AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782849542071
78 pages
Chemins Plume (27/09/2021)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Des choses arrivent, nous vivent, nous tissent. Des choses nous portent, nous poussent, nous font, nous défont, nous accompagnent. Des choses gravent nos noms sur chaque caillou, chaque feuille d'arbre ou de cahier, chaque goutte d'eau ou d'océan. Voilà le coeur du coeur, la quête. Ce qui vaut malgré.
Que lire après Les mains frêlesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Lumineuse et profonde comme le bleu du ciel de Provence, délicate comme le vert des amandiers, la poésie d'Ile Eniger se nourrit de nature.
Par son écriture pure et dénuée de tout lyrisme, la poétesse semble s'être affranchie des contraintes du beau, préférant creuser l'essentiel, la naissance de l'émotion. Penchée avec tendresse et respect sur l'infiniment petit, elle nous invite à agrandir notre regard, faisant d'un simple cailloux un élément primordial du paysage. Elle nous invite aussi à accepter le temps qui passe, la vie qui prend quand chaque jour nous donne.

Dans "Les mains frêles", recueil de la maturité, Ile Eniger apprivoise sa solitude. L'homme aimé, le complice, le compagnon, n'est plus là et son absence est comme une fenêtre ouverte qui laisse entrer le froid. Celui-là qui manque n'est pas mort mais sa mémoire, en s'effaçant, en a effacé les contours. Par des mots simples, bouleversants, Ile Eniger le ramène chez lui, dans son atelier, dans son jardin, au creux de ce qui fut leur bonheur.

"Je t'écris au présent malgré ton enveloppe vide, tes mots perdus, ta mémoire absente. Je t'écris dans chacun de mes actes, sur la pierre d'angle de nos noms qui signent le parcours. Si le printemps plus jamais ne sera le printemps, ta main invisible plante toujours nos lilas, taille toujours nos rosiers."

Berçant ses chagrins d'une infinie douceur, elle ravive ses souvenirs de femme mais aussi ceux de son enfance, évoquant ses chers disparus, sa mère, son père, son grand-père, s'entourant de leur bienveillante présence. Parce que l'hiver de la vie est venu, il est bon de se réchauffer à leur mémoire, à ces gestes hérités que l'on fait sans y penser et qui nous inscrivent dans une histoire.

Cette poésie généreuse, qui jaillit du plus intime, m'a profondément touchée. C'est un regard vers le passé mais un regard sans regrets. La force qui sourd de cette poésie est faite de gratitude, d'espoir en la vie. A lire ces poèmes, on apprend que, par delà la douleur, on peut encore sourire aux nouveaux matins, que cela est possible. Et c'est comme si la fenêtre se refermait sur le grand froid, ne laissant entrer qu'un rayon de soleil vivifiant.

"Tu marches sur la dernière partie du chemin. Tu vas en toute solitude. En toute gratitude. Huile vieille pour lampe pauvre, tu brûles encore. Des grains de soleil lèchent une assiette vide et un verre ébréché. Ta fenêtre s'ouvre sur la patience du sillon. D'anciennes belles souvenances et d'intenses moments d'allégresse t'accompagnent. Il n'y aura rien d'autre que ces traces de lumière. Une abondance."

Commenter  J’apprécie          5815

Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Fenêtre ouverte sur la nuit et l'appartement trop grands, je tiens tête au vide. Une bougie rassure un coin de table. La douceur du soir apaise les questions. Au loin, c'est la fête de la Musique, agitation grégaire chaque année plus artificielle. Paupières closes, je pense à ton bras autour de mes épaules, ton sourire accompagnant le geste, nos silhouettes si proches respirant le subtil bonheur. Quand j'ouvre les yeux, ces souvenances illuminent ton absence. La chaleur accablante a quitté la terrasse. Les plantes respirent, elles redressent leur indifférente noblesse de simples. Je remercie. Je ne sais qui, je ne sais quoi. La lune blanche lit avec moi un livre fort et sans tapage. Le silence s'installe, repousse les brouillages inutiles. Le chat ouvre un œil, bâille, étonné de me voir debout au milieu de son rêve. Dans cette solitude habitée, des étoiles veillent la minuscule part d'un vieux bonheur qui bat, au centre.
Commenter  J’apprécie          183
L'air d'après pluie distille son souffle à défroisser les bourgeons. Un soleil effronté s'arrondit sur le dos du chat. Le froid dessert ses mâchoires. La terre défait ses corsets. L'hiver pâle décline sous l'impatience verte qui monte des racines. Les vignes sont moins noires. Les heures veillent plus tard. Le jour s'éveille plus tôt. Une vigueur s'installe qui terrasse l'usure, repousse les misères. Malgré les murs, les asphaltes et la ville qui tousse, une lanterne d'espoir traverse les mémoires. Les volets claquent. Les eaux brisent le gel et le silence. La lumière cascade. Les sols se dilatent. L'horloge maternelle déplie l'impertinente sève et la dormance des replis. L'audace des premières fleurs d'amandier brûle la neige. Les pariades d'oiseaux inondent les arbres. La merveille jaillit, déborde, défie. Les mains frêles, je la suis.
Commenter  J’apprécie          181
La belle automne se signe de noix vertes, poires blondes, derniers raisins. Un rien dans l’air se tait après la chute des châtaignes. Le ciel resserre ses crachins. L’herbe jaunie se couche aux terres dures. Les chevaux rentrent fumants des labours et ne quittent plus l’écurie. Le soir court plus vite à demain. Une glaise colle les pas aux sols lourds. Les prés éternuent leurs derniers rus. Les bûches sont rangées dans les remises grises. Le linge sur le fil roidit sous le butoir du gel. Fenêtres et volets anticipent l’hiver. Les cheminées toussent au réveil des feux. Une lumière courte habille le repos des campagnes. Mouillés comme sacs de larmes, les petits oiseaux, arrondis dans leur chaleur, annoncent le froid et la patience des dormances. Les arbres ne meurent pas, sous l’écorce, des rejets attendent. Le fonds commun des terres se régénère et veille.
Commenter  J’apprécie          170
Vers quoi tendre quand tout se désavoue, quand le vide se fait plus lourd que la montagne, quand le jour après le jour nomme l'absence et sculpte la douleur, quand le jardin se meurt, que la balançoire n'a plus de rires, que les oiseaux n'habitent plus les mêmes arbres, qu'au pied de la machine à coudre silencieuse l'enfant ne joue plus avec les boutons de toutes les couleurs?
Vers quoi tendre quand la vie se résume en photos, souvenirs, bribes, hologrammes de joies anciennes? Les gestes, les odeurs, les couleurs, sont presque là, on pourrait les toucher. Fulgurances du temps qui, d'un point à l'autre, ramène la saison heureuse. Puis tout s'éteint. Des allumettes, ne reste que la cendre. Nous ne savions pas que c'était le bonheur. Nous ne savions pas que nous étions le bonheur.
Commenter  J’apprécie          181
Février secoue les échines endormies. Ma campagne provençale force le gel. Le trait bleu calcaire de la Sainte Victoire mord le ciel. Les sols fument aux petits matins. Se réveillent des odeurs âcres, humides. Aux pieds des vignes noires, des pies fouillent le sol. L'ardoise des nuits froides aiguise ses micas. Le calcaire du jour écrit des aurores glaciaires. Aux arbres dépouillés, des boules de mésanges font Noël après l'heure. Une poussée incrémente les bourgeons. Dans l'air pur transparent, on pourrait croire la vie figée. Pourtant, secouant les froidures, les fleurs d'amandiers, rose aux joues et virginal cœur blanc, époussettent la saison d'une neuve et puérile arrogance.
Commenter  J’apprécie          200

Videos de Ile Eniger (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ile Eniger
Le texte "Je veux toi pour tisane. Le sucre de ta peau, ton goût de tabac d'arbre, le chat de ta gorge enroulé sur mon cœur, le chant de ton cœur déployé sur ma gorge, tes bras ouverts comme une table, tes pas de loup de nuit, ton sol précis sur mes graines de rêves, tes doigts sourciers sur mes glaises de soif, tes mers sur mes escales, tes bois à découvrir, mes rives à t'accueillir. Je veux tes mots revisités de fraises, tes mots rougis incendiés de neige. Je les veux qui enflamment qui touchent et qui m'existent. La sève de tes mains pour redevenir liane, l'arbre le fruit et la racine, le paysage en route, l'aimer à double tour d'où l'on ne sort jamais. Je veux le seringa troublé d'eau et de blanc, l'affolée de parfums de pollens et de miel, cette abeille innocente qui pille les corolles. Et plus que le désir, plus que le ciel à dire, plus que le tout à vivre, encore plus que le trop, je veux l'hiver épris des puissances d'été. Tes mains ouvertes, offertes pour les remplir de moi. Mes mains ouvertes, offertes pour les remplir de toi. Pour me réinventer, je veux toi pour m'écrire et m'aimer sans boussole. Tes instances de vivre renversées sur mon souffle. Tes mots de pain nouveau accordé à ma faim. Tes yeux pour vêtement. Je veux toi pour tisane. Je veux toi au présent." Extrait - Ile Eniger - Le bleu des ronces Éditions Chemins de Plume
yrendunn
+ Lire la suite
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (5) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1228 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}