Jean-Claude Brialy - On n'est pas couché 18 novembre 2006.
La vision que l'on a de soi est toujours approximative : même si l'on a plus ou moins apprivoisé son physique, même si l'on veut bien se reconnaître quelques défauts et quelques qualités.
Je suis né le 30 mars 1933. En Algérie, le printemps était tiède et doux, l'air était chargé de senteurs lourdes et sucrées. J'étais très laid, un véritable petit singe, avec une tête en forme de poire recouverte de cheveux noirs. Mes parents étaient tout de même fiers et contents d'avoir un garçon. La mode étant aux prénoms composés, ils m'appelèrent Jean-Claude
Le temps béni est celui des circonstances heureuses.
"Le peu que je sais, c'est à mon ignorance que je le dois." Sacha Guitry
la réussite,c'est un peu de savoir, un peu de savoir faire, et beaucoup de faire savoir.
Edith et ses amants, c'était un sacré roman ! elle les quittait toujours parce qu'elle ne supportait pas d'être abandonnée. Comme cadeau d'adieu, elle leur offrait une montre Cartier. Un jour, elle invita tous ses anciens fiancés à déjeuner et ils eurent l'élégance et l'humour d'être tous présents ! Au dessert, pour s'amuser, elle demanda l'heure. Ils avaient tous la même montre !

Le producteur contacta Danielle Darieux, qui accepta de tourner ce rôle secondaire pour une somme modeste. Le jour où elle arriva, nous déjeunâmes ensemble avec Jean. Comme à son habitude, Jean avait commandé un plat léger, dans le genre boudin aux pommes, et son vin, un gros-plant. Nous étions en train de bavarder tous les trois lorsque, en plein milieu du repas, un assistant arriva en s'excusant d'exister. Prudemment il s'adressa d'abord à Danielle, lui dit qu'on avait besoin d'elle pour faire la première scène. Puis tout de suite, il s'adressa à Jean.
"Vous pouvez rester là, monsieur Gabin, vous avez le temps."
Alors Jean le fusilla du regard et lui lança :
"Quand Melle Darrieux fait son premier plan dans un film où je suis, Gabin est sur le plateau !"
Il se leva donc, abandonnant son assiette pour accompagner Danielle. Je les suivis un peu comme un enfant suivrait ses parents. Jean l'attendit, cigarette au bec, puis nous revînmes finir notre repas.
L'après-midi, Alaiin et Romy répétaient la scène du bal. Alain était raide comme un manche à balai, il ne savait absolument pas danser. En revanche, Romy était très gracieuse. Ce jour là, j'assistais à la naissance d'une passion : Alain, gauche et maladroit. Romy légère et rieuse, la valse viennoise, leurs premiers regards, il se passait vraiment quelque chose de magique entre eux.
En France, on n'aime pas beaucoup les femmes courageuses.
Roger Nimier, que j'ai bien connu, était le contraire de Paul. Timide et effacé, il avait une allure de notaire de province et s'habillait comme un fonctionnaire. Avec son cartable sous le bras, on aurait pu facilement le prendre pour un étudiant ou un jeune professeur de lettres. Mais, dès qu'il ouvrait la bouche, c'était un festival d'humour, d'intelligence, de précision. Il ne parlait jamais pour ne rien dire. Tout l'inverse de Gégauff. Autant l'un était baroque et fou, autant l'autre était classique et sage. Les deux plaisaient aux femmes pour des raisons opposées. On avait envie de se laisser emporter par Gégauff et de prendre Nimier dans ses bras pour le consoler.