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Citations de Jean Dubuffet (62)


Entraîner avec force l'esprit hors des sillons où il chemine habituellement, l'emporter dans un monde où cessent de jouer les mécanismes des habitudes, où les taies des habitudes se déchirent, et de manière que tout apparaît chargé de significations nouvelles, fourmillant d'échos, de résonances, d'harmoniques, là est l'action de l'oeuvre d'art. Commotionnés par ce choc reçu, hérissés par ce dépaysement comme un porc-épic attaqué qui dresse toutes ses épines, toutes les facultés de l'esprit s'éveillent, toutes ses cloches se mettent à sonner.
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L'attention tue ce qu'elle touche. C'est une erreur de croire qu'à regarder les choses attentivement vous allez les connaître mieux. Car le regard file, comme le ver à soie, si bien qu'en un instant il s'enveloppe d'un cocon opaque qui vous prive de toute vue. C'est pourquoi les peintres qui écarquillent les yeux devant leur modèle n'en captent plus rien du tout.

(Apercevoir, 23 mars 1958)
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Gastronomie élémentaire

Une façon de traiter l'art telle que la pensée de l'opérateur, ses humeurs et impressions soient livrées crues, avec leurs odeurs bien vives, comme on mange un hareng sans aucunement le cuire, sitôt pêché, tout ruisselant encore d'eau de mer.
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Jean Dubuffet
Ceux à qui le monde n'apparaît pas à leur goût, je leur conseille de ne pas tâcher de changer le monde mais de changer leur goût.
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Le vrai art, il est toujours là où on ne l'attend pas. Là où personne ne pense à lui ni ne prononce son nom. L'art, il déteste d'être reconnu et salué par son nom. Il se sauve aussitôt. L'art est un personnage passionnément épris d'incognito. Sitôt qu'on le décèle, il se sauve en laissant à sa place un figurant lauré qui porte sur son dos une grande pancarte où c'est marqué « Art », que tout le monde asperge aussitôt de champagne et que les conférenciers promènent de ville en ville avec un anneau dans le nez.
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L’argument des professeurs et des agents de culture contre l’art brut est que l’art purement brut, intégralement préservé de tout apport provenant de la culture et de toute référence à elle, ne saurait exister. Je ferai alors observer aux professeurs que le même caractère de chimère qu’ils trouvent à la notion d’art brut peut se trouver de même en n’importe quelle autre et par exemple dans la notion de sauvagerie, ou, pour citer une notion à laquelle sont en ce temps si sensibilisés nos milieux culturels, dans la notion de liberté. Si les professeurs se voyaient remettre la chaîne d’arpentage avec le compas du géomètre et requis de jalonner le terrain en plantant où il se doit le piquet de la sauvagerie, le piquet de la liberté et ceux de tous les autres relais de la pensée, ils seraient en même embarras que pour déterminer le point exact où doit être fixé le piquet de l’art brut. C’est en effet que l’art brut, la sauvagerie, la liberté, ne doivent pas se concevoir comme des lieux, ni surtout des lieux fixes, mais comme des directions, des aspirations, des tendances. (…)
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La fièvre d’hiérarchisation dont fait montre notre époque si éprise de compétitions sélectives et proclamation de champions est fortement impliquée dans la position que tend à prendre ce qu’on appelle la culture. Elle répond à un désir de réduire toutes choses à un commun dénominateur, désir qui lui-même procède de la même constante aspiration à substituer au profus, à l’innombrable, de petits dénombrements tenant dans la main. La pensée actuelle a capitalement horreur du profus, de l’innombrable, des dénominateurs innombrables. Mais ce refus du fourmillement chaotique, cet appétit simpliste de tout classer en genres et en espèces ne va pas sans une brutalisation des caractères propres de chaque individu et une élimination de tout ce qui n’entre pas dans les normes; d’où résulte, faite cette réduction des catégories au petit nombre souhaité, un considérable appauvrissement des champs considérés, un désolant rapetissement, tout à l’opposé d’enrichir. C’est le fourmillement chaotique qui enrichit et agrandit le monde, qui lui restitue sa vraie dimension et sa vraie nature. (…)
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La collectivité s’est maintenant, d’un consentement à peu près unanime, donné pour maîtres à penser des professeurs. L’idée est que les professeurs, auxquels a été longtemps octroyé le loisir d’examiner les productions d’art du passé, sont par là mieux que les autres informés de ce qu’est l’art et de ce qu’il doit rester. Or l’essence de la création d’art est novation, à quoi un professeur sera d’autant moins propre qu’il aura plus longtemps sucé le lait des œuvres du passé. Il serait intéressant de comparer le nombre de professeurs, dans l’actuelle activité littéraire, dans la presse, dans les postes liés à la diffusion et à la publicité des lettres et arts, à ce qu’il était il y a trente ans. Les professeurs, qui ont pris maintenant tant d’autorité, ne recevaient guère alors de considération.
Les professeurs sont des écoliers prolongés, des écoliers qui, terminé leur temps de collège, sont sortis de l’école par une porte pour y rentrer par l’autre, comme les militaires qui rengagent. Ce sont des écoliers ceux qui, au lieu d’aspirer à une activité d’adulte, c’est-à-dire créative, se sont cramponnés à la position d’écolier, c’est-à-dire passivement réceptrice en figure d’éponge. L’humeur créatrice est aussi opposée que possible à la position de professeur. Il y a plus de parenté entre la création artistique (ou littéraire) et toutes autres formes qui soient de création (dans les plus communs domaines, de commerce, d’artisanat ou de n’importe quel travail manuel ou autre) qu’il n’y en a de la création à l’attitude purement homologatrice du professeur, lequel est par définition celui qui n’est animé d’aucun goût créatif et doit donner sa louange indifféremment à tout ce qui, dans les longs développements du passé, a prévalu. (…)
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Le mot culture est employé dans deux sens différents, s’agissant tantôt de la connaissance des œuvres du passé (n’oublions jamais au surplus que cette notion des œuvres du passé est tout à fait illusoire, ce qui en a été conservé n’en représentant qu’une très mince sélection spécieuse basée sur des vogues qui ont prévalu dans l’esprit des clercs) et tantôt plus généralement de l’activité de la pensée et de la création d’art. Cette équivoque du mot est mise à profit pour persuader le public que la connaissance des œuvres du passé (celles du moins qu’ont retenues les clercs) et l’activité créatrice de la pensée ne sont qu’une seule et même chose.
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Le propre de la culture est de projeter une vive lumière sur certaines productions, de drainer la lumière au profit de celles-ci sans souci de plonger par là tout le reste dans l'obscurité.
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Le professeur est le répertorieur, homologueur et le confirmeur du prévaloir.
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On attend des artistes, à ce qu'il me semble, qu'ils fassent éclater ce système médiateur, si simplificateur, si appauvrissant. Qu'ils déchirent cette trame de notions et formes reçues dans laquelle nous nous trouvons parqués, et dont nous sentons bien qu'elle est, en même temps qu'un aspect de médiation, une taie qui nous aveugle.
Et c'est pourquoi une production d'art qui ne met pas gravement la culture en procès, qui n'en suggère pas avec force l'inanité, l'insanité, ne nous est d'aucuns secours.
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À l'homme du commun la timbale



  Il n'y a plus de grands hommes, plus de génies. Nous voici enfin débarrassés de ces mannequins au mauvais œil : c'était une invention des Grecs, comme les Centaures et Hippogriffes. Pas plus de génies que de licornes. Nous en avons eu si peur pendant trois mille ans !

  Ce n'est pas des hommes qui sont grands. C'est l'homme qui est grand. Ce n'est pas d'être homme d'exception qui est merveilleux. C'est d'être un homme.
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Transmuer



  Ce qui est passionnant, pour l'enchanteur, c'est de changer : les belles en bêtes — les bêtes en belles. C'est là l'opération qui nous instruit.
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Ne pas rejeter la moitié



  Déprenons-nous d'une certaine manière de rejeter la moitié du monde qui serait déclarée laide. Aimons de passion le tout, les deux moitiés, sans préférences préconçues. Il n'y a pas de choses laides. Qu'un enchanteur les touche de sa baguette et les voici splendides. De deux qui disputent, l'un aimant l'huile rance et l'autre non, c'est toujours celui qui aime qui a raison. Il n'y a pas de mauvaises causes à ce procès-là.
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Dans l'eau pour échapper à la pluie



  Il est drôle de constater quelle place tient la question de durabilité des ouvrages dans l'esprit des artistes d'aujourd'hui. C'est au point que tels se privent de toutes couleurs vives et éclatantes à raison de ce que ces couleurs puissent risquer par la suite de se ternir. Ils adoptent donc de peindre terne dès maintenant. Ce que l'art implique d'ivresse s'accorde-t-il avec de telles inhibitions ? beaucoup de peintres s'appliquent à des œuvres insipides mais durables (et en toute connaissance de cause) par peur que des œuvres qui leur donneraient plus de plaisir ne durent que dix ans au lieu de cinquante.
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  Un homme réclame une compagne, on lui amène la momie de Thaïs. La plus attachante fille que l'Egypte connut, lui dit-on. Ce n'est pas son affaire, c'est une fille vivante qu'il aime mieux. (La bonne, par exemple.)
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Poisson fossile



  À mesure que s'éloigne l'actualité d'un ouvrage humain, il devient ce que le fossile du poisson devient au poisson. Que l'on m'excuse, je préfère dans mon bocal la plus humble, la plus commune des ablettes — mais vivante (et, de l'être, si passionnante !) au plus illustre poisson fossile.
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Congé aux seins et aux fesses



  L'homme appelle beau ce qui le ravit, ainsi l'érotomane l'objet de ses appétits ; mais l'art n'a pas plus à faire avec les appels du sexe que ceux de l'estomac. de l'emploi inconsidéré de ce vocable Beau relève la confusion qu'ont instituée les Grecs de la beauté avec la vénusté, celle, si singulière, de l'art avec l'érotisme. Les Grecs s'amusèrent de ce que ce rapprochement eut à l'origine d'insolite et de scabreux, au lieu qu'aujourd'hui cet emploi des thèmes de l'amour dans l'art est si usé que c'est plutôt en les écartant que l'art scandalise. Rien à reprendre à ce qu'une peinture soit érotique, mais comme une autre serait par exemple catholique, ou gastronomique, ou bonapartiste, ou, aussi bien, antiérotique, anticatholique, etc.
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Cryptogramme



  Une œuvre d'art doit avoir une signification si profonde, si universelle, si nombreuse et diverse, que chacun peut y boire la liqueur qu'il aime. Un totem à une croisée de chemins. Jamais (expliquer serait épuiser), jamais totalement déchiffré.
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