AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jean Forton (20)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Pour passer le temps : Douze nouvelles de J..

Pour passer le temps, je me suis plongé dans ce recueil de nouvelles de Jean Forton . Un livre trouvé au fond d'une boite à livres. La préface signée David Vincent m' avait intrigué. Serai-je tombé sur un OLNI ? Point du tout , ce Jean Forton avait jadis pignon sur rue à Bordeaux . Et bien, à défaut du petit doigt , j'ai eu le pif ! La première nouvelle de 6 pages "Le vieux monsieur" et sa demoiselle Moncussec m'ont déridé derechef ! J' ai donc enchainé illico avec la suivante "Le poirier" dans lequel Alphonse, pourtant pas baron, s'est perché pour échapper à sa vieille bique.. épique ! Dans ma lancée, j'ai poursuivi tête baissée ma lecture avec " l'Artiste" qui est à un doigt de percer...J'ai respiré un grand coup et nagé en plein carnaval masqué ohé ohé avec la nouvelle "Angelique" qui m'a estomaqué... Je ne vais pas vous farcir les douze nouvelles mais ce que je peux vous dire c'est que j'ai passé du bon temps. Merci à David Vincent et à la boite à livres volante !
Commenter  J’apprécie          453
Pour passer le temps : Douze nouvelles de J..

Il y a mille manières de passer le temps. Contempler avec nostalgie les décombres d’un bâtiment, se réfugier sur un arbre pour fuir sa harpie, gribouiller quelques dessins et entrevoir une carrière d’artiste, promener un cochon mort, être un parfait macho, protéger sa fille des mauvais garçons, harceler son vieux mari, piquer la Chartreuse du tonton, rendre visite à sa femme à l’hôpital, lorgner la femme du voisin, voyager, attendre un miracle pour Noël…ou bien tenter de s’évader par distraction.



Ces nouvelles de Jean Forton mettent en scène des couples qui occupent leur vie à se détester, des enfants désœuvrés, pressés de gouter aux plaisirs du monde des adultes, des criminels en puissance et en acte, la médiocrité banale de tous, mêlant cynisme, amertume, ironie féroce mais également une certaine tendresse. Qu’est ce qui se cache derrière chacun, au-delà d’apparences parfois trompeuses, c’est ce que nous révèlent ces textes brefs mais incisifs dont la lecture s’avère une excellente manière de passer le temps…

Commenter  J’apprécie          242
L'épingle du jeu

Je n'avais jamais entendu parler de Jean Forton jusqu'à ce que mon regard se pose sur ce livre, dont la couverture épurée et le titre m'ont attirés.

Tirer son épingle du jeu : voilà ce que l'auteur a voulu démontrer dans ce roman. Ou dénoncer. Car dans cette histoire, qui a véritablement tiré son épingle du jeu ?



Nous sommes en France en 1944 et plus précisément à Saint-Joseph de Tivoli, une école tenue par des pères jésuites et surtout le Préfet des Etudes.

Une école où il ne fait pas bon se démarquer. Aucune entorse au règlement militaire n'est possible, sinon ! danger. Corrections corporelles, humiliations. Ces gamins ne sont tous que des dépravés !



Dans cette France occupée, les privations, la faim et le froid font partie de la vie quotidienne pour ces jeunes de 15 ans. Cela fait si longtemps que cela dure. Les belles années de leur enfance, ils n'en ont que de rares souvenirs. Pas le temps de rêver ! Il faut se débrouiller au jour le jour. Et cette école n'arrange rien. Il n'y a aucune place pour l'apitoiement. Tout le monde est dans le même bateau. Il n'y a plus qu'à supporter tout en essayant de ne pas se laisser broyer le cerveau.



Un petit groupe de 4 gamins va attirer l'attention du Père (le préfet de discipline). Des révoltés, des irrécupérables pour ce système concentrationnaire. ll va les attirer en les emmenant en balade lors des vacances de Pâques. Au retour, les jeunes vont vouloir s'arracher de son emprise. Après tout, que cache-t-il derrière ses soudains bons sentiments ? Après toutes les souffrances qu'ils ont endurées par sa faute, jour après jour.



Mais le Père a plus d'un tour dans son sac et il saura manoeuvrer pour les rallier à sa cause. Mais quelle cause ? Il les enrôlera dans des opérations de style militaire pour poser des bombes sur les rails et empêcher ainsi le ravitaillement des allemands. Et il a plein de projets de cette envergure.

Il jouera sur la corde sensible et leur naïveté. Après la peur, ces adolescents se sentiront renaître. De vrais héros !

Pour tous être finalement abattus froidement, alors que le Père s'enfuira, se cachera jusqu'à la fin de la guerre et récoltera ensuite médaille, laurier et promotion.

Les combattants de la dernière heure...

Et ces gamins qui avaient toute la vie devant eux. Morts. Pour rien. Pour personne. J'ai été écoeurée.



D'autant plus que Jean Forton se raconte un peu dans ce roman. Il les a vécues ces années à l'école des Jésuites. Il sait de quoi il parle.



En 1960, il a été promu au Goncourt pour ce livre. Mais, dénoncer des agissements perfides et sadiques des jésuites n'a pas plu à tout le monde; il a été évincé... au profit d'un écrivain ancien nazi ! Cela a été divulgué dans la presse après la nomination. Scandale.



Jean Forton, dont la qualité des romans grandissait, s'est retiré doucement. Six ans plus tard, son éditeur de toujours lui a refusé son dernier roman et il n'a plus écrit, que des articles jusqu'à sa mort.

Ce n'est qu'au début des années 2000 qu'une exposition a été organisée sur cet auteur, dans sa ville d'origine, Bordeaux, qu'il n'avait jamais quittée. Depuis, ses livres réapparaissent. Petit à petit.



C'est un livre très fort et pour moi, Jean Forton est un écrivain qui mérite d'être redécouvert.
Commenter  J’apprécie          176
La vraie vie est ailleurs

Les phrases ciselées de Jean Forton emportent le Lecteur telle une coquille de noix sur la puissante houle d’Atlantique. Absorbé par ce mouvement entre des présents qui s’entrechoquent, il est tout à la fois Lajus et Juredieu, le garçon sage et l’énergie sans limite de nos rêves.



Comment eut-il même pensé l’aborder ? Le hasard, s’il existe, fait que Lajus trouve en Juredieu un guide, un exemple à suivre et aussi son premier ami, beau, intelligent, admiré des autres.

Juredieu est son double maléfique qui l’entraîne au-delà des convenances. Mais il y avait un fossé séparant l’idée à l’action. "Je voulais qu’on me fit faire des rêves de débauche, mais projetés dans quelque avenir rassurant. L’immédiat de l’action me glaçait."

Et pourtant malgré une réticence toujours battue en brèche ils firent les 400 coups le verbe haut, le défi à la bouche, le risque en panache et les filles s’enlevant comme une forteresse avec le sexe comme butin.



Du haut de ses quinze ans, Lajus est tiraillé par la quiétude et la confiance du foyer familial et l’aventure et ses excès. "J’irai seul. Je savais bien que tu n’existes pas vraiment, Lajus.Tant pis pour toi."

Et puis il y a Vinca, l’ange adoré, l’amour inaccessible, fragile et aérienne. Vinca et Juredieu, deux vérités nécessaires, opposées. Ces émotions et ces sentiments sont si forts que le confort serait le renoncement à quinze ans, "J’avais eu ma part d’aventures…Désormais je me contenterai de mes souvenirs."

Autour de ce trio, d’autres vies, d’autres vies sont magnifiquement proposées. Le dynamiteur mystérieux qui proteste contre quelque chose, les déchirements armés du couple Bérenger- Cléo, ce magnifique Grand Cros si loyal, buté, bête mais fidèle…



Et la médiocrité rattrape les bienheureux de leur non-existence.

"Fallait-il que je sois lâche pour me féliciter de tous ces renoncements. Je ne trahissais personne, c’est vrai, hors de moi-même. Mais alors moi je me trahissais bien. Je me rognais les ailes. Je m’émasculais tout content. Le brave petit Augustin. Le brave petit imbécile, tout heureux de sa non-existence."



Bravo aux Editions Le Dilettante !

Merci à Adeline Majorel et www.chroniqueslitterairedelarentree.com




Lien : http://quidhodieagisti.kazeo..
Commenter  J’apprécie          110
Toutes les nouvelles

Éditions Finitude, 2013



Jean Forton n'aimait pas les mondanités parisiennes et gardait un esprit profondément provincial : c'est sans doute cela qui l'a tenu écarté du Goncourt, auquel il paraissait promis avec Le grand mal (1959) et plus certainement L'épingle du jeu (1960) qui scandalisa les dévots. Un lecteur à l'âme régionale sera attiré par ce discret libraire bordelais au succès posthume, disparu à 52 ans. Sept titres édités chez Gallimard tandis que l'œuvre inédite est révélée au public depuis une vingtaine d'années par Le Dilettante.



Un recueil de nouvelles réussi comptera en général un petit pourcentage de perles. Ceci ne signifie pas que les autres récits sont mauvais, il leur manque le clin d'œil malin, la connivence, le truc ou la chute qui en font une friandise qu'on tourne et retourne en tête et qui ouvre des portes sur autre chose à comprendre, à méditer, à savoir. Forton tient facilement ce quota qualitatif : je retiens "L'évasion" (peut-on se fuir ?), "Tom et Virginie" (l'euthanasie), "Le libraire" (beau conte triste de Noël), "Angélique" (humour). Chacun trouvera lecture selon sa faim, la gamme est large (24 textes).



Certains sentiments, certains faits nous visitent si furtivement, si communément que nous ne les voyons pas. Ils ne vaudraient pas l'énergie de les écrire : un écrivain comme Jean Forton donne là sa pleine mesure. Le simple, le quotidien, l'anecdotique deviennent significatifs. On n'en ferait pas un roman, mais quelques pages bien faites leur vont à merveille. Je songe à la nouvelle "À l'hôpital" , bijou de vécu universel finement observé, qui atteste clairement qu'une bonne nouvelle n'a rien du roman rogné.



On regrettera quelques propos misogynes : Mais les femmes sont ainsi : une boucle les émerveille , fût-elle portée par un niquedouille ("Les cousins"). Il malmène toutefois plus aigrement le mufle masculin dans Nous avons fait un beau voyage. On sera ému par la découverte érotique du jeune Romuald ("La révélation") et saisi par l'amour surprenant de Marc pour sa dulcinée mourante (Isabelle). Et l'on rira bien aussi : demain, l'extrait de la lettre de Démosthène Athanase Leblanc, ministre de la culture de Bokata, à son ancien professeur de littérature.



À son décès, Jean Forton a confié ses biens à la Fondation Roi Baudoin.
Lien : http://www.christianwery.be/..
Commenter  J’apprécie          80
Le Grand mal

Un chef d’œuvre ressuscité !

Les années 50, dans un lycée de Bordeaux, le hasard place deux adolescents que tout oppose sur le même banc.

Ledru surnommé Grande-Nouille a bien conscience de sa déficience physique à côté de Frieman « une brute, un bouledogue. Petit, le cheveu terne et blond et le nez camus. »

Parlons-en de ce nez, c’est à cause de lui que tout éclata. Car en voyant Frieman se curait le nez avec ardeur, Ledru ne put s’empêcher de l’invectiver. S’ensuivit une course poursuite et une bagarre.

Coup de bol, c’est Ledru qui va avoir le dessus et Frieman, bon prince va vanter l’exploit de Ledru. Ainsi débute une amitié à cet âge trouble, où tout est possible, l’adolescence.

Frieman a « une poule », Georgette, et tout de suite cela attise la convoitise de Ledru.

Mais en cette période la ville bruit des disparitions de petites filles. Le commissaire chargé de l’affaire est plutôt cynique et déclare « Que sont cinq petites filles auprès de nations entières qui crèvent de faim ? Les tragédies particulières ne m’intéressent pas. »

Il y a Gustave, portraitiste de rue, miséreux mais qui va s’attirer les bonnes grâces des enfants, car il les aime les enfants, il en fait de beaux portraits qui le consolent, lui pauvre hère.

Frieman est d’un réalisme épais, vivant l’instant présent ayant besoin de quelqu’un à admirer. Il est d’un milieu fruste et subit l’ire d’un père rustre. Ce qui fait de lui un être qui vit l’instant.

Ledru est plus cérébral, il sait masquer, anticiper, manœuvrer il a l’assurance d’un enfant bien perçu par sa famille. Famille qu’il juge sans complaisance. Il a une sœur ainée Cécile, qu’il épie et qui va lui servir à exercer son pouvoir.

Lorsque les deux compères se sont débarrassés de Georgette, qui ne présentait plus aucun intérêt pour eux, ils réalisèrent que leur amitié tournait en rond.

Mais Stéphane entra dans leur vie, et les rôles s’inversèrent, Ledru ne le rêvait qu’en chef, en maître. Il faut dire que le nouveau venu avait tout pour les subjuguer, une allure, une assurance, un cynisme et surtout une petite sœur Nathalie qui devint vite un objet de convoitise pour nos deux amis.

Chacun porte le masque social de son milieu et veut en faire sauter les verrous, en découvrir les secrets et mesquineries, qui leur permettront de s’idéaliser dans leur avenir.

Stéphane est fascinant : « Il n’était pas dans la tradition qu’un inconnu montrât tant d’audace, mais l’insolence de Stéphane était si naturelle, si drôle qu’on lui pardonnait. On l’adoptait. »

Jean Forton était fasciné par cette période de l’adolescence, enfant en formation physique et psychique pour devenir homme. Il décrit parfaitement les détails de cet âge et la personnalité de chaque protagoniste et comment chacun essaie de sortir du carcan familial.

L’étude est d’une finesse et d’une intelligence qui se révèlera en totalité à la page 221, quand chacun des quatre décrira ses rêves pour l’âge adulte…

L’atmosphère de la ville est trouble à cause des disparitions, mais cela ne fait que renforcer le trouble de cette période de l’adolescence, entre chien et loup, uniquement éclairée par un halo glauque.

Rien n’est anodin ou ordinaire, tout fait lien. Eux-mêmes si idéalistes s’accommodent de petits arrangements avec leur conscience pour arriver à leurs fins. Le monde dans lequel ils évoluent, cache de vilaines choses derrière de belles façades et montre un individualisme symbole d’une époque.

Gustave lui sait ce qu’est le grand mal, mais personne ne l’écoute, il est en marge alors que pourrait-il savoir. Pourtant sa définition est toujours d’actualité : « Voyez-vous dit Gustave avec une grande émotion, je ne crois pas à grand-chose, mais à cela je crois, à ce danger du grand mal qui pour nous séduire emprunte l’apparence des plus justes causes. La colère, l’indignation, le sentiment de l’injustice, autant de pièges qui nous sont tendus. Je ne suis pas un saint. Il m’arrive d’éprouver ces sentiments-là. Mais de toutes mes forces je lutte, je leur résiste. En moi je fais le vide, le silence. J’abolie ces pensées mauvaises… Le seul espoir que je m’autorise est celui d’un monde enfin paisible, qui naîtra peu à peu, de soi-même, et où chacun aura pris conscience du grand mal. »

L’écriture de Jean Forton est d’une telle force que chaque mot vous conduit là où il veut. Il est maître dans l’art de la gradation du récit, jusqu’à un paroxysme qui laisse sans voix.

Une autre de ses qualités, et pas des moindre, c’est qu’il n’y a aucun jugement, cela permet au lecteur non pas de s’identifier mais de vivre dans la peau des quatre comparses.

Ce roman est d’une puissance exceptionnelle, et le qualificatif de chef d’œuvre de Jean Forton n’est pas un simple effet d’annonce.

Si vous ne connaissez pas cet auteur, commencez par ce livre- là et lisez aussi ses autres livres qui révèlent une plume comme il en existe peu.

Pour en savoir plus sur ce génie littéraire la postface de Catherine Rabier-Darnaudet est exceptionnelle d’érudition mais aussi de passion concernant un auteur qu’elle a contribué très largement à sortir de l’oubli. Une maison d’édition L’éveilleur lui fournit un bel écrin, il suffit de tenir ce livre entre les mains pour en apprécier le soin et l’importance qu’elle accorde à cet écrivain.

Je vous invite à découvrir d’autres écrivains en consultant leur site.

Je les remercie tous pour ce privilège de lecture.

©Chantal Lafon-Litteratum Amor 28 mars 2018.

Commenter  J’apprécie          62
Les sables mouvants

Ceux qui suivent mon blog ne seront pas étonnés d'y retrouver Jean Forton, auteur incontournable qui ne doit pas passer aux oubliettes...

Dad, entendez Monsieur Dieudonné, potard de profession jubile en cette journée de printemps exceptionnelle. Sa femme Claudia, Serge Monsieur son fils et Odile sa fille ne partage pas l'enthousiasme dû à la grande nouvelle : la voiture familiale neuve est arrivée. Une Mercedes blanc ivoire intérieur cuir bleu, signe de sa prospérité...

Mais son plaisir est vite gâché par Monsieur son fils, qui, à vingt ans prend son père de haut, et ne veut surtout pas reprendre les rênes de l'officine. Les rôles sont inversés. Sa fille, elle a tout d'une jeune fille rangée menant une vie libre. Claudia avec les ans s'est enveloppée de cette prospérité et souvent il l'appelle ma « grosse » affectueusement.

Dad va donc savourer ce plaisir solitaire et prendre possession de sa berline...

Dans cette première partie Jean Forton, avec humour et tendresse, nous brosse le portrait d'un père de famille un peu lunaire, adolescent attardé. Mais il a des fulgurances d'un vieux sage : « En vieillissant Dad est devenu sage. Il a compris qu'il est vain de vouloir réformer les gens malgré eux. Qu'on risquait, en le tentant, de les détruire au lieu de les hausser. »

Dad jusqu'à ses 46 ans a été comme un poisson dans l'eau qui aurait choisi et aimé son bocal.

Cette prise de connaissance de la famille Dieudonné aurait pu être filmée par Jacques Tati, le burlesque est palpable et comme souvent révèle la multitude de petits grains de sable qui vont enrayer cette belle mécanique.

Cette splendide automobile, il va falloir l'essayer et pour cela, malgré sa terreur de ces engins, et pour faire plaisir à son mari, Claudia propose d'aller ce dimanche pique-niquer en famille au Cap.

Au retour, comme souvent sur ces routes qui vous poussent de l'océan vers les villes, il y a ralentissement. C'est un accident, le conducteur est mort et c'était le meilleur ami de Dad depuis l'enfance, même s'ils s'étaient perdus de vue.

Exit Jacques Tati, bonjour Claude Chabrol.

Dad n'est plus ce poisson qui se croyait heureux dans son bocal, non Dad est hors de l'eau, il étouffe, il pousse des cris muets que son entourage ne comprend pas. Rien ne va plus, tout devient fade, sans saveur.

« Face à face avec l'un ou l'autre de ses enfants, Dad éprouve une intolérable gêne. Il ne sait que leur dire, il n'a rien à leur dire. C'est ainsi. Ils ne communiquent pas. Parfois même Dad ne parvient seulement pas à les regarder dans les yeux : ils l'intimident, le glacent. Et pourtant il les aime. Mais ces êtres issus de lui, qu'ont-ils avec lui de commun ? »

« Pourtant il s'interroge : Quelle est ma vraie vie. Est-elle au milieu des siens, ou là-bas, parmi ces étrangers. Quand suis-je moi. Quand suis-je à ma véritable place ? »

Le regard qu'il posait sur sa vie avec humour et tendresse et un peu de fatalisme, teinté d'autosatisfaction, va basculer dans l'ironie qui égratigne puis griffe jusqu'à clouer au pilori ce qu'il croyait aimer.

Tout bascule dans cette vie si bien organisée où chacun jouait sa partition.

En refermant ce roman, le lecteur se dit : quel style ce Jean Forton et quelle belle analyse de l'être humain.

Dad est le modèle même de l'homme qui a oublié l'enfant et l'adolescent qu'il fut, celui qui avait plein de rêves. Dad est victime d'aboulie, il devient son ombre.

Jean Forton souffle le chaud et le froid, le lecteur rit aux larmes puis son rire se glace.

Car la question est que fait-on de sa vie ? « Mais la société est bien faite qui nous juge sur nos apparences. »

©Chantal Lafon-Litteratum Amor 29 juillet 2018.
Commenter  J’apprécie          40
Le Grand mal

Pourquoi un auteur devient-il connu, reconnu, lui plutôt qu'un autre ?

Voilà la question que l'on se pose après avoir lu ce roman. Car iI aurait eu sa place au milieu des livres qui peuplaient la maison de mes grands parents. Ces livres des années 50/70 et la grande époque des Guy des Cars, Henry de Montherlant, Simone de Beauvoir, Louis Bromfield, Françoise Sagan, Gilbert Cesbron et Henri Troyat.

Les tournures d'écriture m'ont ainsi ramenée à mes lectures de jeunesse et ce fut fort agréable. Il m'a juste manqué l'odeur de poussière sèche et épaisse et le papier rèche et jauni des éditions anciennes.



Les personnages m'ont fait penser aux eaux d'un port, brillantes en surface, mais un peu glauques, pas très nettes, légèrement nauséabondes.

Chacun cache ses petites lâchetés, ses bas instincts, sa mollesse et sa paresse sous le vernis des habitude et de la bienséance. Les enfants sont admirablement décortiqués, avec leurs manières surannées qui, loin des téléphones portables et jeux vidéos, nous ramènent à une époque où à 12 ans on se vouvoie, on achète un manteau chez la couturière et on va au cinéma avec "sa poule".

Le corps enseignant en prend particulièrement pour son grade, avec des professeurs plus répugnants et incompétents les uns que les autres. A croire que l'auteur n'a pas gardé un souvenir très positif de ses années de lycée...

Bref, ce fut une belle lecture. Grinçante, politiquement incorrecte et finalement assez amorale avec une fin étonnante.



Alors, faut-il le lire ? Oui. Je recommande.
Commenter  J’apprécie          40
Le Grand mal

Ce roman, publié pour la première fois en feuilleton dans La Nouvelle Revue Française en 1959, n’a pas vieilli car le sujet traité est intemporel même si de nos jours les adolescents ne se comportent pas de la même façon qu’il y a près de soixante ans.

L’époque certes a changé mais peut-être vous reconnaîtrez-vous dans l’un de ces trois jeunes «héros », quant à la trame qui se sert de fond, elle est toujours d’actualité.

Dans une cité portuaire, qui pourrait être Bordeaux, ville natale de l’auteur, des disparitions de gamines sont signalées, mais cela ne perturbe pas Ledru, Arthur de son prénom, appelé Coco par sa grande sœur et ses parents à son grand déplaisir. Pour ses condisciples, il est la Grande nouille, ce qui ne lui convient guère non plus. Ce surnom, il le doit à sa constitution de gringalet. Il n’est guère porté sur les études, étant paresseux de nature et porté sur le dilettantisme.

En classe il est à côté de Frieman, un garçon qui patauge dans les études, impuissant intellectuellement. Il est sale et ce qui navre Ledru, c’est sa propension à utiliser ses doigts comme pelleteuse pour récurer ses narines. Il s’ensuit une algarade entre les deux gamins et, à son grand étonnement, Ledru sort vainqueur d’un combat qui était inégal à-priori. Et ce fait d’armes rapproche les deux gamins qui deviennent amis. Proposition de Frieman, qui de plus offre aider Ledru dans ses devoirs d’Allemand, il est d’origine alsacienne, tandis que son comparse le secourra dans d’autres matières.

Frieman a une copine, Georgette, qu’il retrouve à la sortie de l’école, et il la présente à Ledru qui sèche l’étude, son nouvel ami lui ayant écrit une demande de dispense prétendument signée du père. Comme ils ne peuvent rentrer chez eux de trop bonne heure, ils vont au cinéma, malgré le manque d’argent de poche flagrant. Frieman a puisé dans la caisse paternelle, son géniteur étant tenancier d’un bar pas trop reluisant d’extérieur mais fréquenté par des habitués.

Tout comme Friedman et Ledru, Georgette a à peine treize ans, et elle est mignonne. Physiquement, car mentalement, elle ne se laisse pas mener par le bout du nez. Un portraitiste de rue, Gustave, la dessine sur un bout de papier, qu’elle donne à Ledru. Alors, ce n’est pas qu’il tombe vraiment amoureux, mais Ledru sent opérer en lui comme une montée de sève. Des idées lui passent par la tête, et il imagine piquer sa copine à Frieman. Et pour réussir, il n’hésite pas à prélever dans la cagnotte de son père un billet qui lui permettra d’acheter un cadeau à sa belle.

Sa belle qui n’est pas si belle que ça d’ailleurs, qui n’a pas de poitrine, mais se laisse embrasser. Pas plus. Et après ?

Embrasser une fille, voilà qui le premier jour semble sublime. Mais cela devient vite une habitude, puis une corvée. Il arrive un moment où l’on préférerait faire n’importe quoi d’autre, jouer aux billes ou flâner dans les rues.

Mais il en pense quoi Frieman que Georgette l’ait abandonné pour Ledru ?

Je peux te l’avouer, dit Frieman, quand elle m’a plaqué j’ai fait un peu la gueule, parce qu’après tout c’est aux hommes à décider. Mais au fond, j’étais rudement content. Les filles, à la longue, il n’y a rien de plus emmerdant.

Déjà philosophes à treize ans ? Mais il faut avouer que Georgette se montre coquette, boudeuse, naïve et perverse à la fois. Et pour éviter la proximité avec Georgette, Ledru et Frieman s’intéressent à Gustave après l’avoir ridiculisé. Evidemment, un peintre miséreux, cela prête à moqueries, mais ils savent également se montrer repentants.

L’épisode Georgette enterré, Ledru est sous le charme d’une gamine entraperçue dans la pénombre d’un couloir et un nouveau voisin de table lui est imposé. Une lumière dans sa jeune existence et un couvercle sur ses désirs d’indépendance scolaire. Toutefois, Stéphane, ce voisin ambigu, frondeur, farceur, et frère de la belle Nathalie, va quelque peu changer le cours de l’existence de Ledru et Frieman.




Lien : http://leslecturesdelonclepa..
Commenter  J’apprécie          40
L'épingle du jeu

Hiver 1944, une famille est autour de la table du dîner et les bombes tombent sur le bassin à flots. Nous sommes à Bordeaux et Michel de Pierrefeu est un adolescent se présentant ainsi : « Je possède un grand sens de la liberté. Je tâche de toujours agir avec indépendance, en être pour qui la famille, le foyer, sont des réalités agréables et comestibles, qui vous doivent protection et confort, mais qui ne sauraient en aucun cas vous réclamer de comptes. Depuis des mois, depuis que je vais à Saint-Ignace, il me semble vivre un long cauchemar. Mais je ne suis pas à un âge où l’on peut infléchir son destin. Quelles que soient mes répugnances, il me faut respecter les décisions paternelles. »

Ainsi commence le récit d’une jeunesse à Saint-Ignace, école des pères, sous la houlette du Préfet des études, le Père de Labarthe.

Nous sommes en temps de guerre et cet adolescent vit entre les jupes des femmes et celles des pères, en effet les hommes sont au front ou prisonniers.

Mais le monde de Michel bascule le jour où il reçoit une « colle » du père Labarthe.

En contrepoint il va décider de s’occuper activement des amours de son ami Durieu.

Cela va donner des scènes très visuelles à la fois cocasses, drôles et tendres.

Cet interlude se termine par la réception de la fameuse « colle bleue » et pour lui c’est la première fois. Il en avait entendu parler avec frayeur. En fait il s’agit de se soumettre à cinq heure de dictée au rythme d’une lecture à voix haute.

« Il aurait fallu nous voir, le porte-plume en l’air, tendus comme des coureurs de cent mètres au départ. Je commence. Pan. Nous avions belle mine. Je ne sais ce que dégage cet homme, quel pouvoir il recèle : ma curiosité morte, ma frayeur balayée, un autre sentiment à son tour me dominait, la soumission. Plume en l’air, cœur étreint, j’étais prêt à foncer comme une machine, la tête vide, attentif seulement à ne point faillir. Et le Père commença.

C’est alors que je compris à quoi était due cette auréole de terreur qui entoure les colles bleues. Elle provient de l’absurdité de la chose, de son impossibilité physique. »

S’ensuit une description d’une ignominieuse humiliation tant physique que psychologique que rien ne peut excuser venant de personnes ayant autorité sur mineurs.

A partir de ce moment-là l’esprit de Michel de Pierrefeu s’échauffe et devient d’une acuité nouvelle car son regard se « décille » sur le monde qui l’entoure.

Et arrive le changement d’attitude du Père Labarthe : le temps de l’emprise.

Michel est fasciné et ses sentiments oscillent comme le balancier d’une grande horloge.

L’analyse de l’auteur sur cet état de fièvre et de sagacité est des plus fines. Un véritable rite de passage à l’âge adulte.

Un dernier chapitre époustouflant et une fin imprévisible.

Quelle magnifique réflexion sur ce chemin initiatique qu’est la vie.

©Chantal Lafon-Litteratum Amor 24 juillet 2017.

Commenter  J’apprécie          40
La Cendre aux yeux

Le chef d'oeuvre de Jean Forton.

Paru pratiquement en même temps que Lolita, le thème de ce roman est très proche de celui de Vladimir Nabokov.

L'irrépressible désir d'un homme cynique en mal de vivre pour une jeune femme de 16 ans.

J'avais donc une légère appréhension en abordant ce livre.

Je n'ai pas été déçu. Les deux romans sont en fait assez différents.

Je m'abstiendrai d'en donner les raisons afin de ne rien dévoiler de la trame.

Mais l'écriture de Forton se déguste, se boit sans modération.

A lire.
Commenter  J’apprécie          40
La Cendre aux yeux

Préférer la chasse à la prise

Première parution en 1957 chez Gallimard, ce roman est le préféré de l’auteur et de beaucoup de ceux qui aime la littérature de Jean Forton.

Si vous ne le connaissez pas, lisez la postface de la spécialiste Catherine Rabier-Darnaudet.

Ce livre est assurément un bijou littéraire d’une grande noirceur, le sujet est l’obsession d’un homme pour une jeune fille.

Quel serait l’équivalent en âge, des 16 ans de l’héroïne (1957), au XXIe siècle ?

L’auteur utilise le « je » ce qui est audacieux. Le narrateur né dans une famille de négociant en vins à Bordeaux, déménage dans une chambre au sein d’une pension hétéroclite.

La fièvre du changement et la période d’acclimatation lui laisse un goût d’inconfort voire d’insécurité. Le lecteur pourrait penser qu’il s’agit d’un jeune étudiant, il découvre vite que c’est un homme de 34 ans.

« J’ai trente-quatre ans et je me comporte comme un collégien. Le monde m’étonne, et les hommes, avec leur absence de questions, leur paisible force qui ne s’embarrasse pas de problèmes. Je doute. Je cherche. Je n’ose m’affirmer. »

C’est tout l’enjeu de cette première partie sur les trois comportées, l’auteur trace le portrait d’un homme falot, qui vit de la rente familiale et essaie d’écrire dans un gros cahier à couverture verte.

Son mépris des autres est affiché, il conforte son mode de vie en s’appuyant sur son refus des convenances, il se donne ainsi un sentiment de dimension personnelle.

Il a des voisins, un couple, Nicolas le Russe et Anita, tous deux ont un physique avantageux, une présence. Ce couple est comme un miroir déformant pour le narrateur et sa proie.

Au fil de la narration les deux relations sont mises en abyme.

Il flâne dans sa ville de jour ou de nuit, hanté par ce qu’il fut adolescent, pelisse de celui qui est gris quasi transparent, qui n’intéresse personne.

C’est ainsi que sa route croise celle d’une petite fille, Isabelle, blonde et elle aussi falote, qui sort de l’institution religieuse où elle s’instruit.

Elle devient son obsession, son but.

Il la traque et finit par faire sa connaissance.

Le deuxième acte le narrateur est en proie avec ses démons : le loup cherche l’aventure.

La suivre chaque jour de chez elle à l’école et de l’école à chez elle. Elle est obligée de traverser le Jardin public, lieu propice à apprivoiser ce petit animal pas si sauvage que cela.

L’émotion est plus dans la chasse que dans sa présence réelle.

« Elle est neuve, étonnée de tout. Elle a vécu jusqu’à ce jour retranchée de la vie, privée de ces menus plaisirs dont les filles de son âge sont déjà lassées. C’est une chance pour moi. »

Il l’apprivoise c’était inévitable, la scène dans la forêt est digne d’un conte noir, tant le narrateur semble déconnecté de la réalité, ils sont au cœur de l’hiver et ses souvenirs sont ceux d’une promenade en été.

Cette chasse est décrite avec une précision chirurgicale, chaque geste, chaque mot sont importants.

Une pensée décortiquée qui ne fait qu’accentuer encore le loup guettant l’agneau.

L’animalité est confirmée jusqu’à la phagocytose virtuelle.

Du côté de sa petite fille c’est la docilité qui prime, l’écrivain peut y voir une page blanche à écrire.

La dernière partie est celle de l’introspection.

En effet cette petite fille lui renvoie une image de lui qu’il accepte ou renie, c’est selon le moment.

Mais la fièvre de la chasse est retombée et si l’essentiel était de réussir, il ne faut pas s’éterniser.

Le final est à la hauteur de la noirceur.

Par une écriture élégante et un bel équilibre dans la narration, Jean Forton réussit à ne jamais être scabreux.

La réception du livre « moralement répugnant » a fait grincer des dents .À l’ère du mouvement Me Too…

Personnellement je suis sensible à la façon dont Jean Forton dresse des portraits d’antihéros, leur face sombre interpelle les lecteurs surtout lorsqu’au détour d’une attitude, d’un mot il s’identifie à eux, c’est le frisson de la monstruosité qui les submerge.

La froideur prime mais les lecteurs éprouveront la volupté de lire un grand livre.

Pour moi c’est le livre parfait dans son équilibre fonds, forme. L’écriture toujours élégante évite tous les écueils. Un plaisir qui devient rare, la qualité étant en fuite.

©Chantal Lafon




Lien : https://jai2motsavousdire.wo..
Commenter  J’apprécie          30
Le Grand mal

Ni la langue sublime ni la sobriété et le classicisme du style ne font oublier que, cruel comme la vie, Jean Forton ne laisse aucune chance aux adolescents de ce sublime roman d'apprentissage.

L'article complet sur mon blog.
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
Commenter  J’apprécie          30
Le Grand mal

Une ville de la fin des années 50, que l'on devine être Bordeaux. Le récit se focalise plus précisément sur le quartier de la rue la Porte-Vieille, que la présence d'établissements scolaires rend effervescente à certaines heures de la journée. Là, les garçons du lycée Ausone et les jeunes filles du Sacré-Coeur se jaugent et se rapprochent, obéissant aux complexes protocoles de l'âge adolescent.



S'y invite, comme en contrepoint à l'insouciante innocence de la jeunesse, une terrible manifestation de la cruauté humaine : des fillettes disparaissent...



Parmi les élèves du lycée Ausone, figure Arthur Ledru, surnommé Coco par ses parents, et Grande-Nouille par ses camarades, la faute à sa silhouette en fil de fer et à son allure godiche. Timide, voire froussard, il devient pourtant l'ami du rustaud et brutal Frieman, qu'il domine lors d'une bagarre au hasard d'un coup bien porté, gagnant l'indéfectible respect de son adversaire. Dès lors, les deux collégiens sont inséparables, séchant l'étude pour les salles obscures du cinéma de quartier où Frieman en profite pour peloter sa bonne amie Georgette, puis s'acoquinant avec le fascinant Stéphane, arrivé en cours d'année, qui les éblouit avec son assurance impudente et son apparente absence de limites.



Une période de transition pour Ledru, gonflé d'une soudaine confiance, lui donnant une impression de puissance, de laisser l'enfance derrière lui. Après avoir rossé Frieman, il lui vole sa petite amie. Il lui vient des idées de révoltes dont l'idée ne l'effleurait pas jusqu'à présent envers la mesquinerie paternelle qui rationne son argent de poche, se met à considérer avec condescendance les rabâchages du père Ledru. Mais ces rebuffades intérieures face aux humiliations dont il se croit victime, ce sentiment nouveau de pitié envers son père s'accompagnent de la culpabilité et de la frayeur indissociables à toute émancipation, de la crainte de déparer les adultes de leur aura rassurante d'autorité. Et ce n'est pas le seul paradoxe qui hante la psyché en pleine mutation de l'adolescent, par ailleurs tourmenté par la chair au point d'être convaincu que l'humanité entière se livre à un vaste déballage érotique, et en même temps tenaillé par la honte et le dégoût à la vue des seins de sa sœur ou de l'impudique silhouette des mannequins de vitrines de la rue Sainte-Catherine...



Jean Forton capte avec justesse les émois et les contradictions de cet âge complexe, dont il évoque tant la vulnérabilité que la cruauté. Et en matière de richesse psychologique, les adultes de son roman ne sont pas en reste. S'il se moque gentiment, avec une tendre ironie, de la simplicité d'esprit de certains d'entre eux qui, avec leurs petites fiertés et la conviction de leur bon droit, se font fort de renvoyer l'image même de l'honnêteté et de la respectabilité, il parvient aussi, en quelques dialogues, à nous surprendre avec d'autres de ses personnages secondaires, en les dotant d'une emphase et d'une propension à philosopher qui auraient pu paraître déplacées ou inadaptées, mais qui finalement s'accordent à l'omniprésence sous-jacente du mal qui, avec l'évocation des disparitions, plombe le récit. C'est comme s'il avait voulu grandir certains de ses héros, en accolant à leur apparente banalité, voire leur petitesse, une dimension tragique, et J'ai trouvé cette démarche particulièrement touchante... Ainsi Gustave, portraitiste ambulant au passé mystérieux, torturé par la possibilité même de la violence faite aux faibles, ou encore le commissaire Dubergat, homme lucide dont le sang-froid dissimule une profonde sensibilité, qu'il exprime à l'occasion de déclamations passionnées et inattendues.



Et quelle fin ! Une fin terrible, qui vient brutalement démontrer que le mal peut aussi se cacher dans des actions a priori anodines, aux conséquences disproportionnées...



Une belle découverte d'un auteur que les Editions Finitude, La Dilettante ou encore L'éveilleur ont eu la bonne idée de remettre à l'honneur en republiant, depuis le début des années 2000, plusieurs des œuvres.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          20
La vraie vie est ailleurs

Etrange objet. Livre perdu, retrouvé par la veuve de l’auteur, qui l’avait négligemment rangé dans la chemise d’une de ses précédents ouvrages. L’histoire est la classique recension du toujours difficile passage de l’adolescence à l’état adulte : rien de révolutionnaire.

Les dialogues entre djeunes des années 50 sont rafraichissants (les filles peuvent être ‘tartes’, mais les garçons n’ont pas de temps à perdre avec des ‘mijaurées’).

En revanche, Forton situe son action dans sa ville de Bordeaux et sa manière modianesque avant l’heure d’y enfermer ses personnages est fascinant. Pourtant,quand on connaît Bordeaux, hein...

L’action explose par instants dans des tourbillons sexuels assez inattendus qui font contraste avec la trame très classique du reste de l’oeuvre. Oeuvre qui aurait sans doute gagner à être un peu retravaillée, raccourcie, mais qui en l’état mérite vraiment le détour.
Commenter  J’apprécie          10
La Fuite

Jean-François et Laure un jeune couple vivant à Bayonne dans les années 50, à peine sorti de l’enfance, ils se sont toujours connus.

C’est l’été, l’air bruit de la fête dans les rues de la ville. Mais Laure est réfractaire à cette vie-là, et le silence s’est installé entre eux. Pour Laure ce silence est plutôt le signe d’une vie installée mais pour Jean-François le silence est source de cauchemars. Et ce soir précisément il n’en peut plus il doit fuir.

Il déambule au gré de ses pas, l’air, les senteurs et les images de la ville lui sont familiers, c’est sa ville et il l’aime. Il va emmener le lecteur dans son errance et se raconter à travers les rencontres qu’il va faire. Tout d’abord celle d’un clochard haut en couleurs et avec un dialogue sans fioritures. Puis ce sera le tour de Maïté, petite bonne dans un hôtel, à la fois jeune et impertinente.

« La vérité, c’est que ce soir j’ai quitté ma femme, je suis parti, sans qu’elle le sache.

-Vous ne l’aimez pas ?

J’aurais peut-être su répondre, autrefois… »

Et puis à la fête il retrouve aussi Robert chef d’une joyeuse bande de fêtards qui est son camarade, mais Maïté ne comprend pas leur humour, elle n’est pas du même monde. Robert est avec sa maitresse Françoise qui ne laisse pas indifférent Jean-François.

Interrogé par Robert, Jean-François se lâche dans les confidences, le regrettera-t-il ?



Fuir est-ce fuir les autres ou soi-même ? A vous d’y répondre.

Regard d’enfant sur les choses et les gens mais vite rattrapé par le côté désabusé de l’adulte qui n’a plus d’illusion sur la nature humaine, pas plus sur celles des autres que sur la sienne.

Le roman passe du drame à la comédie, comme un enfant qui joue sur tous les registres. L’analyse des personnages est fine et les portraits élégamment troussés.

L’écriture est sèche, elle claque en phrases courtes et alternativement bruit comme le vent dans les branches des peupliers.

©Chantal Lafon-Litteratum Amor 15 juillet 2017.

Commenter  J’apprécie          10
Le Grand mal

La redécouverte de l’écrivain des noirceurs ordinaires (1930-1982) se poursuit avec la réédition du « Grand Mal », roman de 1959.
Lien : http://www.lemonde.fr/livres..
Commenter  J’apprécie          00
La vraie vie est ailleurs

J'ai beaucoup aimé ce livre plein d'humour et de discernement sur les états que peut traverser un adolescent.



Nous ne savons pas à quelle époque a été écrit ce livre posthume, cependant l'histoire doit se dérouler au milieu du vingtième siècle. Il s'agit d'un parcours initiatique d'un adolescent qui va, à la fin de l’enfance, se lier d'amitié avec un de ses camarades de classe beaucoup plus mature que lui, mais cependant totalement dénué de morale. Ce dernier va l'introduire beaucoup trop tôt dans le monde des adultes.

Ces deux lascars vont faire les quatre cents coups; l’un, impulsif dirigera les opérations, le second, admiratif le fera sous le joug de la culpabilité.

Augustin en quelques jours découvrira l’alcool, la désobéissance, les filles, l’amour, l’amitié mais aussi la trahison et la fin de l’innocence.

Ce roman nous montre à quel point un personnage est capable de changer, sous certaines circonstances et aussi les différents masques que nous présentons à notre famille, nos amis ou au miroir de notre conscience. Il en dit long sur la complexité de nos comportements et les moyens de nous libérer des frustrations inculquées par notre éducation.



Un voyage dans l'enfance et la folie d'un adolescent. Le style est soigné et toujours d'actualité, le rythme parfait, le ton est juste et les rebondissements nombreux. Un très bon livre pour se souvenir des adolescents que nous n'avons pas été.
Commenter  J’apprécie          00
La vraie vie est ailleurs

Commenter  J’apprécie          00
Sainte famille

Le côté désuet de cette Saint Famille n'apporte pas la petite touche qui aurait pu donner quelque relief à ce roman somme toute un peu fade.
Lien : http://www.actualitte.com/cr..
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Jean Forton (79)Voir plus

Quiz Voir plus

Avion et compagnie....

Antoine de Saint-Exupéry

Voltaire
Vol en enfer
Vol de nuit
Vol en séries

7 questions
34 lecteurs ont répondu
Thèmes : aikido , zoneCréer un quiz sur cet auteur

{* *}