en Biélorussie, qui, logiquement auraient du être fatales ?
Cette interrogation est légitime car comme le rappelle l'auteur, entre juillet 1944 et mai 1945, du seul côté allemand, près de la moitié des pertes totales furent subies dans cette période, et on parle de millions de victimes. Au-delà de cette hécatombe, les souffrances atteignirent un niveau inimaginable et ce jusqu'aux derniers jours dans un chaos à son paroxysme.
En particulier, les bombardements massifs, facilités d'un point de vue opérationnel par les bases de départ possibles de France et de Belgique et la neutralisation quasi-totale de l'aviation allemande, provoquèrent des massacres en masse de la population civile ; il suffit de mentionner le brasier de Dresde pour mesurer la dimension du tribut sanglant de cette période.
Ce livre ne traite pas des aspects militaires proprement dits, des ouvrages comme celui de Beevor sur la bataille de Berlin ou de Thorwald (la débâcle allemande) sont très complets sur la description des opérations
Quatre éléments d'explication peuvent être mis en évidence.
Le premier tient au régime de terreur, dont l'efficacité dramatiquement redoutable rendait toute velléité d'opposition collective quasi impossible. A cet égard, la répression post attentat du 20 juillet 1944 avait anéanti l'opposition existant au sein de la wehrmacht. le périmètre du III Reich se rétrécissant, le régime de terreur fut en quelque sorte rapatrié et concentré sur la population allemande et les millions d'esclaves non allemands asservis sur ces territoires, ouvriers forcés, prisonniers et déportés. Il n'existait pas de résistance suffisamment structurée pour organiser une révolution.
Cette soumission était favorisée, il s'agit du second point d'explication, par la conscience aiguë que le régime avait atteint le point de non retour et qu'il ne pourrait pas y avoir de solution négociée. C'était particulièrement vrai du réseau des dirigeants nazis, grands et petits dont les excès sanglants ne leur offraient aucune espérance en dehors de ce régime barbare.
On retrouvait un sentiment comparable dans les troupes engagées sur le front de l'Est qui avaient toutes participé ou au moins assisté aux atrocités commises en URSS à l'encontre des juifs, des populations civiles, des prisonniers de guerre. Cette guerre n'était pas conventionnelle, il s'agissait d'une lutte à mort, et les soldats allemands redoutaient, à juste titre, que les soldats soviétiques se vengent sans la moindre pitié, non seulement sur eux mais aussi sur les populations civiles qui n'allaient pas tarder à être exposées. Il n'y avait par conséquent pas d'alternative à l'Est, il fallait combattre et mourir, avec le seul espoir dans la période finale que les anglo américains arriveraient à Berlin avant les russes. Certains en haut lieu eurent même le rêve chimérique d'un renversement des alliances contre le « bolchévisme ».
Le troisième facteur fut lié à la valeur combattante de la wehrmacht. Jusqu'au mois de mars 1945, elle fit preuve d'une efficacité redoutable, malgré des moyens humains et matériels très en dessous de leurs adversaires, qui disposaient de ressources quasi inépuisables. La qualité des armes allemandes était souvent supérieure. Cette qualité était elle même liée à l'efficacité de l'industrie de l'armement dirigée par Speer et ses équipes avec une compétence remarquables eu égard aux contraintes de plus en plus fortes. Il est vrai que l'industrie pu utiliser une armée d'esclaves.
Enfin le dernier paramètre concerne certaines orientations stratégiques des alliés. A l'Ouest, ils tardèrent à refermer la poche de Falaise empêchant l'anéantissement de la quasi totalité des forces allemandes et le choix de l'opération de Montgomery à Arnheim ferma la porte de l'Allemagne pour de longs mois, cet échec permettant aux troupes allemandes de se réorganiser. A l'Est Staline arrêta l'offensive aux portes de Varsovie pour laisser la résistance polonaise se faire massacrer. Là aussi après l'anéantissement des armées dans le cadre de l'opération Bagation, l'Allemagne était grande ouverte.
Un livre très intéressant pour qui s'intéresse à cette période noire de l'histoire, avec toutefois une déception. En dépit de l'annonce de consultation de sources inédites, il n'y a pas véritablement d'éléments novateurs dans les faits et analyses de
Ian Kershaw