Citations de James Clemens (422)
La rage et la souffrance crispèrent son visage. La mort, qui lui avait été refusée pendant des siècles, se trouvait enfin à sa portée. Durant sa longue existence, il l’avait souvent appelée de tous ses vœux ; il avait aspiré à l’ultime délivrance, au repos éternel. Mais plus maintenant. Des gens comptaient sur lui : Elena, Boln et même De’nal. Il se rebellait contre sa propre fin.
À l’instant où sa main droite entra en contact avec la lame, une langue de glace jaillit de sa paume et engloutit l’épée d’Er’ril.
Le guerrier hoqueta et lâcha vivement son arme. Celle-ci s’écrasa sur le sol avec fracas et, tel un vase de verre soufflé, se brisa en un millier de fragments minuscules.
Elena vit le regard d’Er’ril se poser sur son visage. Rouge de colère et de stupéfaction, il s’exclama :
- Mon épée !
Tol’chuk ignorait qui était ce Rockingham dont parlait Kral, mais l’argument parut avoir raison des réticences de Nee’lahn.
- Les bois ne sont pas sûrs pour une femelle seule, intervint-il, surpris par l’inquiétude qu’il ressentait pour la nyphai.
- Merci de te préoccuper de ma sécurité, répliqua froidement Nee’lahn, comme s’il l’avait offensée sans le vouloir. Mais dans la forêt, je n’ai rien à craindre.
Er’ril pinça les lèvres. La jeune fille n’avait sans doute pas dormi depuis plus d’une journée. Elle avait besoin de récupérer. Les dangers qui la guettaient n’étaient pas seulement d’ordre physique.
Il aurait voulu lui passer son bras autour des épaules, mais il était occupé à tenir la torche vacillante. Pour la première fois depuis très longtemps, il regretta la perte de son autre bras.
— Merci de m'avoir emmenée saine et sauve jusqu'ici, chuchota-t-elle. Mais je dois te renvoyer pour l'instant. J'ai besoin de Kast.
— Ce petit homme faible ? ricana mentalement Ragnar'k. Je suis bien plus fort que lui.
— Je sais. Mais toutes les batailles ne peuvent être livrées à coups de griffes et de crocs. Je te rappellerai bientôt et nous chasserons de nouveau ensemble.
Un sentiment de plaisir et de confiance se répandit en elle.
— Tu est ma Liée. Vas-y. En attendant je rêverai de toi... et de poissons. De pleins de gros poissons.
Kast se demanda qui était le plus cinglé, de l'homme qui donnait un ordre suicidaire ou de celui qui l'exécutait.
Cela faisait déjà deux jours que le traque-sang suivait la piste de la sor'cière sans s'arrêter pour se reposer. Il n'avait pas besoin de sommeil. Pour se nourrir, il se contentait des fermiers ou des trappeurs solitaires qu'il croisait le long du fleuve : un coeur encore palpitant suffisait à alimenter son feu intérieur pendant tout un jour et un nuit.
Ainsi courait-il sur la berge sud du Ruissombre, pataugeant dans la vase et piétinant les roseaux. C'était dans la brise venu du delta que l'odeur de sa proie était la plus forte ; il ne voulait pas s'en éloigner et prendre le risque de la perdre.
Vois le germe de la femme dans l'enfant, comme le germe du chêne dans le gland. Trouve ta force et tu trouveras ta magie.
Il y a très longtemps, la magie a disparu au moment où nos ancêtres avaient le plus besoin d’elle. Car ils étaient en train de se faire envahir par les armées et les monstres du Gol’gotha. Aidés par l’ordre, ils luttèrent vaillamment. Mais sans la magie blanche, ils n’avaient aucune chance de repousser la magie noire des intrus. Alaséa fut vaincue, ses peuples soumis, et son histoire détruite.
Sisa’lhofa, une puissante sorcière de ses temps anciens, promis à la fin de ses jours, que l’une de ses descendantes aurait, elle aussi sa magie, quand les besoin s’en ferait sentir.
Fervents partisans de l'austérité et du minimalisme, les Cistériens prêchaient contre l'abus d'ornementation. chaque chose à sa place et dédiée à une fonction précise.
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comme elle aurait voulu nier ! mais elle entendait encore les paroles de Kast :
""mon sang t'appartient. Répands-le à travers les océans comme bon te semblera." Elle sentait confusément qu'ils n'étaient plus destinés à se séparer. Kast, Ragnar'k et elle étaient enchaînés plus solidement que par n'importe quels fers.
"secrète" était un doux euphémisme, songea Er'ril. A sa connaissance, seule une poignée d'hommes avait entendu parler de la cabale dont le quartier général était dissimulé dans les ruines enfouies de Val'loa. A peine moins rares étaient les contemporains d'Elena qui savaient que la cité perdue existait encore, et que ses environs étaient protégés par la magie résiduelle qui palpitait toujours en son cœur.
Soudain, Sheeshon jaillit de dessous de l'aile du dragon. Surpris, celui-ci sursauta. Il siffla et replia ses ailes.
Ulster et Jabib avancèrent prudemment sur les talons de Pinorr. Le tonnerre s'était tu, comme si la nature retenait son souffle.
Avec un sourire qui ne releva qu'un seul coin de sa bouche, Sheeshon désigna le monstre qui la surplombait.
- C'est lui que je choisis, lança-t-elle d'une voix très claire, qui résonna à travers tout le pont.
Pinorr se tourna vers le maître de quille.
- C'est ce que vous vouliez, non ? Grimaça-t-il. Sheeshon a désigné son champion.
- [...]. La honte peut pousser les gens à faire des choses stupides - à mentir, y compris à eux-mêmes.
Demain, il sera bien assez tôt pour que saignent les contrées d'Alaséa.
Tandis qu'Elena tourne son regard vers l'océan lointain, je dois achever cette partie de mon récit.
Ma plume est sèche ; mon poignet, douloureux ; je dois trouver un marchand qui ne vende pas son encre et son parchemin à un prix exorbitant. Souffrez donc que je m'interrompe ici. Souffrez que je me repose. Je répugne à me remémorer la suite de l'histoire - ce terrible voyage vers la cité perdue.
Aussi vais-je vous laisser pour le moment.
La légion a été formée ; le chemin, tracé.
Le sombre périple commence demain.
- Je peux répondre à une dernière question, guerrier.
Une seule ? Des milliers de questions se bousculaient dans la tête d'Er'ril, chacune d'elles luttant pour s'imposer à sa langue. Mais l'une d'elles le préoccupait par-dessus tout. Depuis cinq siècles, il regrettait de ne l'avoir jamais posée. Il n'allait pas laisser passer cette chance qui ne se présenterait sans doute pas une seconde fois.
- Comment t'appelles-tu ?
L'enfant ne répondit pas tout de suite. Er'ril vit une larme solitaire glisser sur sa joue - une larme de gratitude.
- De'nal, articula-t-il enfin. Je m'appelle De'nal.
- Je ne l'oublierai pas, promit Er'ril en inclinant la tête.
[...] Avant que la lumière se volatilise, Er'ril entendit la voix de De'nal lui chuchoter à l'oreille :
- Je te pardonne.
Puis, à la faveur de l'ultime étincelle, il vit la clé tomber sur le sol. Quand elle toucha la pierre, la lumière s'évanouit. Et dans les ténèbres qui venaient de s'abattre sur lui, Er'ril s'autorisa enfin à pleurer l'enfant qui avait jadis péri par le fil de son épée.
Ces mains ne sont pas des malédictions. Ces mains sont tes ailes. Comme un oisillon qui, en équilibre précaire au bord du nid, hésite à se lancer dans le vide, tu finiras par surmonter ta peur et par apprendre à voler. (...) Sans ses ailes, le faucon ne serait pas le faucon. Sans ta magie, tu ne serais pas ce que tu es. Ne redoute jamais ce qui te permettra de t'élever au-dessus des autres.
Sy-wen tendit une main vers sa joue. Cette fois, elle n'agissait pas sous l'emprise d'un sort. Elle voulait juste essuyer les larmes de Kast. Aucun homme ne méritait de mourir en proie à une telle culpabilité.
Ce n'est pas un signe de faiblesse que d'accepter l'aide d'un ami.