Jacques Tardi

Les allemands, pourtant si prévoyants, n'étaient pas prêts à recevoir tant de monde.

Il faut que tu comprennes que le Traité de Versailles de 1919, ce diktat conclu pour faire payer les pruscos, d'humiliation en inflation, de chômage en amertume, avait installé tous les éléments favorables à l'avènement d'un sauveur national. C'est alors qu'Hitler montra son groin. Ses harangues racistes, xénophobes, démagogiques et hystériques étaient agrémentées de grandioses parades au pas de l'oie, et de ridicules retraites aux flambeaux. Après un sérieux redressement militaire et une réoccupation de la Ruhr, le petit caporal autrichien a tout de suite trouvé son public, d'autant plus qu'il prônait la justice sociale, le relèvement national et qu'il désignait les ennemis de l'intérieur : les capitalistes, les communistes, les juifs… On connaît la suite.

Les français disent "les Boches" quand ils parlent de leurs ennemis, par mépris, par haine ou peut-être par bêtise car, c'est bien de cela qu'il s'agit lorsqu'on parle de la guerre.

Voyou ! Si tu continues comme ça, tu finiras ministre !

Sur cent- vingt hommes, soixante-trois seulement regagneront les lignes françaises.

p.34.
- Monsieur, je vous en prie, soyez poli ! Vous parlez à Justin de St Hubert chasseur de fauves...
- QUOI ? Vous voudriez que je sois poli avec un meurtrier ! D'abord donnez-moi cette arme... Confisqué !
- Mais...
- À NOUS DEUX CHASSEUR ! On va inverser les rôles : vous allez jouer au gibier ! C'est régulier, vous avez vos jambes et moi la carabine. ALLEZ, COUREZ !

Qu'est-ce qu'on pouvait faire comme mal aux hommes et aux bêtes... les hommes passent encore, c'était leur guerre.

- Au feu immédiatement, ce bouquin ! La seule vu de ce genre d'ouvrage imbécile doit écoeurer M. Bonnet ! Vous avez pu constater que ma fille est dans les meilleures dispositions à votre égard. Bientôt, l'alliance de la littérature et de la boucherie... une association saignante qui tombe à point. Tout cela me réjouit.
- J'en suis bleu. Je ne voudrais pas être désagréable, mais permettez-moi de vous faire remarquer juste en passant, que le livre que vous vous apprêtez à jeter aux ordures, j'en suis l'éditeur... mais là n'est pas la question. Votre fille, je peux l'emporter tout de suite ou vous me l'emballez ?

"Ce n'est pas par erreur que notre artillerie pilonne la tranchée où s'est repliée la 3e Compagnie. C'est moi qui ai donné cet ordre. Les hommes ont reculé, ces lâches se sont repliés, ils ont fui devant l'ennemi." (Général de brigade Berthier) (p.48)

Les obus tombaient, déterrant les morts qui remontaient parfois s'accrocher dans les arbres déchiquetés, narguant les vivants et leur prédisant leur sort. (p.29)

En effet, fiché au sommet d'un gigantesque iceberg, prisonnier des glaces, ses voiles en lambeaux, un étrange vaisseau dérive sur son socle flottant ...

Sommes-nous donc aveugles ? Faut-il donc attendre que les pauvres soient si pauvres, qu’il ne leur reste plus qu’à se révolter ? Un jour, les hardes qui pendent au clou deviennent immanquablement l’étendard de la haine !

Je ne comprends pas que des hommes qui ont passé toute leur vie à combattre les errements du despotisme, une fois au pouvoir, s'empressent de tomber dans les mêmes fautes.

A la bibliothèque, les livres venaient d'un peu partout et dans toutes les langues. Les bouquins intéressants se refilaient sous le manteau. On ne les voyait jamais remonté à la surface. Je n'ai lu que d'insipides romans d'aventures, ou des ouvrages scientifiques, rien de politique, bien sûr, la censure ne laissait pas passer grand-chose. Le P.G. bibliothécaire était un parfait connard d'enseignant qui ne se prenait pas pour de la merde, un peu comme certains pédants libraires qui s'imaginent avoir écrit les livres qu'ils vendent.

La mort du gosse m'avait secoué. Le gosse ?... Il n'avait que deux ans de moins que moi ! En six mois de guerre, on avait tous pris vingt ans dans la poire et des allures de vieux bandits sanguinaires et prêts à tout.

J'ai franchi la porte du Stalag sans me retourner. Je venais d'y passer quatre ans et huit mois - 1680 jours ! - dans ce cul-de-basse-fosse poméranien et j'en voulais à la terre entière ... à nos chefs, à l'Armée, à la France ! J'avais des envies de meurtre !

Honte à nos chefs, tu veux dire ! Ces lamentables imbeciles, totalement dépassés par les événements, et dont la médiocrité illumine encore le monde aujourd'hui, nous avaient abandonnés. Honte à eux !

-Elle fait ça pour l’amour, Céleste, tu peux pas comprendre !
-L’amour ? C’est que des eaux grasses et de la chair gâtée !
-Au mieux, l’amour, c’est d’être dans ses meubles. Un nid avec un vieux. Et de la domesticité.
-L’amour, c’est pas que de la mollesse d’édredon ! L’amour c’est ce qu’on attend toutes ! Quand il vous dépose sa carte de visite, il faut lui ouvrir la porte ! Moi je l’attends, l’amour. Je l’attends tous les jours…
-L’amour, mon petit trognon, tu peux éteindre ton gaz ! L’amour, y viendra pas ! T’es qu’une putain !

Voyez-vous, un singe m'a giflé et une pieuvre à bouffé une bonne sœur sur le pont de Tolbiac, je vous en passe et des plus croustillantes....Alors, vous comprenez, vos clés sous le paillasson....elles me glissent dessus comme une poignée de cerises !

- Ah quelle tristesse, quelle horreur, quel ennui ! ... et toute cette boue, je déteste la campagne, Bébert.