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EAN : 9782070224760
Gallimard (30/11/-1)
3.93/5   15 notes
Résumé :
Dans les années 1950, de toutes jeunes filles disparaissent dans une petite ville de province. En cherchant à percer le mystère, quatre adolescents, trois garçons et une fille, découvrent le monde des adultes, ses bassesses, ses compromissions, sa vacuité et la médiocrité du quotidien.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Un chef d'oeuvre ressuscité !
Les années 50, dans un lycée de Bordeaux, le hasard place deux adolescents que tout oppose sur le même banc.
Ledru surnommé Grande-Nouille a bien conscience de sa déficience physique à côté de Frieman « une brute, un bouledogue. Petit, le cheveu terne et blond et le nez camus. »
Parlons-en de ce nez, c'est à cause de lui que tout éclata. Car en voyant Frieman se curait le nez avec ardeur, Ledru ne put s'empêcher de l'invectiver. S'ensuivit une course poursuite et une bagarre.
Coup de bol, c'est Ledru qui va avoir le dessus et Frieman, bon prince va vanter l'exploit de Ledru. Ainsi débute une amitié à cet âge trouble, où tout est possible, l'adolescence.
Frieman a « une poule », Georgette, et tout de suite cela attise la convoitise de Ledru.
Mais en cette période la ville bruit des disparitions de petites filles. le commissaire chargé de l'affaire est plutôt cynique et déclare « Que sont cinq petites filles auprès de nations entières qui crèvent de faim ? Les tragédies particulières ne m'intéressent pas. »
Il y a Gustave, portraitiste de rue, miséreux mais qui va s'attirer les bonnes grâces des enfants, car il les aime les enfants, il en fait de beaux portraits qui le consolent, lui pauvre hère.
Frieman est d'un réalisme épais, vivant l'instant présent ayant besoin de quelqu'un à admirer. Il est d'un milieu fruste et subit l'ire d'un père rustre. Ce qui fait de lui un être qui vit l'instant.
Ledru est plus cérébral, il sait masquer, anticiper, manoeuvrer il a l'assurance d'un enfant bien perçu par sa famille. Famille qu'il juge sans complaisance. Il a une soeur ainée Cécile, qu'il épie et qui va lui servir à exercer son pouvoir.
Lorsque les deux compères se sont débarrassés de Georgette, qui ne présentait plus aucun intérêt pour eux, ils réalisèrent que leur amitié tournait en rond.
Mais Stéphane entra dans leur vie, et les rôles s'inversèrent, Ledru ne le rêvait qu'en chef, en maître. Il faut dire que le nouveau venu avait tout pour les subjuguer, une allure, une assurance, un cynisme et surtout une petite soeur Nathalie qui devint vite un objet de convoitise pour nos deux amis.
Chacun porte le masque social de son milieu et veut en faire sauter les verrous, en découvrir les secrets et mesquineries, qui leur permettront de s'idéaliser dans leur avenir.
Stéphane est fascinant : « Il n'était pas dans la tradition qu'un inconnu montrât tant d'audace, mais l'insolence de Stéphane était si naturelle, si drôle qu'on lui pardonnait. On l'adoptait. »
Jean Forton était fasciné par cette période de l'adolescence, enfant en formation physique et psychique pour devenir homme. Il décrit parfaitement les détails de cet âge et la personnalité de chaque protagoniste et comment chacun essaie de sortir du carcan familial.
L'étude est d'une finesse et d'une intelligence qui se révèlera en totalité à la page 221, quand chacun des quatre décrira ses rêves pour l'âge adulte…
L'atmosphère de la ville est trouble à cause des disparitions, mais cela ne fait que renforcer le trouble de cette période de l'adolescence, entre chien et loup, uniquement éclairée par un halo glauque.
Rien n'est anodin ou ordinaire, tout fait lien. Eux-mêmes si idéalistes s'accommodent de petits arrangements avec leur conscience pour arriver à leurs fins. le monde dans lequel ils évoluent, cache de vilaines choses derrière de belles façades et montre un individualisme symbole d'une époque.
Gustave lui sait ce qu'est le grand mal, mais personne ne l'écoute, il est en marge alors que pourrait-il savoir. Pourtant sa définition est toujours d'actualité : « Voyez-vous dit Gustave avec une grande émotion, je ne crois pas à grand-chose, mais à cela je crois, à ce danger du grand mal qui pour nous séduire emprunte l'apparence des plus justes causes. La colère, l'indignation, le sentiment de l'injustice, autant de pièges qui nous sont tendus. Je ne suis pas un saint. Il m'arrive d'éprouver ces sentiments-là. Mais de toutes mes forces je lutte, je leur résiste. En moi je fais le vide, le silence. J'abolie ces pensées mauvaises… le seul espoir que je m'autorise est celui d'un monde enfin paisible, qui naîtra peu à peu, de soi-même, et où chacun aura pris conscience du grand mal. »
L'écriture de Jean Forton est d'une telle force que chaque mot vous conduit là où il veut. Il est maître dans l'art de la gradation du récit, jusqu'à un paroxysme qui laisse sans voix.
Une autre de ses qualités, et pas des moindre, c'est qu'il n'y a aucun jugement, cela permet au lecteur non pas de s'identifier mais de vivre dans la peau des quatre comparses.
Ce roman est d'une puissance exceptionnelle, et le qualificatif de chef d'oeuvre de Jean Forton n'est pas un simple effet d'annonce.
Si vous ne connaissez pas cet auteur, commencez par ce livre- là et lisez aussi ses autres livres qui révèlent une plume comme il en existe peu.
Pour en savoir plus sur ce génie littéraire la postface de Catherine Rabier-Darnaudet est exceptionnelle d'érudition mais aussi de passion concernant un auteur qu'elle a contribué très largement à sortir de l'oubli. Une maison d'édition L'éveilleur lui fournit un bel écrin, il suffit de tenir ce livre entre les mains pour en apprécier le soin et l'importance qu'elle accorde à cet écrivain.
Je vous invite à découvrir d'autres écrivains en consultant leur site.
Je les remercie tous pour ce privilège de lecture.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 28 mars 2018.
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Ce roman, publié pour la première fois en feuilleton dans La Nouvelle Revue Française en 1959, n'a pas vieilli car le sujet traité est intemporel même si de nos jours les adolescents ne se comportent pas de la même façon qu'il y a près de soixante ans.
L'époque certes a changé mais peut-être vous reconnaîtrez-vous dans l'un de ces trois jeunes «héros », quant à la trame qui se sert de fond, elle est toujours d'actualité.
Dans une cité portuaire, qui pourrait être Bordeaux, ville natale de l'auteur, des disparitions de gamines sont signalées, mais cela ne perturbe pas Ledru, Arthur de son prénom, appelé Coco par sa grande soeur et ses parents à son grand déplaisir. Pour ses condisciples, il est la Grande nouille, ce qui ne lui convient guère non plus. Ce surnom, il le doit à sa constitution de gringalet. Il n'est guère porté sur les études, étant paresseux de nature et porté sur le dilettantisme.
En classe il est à côté de Frieman, un garçon qui patauge dans les études, impuissant intellectuellement. Il est sale et ce qui navre Ledru, c'est sa propension à utiliser ses doigts comme pelleteuse pour récurer ses narines. Il s'ensuit une algarade entre les deux gamins et, à son grand étonnement, Ledru sort vainqueur d'un combat qui était inégal à-priori. Et ce fait d'armes rapproche les deux gamins qui deviennent amis. Proposition de Frieman, qui de plus offre aider Ledru dans ses devoirs d'Allemand, il est d'origine alsacienne, tandis que son comparse le secourra dans d'autres matières.
Frieman a une copine, Georgette, qu'il retrouve à la sortie de l'école, et il la présente à Ledru qui sèche l'étude, son nouvel ami lui ayant écrit une demande de dispense prétendument signée du père. Comme ils ne peuvent rentrer chez eux de trop bonne heure, ils vont au cinéma, malgré le manque d'argent de poche flagrant. Frieman a puisé dans la caisse paternelle, son géniteur étant tenancier d'un bar pas trop reluisant d'extérieur mais fréquenté par des habitués.
Tout comme Friedman et Ledru, Georgette a à peine treize ans, et elle est mignonne. Physiquement, car mentalement, elle ne se laisse pas mener par le bout du nez. Un portraitiste de rue, Gustave, la dessine sur un bout de papier, qu'elle donne à Ledru. Alors, ce n'est pas qu'il tombe vraiment amoureux, mais Ledru sent opérer en lui comme une montée de sève. Des idées lui passent par la tête, et il imagine piquer sa copine à Frieman. Et pour réussir, il n'hésite pas à prélever dans la cagnotte de son père un billet qui lui permettra d'acheter un cadeau à sa belle.
Sa belle qui n'est pas si belle que ça d'ailleurs, qui n'a pas de poitrine, mais se laisse embrasser. Pas plus. Et après ?
Embrasser une fille, voilà qui le premier jour semble sublime. Mais cela devient vite une habitude, puis une corvée. Il arrive un moment où l'on préférerait faire n'importe quoi d'autre, jouer aux billes ou flâner dans les rues.
Mais il en pense quoi Frieman que Georgette l'ait abandonné pour Ledru ?
Je peux te l'avouer, dit Frieman, quand elle m'a plaqué j'ai fait un peu la gueule, parce qu'après tout c'est aux hommes à décider. Mais au fond, j'étais rudement content. Les filles, à la longue, il n'y a rien de plus emmerdant.
Déjà philosophes à treize ans ? Mais il faut avouer que Georgette se montre coquette, boudeuse, naïve et perverse à la fois. Et pour éviter la proximité avec Georgette, Ledru et Frieman s'intéressent à Gustave après l'avoir ridiculisé. Evidemment, un peintre miséreux, cela prête à moqueries, mais ils savent également se montrer repentants.
L'épisode Georgette enterré, Ledru est sous le charme d'une gamine entraperçue dans la pénombre d'un couloir et un nouveau voisin de table lui est imposé. Une lumière dans sa jeune existence et un couvercle sur ses désirs d'indépendance scolaire. Toutefois, Stéphane, ce voisin ambigu, frondeur, farceur, et frère de la belle Nathalie, va quelque peu changer le cours de l'existence de Ledru et Frieman.


Lien : http://leslecturesdelonclepa..
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Une ville de la fin des années 50, que l'on devine être Bordeaux. le récit se focalise plus précisément sur le quartier de la rue la Porte-Vieille, que la présence d'établissements scolaires rend effervescente à certaines heures de la journée. Là, les garçons du lycée Ausone et les jeunes filles du Sacré-Coeur se jaugent et se rapprochent, obéissant aux complexes protocoles de l'âge adolescent.

S'y invite, comme en contrepoint à l'insouciante innocence de la jeunesse, une terrible manifestation de la cruauté humaine : des fillettes disparaissent...

Parmi les élèves du lycée Ausone, figure Arthur Ledru, surnommé Coco par ses parents, et Grande-Nouille par ses camarades, la faute à sa silhouette en fil de fer et à son allure godiche. Timide, voire froussard, il devient pourtant l'ami du rustaud et brutal Frieman, qu'il domine lors d'une bagarre au hasard d'un coup bien porté, gagnant l'indéfectible respect de son adversaire. Dès lors, les deux collégiens sont inséparables, séchant l'étude pour les salles obscures du cinéma de quartier où Frieman en profite pour peloter sa bonne amie Georgette, puis s'acoquinant avec le fascinant Stéphane, arrivé en cours d'année, qui les éblouit avec son assurance impudente et son apparente absence de limites.

Une période de transition pour Ledru, gonflé d'une soudaine confiance, lui donnant une impression de puissance, de laisser l'enfance derrière lui. Après avoir rossé Frieman, il lui vole sa petite amie. Il lui vient des idées de révoltes dont l'idée ne l'effleurait pas jusqu'à présent envers la mesquinerie paternelle qui rationne son argent de poche, se met à considérer avec condescendance les rabâchages du père Ledru. Mais ces rebuffades intérieures face aux humiliations dont il se croit victime, ce sentiment nouveau de pitié envers son père s'accompagnent de la culpabilité et de la frayeur indissociables à toute émancipation, de la crainte de déparer les adultes de leur aura rassurante d'autorité. Et ce n'est pas le seul paradoxe qui hante la psyché en pleine mutation de l'adolescent, par ailleurs tourmenté par la chair au point d'être convaincu que l'humanité entière se livre à un vaste déballage érotique, et en même temps tenaillé par la honte et le dégoût à la vue des seins de sa soeur ou de l'impudique silhouette des mannequins de vitrines de la rue Sainte-Catherine...

Jean Forton capte avec justesse les émois et les contradictions de cet âge complexe, dont il évoque tant la vulnérabilité que la cruauté. Et en matière de richesse psychologique, les adultes de son roman ne sont pas en reste. S'il se moque gentiment, avec une tendre ironie, de la simplicité d'esprit de certains d'entre eux qui, avec leurs petites fiertés et la conviction de leur bon droit, se font fort de renvoyer l'image même de l'honnêteté et de la respectabilité, il parvient aussi, en quelques dialogues, à nous surprendre avec d'autres de ses personnages secondaires, en les dotant d'une emphase et d'une propension à philosopher qui auraient pu paraître déplacées ou inadaptées, mais qui finalement s'accordent à l'omniprésence sous-jacente du mal qui, avec l'évocation des disparitions, plombe le récit. C'est comme s'il avait voulu grandir certains de ses héros, en accolant à leur apparente banalité, voire leur petitesse, une dimension tragique, et J'ai trouvé cette démarche particulièrement touchante... Ainsi Gustave, portraitiste ambulant au passé mystérieux, torturé par la possibilité même de la violence faite aux faibles, ou encore le commissaire Dubergat, homme lucide dont le sang-froid dissimule une profonde sensibilité, qu'il exprime à l'occasion de déclamations passionnées et inattendues.

Et quelle fin ! Une fin terrible, qui vient brutalement démontrer que le mal peut aussi se cacher dans des actions a priori anodines, aux conséquences disproportionnées...

Une belle découverte d'un auteur que les Editions Finitude, La Dilettante ou encore L'éveilleur ont eu la bonne idée de remettre à l'honneur en republiant, depuis le début des années 2000, plusieurs des oeuvres.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Pourquoi un auteur devient-il connu, reconnu, lui plutôt qu'un autre ?
Voilà la question que l'on se pose après avoir lu ce roman. Car iI aurait eu sa place au milieu des livres qui peuplaient la maison de mes grands parents. Ces livres des années 50/70 et la grande époque des Guy des Cars, Henry de Montherlant, Simone de Beauvoir, Louis Bromfield, Françoise Sagan, Gilbert Cesbron et Henri Troyat.
Les tournures d'écriture m'ont ainsi ramenée à mes lectures de jeunesse et ce fut fort agréable. Il m'a juste manqué l'odeur de poussière sèche et épaisse et le papier rèche et jauni des éditions anciennes.

Les personnages m'ont fait penser aux eaux d'un port, brillantes en surface, mais un peu glauques, pas très nettes, légèrement nauséabondes.
Chacun cache ses petites lâchetés, ses bas instincts, sa mollesse et sa paresse sous le vernis des habitude et de la bienséance. Les enfants sont admirablement décortiqués, avec leurs manières surannées qui, loin des téléphones portables et jeux vidéos, nous ramènent à une époque où à 12 ans on se vouvoie, on achète un manteau chez la couturière et on va au cinéma avec "sa poule".
Le corps enseignant en prend particulièrement pour son grade, avec des professeurs plus répugnants et incompétents les uns que les autres. A croire que l'auteur n'a pas gardé un souvenir très positif de ses années de lycée...
Bref, ce fut une belle lecture. Grinçante, politiquement incorrecte et finalement assez amorale avec une fin étonnante.

Alors, faut-il le lire ? Oui. Je recommande.
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Ni la langue sublime ni la sobriété et le classicisme du style ne font oublier que, cruel comme la vie, Jean Forton ne laisse aucune chance aux adolescents de ce sublime roman d'apprentissage.
L'article complet sur mon blog.
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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critiques presse (1)
LeMonde
16 février 2018
La redécouverte de l’écrivain des noirceurs ordinaires (1930-1982) se poursuit avec la réédition du « Grand Mal », roman de 1959.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Les heures joyeuses ou tragiques se rejoignaient dans sa mémoire pour former cette fabuleuse épopée de l'enfance. Légers regrets. Angoisse de vieillir, mêlée à l'ivresse de se sentir chaque jour plus fort.
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Je peux te l’avouer, dit Frieman, quand elle m’a plaqué j’ai fait un peu la gueule, parce qu’après tout c’est aux hommes à décider. Mais au fond, j’étais rudement content. Les filles, à la longue, il n’y a rien de plus emmerdant.
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Embrasser une fille, voilà qui le premier jour semble sublime. Mais cela devient vite une habitude, puis une corvée. Il arrive un moment où l’on préférerait faire n’importe quoi d’autre, jouer aux billes ou flâner dans les rues.
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Portefeuille ou idéologie, peu importe. Le résultat est identique. On pille, on torture, on tue. Le voilà, le grand mal, le mal à détruire.
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