Ce livre ne parle pas de gens que vous connaissez. Vous ne pourrez donc pas les reconnaître. La seule réalité, c'est la forêt qui, même après sa disparition, se reflète encore dans le ciel.
Leur boulot commençait à l'aube et ne s'arrêtait pas au coucher du soleil, quand la chaleur et les moustiques de l'été torturaient leurs corps brulés, ou que l'hiver trouait leurs semelles et leurs âmes. leur seule consolation, lors de ces saisons d'insatisfaction permanente, c'était leurs buffles, dont les queues dispersaient les essaims de mouches en été, et dont la chaleur animale leur permettait de survivre, quand ils dormaient avec eux en hiver. Et toute l'année, leurs bouses n'étaient pas vraiment de la merde, car il ne s'agissait, en fait, que de masses compressées d'herbe et de fourrage, fournissaient, une fois séchées, de quoi cuire les aliments et chauffer les narghilés rustiques où se consumaient, lentement, les "bûches" de tabac brut.
"Il sentait si bon, Papa.
Dehors, en juin, les vents chauds menaient la danse. Et valsaient avec eux les dunes de sable projetées vers un ciel incandescent d'où elles retombaient en nappes jaunes qui s'infiltraient chez nous, par dessous les massives portes de bois, et nous emplissaient les narines. Entre nos murs planait cette pouussière corrosive chargée d'une odeur de boue et de fumier. Parfois, les ailes géantes des ventilateurs nous projetaient au visage des gouttelettes issue du système de refroidissement des épurateurs d'air garnis de paille et de copeaux. On respirait alors, le parfum béni d'une averse sur le sol extérieur brulé par le soleil."