Drogue et trafic se sont infiltrés au coeur de la société américaine jusque dans les provinces les plus reculées. Quoi de mieux que le roman noir pour raconter ces destins qui peuvent basculer du jour au lendemain ? Peut-être qu'avec une plume trempée dans l'encre épaisse, les écrivains tentent de réparer les failles d'un système pénal à deux vitesses ?
Jake Lamar, Ryan Gattis et David Heska Wanbli Weiden
Haarlem. Avec deux a. C’était Mr O qui avait appris au jeune Clyde Morton comment s’écrivait initialement ce nom. New York était alors un territoire tribal, avait expliqué Mr O à Clyde avant qu’il acquière sa renommée de Viper.
Les prairies du nord de Manhattan avaient initialement été peuplées par des tribus indigènes algonquines. Au dix-septième siècle, des tribus néerlandaises arrivèrent, s’emparèrent du territoire et donnèrent à la région le nom d’une ville des Pays-Bas.
Elle resta principalement agricole jusqu’au milieu du dix-neuvième siècle, quand des tribus d’aristocrates new-yorkais blancs, d’origine majoritairement britannique et protestante, se mirent à construire des demeures dans la campagne pour échapper au surpeuplement de Lower Manhattan.
Des courses de chevaux se tenaient sur la petite route qu’était alors Harlem Lane. Des messieurs en chapeaux hauts-de-forme et des dames à ombrelles s’assemblaient le dimanche sur les rives de la Harlem River pour regarder les défilés nautiques. Puis vinrent les tribus juives et l’urbanisation galopante, la construction d’enfilades d’immeubles et de maisons jumelles.
Au début du vingtième siècle, les tribus italiennes firent main basse sur Harlem. Little Italy, la « Petite Italie », s’implanta tout au nord avant d’être recréée à Lower Manhattan.
Vint ensuite la grande migration des Noirs fuyant le Sud profond, dont Clyde Morton faisait partie.
Des tribus latino-américaines arrivèrent ensuite et s’installèrent à l’est, dans ce qu’on appellerait alors Spanish Harlem.
Mais Viper Morton, lui, estimait que le vrai cœur de Harlem, le cœur battant du quartier, était noir.
Le Diable a peur de moi. Il a peur de m’affronter en face-à-face. Mais il sait que j’arrive.
On lui fait comprendre qu’il vaut mieux oublier son rêve. L’oublier dans les fumées de la marijuana… qui lui ouvre des horizons.
Fais pas comme moi, Clyde. Tu pourrais être le prochain Louis Armstrong. Mais il faut que tu ailles à New York. À Harlem. C’est là que ça se passe, le jazz, Clyde.
Bon sang, j'adore la musique noir. C'est ton peuple qui chante l'histoire du mien. L'histoire de nos deux peuples. Le drame dans ce pays c'est que vous, les noirs, vous n'avez pas accès au capital. C'est pour ça que ça me plaît d'investir à Harlem, d'investir dans les Noirs. Les noirs et les Juifs. Ensemble, on peut faire de grandes choses dans cette ville.
Les commerçants blancs te craignent vu les corrections que tu leur a foutues en toute impunité. Les noirs t'adorent pour les mêmes raisons. Et ils te craignent aussi. Tous les dealers, ils sont noirs. Ils se disent que si tu peux cogner sur des blancs sans avoir d'ennuis, tu serais encore plus dur avec ceux du même peuple que toi.
Nous ne savons pas qui nous sommes.En tant que Noirs, nous avons absolument besoin de savoir qui nous sommes.
Vous savez quelle est la grande différence entre la France et l'Amérique?
Si l'on parle du racisme officiel -c'est à dire celui de la police ou de certains milieux politiques,.....je dirais qu'en matière de racisme, la France suit l'Amérique de très près......Mais la grande différence, c'est ce que j'appellerai le racisme quotidien. L'attitude des individus lambda, que vous croisez dans la rue.....je peux vous dire que l'atmosphère générale d'insultes et de préjugés dans laquelle toute personne noire doit se résoudre à vivre en Amérique, ....n'existe pas à Paris. Les coups d'œil malveillants, la suspicion généralisée, le dédain, la condescendance, toutes ces rebuffades, subtiles ou moins, que les américains blancs font constamment subir à leurs concitoyens noirs....eh bien, ici,on n'en voit pas trace. Ça n'existe tout simplement pas.
Clyde « The Viper » Morton sortait juste de chez Gentleman Jack, un soir, quand un Blanc baraqué en costard miteux piqua droit sur lui. Il avait le teint rougeaud et le visage semé de taches de rousseur. Deux flics en uniforme suivaient dans son sillage. Il exhiba sa plaque.
« Inspecteur Red Carney, police de New York. »
Et sur cette introduction, là, devant tous les Noirs qui se pressaient sur la fière et tapageuse Septième Avenue, Red Carney mit un gnon en pleine face à Viper.
« Les mains contre le mur, négro ! hurla Carney. Vous deux, fouillez-le. Videz-lui les poches.
-Qu’est-ce qui se passe, bordel ? » lança Viper, sentant sa bouche s’emplir du sang de sa lèvre fendue.
« Ferme ta putain de gueule, négro ! » Une foule commença à se former. « Circulez, vous autres, aboya Carney. Circulez.
-Vous me faites pas peur « , dit Viper comme l’un des flics en uniforme commençait à le fouiller.
« Ah non ? Eh ben on va voir à changer ça ! » retorqua Carney, sur quoi il décocha un direct à l’estomac à Viper qui s’effondra aussitôt sur le trottoir, le souffle coupé.
« Je te colle au trou. Mettez-moi ce type dans le véhicule, messieurs. »
Au poste, les flics jetèrent Viper en cellule avec tant de violence qu’il se cogna la tête contre le mur et perdit connaissance. Il revint à lui tôt le lendemain matin. Deux flics le tirèrent de sa couchette, le traînèrent tout le long d’un couloir puis dans un petit bureau quelconque et l’assirent sur une chaise métallique. Il avait les tempes battantes. En face de lui, de l’autre côté du bureau métallique, était assis le jeune flic aux taches de rousseur.
« Bonjour Viper, lança Red Carney d’un ton presque amical. Ouille, tu as la gueule en bouillie. Désolé, mais il fallait ça. Et on était obligés de faire ça en public. Je couvre Mr O dans la petite affaire que vous tenez au salon de coiffure. Tu ne le sais pas encore mais je vais être le meilleur allié que tu auras jamais."
Il y a trois catégories d'Afro-Américains à Paris....
Primo, vous avez les frères et les sœurs qui voudraient que Paris soit la réplique exacte de l'Amérique, qui s'imaginent qu'il peut le devenir....ils ne veulent fréquenter que d'autres noirs américains et s'ils se donnent la peine d'apprendre le français, c'est uniquement le minimum indispensable à leur survie....ils l'ont dans la peau, leur Amérique chérie....et, de fait, ils finissent tous par retourner aux États-Unis......
Secundo....vous avez les Noirs américains qui se dissolvent en France. Ils se confondent avec le paysage et font tout ce qu'ils peuvent pour couper les ponts avec l'Amérique. Ils se marient avec des français, ne fréquentent que des français et ne s'expriment qu'en français....ce sont des Français virtuels....
Et, enfin, il y a la troisième catégorie...la troisième voie. On peut aimer les États-Unis, et préférer ne pas y vivre. Revendiquer ses racines, mais apprécier la liberté de ne pas en avoir. ...Nous vivons dans ce pays spirituel, qui est à la fois le nôtre et pas le nôtre : c'est notre patrie d'élection.