Jay Haley

Une partie de la confiance qu'éprouve Erickson en son approche envers les patients réside dans la sûreté de sa propre attitude morale. Il a des idées précises sur la façon dont les gens devraient se comporter, et pourtant, il fait preuve en même temps de compréhension envers les diverses façons de vivre que l'on peut rencontrer dans notre société. Sa position morale est dépourvue de rigidité ; et pourtant, il n'es pas non plus continuellement en train de la remettre en question, comme le font bon nombre de thérapeutes qui ont une mentalité d'intellectuel de gauche.

Une partie de la confiance qu'éprouve Erickson en son approche envers les patients réside dans la sûreté de sa propre attitude morale. Il a des idées précises sur la façon dont les gens devraient se comporter, et pourtant, il fait preuve en même temps de compréhension envers les diverses façons de vivre que l'on peut rencontrer dans notre société. Sa position morale est dépourvue de rigidité ; et pourtant, il n'es pas non plus continuellement en train de la remettre en question, comme le font bon nombre de thérapeutes qui ont une mentalité d'intellectuel de gauche.

Dans le cas d'une lutte de pouvoir au sein d'un couple, Erickson agit avec promptitude s'il estime que la situation comporte un danger. Il considère qu'il est nécessaire d'intervenir dans la vie des gens ou tout au moins de leur donner des conseils, en particulier lorsque l'existence de quelqu'un est menacée. Par exemple, à une mère qui était venue le voir avec son enfant pour lui parler de son mari, Erickson recommanda de quitter la vielle sans même rentrer chez elle pour faire ses valises. Elle obéit, et le mari vint ensuite voir Erickson : il était furieux que ce dernier se soit arrangé pour qu'il ne puisse pas retrouver sa femme. Cependant, le mari reconnut qu'il avait acheté un fusil pour la tuer. Plus tard, Erickson réunit le mari et la femme dans son cabinet afin de résoudre leur problème.

A mon point de vue, il est préférable, lorsqu'on le peut, de contourner le problème. Inutile de s'obstiner en vain à nettoyer une maison envahie par une crasse impossible à éliminer, mieux vaut déménager.

Tous les couples mariés sont victimes du mythe qui voudrait faire croire que les choses étaient différentes deux générations plus tôt. Par exemple, nous avons dans l'idée qu'à l'époque victorienne, les pères avaient une position plus forte et plus dominante. Et pourtant, ce que nous savons de la structure familiale à cette époque, nous l'avons en grande partie acquis par ouï-dire. Voici une anecdote qui illustre le genre de fables auxquelles nous continuons à croire. [...] Je voulais savoir quelle sorte d'ambiance familiale pouvait exister du temps de Sigmund Freud, à l'époque où celui-ci considérait le père comme une figure castratrice douée d'un pouvoir considérable. Une Viennoise me rapporta que, du temps de sa jeunesse, son père détenait une autorité extrême. Elle ajouta : "Nous n'avions même pas le droit de nous asseoir sur le fauteuil de Papa." Curieux, je lui demandai comment faisait son père pour empêcher les enfants d'occuper son siège. Elle répondit : "Oh ! Ce n'était pas Papa, c'était Maman. Elle nous disait que si nous nous asseyions sur le fauteuil de Papa, nous attraperions des boutons sur les fesses." Il semble que ce fût le père qui était, du moins en théorie, considéré comme le détenteur de l'autorité familiale.

Lorsqu'une femme est tellement dominatrice qu'elle exclut son mari de l'éducation de leur enfant, Erickson abonde dans son sens d'une façon telle qu'il la persuade de faire en sorte que son mari intervienne davantage.

Souvent, lorsqu'un thérapeute a affaire à un couple, il découvre qu'il existe entre les époux une sorte de contrat selon lequel c'est l'épouse qui décide de tout ce qui doit se dire dans son cabinet. Il est difficile d'arriver à connaître le point de vue du mari sur le problème : en effet, son épouse ne le laisse pas parler, mais, à chaque fois que l'on pose une question au mari, elle vient à son aide et parle à sa place. On réussit souvent à obtenir de l'épouse qu'elle se taise pour que le mari puisse dire, mais parfois cette requête n'a aucun effet sur elle. Erickson dispose de différents moyens qui lui permettent de venir à bout de ces femmes dominatrices".

Elle disait qu'elle ne voulait pas dominer son mari de cette façon et qu'elle ferait n'importe quoi pour arriver à cesser de se conduire comme elle le faisait. Puisqu'elle se sentait impuissante contre ce qui la poussait à agir ainsi, je décidai d'utiliser cette conduite impulsive en la déplaçant pour que cette femme la mette en pratique non plus avec son mari, mais avec elle-même. Je lui assignais la tâche de soumettre son mari à un feu roulant de questions, comme elle le faisait d'habitude, mais elle devrait écrire la liste des questions qu'elle posait toujours. Ensuite, elle établirait une liste parallèle de questions similaires qui la concerneraient elle. Après avoir interrogé son mari, elle devrait s'en aller et s'interroger elle-même à propose de ses propres activités. [...]
Elle réagit d'une manière prévisible ; elle se lassa de toute cette procédure et cessa de poser chaque jour des questions à son mari.

Dans un monde aux contours flous, où les fluctuations intellectuelles et émotionnelles créent une ambiance d'incertitude qui varie selon les moments et les circonstances, il ne peut y avoir que doute et insécurité. Joe était en quête de quelque chose de réellement solide, ferme et sûr;, et sa méthode d'apprentissage était "efficace, tout comme on apprend qu'il faut protéger ses mains avant de saisir un cactus, ou encore qu'il vaut mieux éviter d'utiliser son pied nu pour taper dans un caillou.

Resté seul avec la mère, je lui expliquai l'exigence fondamentale pour un enfant de vivre dans un monde où il ait la certitude de trouver plus fort et plus puissant que lui.

Joe écoutait en arborant un large sourire. Lorsqu'elle eut terminé son récit, il déclara avec forfanterie que je n'avais aucun moyen de l'empêcher d'agir comme il l'entendait, et qu'il allait continuer à faire ce que bon lui semblait. Je lui affirmai d'un air extrêmement sérieux et convaincu que je n'avais nul besoin de faire quoi que ce soit pour modifier son comportement : un garçon comme lui, grand, fort et très malin, était capable de modifier ses façons d'agir tout seul, sans l'aide de personne. Je lui garantis que sa mère ferait ce qu'il faudrait pour lui permettre de changer de conduite "tout seul".

Il estime que le sentiment d'insécurité éprouvé par un enfant provient de son incertitude à propos des limites qui lui sont fixées, et l'approche thérapeutique doit les renforcer le problème, c'est de s'arranger pour que ce soient les parents qui fixent ces limites plutôt qu'un inconnu, par exemple un psychiatre pour enfant. Lorsque des enfants ont des problèmes, Erickson se concentre sur la situation familiale plutôt que sur l'enfant lui-même.

Voici ce qu'il dit à propos de la situation de l'enfant lorsque les parents sont en conflit : "Quand vous modifiez le comportement de l'enfant, quand vous le guérissez, c'est comme si les parents se retrouvaient avec quelqu'un qu'ils ne connaissent pas. Ensuite, ils doivent reprendre leurs conflits personnels sans que l'enfant soit impliqué. Celui-ci est maintenant un inconnu, et il est pratiquement indépendant."

Le fait de ne pas attacher d'importance au moment de s'arrêter supprime la notion de punition.

Avec une lenteur exaspérante, je me lançais ans une description embrouillé et interminable de la conduite du traitement qui allait être entrepris. Dans une telle situation, le patient se penche en avant en espérant que vous allez bientôt en venir au fait - il a furieusement envie de savoir ce qu'il doit faire. Il reconnaît que vous faites preuve de réflexion et de pondération en présentant les choses. Il sait que vous n'allez pas agir avec précipitation. Il attend que vous en veniez au fait, et quand enfin vous vous décidez, il est tout prêt à accepter votre projet de traitement.

J'aime jeter un coup d'oeil sur le travail scolaire d'un enfant pour voir ce que cela révèle de sa personnalité.

J'ai écouté tout ce qu'il avait ) me dire, la mère et le fils le savent. Le père est rentré à la maison et il le leur a dit. J'oublie simplement ce qu'il a dit, sans en être spécialement irrité ni embarrassé. Il était impossible d'associer le père au traitement à cause de ses idées arrêtées, c'est la raison pour laquelle il fallait l'écarter.

Une des caractéristiques de la thérapie éricksonienne est d'être essentiellement directive ; elle repose donc en grande partie sur l'art de convaincre les patients de suivre les consignes. L'un des nombreux moyens qu'Erickson utilise pur les pousser à faire ce qu'il veut consiste à commencer quelque chose et puis à opérer une digression.

Une autre caractéristique des méthodes d'Erickson, c'est, lorsque parents et enfants sont bloqués dans un conflit où tout le monde est perdant, de faire en sorte que tout le monde gagne. Souvent, il obtient ce résultat en évitant tout simplement le conflit et en abordant le sujet d'une autre manière avec l'enfant.

Elle expliqua qu'elle savait que j'étais un bon cycliste, qu'elle était certaine que j'étais capable de gagner, et qu'elle n'avait pas l'intention de remporter une victoire imméritée. J'avais fait de véritables efforts, et elle m'avait battu : cela l'avait convaincue qu'elle "était capable de faire quelque chose". Transportée de joie par cette certitude, elle avait découvert le plaisir de surmonter les obstacles, que ce soit à l'école ou ailleurs.