La cinquième saison

Quelle vie, c’est lamentable, fréquenter les estuaires, dépasser trois mètres de long, le dernier des métiers, c’est pas du travail, c’est de l’assassinat, et ça dure…
Autrefois, l’ambition pourtant me tenait, je voulais devenir directeur, employé, ingénieur, brin d’osier, veuf de guerre, gugusse à femmes, spadassin, pieds-paquet, officier de bouche ou de santé, chaisière, tortionnaire, homme de confiance ou maître à danser et je ne suis pas devenu maître à danser, ni maître-étalon, ni maître-queue ni vu ni connu ni tambour ni trompette, ni figue ni raisin, ni fleur ni couronne, je suis resté lamantin, personne ne m’aime et je le mérite bien.

Il y a de grandes flaques de sang sur le monde.
Où s'en va t il tout ce sang répandu?
Est ce la Terre qui le boit et qui se saoule?

Déjà la misère mêlait sa voix sans âge à celle de la jeunesse et déjà avec un grand sourire déjà plein de tristesse l'enfant disait adieu à des pays rêvés aimés perdus d'avance.

Quelle vie ! autrefois c’était le bon temps quand je venais avec ma pipe et mon paquet de gris et ma mandoline et ces petites filles qui jouaient au cerceau, et les papiers collés, monsieur Picasso, et les amis qui venaient la nuit, en pantoufles, boire votre bouillon cube, où allons-nous je me le demande, monsieur, où allons-nous ?

La nuit tombe et tel un bateau pirate, le navire arrive à son tour et le père BALADAR débarque avec deux personnages patibulaires, coiffés de képis portant des petits trous pour laisser passer leur cornes (sortes de gendarmes ruminants). Ils entrent la nuit dans la maison et parlent à voix basse.