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Critiques de Ile Eniger (19)
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Une pile de livres sous un réverbère

« Le soir s'assied près de moi sur la terrasse

Poivre et sel il me respire largement

Doucement il me déshabille

Je tremble sous ses doigts



Le soir tranquillement me feuillette

Sous le plafonnier des étoiles

Au bord du jardin

Et je suis nue

Et neuve

Un livre,

Une pile de livres sous un réverbère ».



C’est le premier texte de ce recueil et déjà une sensation rare m’envahi.

Des mots simples, nus, comme elle, comme Ile, comme vous Madame Eniger qui encore une fois faites tomber le masque du lecteur qui se voudrait « intouchable », qui se voudrait parfois rebelle à ses émotions, par orgueil, par fragilité, par vulnérabilité, pour tant de mauvaises raisons…

Oui, une sensation rare m’a envahi. Une fois de plus Madame Eniger, vous m’avez touché à l’âme dès vos premiers mots, vous m’avez mis devant l’évidence, celle que je repousse, que je fuis si souvent quand elle s’offre à moi.

Cette quête de l’essentiel, c’est le cœur même de vos recueils. Quel bonheur de ressentir chaque pulsation, cet amour qui bat, là, dans vos pages, dans vos maux. Quel bonheur de se sentir oser être.

Quel bonheur que ces voyages aux confins de l’intime, de ceux qui remuent, de ceux qui apaisent. Vos mots ont le chant des cigales dans des paysages d’été, la mélancolie des jours qui s’assoupissent de l’automne, le figé d’une feuille morte prisonnière du givre d’un matin d’hiver, la renaissance toujours dans l’espoir que bourgeonne le printemps Vos mots Madame Eniger ont une palette de couleurs infinies. Votre poésie est aquarelle tendre, douce, légère. Elle peut avoir la rugosité, la puissance du couteau mais peu importe la technique, vos toiles vont vers le beau, le lumineux. Même dans les moments les plus sombres, l’obscur a son clair.

Madame Eniger, vous êtes probablement celle dont les mots me touchent le plus parmi les femmes que j’ai lu. Peut être parce que j’ai l’impression de vous connaitre depuis toujours, peut être parce que je connais quelqu’un qui vous ressemble beaucoup dans les forces et les faiblesses que vous laissez paraître dans vos recueils.

Vous me faites écrire de ces choses Madame Eniger, des choses que je ne vous dirais pas si j’étais face à vous. Par timidité ou plutôt par réserve. Le jour rhabille ce que le soir a dévêtu, c’est peut être pour ça que j’aime tant la nuit et les gens qui l’apprivoisent.

Madame Eniger, Ile, vous êtes une Ile entourée d’haut, entourée d’oh, de tous mes oh de bonheur de lecture et de ressentis. Merci.

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Les mains frêles

Lumineuse et profonde comme le bleu du ciel de Provence, délicate comme le vert des amandiers, la poésie d'Ile Eniger se nourrit de nature.

Par son écriture pure et dénuée de tout lyrisme, la poétesse semble s'être affranchie des contraintes du beau, préférant creuser l'essentiel, la naissance de l'émotion. Penchée avec tendresse et respect sur l'infiniment petit, elle nous invite à agrandir notre regard, faisant d'un simple cailloux un élément primordial du paysage. Elle nous invite aussi à accepter le temps qui passe, la vie qui prend quand chaque jour nous donne.



Dans "Les mains frêles", recueil de la maturité, Ile Eniger apprivoise sa solitude. L'homme aimé, le complice, le compagnon, n'est plus là et son absence est comme une fenêtre ouverte qui laisse entrer le froid. Celui-là qui manque n'est pas mort mais sa mémoire, en s'effaçant, en a effacé les contours. Par des mots simples, bouleversants, Ile Eniger le ramène chez lui, dans son atelier, dans son jardin, au creux de ce qui fut leur bonheur.



"Je t'écris au présent malgré ton enveloppe vide, tes mots perdus, ta mémoire absente. Je t'écris dans chacun de mes actes, sur la pierre d'angle de nos noms qui signent le parcours. Si le printemps plus jamais ne sera le printemps, ta main invisible plante toujours nos lilas, taille toujours nos rosiers."



Berçant ses chagrins d'une infinie douceur, elle ravive ses souvenirs de femme mais aussi ceux de son enfance, évoquant ses chers disparus, sa mère, son père, son grand-père, s'entourant de leur bienveillante présence. Parce que l'hiver de la vie est venu, il est bon de se réchauffer à leur mémoire, à ces gestes hérités que l'on fait sans y penser et qui nous inscrivent dans une histoire.



Cette poésie généreuse, qui jaillit du plus intime, m'a profondément touchée. C'est un regard vers le passé mais un regard sans regrets. La force qui sourd de cette poésie est faite de gratitude, d'espoir en la vie. A lire ces poèmes, on apprend que, par delà la douleur, on peut encore sourire aux nouveaux matins, que cela est possible. Et c'est comme si la fenêtre se refermait sur le grand froid, ne laissant entrer qu'un rayon de soleil vivifiant.



"Tu marches sur la dernière partie du chemin. Tu vas en toute solitude. En toute gratitude. Huile vieille pour lampe pauvre, tu brûles encore. Des grains de soleil lèchent une assiette vide et un verre ébréché. Ta fenêtre s'ouvre sur la patience du sillon. D'anciennes belles souvenances et d'intenses moments d'allégresse t'accompagnent. Il n'y aura rien d'autre que ces traces de lumière. Une abondance."



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La femme en vol

La femme en vol et c’est le lecteur que je suis qui plane.

Jamais je n’aurais lu ce titre d’Ile Eniger si une babelioteuse ne me l’avait pas gentiment prêté.

Merci Sirenna.



Madame Eniger, comme je viens de le dire, jamais je n’aurais tenté de vous lire autrement qu’à travers vos recueils de poésie car j’avais comme une appréhension. La crainte qu’une partie de la magie qui se dégage d’eux ne se dissipe, la peur que le charme se rompe au contact d’un format moins « aérien ». J’avoue avoir eu peur que mon doute devienne certitude pendant les premières pages, une bonne cinquantaine quand même. Peut être m’étais je conditionné à l’avance et qu’il ne pouvait donc en être autrement. J’ai eu peur car tout semblait trop « normal », ce normal que la plupart d’entre nous appellent bonheur. Juste une famille comme tant d’autres, d’apparence heureuse avec ce ronronnement en bruit de fond qui allié au temps, endort, routine éloigne, sépare.

Pardonnez-moi ce manque de confiance, j’ai presque honte.

Si les recueils que j’ai eu le bonheur de lire comme « La pile de livre », « Celle qui passe » « Le chemin encore » pour ne citer qu’eux, avaient résonné si fort en moi, s’ils m’avaient troublé au point de me dire que j’avais l’impression de vous connaitre, « La femme en vol » a confirmé cette sensation. Je vous connais.

Qu’il est déconcertant de lire page après page l’histoire d’une femme avec qui l’on vit depuis dix ans. C’en est même perturbant tant les similitudes de vos parcours m’interrogent…

Cette quête d’absolu, cette rébellion saine contre les conventions alliée avec un franc parlé, ces convictions partagées et assumées quoi qu’il en coute, ces essentiels communs qui font de vous des gens « différents » et puis ce rapport à l’écriture, à l’art, au monde, aux hommes, que de coïncidences au fil de ces pages.

Si j’avais eu ce livre entre les mains quelques années plus tôt, j’aurais évité de lui dire parfois, moi aussi, qu’elle était « trop ». Même si j’ai encore de temps en temps du mal à l’admettre, car trop souvent « faible », vous êtes toutes les deux dans le vrai.

J’aime votre écriture madame Eniger. Votre révolte associée à la douceur de votre plume, il ne peut y avoir plus beau poème. Ce poème qu’est l’Amour, ce poème qu’est la vie, vous et vos compagnons de route lui rendez hommage dans le quotidien malgré les embûches de la normalité, cette conscience en mort clinique qui nous caractérise en général. Tout ce que je peux souhaiter, c’est rejoindre un jour votre chemin. En attendant j’ai encore quelques uns de vos « carnets » à savourer pour mon plus grand plaisir, quelques combats à oublier pour avancer et surtout une promesse envers moi à tenir.

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La femme en vol

C'est presque indécent le bonheur que j'ai d'avoir enfin reçu le livre d'Ile Eniger!

J'en tremble d'émotion comme si je recevais une lettre d'un être cher!!



Une gloutonnerie de lectrice soudaine et irrépressible se met en place lorsque je saisi le livre.

Je n'ose l'ouvrir trop excitée à l'idée de pouvoir enfin le lire !

Je suis émue et je commence à lire le livre avec cette ferveur décalée et excessive !



Chacun de ses mots s'imprègnent dans ma sensibilité avec aisance.

Elle est ma jumelle d'âme celle qui chante le vrai, l'authentique dans chaque mot qu'elle pose avec élégance et délicatesse.

Je suis submergée de plaisir!



Je me blotti dans ce mas provençal où je retrouve Fane et Jean.

Impression apaisante d'être dans le tableau de Vincent van Gogh :La sieste !

Par petite touche de couleurs les mots Eniger m'ensorcellent .



Une soirée pour me parer de la beauté de ses mots.

Elle distille la vie de Fane avec délicatesse et sans brusquerie.

Même les ruptures sont douces …la séparation en douceur avec Jean comme pour ne pas brusquer la vie !



Une femme libre que rien ne limite !

Elle est authentique dans ses choix de vie.

Elle peut aimer plusieurs hommes à la fois : un peintre et un musicien car chacun d'eux lui amène cet amour qui vient combler cette quête d'absolu .

Même en étant éloigné d'eux elle continue à les faire vivre majestueusement à travers sa poésie dans ce petit carnet de vie …celui qui récolte ses confidences…son essence…sa poésie pure !!!



Une histoire tendre d'un amour libre celui qui n'attache pas et qui laisse se dérouler la vie !

La liberté avant tout…



Qui n'empêche pas Fane d'être au plus près de sa sensibilité à fleur de peau !

Elle n'est pas trop…

Elle est juste passionnée, libre …

Son univers est plein de douceur ,de tendresse, de vérité et d'authenticité !



L'histoire de Fane cette femme en vol imprègne toutes les pores de mon être de chantants scintillements de joie.

Même la tristesse de Fane est joyeuse…



Quelle merveilleuse leçon de vie !

Etre soi dans toute son unicité et surtout être libre de toute attache …

Et savourer la vie dans son intensité !



Merci Ile Eniger pour cet envol dans votre univers magique !!!

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Une pile de livres sous un réverbère

Elle m’a confié ce cœur palpitant,

Précieux,

Irrigant de poésie

Mon espace de vie !



Instants volés à l’éternité,

Instants glanés au fils des mots,

Instants pulsionnels qui déposent du sens,

Instants qui perlent l’émotion d’être.



Elle couvre mon matin de douceur fleurie,

Me dépose sur la peau des visions infinies,

Me raconte le bruissement de la vie en un sourire,

Me reflète ses partances chatoyantes du vrai ,du beau.



Je me pare de son collier de mots,

Qui scintille dans la tendresse du moment,

Qui réchauffe ma certitude de choix :

C’était bien le moment,

De vivre intensément,

De vivre pleinement,

De vivre totalement

Près d’ Une pile de livres sous un réverbère !



Un par un,

Suivis pas à pas,

Suivi mot à mot,

Suivi d’instants en instants,

Suivi d’émotions en émotions,

Délicats,

Plein d’amour,

Plein de vie,

Plein d’esprit,

Plein de vous,

Plein de nous,

Merci.



C’était hier,

C’était l’hiver,

C’était parfait !



Un trésor vivant

Déposé dans ma boite à lettre

Par une fée !

Un ciel étoilé pour ce livre

Qui ne se lit pas…

Il se vit !

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Le monastère de l'instant

Madame Eniger,



Après deux dernières lectures inutiles, j’ai sorti « ma » valeur sure d’une étagère. Un de vos recueils Madame Eniger, « Le monastère de l’instant ». Au risque de me répéter, vous êtes la femme qui me touche le plus parmi celles que j’ai lu. Ce recueil ne fait pas exception.

Comment vous dire tout le bien que me font vos mots Madame Eniger ?

Ces mots qui donnent sens à mes émotions, à moins que ça ne soit le contraire tant les deux me semblent intimement liés.

Votre poésie ne se définie pas. Elle est plurielle, fourmillante, abondante, fertile et luxuriante, insoumise et révoltée. Elle est sans concessions et donne à l’expression « une main de fer dans un gant de velours » tout son sens. Vous ne lâchez rien mais vos colères, vos indignations, vos incompréhensions quant aux maux de notre société, s’expriment avec une douceur extrême. Une douceur qui donne encore plus d’impact au message. Votre poésie infuse, décante pour mieux pénétrer et diffuser une conscience qui fait tant défaut.

J’aime la poésie qui s’engage sous toutes ses formes. Celle qui met les pieds dans la fourmilière, celle qui tire à vue, celle qui répond coup pour coup à la violence de notre système, à son absurdité. Elle me correspond. Mais votre poésie Madame Eniger, votre poésie… quelle merveille pour moi. Elle entre en résistance, subtilement, discrètement. C’est une poésie de maquisard.

Vous ne donnez aucune leçon de vie, vous n’êtes pas celle qui sait et qui mène ses apôtres sur le droit chemin. Vous n’êtes pas la sagesse incarnée femme loin de là. Vous êtes l’évidence, le bon sens, la logique. Mais non, vous n’êtes pas de ces sages qui ont une phrase toute faite avec de jolis mots pour chaque problème, de ceux ayant réponse à tout. A cette sagesse abstraite que j’appelle « facilité » pour ne pas dire parfois « lâcheté » , à cet entre soi, ce repli, ce nombrilisme caché derrière une bienveillance parfois douteuse, vous répondez par l’ouverture à la vie, par la conscience de la fragilité de cette vie et du miracle qu’est chaque seconde qui passe. Vous mettez chacun devant ses responsabilités.

Je dis que vous répondez parce que si certaines « idées » reviennent chez les sages et dans vos recueils, vous poétisez collectif alors que les sages le font souvent pour le « moi ».



Ah votre poésie Madame Eniger… elle est le feu et l’Océan, elle est vous, Ile volcanique. C’est un souffle où le chaud et l’effroi ne peuvent propager qu’une épidémie d’essentiel. Votre poésie est un frisson porté par les vents, une onde marine qui d’un terrain vague fait une mer d’huile ou un océan déchaîné. Votre poésie est une poésie de grandes marées, une poésie à fort coefficient de sensations. C’est une vibration, une résonnance, une palpitation.

Que dire de vos instantanés, vos toiles de maîtres, ces tableaux des quatre saisons qui parcourent chacun de vos recueils. D’eaux rage en eaux des espoirs, ces eaux tonnent comme un fait divers. Et puis cette mélancolie qui vient baigner l’emprunt temps, celui d’être et d’avoir été.

Vos textes sont des odes à l’Amour et si dans ce recueil vous laissez les vôtres de coté, vous êtes une amoureuse chronique. Amoureuse du beau, de l’authentique.

Non votre poésie ne se définie pas tant elle est multiple.

Que je les aime vos mots Madame Eniger, que je les aime.

Je vais m’arrêter là parce que je pourrais continuer inlassablement de vous remercier d’écrire si bien ces choses que j’exprime quelques fois maladroitement, brutalement ou pas du tout.

Et puis il y a encore un mois de confinement et plusieurs de vos recueils en réserve sur mes étagères.

Il ne serait pas étonnant que je revienne vers vous rapidement.

Que vive la poésie, le reste n’est que… littérature.

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La parole gelée

En ces temps de canicule virale, j’enchaîne un deuxième recueil de suite d’Ile Eniger, La Parole Gelée, et, oh surprise, quelle émotion…

Si dans Le monastère de l’instant, la vie sentimentale de l’auteure était mise de coté, La Parole Gelée lui fait la part belle. Belle comme sa poésie, une poésie jamais aussi belle que quand Cupidon s’est brûlé les ailes.

La Parole Gelée c’est l’absence, le manque, le cœur qui s’enrhume, l’âme qui se grippe. C’est le mot qui se fige, celui dont l’écho vient gonfler les veines, c’est la trace d’un demain qui n’existe plus, c’est… c’est l’hiver, le temps d’une pause suspendue au souvenir qui s’évapore parce que oui, avec le temps, va tout s’en va…

La Parole Gelée c’est aussi l’absence d’un parent disparu, un souvenir d’enfance, de cette enfance que l’on a cultivé jour après jour.

La Parole Gelée c’est le cycle des saisons, le cycle de la vie. Après chaque hiver, un printemps.

C’est, comme d’habitude chez Ile Eniger, écrit tout en douceur et en même temps si percutant. J’aime, un peu, beaucoup, passionnément…

La Parole Gelée c’est…



Juste deux ou trois maux

A l’haleine de vers

Qui me glacent le sans



Une étoile fuyante

A effacé le ciel

Au sombre des nuits blanches

Les songes assoupis

L’aube est une morsure

Aux faubourgs de l’ennui



Juste deux ou trois mots

Quelques débris de vers

Qui réchauffent le sang



Une étoile filante

A le doux gout de miel

A l’ombre de ses hanches

Le rêve se nourrit

L’aube est une échancrure

Aux confins de la nuit...



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Solaire

Il est des gens qu'on ne connait que virtuellement, qu'on ne connait qu'à travers un écran et dont on se fait une idée seulement à travers des mots tapés sur un clavier. Parmi ces gens lecteurs, nous en rencontrons peut être certains comme ça m'est arrivé avec une bonne vingtaine de membres. Ca passe ou pas, comme dans la vie. Parmi ces gens que nous rencontrons ou pas, il y en a qui sans vous connaitre plus que ça, sont bienveillants envers vous (Pierre Krout pour ne pas le citer à travers nos rencontres, ses visites et ses mots), il y en a certains qui sans vous connaitre plus que ça, vous veulent du bien. Ca peut se manifester de différentes manières. Faire cadeau d'un livre qu'on devine « essentiel » pour l'autre est une de ces façons de faire attention à l'autre. Après Sirenna, c'est Pascal Blackbooks qui m'a offert un recueil d'Ile Eniger, la femme, parmi toutes celles que j'ai pu lire, qui me touche le plus dans son écriture. Merci ami Pascal.



Solaire, comme un dernier rayonnement avant éclipse totale… l'heure du bilan a sonné. Pourtant, même si avec le temps, une à une, les lumières ayant caressé les aubes d'une vie s'éteignent, la flamme du regard de l'auteure sur le monde fait de la résistance. C'est malgré tout avec des étoiles dans les yeux qu'Ile Eniger écrit l'Amour, ces étoiles dont la lueur perdure longtemps après qu'elles ne soient plus. C'est avec un espoir insensé qu'elle croit que l'Homme touchera un jour à l'essentiel, c'est avec une rage plus contenue que dans d'autres recueils qu'elle reste insoumise à l'inconsistance de nos formatages. L'âge ne fait rien à l'affaire, solaire et lunaire, telle est et restera Ile Eniger pour mon plus grand plaisir. Sol air, lune air, Ile Eniger, comme une respiration, comme une inspiration. L'une et l'autre, peine l'une, pleine lune.

Quand est pleine la lune

Le drap tiré sur soi

La nuit cherche fortune

Aux saisons d'un émoi

Quand est peine la lune

Le drap qui autrefois

Bleuissait la lagune

Devient simple détroit.

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La femme en vol

"Il la prit par les épaules pour la blottir contre lui. Dans l'allée qu'ils remontaient ensemble, le temps suspendait sa chirurgie de précision".



Le peintre et la poétesse, leur amour et le temps..



Joli récit qui s'effeuille comme une branche de cerisier en fleurs, dans un envol de pétales joliment nostalgique..



Bel amour sensuel et fort- il n'a peint qu'elle, elle n'a, au fond, aimé que lui -, mais qui lentement s'effiloche, parce que la peinture est une maîtresse exigeante, parce que Fane est une femme "trop"- trop possessive, trop fantasque, trop entière.



Trop libre dans sa cage volontaire d' amoureuse, trop amoureuse dans son rêve de liberté.



Ile Eniger dit cette séparation lente avec douceur, avec pudeur, avec un suave déchirement, elle le peint en impressionniste, avec les couleurs de ses mots, la saveur de ses images , par petites touches douces-amères.



Elle fixe, sans gravité, ces instants pivots où l'amour imperceptiblement s'efface, s'affaiblit, se transforme, tandis que son Jean qui s'éloigne d'elle inévitablement la retrouve sur toutes ses toiles.



C'est une vieille gitane toute noire dans le soleil qui le lui a un jour annoncé: Fane va souffrir,mais déjà elle est en vol.



Ce n'est pas une chute, une déchirure, une blessure: c'est un allègement, une façon tendre et cruelle d'éprouver sa propre légèreté, de sentir sa disponibilité , d'ouvrir ses ailes.



A regret. Mais inéluctablement.



Et de découvrir sa solitude, d'écouter , dans son silence retrouvé, ses mots à elle qui sourdent comme une eau irrépressible.



Bien sûr, les souvenirs s'engouffrent dans cette liberté nouvelle et jettent leur désordre sur cette page encore blanche, infléchissant parfois le tracé pur de ce vol dans l'inconnu.



La belle certitude d'autrefois, si rassurante avec son odeur de peinture et de tabac, n'est plus un point d'appui. Mais l'existence est devenue plus poétique, plus aventureuse.



J'appréhendais de lire un "roman autobiographique" d'Ile Eniger, poète des Roches Rouges, qui m'avait dit tant de choses sur elle sans jamais explicitement les dire.



J'avais peur de la narration, du récit, des personnages.. j'avais tort: c'est toujours elle, c'est toujours Ile.



Et c'est encore de la poésie, tous ces instants mis bout à bout, comme des petits mouchoirs accrochés à un fil et qui dansent follement dans le vent.



Si je n'ai pas mis 5 étoiles, c'est pour très peu de chose: quelques tirades enflammées de Fane, dans des échanges sur la morale de la liberté- bien ampoulées et démonstratives, dans un récit qui l'est si peu..



Mais tout le livre, sinon, est un poème- un joli livre d'ailleurs, compact et élégant, à la taille d'une ..."main de femme", un livre à glisser dans une poche de ciré avant d'aller voir la mer couronner les rochers d'écume.



Avec, en première de couv', une vignette gracieuse, oeuvre d'Emile Bellet, peintre et compagnon d'Ile- le Jean de Fane...



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Le chemin encore

Questionner la lumière pour apprivoiser l'ombre.

Ouvrir la fenêtre pour faire entrer le monde.

Dire l'inquiétude sans perdre l'espoir.

Vivre la solitude pour mieux la peupler.



Retrouver les gestes, les pas, les voix pour déchiffrer les signes, les mots, les traces.



Le chemin encore, encore la vie, encore aller.



La chaleur est trop forte et l'énergie fond. Ou bien c'est le froid de l'hiver à l'approche qui paralyse.



Où sont les feux et les couleurs? Où les amis? On leur a dit de ne pas venir.



La terre est abîmée, la ville fétide, la chambre vide, l'atelier hanté : la maison est pleine de fantômes. Ceux qu'on a aimés veillent encore, tout autour : il faut jeter les passerelles des mots pour les atteindre là où ils sont.



Le chemin encore, l'amour encore, encore aimer.



L'alphabet des oiseaux parle une autre langue, les chants se sont éloignés, les ombres sur le sol sont une déclaration d'amour qui arrive tard.



Le chemin encore, les mots encore, encore écrire.



Une couleur de soleil couchant, une odeur d'humus pourrissant, un chant entêtant : un hymne ou un thrène?



Le chemin encore, le souffle encore, encore chanter...



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Du côté de l'envers

Je me suis fait un petit cadeau, un plaisir plein de charme. Il est arrivé ce matin, enfin: trois petits livres ravissants des éditons Chemins de Plume, trois livres de poésie d'Ile Eniger...



Je vais les savourer un peu avant d'en parler. Mais je peux déjà vous dire quelques mots de celui-ci .



C'est le plus simple, le plus enfantin. C'est un petit carré noir et blanc, destiné aux plus jeunes..ou à tous ceux qui essayent de retrouver la fraîcheur de leur regard sur les choses.



De page en page, un petit hérisson nous emmène et nous suivons son trot menu du jardin aux étoiles, d'un poème à l'autre...



Une balade légère et grave du côté de l'envers.



Du côté des silences, des souvenirs, des départs, mais aussi du côté des forces muettes et fidèles, comme les montagnes,

assises, austères et sombres, au bord du paysage. Bleues au bord de la nuit.



Du côté des choses qui s'effacent avec le vent, la pluie, le temps, mais qui gardent- un peu- la trace du bonheur: les parfums, les chants d'oiseau, la poussière, les fêtes..



Des encres stylisées, noires sur le papier blanc, oeuvre d'Emile Bellet, ponctuent ce voyage de l'autre côté des choses.



Un joli livre, pas tellement fait pour les enfants, finalement. La nostalgie ne figure pas dans leur alphabet ...
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Hors Saison

J'ai choisi ce recueil pour son titre, qui fait écho à une chanson de Cabrel, belle et nostalgique, que je ne peux écouter sans que ma gorge se serre..



Même la vignette de première de couv' due au pinceau d Émile Bellet n'a pas les couleurs solaires et chaudes que ce peintre affectionne, ni son dessin les contours fermes et nets habituels.



Sur un fond gris-bleu, et comme vue derrière une vitre embuée, une sombre cafetière découpe sa silhouette vieillotte et familière . Seule une tache rouge -bougie ou lampion- posée à côté de l'ombre noire de la cafetière rappelle l'éclat d'un coeur qui bat.



Tout le recueil -le dernier paru d'Ile Eniger- est au diapason.



"Le front aux vitres, comme font les veilleurs de chagrin" disait Eluard...



Ile avec la meme acuité , le même sens de l'image et du mot qu'elle avait à dire les petits bonheurs de la vie, dit les petites et grandes douleurs de l'âge qui vient, du corps qui flanche, du pas qui se rouille, de la voix qui se casse: "Tu n'as plus le chant, c'est comme ça. Il s'est remisé quelque part, ailleurs. Tu le croyais inné, il etait seulement prêté. Il a rompu sa course sur le dos des obstacles.(...) C'est agaçant cette voix qui change de ton, ce pas qui s'alentit".



Elle dit les enfants qui changent: " "Un fossé s'est creusé, que personne n'a vu, qui rassemble et sépare. Les enfants ont grandi. (..) Parfois ils se penchent vers nous avec attachement, comme on s'inquiète des vieux arbres. Les enfants ont grandi."



Elle dit l' amie qui meurt: " Il y avait ta présence une fois entrevue, et nos lettres depuis des années. Et puis il y eut le silence qui ne repondait plus. Aujourd'hui est triste j'ai appris ton départ, ton billet pour le pays des étoiles."



Elle dit les parents en allés , et tous les regrets, tous les remords des mots d'amour qu'on n'a pas su leur dire : " Elle voudrait leur dire qu'elle pense à eux. Qu'elle regrette. Qu'elle a essayé de comprendre. Qu'elle est vieille elle aussi maintenant. (...) Elle voudrait rattraper ce temps que l'on ne rattrape pas. Finalement, elle leur dira qu'elle les aime. Mais ils sont si loin, même les étoiles ne répondent pas."



Elle dit l'injustice révoltante d'un soir de Noël: "Dans le silence étourdissant des consciences, c'est un soir d'hiver où Noël meurt, déjà cloué sur une croix."



Elle dit la force de la terre et du monde. Mais aussi l'étrange vide du corps que ces forces traversent sans qu'il puisse les retenir :

" On ne garde pas l'air traversé. On ne possède rien de ce qui nous parcourt."



C'est toujours la meme Ile, réceptive aux choses, aux oiseaux, à la lumière, toute vibrante de révolte et d'amour, mais, sous nos yeux, elle prend ses distances, déjà, elle dit "A Dieu" et elle ajoute: " Sans doute n'en serai-je pas capable, le moment venu. "



Hors Saison est un chant de vieillesse, un adieu apaisé et toujours tendre à la vie, un allègement librement consenti, une belle et forte respiration, lucide, car "la vie tient dans le miracle d'une poignée d'air à suivre"..





Dans les tristesses de l'hiver qui vient, il y a toujours, au centre, le feu qui "repousse ses cendres". "Même la nuit de pierre se réchauffe. Du dernier bois s'élève une bonté ultime, unique, étincelante"



Ile, ma soeur Ile, merci d'avoir partagé si généreusement , comme un viatique , ton inquiétude et ta ferveur.

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Le chemin encore

Encore et encore et encore, s’il te plait, dessine-moi le chemin encore.

Quel bonheur encore et encore que de se plonger dans un recueil d’Ile Eniger. Quel bonheur que de se laisser envelopper par l’atmosphère qui y règne, de se laisser bercer par les mots de cette femme rebelle dont le cri de révolte est empreint de tant de douceur. Quel bonheur de suivre « le chemin encore ». Attention, pas l’autoroute du quotidien, pas le parcours fléché ni les voies rapides où le gps de la civilisation nous mène, pas même la petite départementale qui rêve d’être intronisée nationale au nom de la croissance ou de je ne sais quelle autre absurdité, non non non. Quel bonheur de suivre le chemin, le tout petit que seul un œil attentif sait trouver, celui où les ronces semblent défendre l’accès à l’orgueil et à la suffisance de l’Homme comme pour protéger les derniers espaces où la vie prend toute sa signification. Le petit sentier côtier non balisé qui longe les côtes de l’humilité, entre bruyères et océan, quelque part où l’Homme s’il en a la volonté, s’aperçoit qu’il n’est qu’une infime partie de la nature. Cette nature qu’on froisse comme une feuille de papier et qu’on croit pouvoir dominer alors que c’est elle qui nous tolère.

C’est dans les plis du papier qu’Ile Eniger livre les mots de sa conscience. Entre mélancolie et tristesse de voir l’Homme s’égarer sur des itinéraires bis, elle fige l’instant authentique. Ses textes sont comme des photographies sépia, un brin jaunies, de celles qui ne passent pas par la case retouche mais qui touchent. Une peine lourde emplie les pages sur lesquelles semblent pourtant planer des mots en lévitation.

Comment mieux définir Ile Eniger qu’en citant un passage d’un de ses textes, neuf mots tout simples qui disent tant :

« Elle est une pluie qui laverait les terres encombrées ».



Je vais garder quelques compliments des fois qu’il me prendrai l’envie de faire un billet sur un autre des recueil que j’ai en réserve et que je garde précieusement comme pour me rassurer, comme pour savoir que j’ai du beau à lire si l’envie se fait nécessaire, un peu comme pour le dernier Bernard Giraudeau qui me reste à lire et qui me brûle les doigts mais auquel je résiste encore… un peu.

Si vous trouvez le moindre écho dans les quelques citations mises, alors n’hésitez pas, plongez dans la poésie de cette femme.

Le chemin encore, aux éditions… Chemins de Plume, quand l’évidence est là…

J’ai adoré cheminer sur ces pistes et, si j’ai encore un sacré bout de chemin à faire pour voir son pays des merveilles, putain quel pied !!!



« Le neurone fixé sur la part de gâteau, le petit d’homme compte, s’agite, s’enfle. Et moi ? Depuis son nombril, il monte des murs, les détruit, mord la pomme, la crache, invente des mirages, admire ses reflets, bâfre la vie, pisse partout, oublie la poussière sous le tapis, court dans tous les sens. Le plus souvent le petit d’homme empierre, flagelle, noue, détruit, exige. Je veux ! De l’univers gratuit qui existe sans lui, il vend la peau, les os et les entrailles. Il vend tout ce qu’il peut et achète encore plus. Le petit d’homme consomme, entasse, jouit, jette, lave ses mains et recommence. Il traverse la vie comme un dû puis meurt seul. Si seul dans le néant de ses miroirs brisés ».

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Celle qui passe

Ile Eniger, celle qui passe…

Ile Eniger, celle qui reste quand le livre se referme.



Reste aussi cette impression que les mots couchés par cette femme, flottent, enveloppent le lecteur comme pour mieux le déposséder de ses dernières réticences à se laisser aller à ses émotions. Le drapé de ses phrases est une respiration qui pénètre jusqu’au plus profond de l’âme. La nature, l’amour, la vie… un sujet unique en fait, décliné dans des textes, des pensées, plus jouissifs les uns que les autres quel que soit le recueil dans lequel on se plonge, dans lequel on s’immerge.



Celle qui passe c’est il et elle.

Ile c’est elle et lui sait-il ?

Sait-il qu’il a brûlé son Elle?

Hait elle qu’il ait quitté son Ile ?



Pour elle quel homme fut-il ?

Ses textes, ce qu’elle fit d’elle

Pour elle quel homme futile

Il a perdu d’être infidèle.





« Celle qui passe » c’est la fin d’une histoire Oui comme disait l’autre, les histoires d’amour finissent mal en général…

« Celle qui passe » c’est aussi une douleur vive mais qui elle aussi aura son temps compté.

« Celle qui passe » c’est la vie avec ses joies et ses blues plutôt blues dans le cas présent).



« Sous le tableau noir, la poussière des jours effacés se racine. La patience est une mesure».



Ile Eniger est une magicienne des mots. Quand je parle de magicienne je ne parle pas d’illusionniste, non non non, car l’émotion est bien présente. Une émotion qui envoute, qui hante, qui séduit.



« Ce n’est pas le fil qui s’amenuise mais le pas du funambule qui réfléchit ».



Ile Eniger, une femme à lire et à relire sans modération, un charme que rien ne vient rompre.

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Les Terres Rouges

Quand on dit "c'est de la bonne littérature féminine" ou "c'est une poétesse de qualité" il y a toujours un fond de mépris machiste et un sous-entendu de cucuterie vaguement gnangnan ou de sentimentalisme de fond d'alcôve qui a le don de m'exaspérer..



Ile Eniger est une femme, un poète et elle est à peu près aussi gnangnan qu'un Eluard qui viendrait de rencontrer Gala, ou qu'un Aragon à qui on dirait du mal d'Elsa, si vous voyez ce que je veux dire...



Quel feu, quelle flamme, quelle force exacte dans le mot, quelle nuance dans la couleur, quelle évidence dans l'image, quelle musique dans le vers, quel muscle dans la phrase chez ce petit bout de femme discrète, réfugiée dans l'arrière-pays niçois entre les "terres rouges" et la mer bleue!



Ile Eniger dit la passion amoureuse avec une violente sensualité, un désir impérieux et une pudique discrétion pourtant.



Elle dit sa mère disparue avec tant de douceur que le dialogue entre elles se renoue dans une sorte de vie perpétuelle - celle que donnent seuls la poésie et l'amour inconditionnel.



Elle dit surtout le mystère formidable de la nature, fait d'un silence troué de cigales et d'oiseaux, elle dit la présence hiératique de ce pays de pierres chaudes; elle chante les "Terres rouges" de l'Estérel, terres de passion et de chaleur face au grand enroulement bleu des vagues qui bercent, attirent, fracassent éternellement la terre aride qui la borde.



C'est très beau, cela se savoure à petites gorgées comme on sirote un vin blanc sec et glacé, avec quelques olives, sous le pin parasol ou le chêne vert, après un bain de vagues vivifiant et agité, un bain de remous salés entre les récifs déchiquetés et tranchants comme des mâchoires de squale



Merci à Moovanse, la marine, de m'avoir fait découvrir cette voix si personnelle et si forte...
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Le monastère de l'instant

Monastère d'un instant, un joli titre dans lequel un lieu préfigure un temps…

Monastère d'un instant ou la lecture-découverte de la poétesse Ile Eniger.



"Ce matin, la vie respire large...". Dès la première ligne du recueil, l'attention est captée et sous nos yeux, sans prévenir, l'écriture d'Ile Eniger prend elle aussi le large.

Au fil des pages, les textes se succèdent, chacun révélant sa part la plus belle, la plus indépendante. L'écriture est précise, empressée, dévouée à ce qu'elle veut transmettre, à ce qu'elle veut dire. Cet empressement est comme un geste vital, une nécessité à dire, à montrer, à nommer.

Dire ce qui fait sens, ce qui lie et relie dans notre monde devenu insensé et saturé de réseaux, sous l'or et les apparences, le désenchantement.



"Je ne partirai pas sans savoir que je suis."

Engagée, l'écriture d'Ile Eniger est comme une île de résistance poétique, de liberté inconditionnelle et fraternelle. Elle livre l'exigence, l'impérative nécessité de (re)trouver les lignes de partage, de bonheur, d'étonnement, de retrouver la lumière dans l'obscurité, de reprendre le chemin tout proche (celui qui est en chacun) qui mène vers la beauté du paysage, de l'autre, de l'instant…



"Repas après la pluie, les oiseaux des bosquets font la fête aux airelles. L'odeur suave des citronniers en fleur voisine la douceur du jasmin marié au mauve des alysses. Un acacia sauvage sur un sentier de terre blonde transpire son miel. Des fleurs d'oranger infusent blanches et sucrées. Une chaleur provençale de jardin secoué par la pluie ajuste sa multitude de parfums. Quelques nuages rôdent dans un ciel grillé aux cuivres du soleil. Un bataillon de cigales investit l'été comme pour la première fois. Ce doit être cela le Temps, une multitude de première fois."





Mes remerciements vont à TerrainsVagues qui m'a fait connaître la belle poésie d'Ile Eniger.

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Elles sont là, et vous ?

A nouveau, il m'est donné de vérifier que le continent Poésie n'est pas la terre d'un exil froid et solitaire. Si ses autochtones y sont rares, c'est qu'ils ont beaucoup marché, gardant, précieuse, une chaleur tout au fond d'eux-mêmes. Ainsi, la vibration ténue de la toile de Moovanse m'a-t-elle retenue dans ses fils, juste le temps de lire quelques vers, de partager quelques noms; et me voici chargée de nouvelles sensations, d'une chaleur un peu plus profonde, de paysages plus aquatiques nommés Ile. Ile Eniger.

J'en cherche les recueils. Introuvables. Epuisés, disent-ils! Mon esprit, bien que vagabond, s'imagine difficilement l'épuisement d'une île. Qu'elle soit submergée, passe encore! Il faut chercher, sonder, jusqu'à trouver le filon, la pépite.

Elle a pour nom "Elles sont là, et vous?", petite anthologie de deux voix croisées, amies, celles de Brigitte Broc et Ile Eniger. Deux voix pour un spectacle, sans doute donné jadis quelque part dans les terres rouges du sud dont elles partagent le sel.

Sur le livret, pas de date, pas de code ISBN. Un carnet à spirales où les mots côtoient les lithographies-peintures de Bellet (compagnon d'Eniger) sur papier blanc épais. Une édition : "Les chenilles bleues" dont nul ne connaît plus l'existence. Etonnante trouvaille, qui me permet de déguster quelques fruits savoureux de celle dont je cherchais les recueils, et me permet de découvrir une autre voix, celle de Brigitte Broc, dans une belle harmonie de tonalités femmes.

Le recueil se divise en sept tableaux, comme autant de déclinaisons du mot "femme". Femme-enfant, amoureuse, blessée, érotique, révoltée. Un voyage au pays des émotions partagées, de saisons où la terre se fait corps et le corps limon, où les deux voix sirènes se font écho, se répondent, se complètent :



L'une (BB):



"Et si nous dormions

L'un dans l'autre

Unis dans le ventre du Temps

Sans passé, sans présent,

Ballots d'écume

Mais toujours transparents."



L'autre (IE):



"Ne pas entendre

Ne pas voir

Se taire

Oublier le large qui arrache les ailes.

Mais,

Son odeur de savon poivré…



L'héritage d'une envie défait mes sandales."



Je ressens beaucoup de complicité dans ces deux regards, le plaisir commun de faire vibrer les mots, de dire le féminin dans son attente, dans la fragilité de la préhension du monde, mais aussi dans la violence de son désir et parfois de son désarroi.



J'aime beaucoup cette façon dont les deux poètes trouvent à concilier la douceur et la passion, comme s'il était inutile d'essayer de les séparer, comme si là, justement, résidait une forme de force, de beauté.



Est-ce parce qu'elles sont femmes, j'ai le sentiment que ces mots sont faits pour moi, qu'ils me parlent. Mieux encore, ils parlent de moi, de mes émotions intimes et contradictoires, de mes peurs, de mes désirs.



Merci Moovanse…
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Les Terres Rouges

Coup de foudre pour Ile Eniger, dont l'écriture a suscité en moi une émotion poétique renouvelée. C'est au détour d'une critique de Moovanse qu'elle m'apparaît, hologramme de mots déambulant par citations éparses. Je le suis, parcourant le fil des émotions qu'elle a tissés, toile sensible et vibratoire où dialoguent le désir d'incendie et le "petit matin mouillé". L'inconnue m'échappe d'abord. L'entrevoir ne suffit plus. Je veux pouvoir lire et relire, m'approprier son sel, explorer ses secrets.

J'entre enfin dans Les terres rouges. Ce recueil me semble une clef. L'écriture ne serait-elle pas cela même qui permet d'attiser la passion, d'en capter la source dans "l'eau d'un baiser, l'arbre d'un dos, le sel d'un aveu" ? De la sublimer par un subtil agencement où se rejoignent l'être et le monde ? Ainsi me voilà la spectatrice privilégiée de cette alchimie, qui transforme la page vide, peu à peu, en un jardin printanier. "J'écris, dit-elle, je mouille mes doigts à la flache du ciel, les appuie fortement sur le papier. L'encre révèle une famine".

Le désir de nommer les choses, de leur accorder une place, semble inassouvi. Ce qui procure la joie d'exister, comme la vague, va et vient dans un éternel mouvement, "emmène le bonheur" à l'image des étoiles qui "filent". La poète évoque alors la figure absente, celui qui ne s'inscrit que dans les mots et l'attente désormais : "je te voudrais là" ; celui qu'elle appelle "l'homme de mes cahiers", qui laisse la trace d'une sensualité et d'un désir encore prégnants: "Le souvenir respire/Et ma nuque brûlante/Garde trace de toi". L'écrire, c'est l'invoquer, convoquer la sensation de l'étreinte, la réinventer, rester vivante…

Je quitte Les Terres rouges, enrichie par l'expérience d'une lecture qui fut à la fois une promenade au pays des mots et un réel moment de complicité avec le poète.
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Les oiseaux ont de larges ailes

Superbe écriture de cette auteur hors du commun.

Le sujet est grave et, avec sa force et sa délicatesse habituelles, Ile Eniger permet au lecteur de ressentir toute la détermination positive que peut cependant développer ce type d'accompagnement. Ici, malgré la douleur qui n'est jamais occultée, le lien d'amour atteint sa plus grande noblesse et propose de comprendre l'absolu même dans l'adversité.
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