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Jacqueline Carnaud (Traducteur)
EAN : 9782070403516
534 pages
Gallimard (04/11/1997)
3.76/5   43 notes
Résumé :
Il est difficile de trouver un sujet qui ait donné lieu à des controverses plus nombreuses et plus brûlantes que le Troisième Reich. Les points de vue sont si variés et si divergents qu'il est parfois impossible de s'y repérer.


C'est pourquoi Ian Kershaw, spécialiste mondialement reconnu, a brillamment entrepris de faire le point sur les principaux problèmes posés par la dictature nazie et les interprétations qui en ont été données :
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
"The Nazi Dictatorship, Problems and Perspectives of Interpretation" a été écrit par Ian Kershaw en 1985. La dernière édition française, qui suit la troisième édition anglaise de 1993, date de 1997.
Il faut être attentif au sous-titre "Problèmes et perspectives d'interprétation", l'ouvrage a pour ambition de contribuer à la compréhension du nazisme mais l'auteur in fine admet qu'il reste à élucider le mécanisme d'un tel "effondrement de civilisation", aussi brutal et sans aucun précédent, dans un pays industrialisé, moderne et hautement développé.
Le grand mérite de Ian Kershaw, outre la connaissance approfondie qu'il a de son sujet, est d'exposer les thèses en présence avant de présenter sa synthèse personnelle, argumentée, nuancée et souvent convaincante.
En revanche, bien évidemment, l'ouvrage ne traite pas des thèses qui ont été émises depuis un quart de siècle.

Beaucoup d'auteurs ont voulu répondre à la question : "Qu'est-ce que le nazisme". Et certaines thèses diffèrent du tout au tout. Ceci s'explique par le fait que les archives sont très lacunaires : beaucoup ont été détruites lors de l'effondrement du régime et, par ailleurs, Hitler engageait des actions plus en approuvant verbalement les propositions de ceux à qui il donnait audience qu'en décidant au cours de comités réguliers.
La diversité des thèses s'explique aussi par une vision différente de l'histoire selon les écoles (primauté donnée à la volonté des acteurs, primauté donnée au contexte et aux "structures",...).
Mais cette diversité s'explique surtout par le fait qu'il est difficile d'écrire sur la monstruosité nazie en échappant à la tentation d'en désigner les responsables ultimes. Or, comme Ian Kershaw, le fait remarquer chercher les responsabilités détourne l'historien de la question à laquelle il doit répondre : comment les choses ont-elles pu se produire ?

Les analyses présentées donnent les premiers rôles à Hitler, au bloc nazi (le parti et l'appareil SS-Police-SD) et au patronat des grandes entreprises.
Est-ce que "l'effroyable histoire du IIIème Reich s'explique d'abord et avant tout par la personnalité, l'idéologie et la volonté d'Hitler" ou ce dernier ne fut-il pas "le "prisonnier" (consentant) de forces dont il fut l'instrument plutôt que l'initiateur" ?
Quelle est la part prise par Hitler dans l'élaboration de la politique intérieure, de la politique anti-juive et de la politique étrangère du IIIème Reich ?
Quel rôle a-t-il joué dans le processus qui a conduit à l'"holocauste".
Hitler avait-il un programme arrêté de longue date ou n'était-il "qu"un opportuniste assoiffé de pouvoir et dépourvu de principes" ?
N'était-il pas seulement celui qui avalisait le résultat des luttes qui agitaient le bloc nazi, plutôt que celui qui en élaborait la politique, l'autorité symbolique du Fürher jouant un rôle plus important que la volonté politique de l'homme Hitler ? ?
Y avait-il simple convergence d'intérêts entre le patronat et le régime, avec une sorte de pacte implicite ou, au contraire, des objectifs communs ? Dans ce cas, la primauté était-elle donnée à l'économie ou à la politique ou n'est-ce pas simplifier outrageusement que de poser une telle question ?

L'ouvrage aborde ensuite les efforts faits, notamment par des historiens allemands, pour que le nazisme ne soit plus comme une parenthèse dans l'histoire allemande.
Qu'est-ce qui, dans les structures sociales et politiques, relie l'Empire de Bismarck à celui du Kaiser, et ce dernier au Reich hitlérien ?
Le nazisme a-t-il engendré une révolution sociale ?
Aurait-il même été, à son corps défendant, à l'origine d'une "révolution de la modernité", ouvrant la voie à la société démocratique et libérale de l'Allemagne de l'Ouest d'après-guerre ?

Dans la fin de l'ouvrage, Ian Kershaw décrit -- et condamne, cf les citations que j'en fait -- les efforts d'"historicisation" du nazisme. Il expose notamment les réflexions d'ordre politique échangées par de grands historiens "sur la façon dont un pays stable, propère et hautement développé doit vivre avec son passé nazi", tout en faisant observer que dans ce débat "où s'affrontent options politiques, jugements de valeur et inclinations personnnelles, l'historien ne jouit d'aucune compétence ni privilège particuliers."
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Loin de répondre à la question posée par son titre, cet ouvrage permet à son lecteur de se poser les bonnes questions sur une période de l'histoire particulièrement problématique, puisqu'elle est constamment menacée par deux maux opposés, la banalisation et la sacralisation.

Ce que tente Kershaw, ou plutôt ce qu'il esquisse, c'est une synthèse des multiples et contradictoires interprétations du nazisme, de la structure de ce régime, de ses rapports à l'économie et surtout du rôle qu'y a joué Hitler, dont le texte montre bien le rôle crucial sans pour autant réduire le nazisme à l'hitlérisme.

Hitler, s'il donne, par son idéologie et par sa propagande dont on peut encore voir les échantillons dans ces discours aboyants qu'on nous montre parfois à la télévision, les buts et fondements de la politique nazie, ne prend que très peu de décisions. Il galvanise puis il laisse faire. Hilter a-t-il donné lui-même l'ordre d'exterminer les Juifs ? Il est bien difficile de répondre à la question. Aucun document ne le prouve. Cependant, il a clairement joué un rôle de prophète en déclarant que les Juifs allaient disparaître d'Europe avant de laisser faire les Einsatzgruppen qui massacraient tout sur le front de l'est. Une fois le génocide mis en route, il n'avait plus qu'à donner une légitimité à ce qui avait déjà lieu. Fonctionnement terriblement pervers, s'il en est, puisqu'il décharge tout le monde de sa responsabilité morale, Hilter parce que ça n'est pas directement sous son ordre que se fait le génocide, et les massacreurs, qui s'appuient sur la volonté du chef charismatique pour accomplir des horreurs inconnues jusqu'à ce jour.

Je me plains parfois de ne pouvoir évoquer cette période de l'histoire que sous son aspect moral. Kershaw répond en partie à ce problème en soulignant que cet aspect est central, que toute recherche sur le nazisme doit avoir pour point de mire Auschwitz, que l'on ne peut pas parler de la vie quotidienne sous le nazisme, même dans ces aspects "normaux", sans avoir à l'esprit, que pendant que la vie continue, que la modernisation de l'Allemagne se poursuit, des millions de personnes sont massacrées au nom de théories racistes et expansionnistes. C'est même en essayant humblement de comprendre comment ont pu coexister l'horreur et la banalité que l'on s'approchera du but non négociable de l'étude historique du nazisme, que cela ne se reproduise pas.
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Dans cet ouvrage,l'auteur retrace l'historiographie du nazisme vu par les historiens allemands de l'ex-RDA et de l'ex-RFA;en quoi consiste l'etude du nazisme?S'agit-il d'apprendre a connaitre le mal en le "comprenant"?De condamner un phenomene pervers qui,en raison de son caractere unique,ne pourra jamais se reproduire et a toujours disparu?De prendre conscience de la fragilite des democraties libérales modernes et de se convaincre de la necessite de se tenir perpétuellement sur ses gardes contre les menaces que font peser des stratégies,afin de reconnaitre et de prévenir une resurgence du fascisme?D'accomplir un acte de mémoire et de lancer un avertissement plein de haine et de colere?
Ce livre n'est pas facilement abordable,car l'auteur y utilise un vocabulaire qui nous oblige a reflechir au sens,au contenu de la phrase.Termes ayant un sens,une valeur historique,sociale,philosophique différents du contexte,du pays ou de la nation qui est responsable de genocide,que ce soit sous Hitler ou sous Stalline.
Le travail de Ian Kersaw est considerable,quant a l'historicisation et l'historiographie de la RFA et de la RDA,et maintenant de l'Allemagne europeenne.
Ce qui m'a derange,est qu'il donne son avis,son explication,son jugement et que le lecteur n'a d'autre choix que d'y adherer?Il fait tres fort ressentir que c'est lui l'expert du IIIe Reich,et que lui seul sait!!!
Beaucoup de questions sont emises,et sont restees sans reponse.Je trouve qu'il ne repond pas non plus auw différentes implications du IIIe Reich,quelque soit l'argumentation par laquelle on a envie de lire,de comprendre ce que fut ce IIIe Reich!Pour moi,il n'a pas su nous dire et repondre a sa question de depart
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Une très intéressante synthèse des travaux sur le sujet d' autant plus que l' auteur donne la parole aux historiens marxistes comme aux historiens conservateurs de droite.Il traite aussi de l' ambigüité des conjurés allemands de juillet 1944 qui n' étaient pas des démocrates et voulaient poursuivre la guerre sur le Front est contre Staline.Il montre que l' antisémitisme est un élément central de l' idéologie nazie.Le régime était aussi gangrené par la corruption.
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Un livre clair, riche, admirable permettant de faire le point historiographique sur plusieurs questions liées au nazisme : ses rapports avec le monde économique, la place d'Hitler dans les rouages du pouvoir du IIIè Reich, son rôle dans l'holocauste, dans la politique étrangère...
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Quant au souvenir actuel de ce qu'était la vie sous Hitler, les travaux d'histoire orale ont révélé à quel point le IIIème Reich et surtout la période 1933-1939 étaient perçues comme des "années normales", prises en sandwich entre une crise économique et une guerre, des années qui avaient beaucoup de côtés positifs. Les chantiers du programme "Kraft durch Freude" (La force par la joie), les randonnées avec les jeunesses hitlériennes, la construction des autoroutes, la résorbtion du chômage et la promesse d'une "voiture du peuple" pèsent plus lourd dans cette mémoire que les côtés sinistres du IIIème Reich : les camps de concentration, les pogroms, les déportations, l'extermination des "races inférieures". (...)
Les diverses composantes de l'image "historicisante" du nazisme ne sont pas, en soi, fausses ou de pures inventions. Ce sont des éléments légitimes de l'expérience et du souvenir de cette période, un fragment authentique de la réalité remémorée. Toutefois les victimes du nazisme, qui dans leur écrasante majorité n'étaient pas allemandes, en ont une expérience et un souvenir radicalement différents, dont l'authenticité et la légitimité ne sont assurément pas moindres. Envisagée de leur point de vue, une vision de l'ère hitlérienne qui ne place pas en son centre Auschwitz, incarnation par excellence de la monstruosité du IIIème Reich, ne peut être que tronquée, erronée ou délibérément tendancieuse.
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L'holocauste fait eprouver a l'historien les limites de sa mission premiere,qui est de fournir une explication rationnelle a des evenements complexes par definition
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Auschwitz est, jusqu'à présent, unique dans l'histoire ; mais, malheureusement, rien ne permet de supposer qu'un effondrement de la civilisation, aux conséquences aussi effroyables, ne pourra jamais se reproduire ailleurs, avec d'autres victimes et d'autres bourreaux. Raison de plus pour qu'Auschwitz reste le point de référence cardinal non seulement de l'histoire allemande, mais aussi de l'histoire moderne en général.
La question fondamentale qui sera certainement au coeur de toute tentative visant à situer le nazisme dans l'histoire moderne de l'Allemagne reste donc inévitablement celle-ci : comment un "effondrement de civilisation", aussi brutal et sans aucun précédent, a-t-il pu se produire dans un pays industrialisé, moderne et hautement développé ?
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(...) une étude comparée des génocides est non seulement légitime, mais nécessaire si l'on veut dégager les traits spécifiques de chaque cas particulier. Seule une méthode comparatiste permet de parvenir à une définition aussi claire de la singularité de l'assassinat des Juifs par les nazis que celle qu'en a donnée Eberhard Jäckel (...) : "Jamais encore auparavant un Etat n'avait décidé et annoncé sous l'autorité de son responsable suprême qu'un certain groupe humain devait être exterminé, autant que possible dans sa totalité, les vieux, les femmes, les enfants et les nourissons inclus, décision que cet Etat a, ensuite, appliquée avec tous les moyens qui étaient à sa disposition".
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Allant plus loin, Matzerath et Volkmann soutiennent que le nazisme fut structurellement déterminé par les conditions qui lui avaient donné naissance, à savoir une profonde révolte des valeurs traditionnelles contre une modernité revêtant la forme de "changements accélérés du système économique, social et politique, auxquels venaient se greffer une crise aigüe engendrée par la guerre, la défaite, l'inflation, la récession et la menace d'un autre système". Exploitant leur sentiment d'insécurité et leurs rancœurs, l'idéologie nazie représenta un "bon instrument de mobilisation des couches de la population les plus exposées aux problèmes de la modernisation".
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Vidéo de Ian Kershaw
Entretien avec l'historien Ian Kershaw à la librairie Millepages le 12 octobre 2016.
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