Jay Haley

A quoi pensent les femmes ? Quand elle sera vieille, elle n'aura plis de règles. Quand elle sera vieille, ses règles s'arrêteront. Donc, pour elle en tant que personne, ce phénomène a une signification totalement différente. Dans l'intimité, dans l'individualité de l'existence, la menstruation est quelque chose de vivant.

... Lorsque je vois une patiente qui a une mauvaise image corporelle, je lui dis généralement : "Il y a un certain nombre de choses que vous ne voulez pas que je sache, dont vous ne tenez pas à me parler. Il existe différentes choses vous concernant que vous n'avez pas envie d'aborder, alors commençons donc par ce dont vous voulez bien me parler maintenant." Je lui laisse carte blanche pour omettre tout ce qu'elle voudra. [...] C'est simplement une technique d'hypnose ; cela consiste à faire réagir les patients à l'idée d'omission, et à les faire également réagir à l'idée de communication.

En psychothérapie brève, l'une des premières choses à faire, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, c'est d'essayer de découvrir ce qu'est son image corporelle.

Souvent, l'approche d'Erickson combine l'utilisation de procédés ordinaires, qui font appel au bon sens (comme apprendre à danser ou à soigner sa présentation), avec une relation étroite qui oblige la personne à accepter ces procédés raisonnables, alors que jusque-là elle s'y était refusée. Il use autant qu'il le peut à la fois de son impact personnel et de moyens qui sont à la disposition de tout le monde. Dans le cas que nous venons d'évoquer, c'est par son entremise qu'une femme pudibonde a pu établir une relation intime avec un représentant du sexe masculin et aborder ainsi des sujets tabous. Il a aussi tiré parti des compétences d'une conseillère esthétique et d'une couturière.

J'émis des remarques critiques à propos de ses cheveux qui n'étaient pas coiffés, de ses vêtements qui ne lui allaient pas et dont les couleurs juraient entre elles. Tout cela fut fait à la manière d'un examen physique ; j'en parlai comme de choses auxquelles elle pouvait remédier seule sans avoir recours à l'aide d'un thérapeute ; elle était entièrement responsable de ces faits, qui constituaient autant de preuves de la négligence délibérée qu'elle montrait vis-à-vis d'elle-même.

Je dis à cette femme : "Vous voulez une thérapie, vos voulez que ça aille vite, vous êtes en train de sombrer dans le désespoir. Voulez-vous que je vous traite à ma façon ? Pensez-vous que vous pourrez le supporter ? Je peux en effet agir vite, à fond et efficacement, mais ce sera une expérience difficile à supporte." Elle répondit qu'elle se sentait assez désespérée pour accepter n'importe quoi. Je lui demandai d'y réfléchir pendant trois jours, et pendant ce temps de décider si elle voulait vraiment faire une thérapie et accepter que celle-ci soit suffisamment énergique pour être efficace. Je lui affirmai qu'elle pourrait en tirer beaucoup de profit mais que cela exigerait aussi de sa part beaucoup de profit, mais que cela exigerait aussi de sa part beaucoup de force, étant donné le peu de temps qu'elle m'accordait, pour résister à l'agression nécessaire que serait cette thérapie.

Bien que l'on considère que la période des rituels de séduction concerne les jeunes, un problème qui apparaît à ce stade peut se prolonger pendant des années. Plus les difficultés rencontrées à cette époque persistent, plus elles seront lourds de conséquences pour l'avenir d'un homme ou d'une femme.

Contrairement aux thérapeutes qui pensent en termes de thérapie de longue durée, ce qui entraîne une implication affective profonde et permanente avec un thérapeute, Erickson, pour sa part, travaille à se dégager aussi rapidement que possible de cette relation en focalisant l'intérêt de la patiente sur d'autres hommes. Parfois, il agit ainsi au bout d'un certain temps, et d'autres fois très rapidement.

Erickson n'utilise pas forcément l'hypnose pour résoudre les difficultés, en particulier les problèmes d'énurésie. Il possède plusieurs cordes à son arc, et il se plaît aussi à faire remarquer qu'aider un jeune adulte à surmonter ce genre de difficulté lui permet d'acquérir un comportement normal dans de nombreux autres domaines.

Non seulement Erickson fait la preuve de l'étendue de son expérience lorsqu'il s'agit de maîtriser des idées qui surgissent dans le conscient, mais il montre aussi qu'il est parfaitement au fait de la situation sociale réelle des jeunes.

"Comment expliquer que je sois devenu normal ?" Je lui répondis que ni lui ni moi n'avions besoin d'expliquer ce qui va de soi, et qu'il était infiniment plus satisfaisant d'accepter ce qui est normal comme une chose à laquelle tout le monde a droit.

Il semble évident que, de diverses manières, Erickson, en tant qu'adulte et représentant du monde des adultes, donne à une jeune personne la permission de se comporter d'une façon qui tait interdite lorsqu'elle était plus jeune et que ce comportement n'était alors pas opportun. Cette initiation qui permet à la maturation de s'accomplir peut être réalisée avec subtilité de façon active, directement ou indirectement, au moyen de diverses suggestions. Erickson fait en sorte d'y parvenir en s'exprimant d'une manière facilement compréhensible pour sa patiente.

Ma tactique consista à adopter autant que possible un point de vue presque semblable à celui de sa mère. Il fallait d'abord que je sois complètement identifié avec celle-ci.

Avec ménagement, je l'avertis de ce qu'elle était en transe hypnotique et la rassurai en lui affirmant que je ne ferais rien contre son gré. Par conséquent, elle n'avait pas besoin de chaperon. Je lui dis qu'elle pouvait sortir de sa transe si je faisais quelque chose qui lui déplaisait. Puis je lui enjoignis de continuer à dormir profondément pendant une durée indéterminée, en ne prêtant attention et en n'obéissant qu'aux consignes qu'elle considérerait comme acceptables. Ainsi, elle avait la conviction ferme mais illusoire de disposer de son libre arbitre. Je m'assurai de susciter chez elle des dispositions amicales à mon égard, et, pour préparer l'avenir, j'obtins sa promesse d'entrer dans un état hypnotique profond chaque fois qu'il y aurait pour cela une raison valable. Ces préliminaires prirent beaucoup de temps, mais ils étaient absolument essentiels pour assurer et faciliter le travail futur.

Certaines fois, Erickson aborde d'une manière tout à fait directe les phobies d'une personne ainsi que les moyens d'y remédier ; d'autres fois, il adopte un comportement plein de subtilité dans les tactiques qu'il utilise pour amener un changement, tout en protégeant son patient le mieux possible.

La jeune fille [solitaire-célibataire et suicidaire, très négligée] commença par déclarer qu'elle ne pouvait pas faire cela. Puis elle envisagea la chose comme une lubie assez amusante, mais dépourvue de raffinement. En fin de compte, elle décida de s'exécuter. De toute façon, elle était dans l'état d'esprit qui convient pour se livrer à une dernière extravagance. [...] Elle disait elle-même qu'elle tombait dans un marasme de plus en plus profond et qu'elle était presque au bout du rouleau. Erickson accepta cela et l'encouragea, ajoutant seulement qu'il lui faudrait accomplir quelque chose comme un baroud d'honneur. La jeune fille éprouvait également de l'hostilité envers les hommes et ne voulait faire aucun effort pour se montrer aimable à leur égard. Erickson accepta ce comportement, et fit surtout en sorte qu'elle crache sur un homme [faire gicler de l'eau via l'interstice entre ses dents qu'elle trouvait affreux, en ayant préalablement acheté de beaux vêtements pour se mettre en valeur]. Cependant, elle ne s'attendait absolument pas aux conséquences que cela entraînerait.

"Mais, voyez-vous, les gens sont ainsi. Chaque fois que l'on prive quelqu'un de quelque chose, il se met à le réclamer avec insistance. [...] Quand je cesse de leur donner des consignes à un moment bien choisi, ils font les choses d'eux-mêmes et se substituent à moi, mais ils ne s'en rendent pas compte.

"Les patients font en général ce que je leur demande, bien souvent en partie parce que j'attends d'eux qu'ils le fassent. Une patiente m'a déclaré : "Que je me plie pu non à vos directives, vous n'en faites jamais une histoire ; vous avez une telle manière de compter sur moi pour le faire que je ne peux pas faire autre chose que ce que vous attendez de moi. Lorsque je tergiverse et que j'essaye de me dérober, c'est toujours parce que je veux que vous fassiez en sorte de m'obliger à faire quelque chose, et vous n'allez jamais jusque-là. Puis je fais un effort supplémentaire pour vous obliger à me forcer à agir."

... Ce cas montre comment Erickson procède avec quelqu'un qui redoute de pénétrer quelque part : il le fait entrer dans le lieu qui suscite sa peur tout en empêchant le comportement généralement associé à cette peur de se manifester.

Lorsqu'Erickson traite des jeunes, un aspect caractéristique de son travail consiste à ne pas insister sur le fait qu'ils éprouvent une crainte de ceci ou de cela ; il se garde aussi de toute interprétation. Sa démarche est centrée sur les moyens de provoquer un changement et d'élargir les limites de l'univers de son patient, et non pas de travailler avec celui-ci sur ses points faibles. Son approche consiste à agir pour provoquer un changement.