Citations de Jean-Marc Bloch (96)
— Un tegnivale ? C’est quoi, ça, Anaïs ?
— C’est un énorme festival de musique pendant trois jours ! crie la jeune femme pour être sûre d’être entendue par l’octogénaire. Ça commencera le vendredi 24 et ça s’arrêtera le dimanche 26 !
— Mais ils vont faire ça où ?
— Tout autour des terrains de Loïc, là-bas, de chaque côté du ruisseau. Ils ont réquisitionné plein de champs, dont certains sont même déjà semés !
— Là-bas ? Ben, c’est qu’ils ont intérêt à faire attention, alors !
— Attention à quoi, Robert ?
Dans la boulangerie, Robert, agriculteur retraité de 83 ans, paie son « pain de deux » bien cuit en interrogeant la jeune employée derrière son comptoir.
— Un tegnivale ? C’est quoi, ça, Anaïs ?
les habitants de Carnoët, un petit village situé en plein cœur de la Bretagne, sont en ébullition comme un alambic de lambig. Car ils viennent d’apprendre que le préfet des Côtes-d’Armor a donné son accord pour l’organisation, sur leur commune de 730 âmes, du premier teknival autorisé en France.
Nous sommes en juin 2005 et les habitants de Carnoët, un petit village situé en plein cœur de la Bretagne, sont en ébullition comme un alambic de lambig.
Enfin, gyrophare sur le gâteau, voici une de ces enquêtes qui sont fascinantes parce que, malgré tous les efforts entrepris, la vérité n’aurait jamais pu éclater sans l’étincelle offerte par la meilleure amie du flic : la chance.
Cette histoire est également hors norme du fait des moyens mis en œuvre par les enquêteurs pour essayer d’identifier le meurtrier parmi les 43 000 jeunes – les « teufeurs » – qui s’éclataient sur de la musique techno, non loin du cadavre, souvent ivres et/ou défoncés.
L’endroit où la victime a été retrouvée est le premier élément qui rend exceptionnelle l’affaire que je vais vous raconter maintenant : une forêt au milieu d’un teknival, ces gigantesques raves organisées en plein air.
La majeure partie des victimes sont donc découvertes chez elles ou dans la rue, mais il y a, bien sûr, des exceptions. Je me rappelle, par exemple, ce cadavre d’un homme noir, sans papiers, qui avait été découvert au pied d’un arbre, dans une forêt de la région parisienne. Son corps disloqué et les branches cassées au-dessus de lui prouvaient qu’il était tombé de l’arbre, mais que faisait-il là-haut ? En fouillant sur place, y compris dans l’arbre, nous ne trouvions rien d’éclairant. Mais quand un avion est passé très bas au-dessus de nos têtes, en sortant son train d’atterrissage pour aller se poser sur le tarmac de Roissy tout proche, nous avons compris : le pauvre hère avait voyagé clandestinement, depuis son pays d’Afrique, en se planquant dans le logement des roues d’un avion. Et quand l’avion avait sorti son train d’atterrissage, le malheureux était tombé.
’autres meurtres, que je qualifierais de plus « professionnels », sont perpétrés dans la rue ou dans des lieux publics. Je pense, par exemple, aux règlements de comptes entre truands, trafiquants et autres malfrats, qui s’entre-tuent généralement hors domicile.
Si les protagonistes sont toujours singuliers, certaines affaires criminelles présentent néanmoins des points communs, notamment en termes de lieu. Beaucoup de crimes, par exemple, sont commis à domicile. Et, croyez-moi, c’est toujours impressionnant de retrouver un mort dans son environnement quotidien. Qu’il s’agisse de son salon, de sa chambre ou de sa cuisine, tous ses objets sont là qui témoignent de la vie courante… mais, au milieu, il y a un cadavre. Et lui, il est tout à fait mort.
Je serais bien incapable de dire combien d’affaires d’homicides j’ai eu à résoudre au cours de ma carrière de flic ! Des dizaines ? des centaines ? Ce qui est sûr, c’est que, quand un humain tue un autre humain, chaque histoire est unique… puisque nous le sommes tous.
Et si vous vous faites buter quand même, la probabilité pour que ce soit par un monstre croisé au mauvais moment et au mauvais endroit est quasi nulle : ce sera très certainement par quelqu’un de votre entourage proche. Regardez le Petit Chaperon rouge : s’il s’était un peu plus méfié de sa grand-mère, le loup n’aurait jamais pu le dévorer.
Reste le mobile. Et à ce sujet, rien n’a vraiment changé depuis Cro-Magnon. Qu’il s’agisse d’éliminer un rival, un roi ou un pâtissier, le tueur cherche toujours la même chose : une plus grosse part du gâteau
Depuis quelques années, les médias raffolent des affaires criminelles qui leur assurent des succès d’audience. D’où un prisme déformant qui peut, parfois, vous donner le sentiment d’être entouré de meurtriers potentiels. Mais rassurez-vous : on compte, en France, environ 800 homicides par an – soit deux fois moins qu’il y a vingt ans –, ce qui vous donne extrêmement peu de risques d’être assassiné.
L’homme planta la pointe du couteau dans la toile noire et y fit une entaille d’une quinzaine de centimètres. Puis il glissa sa main à l’intérieur et agrippa quelque chose d’un peu gluant qu’il tira hors de la toile…
— Tu m’étonnes qu’elle est lourde ! Ils l’ont lestée. Ah, merde ! Y a un cadenas à chiffres. Passe-moi le couteau de plongée qui est là-bas. Je vais l’ouvrir, ta valise au trésor.
L’homme se mit à plat ventre et, dès qu’il fut suffisamment près, il empoigna un cordage d’une main ferme.
— Mfff… J’peux pas la tirer… Elle pèse un âne mort !
— Attends, la lâche pas, je vais chercher une gaffe !
Après beaucoup d’efforts, les deux hommes comprirent qu’ils ne parviendraient jamais à hisser la valise sur le pont tellement elle était lourde. Ils parvinrent tout de même à l’arrimer au bastingage et à la soulever d’une trentaine de centimètres hors de l’eau. Ils découvrirent alors que des disques d’haltères étaient attachés aux cordages qui encerclaient le mystérieux bagage.
— Ben… c’est une valise ! Putain, elle est énorme ! Mais qu’est-ce qu’une valise fout là ?
— Et surtout, qu’est-ce qu’il y a dedans ?
— Du pognon ! T’imagines le truc ! Des trafiquants de drogue voient les gardes-côtes arriver, ils flippent et ils balancent tout leur pognon par-dessus bord ! Combien ça peut contenir une valise comme ça ? Deux millions ? Vingt ? Cent ? Attends… si c’est des liasses de 100 euros, une liasse, ça fait ça d’épaisseur…
— Par contre, si on tombe sur 50 kilos de drogue, on aura l’air fin ! Regarde : y a des cordages autour de la valise ! Je vais m’approcher encore, essaie de l’attraper…
Quelques secondes plus tard, le voilier ralentissait non loin de l’objet flottant non identifié.
— Hé, Henri, regarde ! Y a un gros truc qui flotte là-bas ! Fais gaffe de pas aller taper dedans ! J’arrive pas à voir si c’est un tronc d’arbre… ou bien un tonneau ?…
— Où ça ?… Ah oui, c’est gros, dis donc ! Mais j’vois pas bien c’que c’est… Attends, je vais mettre un coup de moteur pour se rapprocher.