Citations de Jacques Prévert (1293)
Pauvreté et alcool, p. 99 :
JACQUELINE. Mon père autrefois était quelqu’un de bien… c’est lui qui le dit. (Elle rit.) Il a perdu sa situation, ça lui a tapé sur la tête. Il s’est mis à boire… et comme ma mère boit aussi… quand ils ont bu ils se battent… et ensuite ils se réconcilient et ils tapent sur les gosses… Quand j’étais plus petite ils me battaient aussi… il est toujours après moi mon père… il est jaloux de tout le monde… quand il est seul il dit que je ressemble à ma mère quand il était jeune et il essaye de me prendre sur ses genoux… C’est affreux… il me guette… il me poursuit… il est furieux parce que je danse… il dit que je déshonore la famille… vous parlez d’une famille… Il ne parle que de me mettre dans une maison de correction… Je voudrais m’en aller… n’importe où… sortir d’ici…
COUDRIER. Je sais… avec un homme très riche et puis l’éléphant…
JACQUELINE. Ne dîtes pas de bêtises… J’ai dit ça comme ça l’autre jour mais je ne le pensais pas vraiment…
COUDRIER. Pourquoi le disiez-vous ?
JACQUELINE. Personne ne pense vraiment ce qu’il dit… personne ne dit vraiment tout ce qu’il pense… on peut pas… on n’a pas le temps… et puis on est perdu… tout le monde est perdu… moi je suis perdue…
(Maurice bouleversé lui prend la main très doucement, elle le regarde et sourit.)
JACQUELINE. Pourquoi me prenez-vous la main ?
COUDRIER. Je ne sais pas… comme ça… tout ce que vous me dîtes m’émeut… je vous connais à peine mais si vous étiez plus heureuse, je serais content…
JACQUELINE. (brusquement) …Vous les trouvez jolies ?
COUDRIER. Quoi ?
JACQUELINE. Mes jambes…
COUDRIER. …
JACQUELINE. Pourquoi faîtes-vous l’étonné ?… Vous savez bien ce que je veux dire… vous me parlez doucement comme à un animal… et puis vous pensez… elle a de jolies jambes… puisque vous les regardez… et vous pensez à d’autres choses aussi… des choses très vite… c’est comme ça… quand on pense… c’est comme un rêve… c’est pas vrai ?…
FORS L'HORREUR
« Dans les roches roses de Turbularia, les rebelles ont
aménagé un immense "quartier réservé" où des sirènes
humaines, drapées d'herbes rouges et d'algues corallines,
attirent nos "marines".
FORS L'HORREUR
« L'ennemi est sans scrupules, sans foi ni loi, sans religiosité,
et il n'a pas hésité à ourdir le plus méprisable mais le plus redou-
table, bien que fort ancien, piège à hommes qui ait jamais été
imaginé.
FORS L'HORREUR
« Ici Oreaster, dernière heure.
« L'amiral Nelson-Bayard-Courbett mortellement blessé !
« Dernière heure ! Triste ironie du sort, c'était sur son horaire
celle de sa relaxation et, lorsque la mort l'a frappé, il était tout
bonnement plongé dans la lecture d'un vieux grimoire de
science-crucifiction : "Guerre et Paix sur la Terre aux Hom-
mes de bonne volonté."
FORS L'HORREUR
« Et nos plus belles unités submersibles sont taraudées,
perforées, démantelées par les oursins foreurs, les crabes
fouisseurs et les poissons-marteau excavateurs.
FORS L'HORREUR
« Évadés, pour la plupart, des camps d'électro-rééducation
nationale, lors de la dernière conflagration terriphérique, ils ne
respectent aucune des lois de la guerre nucléaire votées et pro-
mulguées au dernier congrès de la Satiété des Notions, à Marsilia,
lors du grand festival de Saint-Mars en carême, sur les flots bleus
et métalliques de la semble-mer Adriasynthétique.
FORS L'HORREUR
« Mutants de la Mer Noire, des Sargasses, du Fromveur
ou de la Baltique, ils se disent frères des Sizigies, camarades
des marées, nés de terre et mer méconnues, et prétendent
descendre de la plus haute atlantiquité.
« Ce sont, en réalité, des sur-sous-développés, des sauvages,
incapables d'apprécier les bienfaits de la Satellisation.
FORS L'HORREUR
« c'est la descente dans les profondeurs, là où les hommes
ne semblent plus être tout à fait des hommes mais déjà des
Homophibies ou des Amphibies-hommes, pour être plus clair.
FORS L'HORREUR
« Ce n'est plus le temps de l'escalade, ni des pays rasés
à la minute, des villes escamotées au Nième de seconde.
FORS L'HORREUR
Palinodique et naufragée, la voix d'un speaker
les commente :
— Nous vous parlons d'Oreaster, des bas-fonds
de la jungle des mers, où les rebelles de toutes cou-
leurs vivent comme poissons dans l'eau, oiseaux sur
la branche ou, dans son champ, le laboureur.
FORS L'HORREUR
— Demandez l'Horreur ! Dernière heure ! Demandez le journal
des derniers téléspectateurs ! Demandez l'Horreur !
FORS L'HORREUR
Dans la poussière de ruines d'un quartier disparu, un crieur,
un suppliant, un habakusha de Ménilmontant, manchot sans
sébile et cul-de-jatte sans chariot, ses journaux entre les dents,
avance par soubresauts.
FORS L'HORREUR
Le Transigeant et France-Noir ne paraissaient plus non plus,
et soudain les voix d'Inter-Planétaire et celle de l'Horloge
Alarmante se sont tues.
FORS L'HORREUR
Depuis de fort longs temps, les mauvaises nouvelles
n'étaient plus quotidiennes, le Globe, la Terre, le Monde
ne donnaient plus signe de vie.
... Le fils est endormi, on dirait qu’il est mort, la girafe est morte, on dirait qu’elle dort.
Cataire
Ils ont insulté les vaches
ils ont insulté les gorilles
les poulets
ils ont insulté les veaux
ils ont insulté les oies les serins les cochons les maquereaux les chameaux
ils ont insultés les chiens
Les chats
ils n'ont pas osé.
Vive la vie …
Bien sûr qu'elle vit, la vie !
La preuve, c'est qu'elle meurt !
La sentinelle
Les chants désespérés sont toujours les plus beaux.
Mauvaise habitude.
Vous me suivez? Bien ! Je suis donc un homme qui suit une femme, bien, si je suis une femme, je ne suis pas un homme, puisque c'est une femme que je suis.
Suivez moi bien … je suis toujours cette femme.
La salle de bains est fermée à clef
le soleil entre par la fenêtre
et il se baigne dans la baignoire
et il se frotte avec le savon
et le savon pleure
il a du soleil dans l'œil.