TEKNIVAL SANGLANT, L’affaire Mathilde Croguennec de Jean-Marc Bloch et Rémi Champseix.
A la lecture d’un deuxième volume de la collection Pocket sur les crimes non élucidés, le lecteur constate que les auteurs ont l’expérience et du métier pour raconter les conditions dans lesquelles se déroulent une enquête criminelle en se renouvellant à chaque fois.
Ils reviennent sur une constante que l’on va retrouver dans toutes les enquêtes : «Enfin, gyrophare sur le gâteau, voici une de ces enquêtes qui sont fascinantes parce que, malgré tous les efforts entrepris, la vérité n’aurait jamais pu éclater sans l’étincelle offerte par la meilleure amie du flic : la chance.»
Ils reviennent également sur la démesure des moyens engagés par la gendarmerie pour résoudre l’affaire du Teknival de Carnoët et le meurtre de Mathilde Groennec.
Une scène de crime en pleine forêt ouverte à tous vents, piétinée par des centaines de teufeurs..
Des recherches d’ADN en nombre : «Tu sais combien de scellés tu nous as envoyés pour en sortir l’ADN ? Là, ce sera le 516 e ! On n’a jamais vu ça !».
Des vérifications d’identités à l’avenant : «Nous avons procédé à plus de 20 000 contrôles d’identité et relevé toutes les plaques minéralogiques de tous les véhicules quittant la zone, dont les coffres ont également été inspectés».
La recherche de tickets de cartes bancaires : «la seule solution serait de chercher tous les tickets de 52 euros. Mais pour ça, il faudrait en éplucher des centaines… C’est bien ce que nous comptons faire !»
L’examen de messages SMS : “— 500 000, mon général.
— Waouh ! Et vous voulez éplucher un demi-million d’appels téléphoniques et de SMS ? Vous avez aussi estimé le temps que ça allait vous prendre ? En mois, voire en années ?
— Non, pas nous. On va demander à Anacrim de faire le tri.”
Dans cette affaire, les auteurs mettent en avant la dimension psychologique du travail des enquêteurs : «Annoncer à des parents que leur enfant a été tué est l’une des pires choses que j’aie eu à faire au cours de ma carrière. Quand c’est possible, on préfère se rendre directement chez eux, surtout si le père ou la mère vit seule. Car la réaction peut être très violente, à la hauteur du choc reçu : malaise, crise de panique… Ce genre de mission ne s’apprend dans aucune école, chacun improvise ça à sa manière et chacun fait comme il peut pour ne pas fondre en larmes. C’est toujours un véritable calvaire : comment pourrait-il en être autrement ?».
Autre écueil dans l’affaire en cause, les difficultés liées à la consommation de drogues par les suspects intérrogés :
«Le colonel Delpierre intervint.
— Jeune homme, êtes-vous sous l’effet de drogue, en ce moment ?
— Euh… un peu, oui. J’ai pris deux trois trucs en me réveillant et euh… je…
Il posa ses coudes sur la table et appuya son front dans ses mains.
— Putain… j’y crois pas… Mathilde est morte et moi, je… j’y comprends rien…
— Monsieur Christin… Cédric !… Cédric, regardez-moi ! cria le colonel Delpierre.
Les conclusions tirées remettent en perspective le travail de fourmi des enquêteurs : «— 99 % de boulot et 1 % de chance ! commenta l’adjudant Henry;» Par ailleurs, les enquêteurs et les agents de la police scientifique ne comptent jamais leur temps.
Les auteurs insistent sur le paradoxe qui conduit notre société à jouer au pompier pyromane en autorisant la tenue du Teknival tout en déclarant : «— Non, rien de spécial. On a encore saisi des kilos de dope : cachets d’ecstasy, buvards de LSD, sachets de coke, amphétamines, shit et herbe…Le fourgon des saisies est devenu un véritable labo de chimie ! Apparemment, on a dépassé les 10 000 ecstas !
Ce qui pousse «La mère et le beau-père de la jeune fille ont créé une association, SOS Mathilde, destinée à alerter les parents sur les risques qu’encourent leurs enfants en assistant à des raves, dénoncées comme des « zones de non-droit ».»
Un récit court, bien écrit, bien documenté, réaliste, qui devrait être apprécié par les amateurs du genre.
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