Citations de Jean-Louis Fournier (1466)
Ce qu'on reprochait le plus à notre père, c'était de faire pleurer notre mère.
On voulait la voir heureuse.
Mon éditrice est pressée. Elle veut mon livre sur l'impatience toute de suite. Elle n'a pas perdu de temps, elle a déjà une maquette et annoncé à la presse le nombre de pages qu'il aura. Me voilà condamné à écrire 210 pages d'"un récit plein de tendresse, d'humour et de mélancolie sur la patience et nos urgences". Je comprends sa précipitation... Elle n'ose pas me le dire. C'est pour conjurer le sort. Elle a peur que je meure avant de l'avoir terminé. Cela dit, si je disparais, elle pourra éditer à titre posthume les pages déjà écrites. Ce sera bon pour la pub. Je pense aux ventes de Johnny. Je pense à Schubert, à ses neuf symphonies. La plus célèbre est celle qu'il n'a pas achevée.
(saint Pierre à Dieu :) - Qui va gagner?
(Dieu :) - Personne. Tout le monde va perdre, sauf moi.
- Vous pensez que ça va durer longtemps?
- Avec un peu de chance, ça peut durer des siècles et des siècles.
- Il va falloir changer votre campagne publicitaire.
- Qu'est-ce que vous voulez dire?
- Je pense au slogan : "Aimez-vous les uns les autres."
- J'avais prévu, il suffit de changer une lettre.
- Laquelle, demande saint Pierre.
_ Le "i" de aimer. Mettez un "r" à la place. essayez. Qu'est-ce que ça donne?
- Armez-vous les uns les autres. Bravo, dit saint Pierre
On n’a pas toujours la chance de mourir le premier, le plus dur c’est pour celui qui reste sur le carreau. C’est pas marrant de finir tout seul. J’ai besoin d’une compagnie, d’une présence. J’ai songé quelquefois à me remarier, mais comme je ne veux pas être veuf une seconde fois, je prends mes garanties. J’ai eu une idée, j’ai fait paraître une annonce dans le journal. : Veuf cherche femme immortelle.
Il ne faut pas croire que la mort d'un enfant handicapé est moins triste. C'est aussi triste que la mort d'un entant normal.
Elle est terrible la mort de celui qui n'a jamais été heureux, celui qui est venu faire un petit tour sur Terre seulement pour souffrir.
De celui-la, on a du mal à garder le souvenir d'un sourire.
p.85
Quand onn sort de chez soi, on peut tomber, se casser une jambe, se faire mordre par un chien, se faire écraser par une voiture, recevoir un pot de géraniums sur la tête, se faire assassiner...
Ce n'est pas prudent de sortir. Ou alors bien couvert, pour aller demander conseil à son pharmacien.
Chaque week-end, Thomas et Mathieu reviennent de leur institut médico-pédagogique couverts d'écorchures et de griffures. Ils doivent se battre comme des chiffonniers. Ou alors, j'ai imaginé que dans leur institution, qui est à la campagne, et depuis que les combats de coqs sont interdits, leurs éducateurs, pour se détendre et arrondir leurs fins de mois, organisent des combats d'enfants.
A voir la profondeur des plaies, ils doivent certainement fixer aux doigts des enfants des ergots de métal. Ce n'est pas bien.
Je vais devoir écrire à la direction de l'IMP pour que cela cesse.
J’ai demandé à Artdéco si elle était jalouse des hommes.
Elle a dit : « Non, il n’y a pas de raison.
« J’ai l’odorat plus fin que les hommes, j’ai l’ouïe plus fine, je vois clair la nuit, je ne mets pas de lunettes pour lire. Je ne suis pas obligée d’aller chez le coiffeur, je ne paie pas d’impôt ni de taxe foncière, je cours plus vite qu’un homme, je suis libre.
« Et j’ai le nez à hauteur des fleurs, je n’ai pas à me baisser pour les respirer. »
L'amer, c'est le point de repère sur la terre pour le bateau perdu en mer.
On ne se sent pas seul dans une bibliothèque.
On n’est jamais seul quand les autres vous écrivent, quand on a des centaines de livres de poche (...)
Les parents boivent, les enfants trinquent, c'est une punition du ciel.
Ce n'est pas tout d'être heureux.
Encore faut-il que les autres le sachent.
Moi, je préfère regarder en arrière ou en avant.
Quand j'ai appris à rouler en vélo, on m'avait dit qu'il fallait regarder la route devant soi, jamais ses jambes qui pédalaient, sinon on tombait.
Je demande parfois à des amis de mon âge quel est dans leur vie leur pourcentage de malheur et de bonheur.
Pour moi c'est en gros cinquante cinquante, avec peut-être un léger avantage pour le malheur.
Mais je ne regretterai pas d'être venu.
- Les cons, c’est moi.
- C’était vraiment indispensable ?
- Bien sûr, pour les autres.
- Les autres ?
- Eh oui, les autres, pour qu’ils se sentent intelligents. Comme les nains, je les ai créés pour que les petits se sentent grands.
Dieu parle des couleurs (limitées pour les hommes).
- J’avais calculé un peu juste pour le bleu, je sous-estimais la surface du ciel de Provence.
- Et pour le vert ?
- Même problème, je n’ai pas eu assez pour terminer la Normandie et j’ai dû laisser les falaises en blanc.
Elle m'a demandé de lui verser une pension j'ai été un peu étonné. Elle a plus de 40 ans, elle est en bonne santé, elle avait un métier... Maintenant, elle gratte des murs, elle enduit, elle gâche du plâtre, elle médite et elle prie. Elle prie pour tout le monde et surtout pour moi, à l'oeil, donc je dois payer. Elle voudrait être une sainte subventionnée.
Elle gobe tout. Elle ne doute plus, elle sait tout. Elle a toujours raison , les autres toujours tort. Elle a attrapé ça comme on attrape une hépatite En gobant des coquillages.
C'est un contrat entre eux, j'alimente ton ego, tu alimentes le mien. On se conforte dans l'idée qu'on est les mieux, d'ailleurs on est les mieux. On médite et on médit des autres.
Je préfère l'intelligence animale à l'intelligence artificielle, elle est naturelle , comme les fleurs. (p. 138)