Citations de Jean-Luc Bizien (253)
Augustin Piedvache s’étira. Il émit un miaulement grotesque et demeura un instant bras levés, poings serrés. Puis il se frotta les reins en grommelant une salve de jurons. L’air froid et humide réveillait de vilaines douleurs qu’il ne parvenait à oublier qu’à grand renfort de laudanum.
Quand Lemaître eut enfin rendu son dernier soupir, le tueur se pencha une dernière fois au-dessus de sa dépouille pour enfoncer le sexe tranché dans sa gorge. Il essuya la lame de son cutter sur le torse du défunt, avant de l’utiliser pour lui prendre une mèche de cheveux qu’il glissa dans une petite enveloppe préparée à cet effet.
La victime a été torturée, ajouta Mautalent en constatant l’importance des émissions sanguines autour de la dépouille. On en saura davantage après autopsie, mais je pense qu’elle était encore en vie quand on lui a fait subir les sévices.
Cédant à une impulsion, Le Guen emboîta le pas à son collègue, avant de refermer la porte derrière lui. Mesnard en fut surpris, mais ne fit pas de remarque. Le Breton se plaça dans un angle de la pièce. Il croisa les bras et posa son regard bleu délavé sur le prévenu. À l’évidence, ce dernier était à deux doigts de craquer.
— C’est un truand habitué des GAV1 ton gars ?
— Non, pas vraiment, admit Mesnard. Comme je te l’ai dit : c’est un pauvre type, qui a déconné. Tu veux en venir où ?
— Au fait que s’il s’accroche à ce point, c’est qu’il a une bonne raison de tenir.
Ce soir, je sors. J’ai mis mon blouson, et mes bottes. Jeff Healey s’époumone dans mon Walkman. Ce soir, c’est la fête. La culasse de mon flingue laisse entendre un claquement parfait. J’ai des chargeurs plein les poches. Ma dague. Mes fioles. Le matériel de base – loin des gadgets qu’utilisent certains de mes confrères. J’aime sentir la proie.
Lui laisser croire qu’elle a une chance.
Il était le chasseur, lancé sur les traces de fauves en liberté. Il traquerait sans relâche les prédateurs et les empêcherait de nuire à tout jamais. Il se muerait une fois encore en tueur implacable. Il savait la Bête présente en lui.
Avec Le Guen, on ne plaisantait ni avec la littérature, ni avec le rock. Dernier vestige témoin de la vie d'avant la police : une guitare électrique trônait sur son pied, au milieu de la pièce. Une vieille Stratocaster Fender, qui n'avait jamais quitté le Breton depuis qu'il l'avait achetée, à peine sorti de l'adolescence.
Le tueur en série, c'est la tarte à la crème des écrivains et des scénaristes de cinéma en mal d'originalité. Si on en croisait moitié moins que ce qu'ils inventent, la terreur régnerait en France. On ne ferait pas un pas dans la rue sans en côtoyer un.
Antonin Genest confessait des accès de folie violente... et voilà que sa femme, Clémence, venait lui montrer les horribles dommages qui en résultaient.
L'allumette de sûreté, capricieuse, refusait de s'enflammer. Une seconde tentative, pourtant lente et appliquée, demeura infructueuse : une fois de plus, la petite baguette à tête de chlorate frotta le support nappé de poudre de verre sans s'embraser.
Simon Bloomberg réprima un claquement de langue excédé. Il s'efforça au calme, dans l'espoir de contenir la boule d'angoisse qui prenait naissance dans sa gorge. Après avoir rangé avec soin le grattoir dans la poche de son manteau, l'aliéniste passa la main sur son visage moite. Il dut s'éponger au revers de sa manche pour se débarrasser des gouttes de sueur qui brûlaient ses yeux.
Le médecin était transi de froid, mais suait d'abondance. Il grelottait, ses jambes étaient la proie de tremblements convulsifs et son cœur s'emballait...
C'était un très bel hôtel particulier, campant au milieu de la rue Notre-Dame-des-Champs, à un jet de pierre des jardins du Luxembourg. La bâtisse offrait à la vue des passants une façade sobre, lumineuse, à la silhouette élancée. Un regard inquisiteur aurait en vain tenté de percer la frontière de ses rideaux légers : le savant agencement de voiles ne laissait pénétrer que la lumière du jour. On en était donc contraint à imaginer l'intérieur, et les avis ne manquaient pas, tant le voisinage se plaisait à développer la question. On évoquait de vastes espaces, comblés par des meubles précieux. On ne supposait rien d'autre qu'une ambiance feutrée. On jalousait le calme, le luxe, la volupté de l'endroit.
Souvent, on surprenait les heureux propriétaires quittant leur logis douillet pour se rendre, bras dessus, bras dessous, dans le jardin où, aux beaux jours, il faisait si bon flâner.
Tel un enfant qui, dans un accès de colère, fracasse le jouet qu’il adore par-dessus tout pour ensuite pleurer toutes les larmes devant l’ampleur des dégâts, Antonin Genest s’applique à briser ce qu’il a de plus cher : sa femme Clémence.
Une lueur provenait de la galerie. Quelqu’un revenait sur ses pas ! L’assassin, sans nul doute. Une main de givre étreignit le ventre de l’aliéniste, qui ramassa sa canne-épée, se remis sur ses pieds et bondit vers une faille rocheuse pour y trouver refuge
Ainsi allait Paris ! Autrefois, on pouvait s’y promener sans risquer une mauvaise rencontre… Hélas, trois fois hélas, les choses avaient changé aujourd’hui. La sécurité n’était plus assurée nulle part, les agressions se multipliaient et – il fallait avoir la lucidité de le constater – tout allait de mal en pis, malgré les efforts redoublés de la Sûreté.
Vous autres, Anglais, avez le mot juste pour chaque chose. C’est probablement ce qui fait de vous un peuple de chercheurs et de techniciens. Vous privilégiez la concision, allez droit au but. En France, nous avons au contraire privilégié l’art du discours. Nous sommes férus de rhétorique, nous adorons argumenter. Rien ne nous passionne plus qu’une discussion : nous aimons imposer notre point de vue, notre vision des choses, nous sommes prêts à nous battre pour des idées. Vous imaginez dès lors la difficulté à cerner la psychologie d’un homme qui peut exprimer ses sentiments de plusieurs manières, selon l’humeur ? Sans doute est-ce la raison pour laquelle les autres nations nous pensent arrogants. Nous vénérons les mots, les poèmes, les écrits. Le tempérament artiste des Français en découle. Le peintre n’impose-t-il pas sa perception du monde ? Il dispose du pouvoir de faire naître l’émotion, il raconte une histoire…
On conservait précieusement les cadavres des meurtres, afin de permettre aux services de police d’enquêter. De plus, la Morgue n’exposait que les cadavres identifiables, ceux qui étaient jugés « décents » : pas question d’étaler des défigurés, des éventrés ou des malheureux fracassés par les roues d’un omnibus. Idem pour les nombreux désespérés qu’on arrachait aux eaux troubles de la Seine. Les plus présentables avaient une chance d’être reconnus par un badaud. Les autres, ces silhouettes verdâtres aux traits boursouflés, étaient condamnées la plupart du temps à l’oubli de la fosse commune.
- Je ne supporte pas les ninjas. Je les hais. Ce ne sont pas des combattants, ce sont des assassins doublés de couards qui n’aiment rien tant que d’attaquer leurs victimes par surprise.
Onô attendait. Son visage exprimait la sérénité… et une envie d’en découdre. Ses yeux n’étaient plus que deux cicatrices sombres, au fond desquelles brûlait un feu ardent. A l’observer ainsi, on eût dit un chat ayant découvert toute une famille de rongeurs… et se réjouissant à l’avance du carnage.
- La plupart des samouraïs du daimyo ne sont que des veules qui ont choisi la facilité. En entrant au service du seigneur le plus redouté, ils intègrent la plus formidable des armées, ils jouissent d’une puissance qui n’est pas la leur. Ce sont des hommes bien nés qui se sont retrouvés là par hasard. Pas des guerriers voués corps et âme au maniement dus sabre.