Certains débouchent des conduits d’égout, d’autres rafistolent des congélateurs. Moi, je répare les torts causés à la dignité humaine.
Magnan était à la médecine mentale ce que Pasteur était à la bactériologie, Hugo à la littérature et Charcot à la neurologie. Ce scientifique avait influencé les écrits de Zola, séduit par la thèse de la dégénérescence héréditaire.
Le patient fut conduit dans le pavillon d'hospitalisation, derrière le bureau d'examen, celui où l'on gardait les épileptiques et qu'on appelait aussi celui des agités .Magnan, qui avait ses appartements dans ce bâtiment, aurait ainsi notre mystérieux malade à l'œil.
Vincent avait entendu son grand-père vomir toute la nuit. Était-ce la querelle qui l’avait rendu malade ou son estomac fragile ? Tôt le matin, grand-père les avait appelés auprès de lui. Gilles leur avait dit qu’il se remettrait durant la journée, mais son malaise avait persisté. D’heure en heure, l’attente d’un départ avait fait place à la résignation.
"Avec les philosophes des Lumières, au 18 ème siècle, l’hôpital s'était métamorphosé de lieu d'enfermement en machine à guérir."
"Le cerveau est une formidable machine capable de départager ce qu'il veut bien entendre"
— Vous êtes en train de me dire que Charles Marquis est homosexuel...
— Vous étiez au service de monsieur Marquis quand il a embauché Dolbec ? demanda Duval.
— Débauché, tu veux dire ! trancha Louis.

J'ai la bouche fendue jusqu'aux oreilles. Pas même un sourire de la part de Garneau. Ça plutôt l'air de l'embarrasser. Il se fait aller nerveusement les pieds en dessous de son bureau. J'ai soudainement l'impression de lui faire perdre son temps. D'un signe de tête, je demande à Batman et Robin de sortir.
"Ensuite?" qu'il me demande sur un ton d'impatience.
"Bon, ensuite il y a un numéro musical."
"Vous avez la partition?" qu'il me crie presque.
"Mieux que ça, j'ai la pièce sur cassette. Vous avez qu'à utiliser mon walkman." Il fronce les sourcils, complètement dépassé. Je lui passe l'appareil. Maladroitement, il se met les écouteurs sur la tête. "Vous avez qu'à appuyer sur le contact."
Même sans rien entendre, je sais que la pièce vient de commencer. Pas cinq secondes qu'il se met à grimacer, à cocher la tête. Je sais pourquoi: pas de violon ni de flûte ni de clarinette, mais un synthétiseur, une guitare, de la basse et une batterie avec Batman qui gueules derrière.
Au bout de vingt secondes, il enlève le casque d'écoute. Il pousse un long soupir.
"Qu'est-ce que c'est que ça? Vous savez bien que je peux pas vous laisser faire ça dans cette école." Il lève les bras en l'air. "Ça sort bien trop des cadres."
"Écoutez, monsieur Garneau, vous vous attendez pas à ce que j'en fasse un opéra XIXe siècle. C'est Batman!"
Il hoche la tête.
"Pourquoi faut-il que chaque année vous m'arriviez avec des projets sans queue ni tête?"
"Sans queue ni tête?"
"Vous savez de quoi je parle."
Il fait allusion à ce quatuor d'égoïnes que j'ai placé dans un concert. Ça l'avait complètement exaspéré. Sans queue ni tête ça s'appelait. Garneau qualifiait cela de "terrorisme musical".
"Je trouve pas ça sérieux", qu'il dit.
"C'est tout ce qu'il y a de plus sérieux."
"Nom, c'est du Pop et je peux pas vous laisser faire ça. J'ai des comptes à rendre moi, dans cette école."
"Qu'est-ce que vous avez tous contre le Pop?"
"On n'est pas ici pour former des musiciens pop."
"Pourquoi pas?"
"C'est pas de notre compétence."
"Quelle est votre compétence?"
"De former des musiciens."
"Bollocks!" que je ne peix pas m'empêcher de dire.
"Quoi?"
"No luck", que je dis en reprenant. Pour un instant, j'ai oublié qu'il a fait une partie de ces études à Londres.
"C'est dommage mais je n'approuve pas votre projet."
"Donc plus d'heures de studio?"
"Y'a des projets plus importants qui requièrent l'utilisation du studio."
"Gros épais!"
Je ramasse mon sac et sors en faisant craquer la porte. "Terroriste!" qu'il me crie de l'intérieur.
Il enfourcha sa monture et d’un coup de tête fit signe à Mireille de monter derrière. Elle était menue comme une souris. Duval la regarda dans le miroir. Elle entoura sa taille. Il apprécia ce contact. Il sentait ses cuisses contre les siennes. Rien de tel que la moto pour tisser des liens, pensa-t-il.
L’argent, c’est comme les bactéries : dans de bonnes conditions, il se multiplie.