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Critiques de Jeff Smith (101)
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Rasl, tome 4 : The Lost Journals of Nikola ..

Ce tome est le dernier de la série, il conclut le récit qui forme une histoire complète et indépendante. Il contient les épisodes 12 à 15 en noir & blanc, et fait suite à The drift (épisodes 1 à 3), The Fire of St. George (épisodes 4 à 7), Romance at the speed of light (épisodes 8 à 11). L'intégralité de la série a été rééditée en couleurs dans RASL.



À bord d'une Jeep, Robert Johnson se dirige vers la ville de Sells dans l'Arizona, en écoutant les informations qui font état d'une grande catastrophe dans cette région désertique. Sa progression est interrompue par un barrage de police. Contraint de s'arrêter pour réfléchir à sa situation, il se remémore la deuxième partie de la carrière de Nikola Tesla, la perte de ses financeurs ayant préféré soutenir le projet de Guglielmo Marconi sur la télégraphie sans fil, puis la mise en défaut de ses théories par celles d'Albert Einstein. Il décide qu'il n'a d'autre possibilité que de s'introduire par effraction dans la base du déploiement de Saint Georges.



La fin du tome précédent laissait à penser que Robert Johnson allait se mettre à la recherche de la petite fille qui pourrait être Dieu, à l'aide d'une barre chocolatée. Finalement l'épisode 12 est essentiellement consacré à revenir sur la vie de Nikola Tesla, l'influence des travaux de Thomas Edison, d'Albert Einstein et de Guglielmo Marconi sur sa carrière. Il est évident que Jeff Smith s'est documenté sur la vie et l'œuvre de Tesla, au-delà de la simple page wikipedia, mais aussi qu'il n'est pas un scientifique et que le concept de pièce manquante (marque substitutive) supputée par Einstein a du mal à convaincre. Passé cet épisode, Jeff Smith résout son intrigue dans un style thriller et roman noir, respectant les conventions de ces genres à la lettre, en commençant par le personnage principal qui reprend le dessus, en prenant l'offensive, le combat physique contre l'ennemi (ici Sal Crow), le retournement de situation dû à la réapparition d'un personnage inattendu, le basculement du mauvais côté de la loi et le prix à payer.



Jeff Smith a su apporter de nombreux éléments spécifiques qui évitent à son récit de ressembler à un succédané de thriller. Si la caution scientifique prête à sourire, Smith sait transfigurer le génie de Tesla pour un faire un personnage de légende, auréolé d'un mystère palpable, jouant à l'apprenti sorcier avec des forces qu'il ne maîtrise pas, avec à nouveau 2 citations prophétiques en début de volume. Il transpose également la figure du détective privé dur à cuire, à celle d'un scientifique dur à cuire. Si cette appellation prête à sourire, Jeff Smith sait rendre réel le caractère farouche de Robert Johnson, il sait rendre crédible sa détermination, ses convictions, et sa façon d'appliquer la maxime "la fin justifie les moyens". Plus fort encore, comme un prestidigitateur décontracté, il expose son retournement de situation, tout en rappelant au lecteur comment il l'a préparé sous ses yeux quelques épisodes auparavant, sans rien lui cacher. Par cette maîtrise de la narration, son intrigue tient en haleine jusqu'à la fin, malgré quelques poncifs.



Au cours de son récit, Jeff Smith ne peut pas s'empêcher d'utiliser quelques clichés propres au roman noir, sans forcément savoir les rendre intéressants ou plausibles. Il y a par exemple le héros qui subit une blessure par balle grave, mais que cela ne semble pas forcément gêner pour autant (pas de perte de connaissance, pas de douleur insurmontable, pas de séquelles incapacitantes). Il y a les scènes de discussions explicatives, un peu longue, pas très intéressantes sur le plan visuel, et un peu théâtrale. Il y a quelques mystères qui restent inexpliqués, à commencer la jeune fille au strabisme divergent et la bave aux lèvres, mais aussi la forme du visage de Sal Crow. Il y a ces références à des mythes amérindiens qui finalement ont une fonction uniquement décorative, sans apporter autre chose qu'une distraction dans la narration. N'eut été la forte personnalité du récit, ces clichés auraient constitué une forte entrave au plaisir de lecture.



Ce tome bénéficie d'un format plus grand que la publication en comics originelle, qui met bien en valeur les forces et les faiblesses des dessins de Jeff Smith. Les différentes séquences dans le désert sont toujours aussi magnifiques et convaincantes (les reportages photographiques en pages bonus montrent les repérages effectués par Smith). Il sait reproduire la désolation des lieux, le soleil de plomb, l'immensité nocturne, le caractère sauvage des cactus... Il montre comment l'état d'esprit s'accorde avec cette nature aride et sèche. Le lecteur est toujours autant frappé par la souffrance physique éprouvée par Johnson lors de ses déplacements d'une dimension à l'autre. Toutes les séquences qui s'attachent à décrire des personnages en action ou en mouvement sont d'une fluidité et d'une lisibilité remarquable. La discussion dans la voiture entre Johnson et Uma Giles retranscrit bien l'ambivalence de leur relation, leur attirance, en même temps qu'une forme d'hésitation. Par contre la mise en scène statique lors de la longue discussion au sein de la base Saint Georges présente un faible intérêt visuel. Les reprographies du visage de Tesla à partir de photographies manquent singulièrement de vie, il apparaît en train de poser (comme pour la photographie). Le grand format de cette édition fait également ressortir que Smith figure les textures à partir de petits traits produisant une impression répétitive pas très agréable, comme s'il n'avait pas voulu consentir l'effort de nuancer les traits au pinceau. Enfin la longue bagarre entre Johnson et Crow dans l'épisode 15 (10 pages) finit par lasser par son approche très prosaïque avec des dessins manquant de finition pour apporter la substance nécessaire à cette description factuelle. Au contraire les 6 pages suivantes pendant lesquelles Johnson titube dans le désert sont des plus expressives, faisant partager la souffrance et la désorientation du personnage.



Ce quatrième tome clôt ce thriller mâtiné de science-fiction, apportant un dénouement clair et satisfaisant, malgré l'usage de stéréotypes pas forcément sublimés et de visuels pas toujours inspirés. Par contre, Jeff Smith révèle enfin la signification du titre de la série "RASL" et le lecteur peu perspicace (comme moi) ne pourra que se dire que c'était pourtant évident. À nouveau, Jeff Smith aura réalisé son tour de prestidigitateur sous les yeux du spectateur en lui donnant les réponses, avec une habilité et une dextérité magistrales.
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RASL, tome 1 : La Dérive

Ce tome comprend les épisodes 1 à 3 d'une série indépendante et complète, initialement parue sous la forme de 15 épisodes de mars 2008 à juillet 2012, en noir & blanc. Elle a été intégralement réalisée (scénario, dessins, encrage, lettrage) par Jeff Smith, l'auteur de Bone. Cette histoire a été rééditée en 4 tomes (en noir & blanc) : "The drift", The Fire of St. George (épisodes 4 à 7), Romance at the speed of light (épisodes 8 à 11) et The lost journals of Nikola Tesla (épisodes 12 à 15), en format européen.



Le récit commence avec une déclaration de Nikola Tesla en exergue : "Dans l'espace, il existe une forme d'énergie. Est-elle statique ou cinétique ? Si elle est statique, toutes nos recherches auront été vaines. Si elle est cinétique - et nous savons qu'elle l'est -, ce n'est qu'une question de temps, et l'humanité mettra en harmonie ses techniques énergétiques avec les grands rouages de la nature" (conférence du 20 mai 1891). Dans un désert (l'Arizona ?), un homme avance. Il porte un teeshirt déchiré, et des traces de sang sur le visage. Il souffre sous un soleil accablant. Quelques temps auparavant, Robert Johnson s'apprêtait à réaliser un cambriolage au septième étage, dérobant une peinture de Picasso. Son forfait accompli, il prend la fuite et se dérobe aux forces de police en changeant de dimension. De retour dans sa réalité, il se rend compte qu'un grain de sable a dû faire dérailler la mécanique car Robert Zimmerman produit des albums sous son nom, sans avoir adopté le pseudonyme de Bob Dylan. Alors qu'il se remet de son voyage dans un bar, quelqu'un lui tire dessus, et il doit à nouveau changer de dimension.



Après le succès de "Bone", Jeff Smith se lance dans une histoire plus courte (environ 450 pages), fortement inspirée par les travaux de Nikola Tesla (1856-1943), et des recherches pointues sur l'ionosphère (High Frequency Active Auroral Research program, HAARP). S'il met ces éléments en avant à la fois par la citation de départ, et les conseils de lecture en fin de tome, le lecteur découvre avant tout un thriller à base de cambrioleur et de course-poursuite d'une dimension à l'autre. Il s'agit donc de suivre les agissements de Rasl, personnage violent, fumeur, buveur, intense, et peu bavard. Si l'intrigue fait voyager le lecteur, elle repose sur un nombre très restreint de personnages (une demi-douzaine), eux aussi peu loquaces. Il s'agit donc avant tout d'un récit installant une ambiance mystérieuse et violente, à base de confrontations physiques. Qui est Rasl ? Comment a-t-il acquis cette technologie lui permettant de passer d'une dimension à l'autre ? D'où sort ce gugusse au visage déformé qui dispose d'une technologie similaire ? Qui est Maya Riley dont il s'est fait tatouer le prénom sur le biceps gauche ? Existe-t-il d'autres Robert Johnson à travers les dimensions ?



Jeff Smith a décidé de laisser parler les images, et de circonvenir les dialogues, en les limitant au strict nécessaire. Du coup en 100 pages de bandes dessinées, le lecteur peut avoir l'impression d'une histoire assez mince. Cette impression est accentuée par des séquences muettes, ou des images s'intercalant dans la narration (la goutte d'eau ou le caillou tombant dans l'eau et créant des ondes). De fait, ces 100 pages se lisent très rapidement, avec un bon niveau de divertissement grâce à une mise en page efficace.



Jeff Smith (le scénariste) et Jeff Smith (le dessinateur) travaillent de manière complémentaire, le scénariste se reposant sur les qualités professionnelles du dessinateur. Il y a donc ces images d'onde se propageant à la surface de l'eau qui sous-entendent que les actions visibles ont des conséquences qui seront révélées plus tard. Il y a ce labyrinthe représenté sur une amulette qui induit le concept de quête spirituelle. Il y a le visage fermé de Johnson progressant le désert impliquant une détermination obstinée. Il y a cet étrange masque qu'utilise Johnson qui laisse supposer une forme de spiritualisme indigène. De séquence en séquence, le lecteur finit par s'interroger sur ces éléments qui ne semblent destinés qu'à fournir une variété visuelle, mais qui doivent certainement participer à l'intrigue d'une manière significative.



Jeff Smith déroule à plusieurs reprises des scènes dépourvues de mots dans lesquelles la narration est uniquement portée par les images. À chaque fois, elles mettent en évidence la fluidité de l'enchaînement des cases, et leur lisibilité immédiate, ainsi qu'une compréhension immédiate. Ses dessins présentent un savant dosage entre épure (arrière plan pas toujours présent) et éléments figuratifs pour rendre chaque scène et chaque endroit spécifiques, avec un encrage conférant une texture à chaque surface, sans surcharger le dessin. Smith ne dessine pas pour faire joli (les rondeurs de Bone ne sont pas de mise ici) ; il a su réaliser les adaptations nécessaires à son style pour donner une apparence plus marquée, plus adaptée à un récit plus adulte.



Après cette centaine de pages, le lecteur souhaite continuer le récit pour savoir ce qui se trame, et qu'elle en sera l'issue pour Johnson, tout en se disant que cette première partie laisse un peu sur sa faim.
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Bone, Tome 1 : La Forêt sans retour

Une bande dessinée vraiment très étonnante...

C'est un gros volume, très dense où l'auteur prend le temps de nous présenter les situations.

C'est très hétéroclite et j'ai eu du mal à m'y attacher. Les personnages sont très, trop, variés : on rencontre en même temps des créatures imaginaires et créées par l'auteur (bone, rat-garou, "feuille" bestiole...) mais aussi une créature fantastique acceptée dans les ouvrages du genre (dragon), et également des humains et leur animal domestique (la vache).

Tout ce mélange est un peu perturbant et m'a trop dispersée ...

Le graphisme des bones ne m'a pas trop emballé non plus...
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RASL, tome 2 : UMA

Un deuxième volume qui garde la cohérence du premier volume, qui nous entraîne dans une sorte de science fiction pleine de rythme et de réflexions intéressantes. Car même si en effet l'intrigue prend son temps on est tout de même happé par ce récit que je trouve malgré tout passionnant !
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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Rasl, tome 2 : The Fire of St. George

Le point fort de ce début de trilogie est la construction de son univers, composé de mondes parallèles dans lesquels se perd le héros, alors qu’il pensait tout maîtriser.
Lien : http://www.bodoi.info/rasl-1/
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Rasl, tome 2 : The Fire of St. George

Premier tome d’une trilogie où action, fantastique et recherches scientifiques se mêlent pour offrir un cocktail détonnant.
Lien : http://www.bdencre.com/2014/..
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Bone, Tome 1 : La Forêt sans retour

Un superbe comics fort différent de ceux qu’on a l’habitude de voir … pas de super héros … juste trois petits bonshommes tout mignons tout blanc, tout petits. Qui ont été chassés de leur village et se retrouvent perdus dans le désert. Fone,Smiley et Phoney Bone ont des caractères très différents.



Tout d’abord Phoney une crapule qui ne voit que son propre profit essayant toujours de trouver l’arnaque qui fera de lui la créature la plus riche du monde, il est aussi le responsable de leur exil. Smiley l’optimiste, toujours le sourire aux lèvres, il rentre innocemment dans toutes les combines de Phoney et Fone le gentil et courageux qui essaie en vain de gérer les deux autres asticots.



En voulant rentrer chez eux, ils entrent dans une quête incroyable à la rencontre de dragons, de Rat-garou affamés et stupides (enfin surtout deux d’entre eux), la jolie Thorn qui fera chavirer le coeur de Fone, des courses de vaches truquées etc… je n’ai encore lu que les deux premier tomes … mais je ne tarderais pas à lire la suite c’est certain…



Une histoire sympathique avec des personnages attachants (tout le monde voudrait avoir un Bone chez lui d’ailleurs… tant qu’il ne s’appelle pas Phoney), une aventure humoristique originale qui ne demande qu’à être mieux connue.
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Bone - Intégrale N&B

Quel dommage ! J'aurais tellement voulu finir ce monumental ouvrage mais je n'y suis pas parvenu. Je me suis pourtant attaché aux personnages, surtout au début. J'ai apprécié l'humour bon enfant qui permettait de rendre l'intrigue moins tragique.



Hélas, plus le récit avance et moins j'ai été attiré par les aventures de toute cette bande. Les rats-garoux qu'on voit une page sur trois ne semblent plus si impressionnants après 1000 pages. Les intrigues et sous-intrigues mystiques, la thématique du rêve, les multiples séparations et retrouvailles des membres du groupe (avant de nouvelles séparations et retrouvailles) m'ont fatigué. En fait, après environ 1000 pages, les péripéties incessantes m'ont paru usantes : le récit met trop de temps à se conclure et la conclusion de la bataille finale ne m'intéressait plus du tout.



Cependant, je vois bien que ce livre est l'œuvre d'une vie pour Jeff Smith. J'imagine la quantité de travail qu'il a dû abattre en solo pour le rédiger (Wikipedia me dit 15 ans en auto-production !). Je regrette d'autant plus de ne pas avoir su le finir. Tant pis.
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Bone, Tome 1 : La Forêt sans retour

J'ai lu ce tome 1 et je ne pense pas lire la suite.

Cela n'a pas été une lecture agréable même si j'ai fini le livre sans trop m'ennuyer, ni désagréable. Cela ne m'a pas touchée. Je n'ai pas réussi à m'attacher aux petits fantômes, même s'ils ont un côté sympathique ou comique qui se remarque. Je pense que ce qui m'a manqué le plus, c'est une intrigue qui m'intéresse. Je n'ai pas été emportée par les destins de ces personnages.
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Shazam contre la société des monstres

Je ne connaissais rien de l'univers si ce n'est le fameux mot magique "Shazam !". Je ne savais donc pas trop à quoi m'attendre. C'est mignon, j'ai trouvé ça un peu longuet mais il y a aussi de très bonnes idées ! Un bon moment de détente
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Bone, Tome 1 : La Forêt sans retour

J'ai voulu lire un Bone, j'ai donc commencé par le premier. Noir et blanc, dessins d'hommes ver perdus dans une forêt peuplée de rats garous et d'un dragon étrange. je n'ai pas du tout accroché et je suis resté complètement hermétique à l'humour et à l'intérêt de cette bande dessinée.

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Bone, tome 10 : Rose

Les événements de ce tome se déroule avant ceux de la série Bone (à commencer par Out from Boneville). Il comprend les 3 épisodes de la minisérie du même nom, initialement parus de 2000 à 2002. Il est possible de lire cette histoire, sans avoir les 9 tomes de la série Bone. Le scénario a été écrit par Jeff Smith (l'auteur de Bone). Les dessins, l'encrage et la mise en couleurs ont été réalisés par Charles Vess.



Il y a longtemps dans un autre monde, Mim, la reine des dragons, veillait sur le monde des rêves. Mais celui-ci fut corrompu par une entité appelée le Seigneur de Locustes qui prit possession de Mim. Il s'en suivi un terrible affrontement qui s'acheva avec la pétrification des 2 adversaires, même si l'esprit du Seigneur des Locustes rôde encore.



À Atheia, la capitale du royaume, Briar et Rose (les 2 filles de la reine et du roi) étudient sous la tutelle d'un maître Veni-Yan pour apprendre à ouvrir leur œil du rêve. Le temps de leur initiation est bientôt venu. Dans la forêt le Grand Dragon Rouge suit leur progrès de près. Mais voilà que Balsaad (un dragon de rivière) est sorti du fleuve pour semer la destruction dans les villages voisins.



La publication de la série Bone s'est étalée de 1991 à 2004, en 55 épisodes. En cours de route, Jeff Smith a décidé de raconter un épisode de la jeunesse de l'un des personnages principaux : Rose Harvestar, sans oublier sa sœur Briar. Il en résulte l'histoire d'une princesse courageuse, doté d'une capacité surnaturelle, qui va découvrir l'étendue de son pouvoir, les responsabilités qui viennent avec, et qui devoir faire preuve d'encore plus de courage.



Dans la mesure où cette histoire est racontée par le créateur de la série Bone, elle s'y insère sans solution de continuité. Le lecteur retrouve donc des personnages qui lui sont déjà familiers. Outre les 2 sœurs, il y a le Grand Dragon Rouge, Lucius Down, Mim, l'Encapuchonné (le porte-parole du Seigneur des Locustes), le clan des Veni-Yan, les rats garous. Il séjourne le temps de quelques pages à Atheia. Il découvre les 2 chiens de Rose : Cleo et Euclid.



Le lecteur découvre avec plaisir cette histoire de "Sword & sorcery" qui défie les conventions du genre. Il y a bien un méchant dragon et des villageois apeurés, une princesse (et même 2) et un brave capitaine des gardes, une reine & un roi et un esprit maléfique, des combats à l'épée et du feu craché. Mais les héros sont 2 jeunes femmes qui ne savent pas tout, les vrais méchants sont des sortes de sauterelles (des locustes), Rose peut entendre ce que disent ses chiens, et il existe une troisième faction plus puissante (le Grand Dragon Rouge) qui n'intervient pas à la fin pour sauver tout le monde. Surtout cette histoire bénéficie de la mise en images exceptionnelle de Charles Vess. Ce dernier avait déjà réalisé des illustrations magnifiques pour un récit de Neil Gaiman : Stardust. Il avait également mis en images 2 épisodes magiques de la série Sandman, dans lesquels William Shakespeare faisait affaire avec Morpheus.



L'enchantement commence dès la première page avec cette vision de Mim enserrant la Terre, sur fond étoilé. Les traits sont fins et délicats, avec une approche mélangeant le merveilleux de l'enfance (le fond étoilé) et une mise en scène appréciable par des adultes, rendant bien compte de la dimension mythique de cette séquence.



La séquence suivante permet de découvrir Rose et Briar, d'apprécier la sensibilité de Vess pour ces personnages, leurs coiffures, leurs robes, l'architecture de l'arrière-plan. Les parents sont vêtus d'habits royaux, simples sans être stéréotypés, au drapé élégant. La scène du départ d'Atheia invite à s'arrêter sur le harnachement des chevaux. La progression à travers les bois montre des arbres dénudés dont il est possible de reconnaître les essences, les formations rocheuses, et la végétation. La petite troupe progresse en respectant le relief, à l'opposé d'un décor factice et de personnages évoluant sur une scène de théâtre vide.



De page en page, le lecteur apprécie que chaque page soit visuellement intéressante, sans raccourci graphique pour éviter de dessiner ceci ou cela. Les personnages ont des morphologies diverses et plausibles. Les mises en scène sont adaptées à chaque séquence, qu'il s'agisse d'un échange verbal délicat, ou d'une scène d'affrontement physique. Les créatures surnaturelles sont bizarres sans être ridicules, ou bêtement effrayantes. Chaque environnement est spécifique, évitant l'impression de décor passepartout.



Charles Vess effectue lui-même sa mise en couleurs qui vent complémenter avec intelligence et retenue ses dessins aérés et minutieux. Les couleurs de chaque case ont été pensées pour refléter la nature de la luminosité, en toute discrétion.



Charles Vess se montre encore plus fort quand il s'agit de représenter des personnages que le lecteur connaît déjà. L'exemple le plus frappant est le Grand Dragon Rouge qui est exactement comme Jeff Smith le représente dans la série "Bone", tout en bénéficiant de la délicatesse des traits de Vess, parfaitement intégré au reste des composants de l'image.



Au fur et à mesure des pages, le lecteur prend pleinement conscience que le charme de cette histoire doit plus aux dessins de Charles Vess, qu'à l'intrigue en elle-même. L'approche picturale de Charles Vess amalgame les aspects merveilleux ou fantastiques de ce conte (à commencer par les dragons) et les aspects plus réalistes (évocation d'un moyen-âge courtois, tenues vestimentaires, nature, personnages crédibles). Le lecteur apprécie aussi bien le détail d'une ferrure de porte, qu'un tapis neigeux, ou les ondulations de Balsaad dans la rivière. Grâce au dessinateur ce qui n'aurait pu être qu'un conte linéaire devient les histoires entremêlées d'individus forts et fragiles, dans des décors délicatement sublimés.



Pour l'initiation de Rose (futur mamie Ben), Jeff Smith a trouvé le dessinateur parfait pour donner corps à son récit. Il flotte une atmosphère délicate, teinté de fantastique dont le pouvoir de séduction entraîne tous les lecteurs (mêmes les adultes blasés) dans ces endroits où se battent princesses et dragons, sans une once de mièvrerie ou de suffisance hautaine. Le récit est narré par deux créateurs amoureux du genre, qui refusent la facilité. Il en résulte un récit enchanteur au premier degré, avec une thématique sur les compromis inhérents à la vie d'adulte, sur la nature du courage.
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Bone, tome 9 : La couronne d'aiguilles

Ce tome est le dernier dans une histoire complète en 9 neufs tomes. Il faut donc avoir commencé la lecture avec le premier tome Out from Boneville. Jeff Smith est le créateur de la série, dont il a scénarisé, dessiné et encré les 9 tomes. Cette édition bénéficie d'une mise en couleurs pertinente et intelligente, réalisée par Steve Hamacker.



À Atheia, Bone et Thorn croupissent dans une geôle, avec des fers au pied. Sur les remparts, Mamie Ben parlemente avec les soldats de l'ordre du Veni Yan, tout en observant l'avancée de l'armée de Sans-Visage. En bas des remparts, le seigneur Tarsil tente de parlementer avec Sans-Visage et sa horde de rats-garous, tout en restant à la tête des Vedu (un groupe séparatiste des Veni Yan).



Comme il s'agit du dernier tome de la série, le lecteur attend une fin en bonne et due forme, que Jeff Smith réalise en 210 pages, avec un bel épilogue. Bien évidemment, le lecteur a l'occasion de revoir une dernière fois tous les principaux personnages, y compris les 2 rats-garous pleutres. L'intrigue principale bénéficie d'une résolution claire et nette qui n'appelle pas de suite.



Jeff Smith a décidé de terminer son récit en mode action : il s'agit d'un grand finale, plein de bruit et de fureur. Le lecteur n'est pas déçu car l'intrigue tient ses promesses : révélation sur la nature de a couronne d'aiguille, découverte du trésor caché par Tarsil, et bien d'autres surprises. Il y a donc un peu moins de place pour la personnalité de chaque protagoniste. Fone Bone repasse en mode héros, mais son joli corps tout blanc porte la marque des coups qui ne guérissent pas d'une page à l'autre. Thorn est également en mode héroïne prête à sacrifier beaucoup pour le bien de tout le monde. Smith se montre un peu plus nuancé dans le comportement de Phoney Bone dont la cupidité ressort avec force (en cohérence avec son caractère tel que constaté dans les tomes précédents), ou encore dans celui de Smiley Bone toujours aussi souriant et décidé.



Les scènes d'action sont rapides et spectaculaires à souhait, avec un bon niveau d'arrières plans pour permettre une immersion satisfaisante. Smith sait aussi bien représenter une armée de grande ampleur, qu'une avancée périlleuse dans les arches de cavernes souterraines. Il aurait pu mieux doser la résistance à la douleur d'un personnage dont la jambe est transpercée, sans qu'il ne perde connaissance ou que la souffrance ne devienne insupportable. Lors d'une autre séquence, un personnage se découvre une capacité de vol autonome bien pratique pour franchir un obstacle, capacité perdue dès la séquence suivante où pourtant elle aurait également bien servi. Cela reste 2 défauts mineurs.



Jeff Smith a donc encore quelques surprises dans sa manche, telle l'arrivée d'un sorcier bien sympathique appelé Mermie. Sans dévoiler son rôle, ce personnage a une apparence bonhomme et presqu'inoffensive qui atténue un peu la gravité de la situation. En y prêtant attention, le lecteur remarque d'autres pointes d'humour à des moments inattendus (en particulier la tête ahurie de Sans-Visage lors d'une explosion massive (page 65). Ces moments font baisser la tension dramatique du récit, en étant parfois à contretemps du récit. Toutefois, Smith est toujours aussi efficace avec un humour gentil et drôle, irrésistible. Ainsi il réutilise par 2 fois la blague récurrente de la quiche, de 2 manières différentes et parfaites.



L'épilogue compte une trentaine de pages permettant à Smith de montrer les conséquences de la bataille finale, et d'apporter une forme de résolution aux relations entre les personnages, à la fois teintée de tristesse et d'expectative pour un nouveau départ.



Ce dernier tome dépasse les attentes du lecteur, tout en les comblant. Il y a bien une succession de scènes spectaculaires et de grandes batailles, sans qu'il soit possible de prévoir leur nature. Il y a bien une prédominance de l'action et du grand spectacle, sans que la personnalité des uns et des autres ne soit oubliée. Il y a bien de nombreuses réponses d'apportées, sans que tout soit expliqué de manière détaillée (le lecteur aurait pu espérer un éclaircissement sur la nature du monde des rêves). Il reste également des îlots d'humour toujours aussi sensible et drôle, même s'ils sont parfois à contretemps.



Cette série en 9 tomes constitue un conte plutôt pour enfant, sur fond dans le genre "Sword & Fantasy". Tout en respectant les codes en vigueur dans ce genre de récit (combat à l'épée, dragons, un soupçon de magie, un environnement moyenâgeux), Jeff Smith les assimile pour mieux les faire siens. Les personnages principaux se partagent en 2 groupes : d'un côté 2 femmes (ce qui dénote fortement par rapport à ce type de littérature plutôt pour adolescent mâle), de l'autre 3 individus aux traits simples. Le lecteur prend un grand plaisir à voir les êtres humains normaux essayer de se dépatouiller dans une situation complexe prenant ses racines plusieurs générations auparavant. Il prend un plaisir encore plus grand à voir évoluer les 3 Bone, aux expressions et mimiques aussi drôles qu'épatantes. En fonction des mouvements du récit, ces protagonistes disposent de plus ou moins de personnalité, ce qui affadit certaines séquences. Il est possible aussi de regretter que les références à Moby Dick restent à l'état de dispositif comique, sans réelle profondeur.



Pour les lecteurs qui restent sur leur faim, ils peuvent encore se plonger dans Rose écrit par Jeff Smith et magnifiquement illustré par Charles Vess, revenant sur la jeunesse de Mamie Ben, et dans Tall Tales écrit par Tom Sniegoski et dessiné par Jeff Smith, les aventures de Big Johnson Bone.
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Bone, tome 8 : Les Chasseurs de trésor

Ce tome est l'avant dernier dans une histoire complète en 9 neufs tomes. Il faut donc avoir commencé la lecture avec le premier tome Out from Boneville. Jeff Smith est le créateur de la série, dont il a scénarisé, dessiné et encré les 9 tomes. Cette édition bénéficie d'une mise en couleurs pertinente et intelligente, réalisée par Steve Hamacker.



À la tête des rescapés de Barrelhaven, Wendell et le capitaine des Veni Yan discutent de la conduite à tenir, ainsi que de la droiture de Lucius Down, avant de se mettre en route pour Atheia. Les 3 Bone (Fone, Phoney et Smiley), ainsi que Rose et Thorn Harvestar (sans oublier Bartleby) ont atteint les remparts d'Atheia et cherchent le moyen d'y pénétrer. En attendant Thorn et Fone bénéficient d'une explication sur les autels dédiés à la reine des rêves, fournies par Taneal, une jeune fille. Phoney et Smiley ont récupéré une charrette de foin. Mamie Ben essaye de trouver une magouille pour réussir à franchir les portes de la cité.



Jeff Smith a donc donné une nouvelle orientation à son récit, avec le déplacement de l'intrigue, avant située dans la vallée et la montagne, vers la ville d'Atheia. Il sort du chapeau de nouveaux personnages (essentiellement le tuteur spirituel de mamie Ben, et l'usurpateur Tarsil). Il s'embarrasse de Bartleby (le rat-garou enfant) que Smiley camoufle tant bien que mal dans une grange.



Pourtant, ce tome bénéficie d'un rythme de narration parfait, d'une solide continuité de l'intrigue avec les tomes précédents, et d'un vent de fraîcheur (né de la nouvelle localisation) bienvenu. Smith grossit un peu le trait du changement, en faisant bénéficier chaque personnage d'une nouvelle tenue. Mamie Ben n'a pas perdu son tablier, mais Thorn a eu le droit à une robe élégante, sans être luxueuse. Phoney et Fone sont habillés des pieds à la tête, pantalon compris, et même d'un couvre-chef (l'explication de la forme conique et de la hauteur de celui de Fone étant irrésistible).



Smiley et Phoney ne bénéficient pas d'une personnalité plus développée, mais Fone a l'occasion de mettre en valeur sa force de caractère face au mentor de mamie Ben. Ce qui emporte l'adhésion du lecteur est l'évolution de l'intrigue. Les personnages principaux ne maîtrisent toujours pas plus les événements, ce qui n'empêche pas Jeff Smith de réussir à dresser une image globale de la situation. Il sait montrer que ses personnages ne sont pas tout puissants, ou omniscients, ou même capables d'influer de manière significative sur le cours des événements.



C'est en partie cette approche relativisée de l'importance des personnages qui les rapproche du lecteur. Voilà des individus qui font de leur mieux, tout en étant ballottés par les circonstances, sans tout résoudre à coups de poing, ou par des actions héroïques et audacieuses. Cette histoire accroche également le lecteur par son inventivité. Jeff Smith montre comment les pièces des tomes précédents sont cohérentes entre elles, et les conséquences de la retraite des affaires royales par mamie Ben. Son absence des affaires de l'état (elle fut la reine du royaume) a eu des répercussions sur la gouvernance. Il continue de distiller des allusions sur le royaume des rêves. Enfin il construit son récit autour de péripéties s'insérant naturellement dans l'histoire. Au vu du comportement des 3 Bone dans les tomes précédents, le lecteur n'est pas surpris de les voir animés chacun de leurs propres motivations, et de vaquer à leurs occupations (Smiley s'occupant de Bartleby, Phoney échafaudant des plans pour s'enrichir rapidement, Bone s'occupant de l'intérêt général).



Smith s'appuie également sur la mythologie développée dans les tomes précédents. Le lecteur n'assiste pas à la convergence de tous les éléments, mais à leur interaction. Le domaine des rêves, Mim le premier dragon, les cercles fantômes, une pierre à prière, le sigle royal, autant d'éléments qui trouvent leur place de manière naturelle tout au long du récit, formant une toile de fond intrigante, apportant une dimension ludique à la lecture.



Smith épate également le lecteur par la facilité avec laquelle il agrège les différentes facettes de son récit. Il y a donc la menace principale de la résurgence du seigneur des Criquets, la découverte de la cité d'Atheia, le sort des rescapés de Barrelhaven, le retour de Briar Harvestar, le marché qui se tient à l'extérieur d'Atheia, les convictions du mentor de mamie Ben, ce qui se cache dans le puits de la place du marché. Au milieu de tout ça, Jeff Smith n'oublie jamais de laisser une place à l'humour et au comique sous différentes formes. Il y a donc ce crâne de forme conique, mais aussi les mines renfrognées de mamie Ben, les mimiques du propriétaire de la charrette de foin, et les visages toujours aussi expressifs des Bone. La dextérité narrative de Jeff Smith se révèle après coup quand le lecteur prend conscience qu'il a gobé et apprécié une scène se déroulant dans un marché découvert, avec des humains, des Bone et des abeilles géantes dotées de conscience et de paroles.



Ce huitième tome constitue une excellente surprise. L'intrigue se développe de manière harmonieuse, Jeff Smith accommode avec adresse sa narration, en mettant en avant ses qualités, et en maîtrisant son point faible (les scènes de dialogue sont mieux mise en scène, moins statiques et moins longues).
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Bone, tome 7 : Les cercles fantômes

Ce tome est le septième dans une histoire complète en 9 neufs tomes. Il faut donc avoir commencé la lecture avec le premier tome Out from Boneville. Jeff Smith est le créateur de la série, dont il a scénarisé, dessiné et encré les 9 tomes. Cette édition bénéficie d'une mise en couleurs pertinente et intelligente, réalisée par Steve Hamacker.



Ted le fulgure est en train de susurrer à l'oreille de Jonathan Oaks, pour prendre des nouvelles de Lucius Down. À proximité, dans le campement des rescapés du village de Barrelhaven, Wendell fait le point avec le chef d l'ordre des Veni Yan, sur le siège que soutiennent les réfugiés. C'est à ce moment là que le volcan de la vallée commence à retrouver de l'activité, signalant le début du réveil du Seigneur des Criquets, et que les rats -garous passent à l'attaque. Mamie Ben, Thorn Harvestar, et les 3 Bone sont en train de cheminer sur les flancs du volcan, et ils doivent vite trouver refuge dans un souterrain qui conduit au cœur de la montagne, après avoir fait face à Kingdok. Étrangement, Fone se retrouve affublé d'un pull de marin et d'un canotier, Phoney d'une jambe de bois (comme le capitaine Achab dans Moby Dick).



Le lecteur retrouve tout ce qui fait le charme de la série dans ce septième tome. Pour commencer, les personnages sont toujours aussi sympathiques. C'est un vrai plaisir de voir Jonathan Oaks et Wendell réagir autrement que de manière négative. Ils sont placés dans une situation où ils s'inquiètent pour leurs proches, où leur comportement est plus constructif que quand ils étaient en opposition à Lucius Down. Du coup, le lecteur partage plus facilement leur inquiétude, leurs émotions. Jeff Smith en fait des personnages très humains, très proches. Lucius Down bénéficie également d'un éclairage plus favorable : l'adversité permet de mettre en avant ses qualités. Mamie Ben maintient toujours une forme de distance entre elles et les autres, et donc par là même avec le lecteur.



Jeff Smith maintient le statu quo un peu frustrant sur le caractère des Bone. Fone est repassé en mode héros valeureux sans être intrépide (= conscient du danger), sans beaucoup de personnalité. Smiley est un peu en retrait dans ce tome, son rôle de faire-valoir comique s'en trouvant diminué d'autant. Seul Phoney conserve sa personnalité adulte pleine et entière, et peu agréable (il refait des remarques sur son objectif de rentrer chez lui, et un plan pour tenter de s'enrichir).



L'intrigue continue d'avancer à un rythme rapide, sans être forcé. Le réveil du grand méchant (le Seigneur des Locustes) se rapproche à grand pas. Le rôle des uns et des autres se précise. Le lecteur a la confirmation de qui est le porteur de l'étoile (une identité qu'il était possible de deviner depuis plusieurs tomes). En termes de révélations, la plus intéressante concerne peut-être la capuche portée les Veni Yan, pourquoi leurs visages est complètement couvert.



Pour le reste, le lecteur reste un peu sur sa faim concernant les capacités des rêves, Jeff Smith utilisant à nouveau ce dispositif (le fait qu'ils soient connectés), sans le développer plus avant. Au cours des pérégrinations de la troupe de Mamie Ben il introduit un nouvel élément que sont les cercles fantômes (qui donnent son titre à ce tome). Il s'agit d'un élément assez classique (des morceaux de réalité qui manquent dans le paysage). Par contre, le traitement graphique qu'en fait Smith est très ingénieux. Lesdits cercles ne sont pas visibles par les personnages ou par le lecteur. Seule Thorn Harvestar peut les percevoir, le lecteur devant les imaginer par lui-même, aux endroits indiqués par Thorn.



En termes de narration, Jeff Smith succombe à son penchant pour les scènes dialogues étirées, sans grand intérêt visuel, du fait de personnages statiques aux expressions trop mesurées. Il reste l'expressivité des 3 Bone, toujours aussi épatante, quelques visions mémorables (une colonne de fumée, un paysage recouvert de cendres, la séquence de rêve de Fone en milieu marin, une fuite éperdue devant un troupeau de rats-garous), et des séquences vivantes dès qu'elles ne sont plus statiques.



Ce tome est dédié à Charles Vess qui a également dessiné le prologue de la série Rose, un récit de Neil Gaiman (Stardust) et qui dispose d'un tome dans la série Modern Masters (Modern Masters Volume 11: Charles Vess).



Cette série conserve son attrait grâce à ses particularités : les 3 cousins Bone, une situation qui évolue de tome en tome, des héros loin d'être tout-puissants ou omniscients, une opposition bien/mal entre 2 camps composés d'individus complexes, ne proie aux doutes. Il conserve aussi ses limites, à commencer par de longues scènes de dialogues et des personnages qui manquent parfois de personnalités.
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Bone, tome 6 : La caverne du vieil homme

Ce tome est le sixième dans une histoire complète en 9 neufs tomes. Il faut donc avoir commencé la lecture avec le premier tome Out from Boneville. Jeff Smith est le créateur de la série, dont il a scénarisé, dessiné et encré les 9 tomes. Cette édition bénéficie d'une mise en couleurs pertinente et intelligente, réalisée par Steve Hamacker.



Smiley et Fone Bone sont bien redescendus de la montagne, mais ils n'arrivent pas à retrouver le chemin du village de Barrelhaven pour autant. Pendant ce temps là, Rose Harvestar vadrouille dans la forêt et aide les villageois qu'elle rencontre. Elle finit par prendre la tête d'un petit groupe d'individus, accompagnée par Phoney Bone, pour essayer de retrouver Smiley et Fone. Un rêve lui enjoint de rejoindre sa grand-mère (Mamie Ben) à la caverne du Vieil Homme. Puis un groupe d'encapuchonnés lui donnent des conseils contradictoires. Pendant ce temps là, les rats garous rôdent en masse dans la forêt.



Au fil des pages, l'intrigue globale se précise de plus en plus, avec les différentes factions en lice clairement identifiées, ainsi que les enjeux. Même si Jeff Smith base son récit sur une dichotomie bien / mal, il évite la caricature pour ses personnages principaux. Non seulement ils sont en proie au doute, mais en plus ils ne maîtrisent pas grand-chose, et sont même assez désorganisés. Fone Bone ne retrouve pas son chemin, Thorn ne sait plus à qui faire confiance, Phoney a perdu toute sa superbe, et même dans le camp adverse Sans-Visage manque d'assurance.



Le travail réalisé sur Fone et Phoney dans les 2 tomes précédents continue de porter ses fruits. Phoney reste méprisable du fait de son attitude rapace vis-à-vis de Lucius. Par contre, Smith a un peu plus de mal à conserver les 2 facettes de Fone qui a tendance à redevenir un héros générique et mignon, dont la personnification perd en épaisseur. Fone redevient simplement courageux (sans être téméraire), gentil et conciliant, parfois à la limite de l'insipidité (sans le devenir vraiment quand même).



Dans le même ordre d'idée, Jeff Smith recommence à se laisser aller à aligner des pages de dialogues, visuellement peu intéressantes, oubliant de montrer plutôt que d'expliquer à longueur de phylactères. Fort heureusement, les Bone ont conservé leur expressivité sans égale. Le lecteur peut comprendre que Smith ait besoin de délivrer des informations en quantité significative. Il n'en reste pas moins surprenant qu'il ne conçoive pas une mise en scène telle que les personnages réalisent des occupations diverses complémentaires, ou que les images puissent montrer l'environnement pendant ce temps là. À ce titre, l'échange entre Sans-Visage et le seigneur des locustes est particulièrement pauvre. À l'opposé, il y a la discussion entre Thorn, Fone et Smiley au creux d'un arbre, très animée, intéressante visuellement.



Le tome se termine sur une blague visuelle qui a du mal à passer, même si elle a été amenée de longue date par de fréquentes allusions dans la narration. Cet objet grotesque et la situation dramatique ne font pas bon ménage.



À part ces séquences de dialogue à la mise en scène quelconque, le lecteur découvre plusieurs visuels qui marquent la mémoire : le groupe de bretteurs encapuchonnés, le combat de noyaux de cerise, la mine à la fois souriante et déterminée de Mamie Ben et l'incroyable regard félin et cruel de Rock Ja.



Dans ce sixième tome; Jeff Smith conserve le cap sûr de son intrigue. Comme le lecteur pouvait s'y attendre, Thorn monte en puissance, tout en restant incertaine de ce qu'elle doit faire. Il y a là un thème sous-jacent inattendu : Jeff Smith montre que les jeunes gens (en l'occurrence Thorn, mais aussi Fone) restent en attente des conseils, voire du guidage des anciens (ici Mamie Ben). Il réussit à gérer les différentes factions et leur motivation propres, sans parvenir à s'affranchir d'un récit opposant les bons contre les méchants. Il utilise moins la béquille narrative de Ted le fulgore qui précédemment délivrait la bonne information au bon moment pour pointer les personnages dans la direction dictée par l'intrigue. Le développement des relations émotionnelles entre les personnages reste savoureux.



Du point de vue des personnages qui fournissent l'ancrage émotionnel du récit, Bone perd un peu en intensité par rapport aux 2 tomes précédents. Phoney se retrouve relégué au second plan de manière naturelle du fait de l'intrigue. Il reste le cas particulier de Thorn qui a choisi de prend le taureau par les cornes et d'accepter les responsabilités qui lui échoient. Ce faisant, elle se rapproche de l'idéal héroïque et perd également en épaisseur psychologique. Elle n'en devient pas fade pour autant puisque conformément à son âge encore jeune, elle ne sait littéralement plus à quel saint se vouer, et donc quelle marche suivre.



Le lecteur est content de retrouver ces personnages dont il est devenu familier, et surtout l'humour de Smiley dans une histoire qui devient de plus en plus grave de tome en tome. Il regrette que les 2 rats-garous n'aient pas le droit à une séquence pour alléger l'atmosphère. Il apprécie que le camp des méchants ne soit pas d'un seul tenant et que chaque personnage doit affronter ses propres doutes.
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Bone, tome 5 : Le Seigneur des Marches de l..

Ce tome est le cinquième dans une histoire complète en 9 neufs tomes. Il faut donc avoir commencé la lecture avec le premier tome Out from Boneville. Jeff Smith est le créateur de la série, dont il a scénarisé, dessiné et encré les 9 tomes. Cette édition bénéficie d'une mise en couleurs pertinente et intelligente, réalisée par Steve Hamacker.



Dans le tome précédent, Fone et Smiley Bone avaient décidé de quitter le village de Barrelhaven pour rendre sa liberté au bébé rat-garou que Smiley prénomme Bartleby (en hommage à une nouvelle d'Herman Mellville). Dans les bois, le trio se retrouve face aux 2 rats-garous déjà rencontrés à maintes reprises. Ils réussissent à leur échapper et poursuivent leur chemin jusque dans une montagne rocailleuse et escarpée, où ils se retrouvent face à Rock Ja, un lion énorme. Ce dernier souhaite connaître leur allégeance avant de décider leur sort.



Dans le tome précédent, Jeff Smith avait franchi le pas, en donnant une personnalité complexe à Fone et Phoney, au point de les mettre sur le même plan narratif que les autres êtres humains. Seul Smiley restait unidimensionnel. Au premier abord ce nouveau tome prend le lecteur un peu au dépourvu puisque Smith extrait les 2 héros du milieu des humains pour les faire interagir uniquement avec des animaux dotés de conscience et de la parole. Pour autant cela ne génère pas un nouveau hiatus, car les 2 Bone sont raccord avec ce type de personnages.



Avec ce tome, Jeff Smith atteint son objectif de conteur sur plusieurs niveaux. Pour commencer ses personnages sont toujours aussi charmants et vivaces, tout en étant dépourvus de niaiserie et de mièvrerie. Le trait de Smith est toujours aussi alerte, transcrivant avec une force de conviction peu commune les sentiments et l'état d'esprit des personnages. D'une manière remarquable, il donne une présence impressionnante à la ribambelle de petits animaux qui interagissent avec les Bone. En particulier, les opossums et Roderick sont à craquer, sans être nunuches. Ils retiennent leur côté enfantin, leur esprit d'initiative, leur entrain, leur personnalité d'enfants. À l'opposé, Rock Ja dispose d'une apparence et d'expressions des plus suaves qui transcrivent son sentiment de supériorité et sa cruauté féline.



Les 2 rats-garous et les 2 Bone bénéficient d'une expressivité d'un niveau irrésistible. Dans ce contexte narratif d'une grande cohérence, leurs mimiques et leur langage corporel présentent une force et une justesse, permettant d'exprimer des nuances mesurées, qui reflètent chaque particularité de leur personnalité. Dans le tome précédent, Bone a perdu son innocence, et il continue d'acquérir de l'épaisseur. Smiley reste le faire-valoir comique de la série (avec les 2 rats-garous) suscitant de francs sourires chez le lecteur (impossible de résister au comique visuel de situation quand il écarte les mâchoires d'un rat-garou pour vérifier qu'il n'a pas encore bouloté un petit animal). Jeff Smith n'a rien perdu de son humour qui utilise différents registres de comique. Même les gags récurrents conservent leur impact, qu'i s'agisse de la quiche (avec une nouvelle variation introduite par les opossums) ou du caractère soporifique de la lecture à haute voix de Moby Dick d'Herman Melville, ou encore des poèmes écrits par Fone.



Avec ce tome qui constitue le milieu de la série, Jeff Smith continue de donner de l'ampleur à son intrigue. Le lecteur en prend particulièrement conscience quand il intègre une histoire des origines, découlant des soubresauts de la reine des dragons. Il développe également un autre thème qui n'avait qu'effleuré jusqu'alors : celui des rêves, avec la perception du bourdonnement de la Terre. Il commence également à resserrer les liens entre les différentes intrigues secondaires, que ce soient avec le rôle des sauterelles (le lecteur se rappelle que les 3 Bone avaient dû en affronter une nuée au début du premier tome), avec la légende du Bone porteur de l'étoile, ou encore avec l'amulette de Thorn qui révèle son pouvoir à point nommé. Ainsi Jeff Smith réussit également à maintenir le lecteur en haleine quant à ce qui se trame vraiment.



À un autre niveau de lecture, il apparaît que l'auteur commence également à creuser des situations et des notions épineuses. Au détour d'une conversation entre les 2 rats-garous, l'un d'eux explique à l'autre (page 74) que justement ce qui définit les monstres c'est qu'ils ne se contrôlent pas. Il s'agit d'un point de vue intéressant sur la nature de la monstruosité, abordée d'un côté social. L'individu qualifie quelqu'un de monstre quand il estime qu'il ne se contrôle pas. Le dilemme que pose le bébé rat-garou aux Bone illustre le tiraillement entre la nature et la culture (ou l'inné et l'acquis) chez l'individu. Ce bébé rat-garou peut-il vraiment s'intégrer auprès des Bone, est-il vraiment possible d'influer sur sa nature ?



Toujours plus épineux, Jeff Smith met ses personnages dans une situation où ils se retrouvent contraints de collaborer entre eux pour pouvoir se sortir d'une situation dangereuse. Dans un premier temps, le lecteur a l'impression de se retrouver plongé dans un dessin animé pour la jeunesse, pétri d'une morale judéo-chrétienne, où les valeurs sont intégrées de manière forcée. Smith rend cette séquence plus intéressante en contraignant des enfants à collaborer avec les meurtriers de leurs parents. Cette séquence contraint également le lecteur à s'interroger sur les limites de la seconde chance, sur la notion de vengeance (et à quel prix), et ses propres valeurs (jusqu'à quel point est-il possible de pardonner ?).



Avec ce cinquième tome, Jeff Smith épate le lecteur avec sa dextérité pour raconter une histoire à base d'animaux mignons qui parlent, sans trace de mièvrerie, et avec plusieurs niveaux de lectures, jusqu'à s'aventurer sur des questions morales sans réponse facile.
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Bone, Tome 4 : Le Pourfendeur de Dragons

Ce tome est le quatrième dans une histoire complète en 9 neufs tomes. Il faut donc avoir commencé la lecture avec le premier tome Out from Boneville. Jeff Smith est le créateur de la série, dont il a scénarisé, dessiné et encré les 9 tomes. Cette édition bénéficie d'une mise en couleurs pertinente et intelligente, réalisée par Steve Hamacker.



Lentement mais sûrement, Phoney Bone gagne du terrain sur Lucius Down (le propriétaire de la taverne) en termes de vente aux clients. Il utilise une rhétorique pernicieuse à base de démagogie, jouant sur les angoisses latentes des villageois (à commencer par leur peur des dragons). Lucius Down éprouve de plus en plus de difficulté à supporter sa malhonnêteté intellectuelle.



À la ferme, Mamie Ben a réussi à convaincre Fone Bone et Thorn Harvestar de la nécessité de partir immédiatement pour rejoindre le village, avant d'être rattrapés par les créatures rats. En cours de route, elle est prise de vertiges causés par sa capacité à percevoir l'approche de dangers de grande ampleur.



Dans ce tome, les personnages arrivent à maturation. Le comportement et les actions des Bone finissent par les intégrer parmi les personnages humains de la série. Cela commence avec Phoney Bone. Jeff Smith le dépeint comme un individu foncièrement cupide. Déjà dans les tomes précédents, Phoney Bone n'hésitait pas à recourir au mensonge pour arriver à ses fins et tenter de s'enrichir rapidement (l'organisation des paris sur la course de vaches), mais cet aspect servait essentiellement de ressort comique. Ici, Phoney se conduit en capitaliste irresponsable, sans foi ni loi, n'ayant à l'esprit que l'appât du gain, sans se soucier aucunement des conséquences.



Ses actions malhonnêtes et moralement inacceptables rendent Phoney antipathique et même détestable. Il n'y a aucun élément rédempteur qui pourrait l'excuser. De la même manière, lorsque le lecteur voit Fone Bone en train de saigner de la tête suite à une blessure, il prend conscience que Jeff Smith est en train de traiter son personnage comme les autres, un être mortel de chair et de sang. Il n'y a plus que Smiley Bone qui reste à l'état de simple faire valoir comique, fort efficace soit dit en passant.



Tout au long de ce tome, Jeff Smith développe le personnage de Phoney Bone, dont les agissements conditionnent la vie des habitants du village. Il se révèle donc être un fin manipulateur, sachant dresser un portrait de la situation qui joue sur les peurs des habitants, leur besoin d'être rassuré, leur crédulité, etc. Bref il flatte certains des bas instincts de l'être humain pour en tirer profit. Le lecteur peut reconnaître Cerebus dans ce portrait peu flatteur de Phoney Bone, en homme politique guidé par son propre intérêt, disposant d'une capacité impressionnante à manipuler les foules (voir High Society). Ce rapprochement est rendu d'autant plus probable qu'à l'époque de la parution de cette bande dessinée, Jeff Smith et Dave Sim (le créateur de Cerebus) travaillaient de concert à la promotion de l'autoédition dans le monde des comics.



Phoney et Fone Bone ainsi rattachés au reste des personnages humains, le lecteur n'éprouve plus cette sensation d'innocuité les concernant, et commence à prendre au sérieux les périls puisqu'il a pu constater que même les Bone sont susceptibles de souffrir au même titre que les humains. Jeff Smith poursuit de développer son intrigue avec un rythme en apparence tranquille, mais en réalité soutenu (il suffit de se faire un résumé mental en fin de tome pour s'apercevoir du chemin parcouru).



D'un côté, Smith reste sur une dichotomie traditionnelle Bien / Mal (les Bones, Thorn et Mamie Ben d'un côté, de l'autre les créatures rats, Kingdok, le serviteur du seigneur des locustes) ; de l'autre dans chaque camp les individus ont des motivations complexes, des sentiments contradictoires. Ainsi Mamie Ben et Lucius Down ont caché la vérité à Thorn et aux villageois pour des raisons qui restent en majeure partie à découvrir. Les 2 créatures rats incompétentes sont toujours aussi pleutres, pas très futées, et pourtant assez finaudes pour survivre. Même le serviteur du seigneur des locustes éprouve des sentiments dans lesquels le lecteur peut se reconnaître pour partie (la jalousie, la peur de la solitude).



Si l'opposition entre les 2 factions en lice reste basique, la personnalité des uns et des autres apporte un degré de complexité au récit. De la même manière, Jeff Smith dose avec habilité les limites des héros. Certes le récit exige que ces derniers se heurtent à des obstacles significatifs pour maintenir le suspense, mais en plus ils sont régulièrement faillibles, et même dépassés par les événements. Même quand ils marquent un point (l'un d'entre eux coupant le bras d'un méchant), ils n'ont pas idée des conséquences.



Tout en devenant plus complexes, les Bone n'ont rien perdu de leur expressivité. Chacune de leur apparition reste toujours un régal visuel d'exagérations qui font passer leurs émotions avec une force peu commune, associant le lecteur dans un grand élan d'empathie irrépressible. Dans le même ordre d'idée, les créatures rats sont tout aussi expressives et mignonnes dans leur détresse, s'inquiétant de ne pas être à la hauteur et du châtiment à venir.



De séquence en séquence, le lecteur apprécie également quelques mises en scène réussies, comme l'atmosphère enfumée de la taverne, la double page consacrée à la perspective sur le village vu depuis la forêt, la table de banquet que s'est fait servir Phoney dans les appartements de Lucius Down, le garde à manger dans lequel Fone vient piquer pour nourrir sa créature rat, les bois désolé dans lesquels Thorn se retrouve, ou encore le piège à dragon, tendu au col de la montagne.



Néanmoins Jeff Smith scénariste donne l'impression de ne pas s'être assez concerté avec Jeff Smith le dessinateur à plusieurs reprises. Ce tome comprend beaucoup de discussions à 2 ou à 3 qui sont particulièrement statiques, les personnages restant au même endroit, sans presque bouger. Même leur langage corporel n'est pas très développé. Dans ces moments là, le lecteur se dit que Jeff Smith aurait pu concevoir une mise en scène plus vivante, moins artificielle, plus adaptée à la bande dessinée.



De la même manière, le retour de Ted le fulgore sent un peu l'artifice narratif parachuté pour pouvoir dérouler le scénario comme prévu. Ce petit insecte apparaît à point nommé pour rapporter les informations comme ça arrange le scénariste. Enfin, à l'issue de ce tome, le lecteur peut s'interroger sur la place dévolue aux femmes du village, qui n'ont pas le droit d'accès à la taverne, et qui n'apparaissent que rarement, tout juste des figurants indistincts dans les scènes de foule.



Malgré ces 2 défauts, ce quatrième tome marque une étape décisive dans l'évolution de la narration en réussissant à mettre sur le même plan les Bone (Phoney et Fone) et le reste des personnages. La logique interne du récit s'en trouve renforcée, et les enjeux de l'intrigue s'appliquent alors également aux Bone, trouvant toute leur portée.
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Bone, tome 3 : L'oeil de la tempête

Il s'agit du troisième tome d'une série complète en 9 tomes. Il faut absolument avoir commencé par le premier. Le scénario, les dessins et l'encrage sont de Jeff Smith. La présente édition a bénéficié d'une mise en couleurs réalisée par Steve Hamaker.



Fone Bone continue de faire la lecture de Moby Dick à Thorn Harvestar (qui a appris à faire semblant de l'écouter en pensant à autre chose). Ils sont interrompus par madame Possum qui leur apporte de quoi assurer l'étanchéité du toit de la ferme de Mamie Ben. Phoney et Smiley passent par le même endroit pour aller jouer la sérénade aux poules afin qu'elles pondent plus vite.



Les créatures rats peureuses continuent de se cacher, mais Kingdok les retrouve et sa réaction est pour le moins inattendue. Pendant la nuit, Thorn et Fone font des rêves étranges chacun de leur côté. Le lendemain, Lucius Down emmène Phoney et Smiley vers le village, pendant que Mamie Ben, Thorn et Fone cheminent dans les bois. Une pluie torrentielle se met à tomber.



La première sensation est celle du confort et même du réconfort. Le lecteur retrouve avec plaisir ces personnages au caractère bien établi, à l'apparence simple et très expressive pour les 3 Bone, leurs interactions chaleureuses et ces scènes comiques à la gentillesse irrésistible. À ce titre la séquence d'ouverture est très réussie. Fone Bone essaye de communiquer sa passion pour Moby Dick, alors que Thorn se contente de l'écouter comme un bruit de fond. Fone reste entier dans son enthousiasme pour l'œuvre, Thorn l'assure de sa présence lui fournissant un auditoire, sans vraiment prêter attention, mais sans se moquer non plus. Les expressions exagérés de Smiley et Phoney sont à la fois comiques et d'une telle justesse que l'empathie avec leurs émotions est immédiate, pleine et entière. Les gags visuels s'insèrent de manière naturelle, sans forcer.



Tout au long du récit, le lecteur se délectera ainsi de ces moments de connivences, d'amitié, et de comédie. De surcroît, Jeff Smith fait preuve d'une belle inventivité visuelle. Certes, certaines séquences de dialogues se reposent presqu'exclusivement sur les personnages en train de parler, sur un arrière plan squelettique (de nuit dans une grange, ou par une nuit noire sous la pluie). Mais à côté de ces scènes (très vivantes quand même grâce aux visages), Smith réalise également des mises en scène qui utilisent toutes les possibilités de la bande dessinée, que ce soit de manière débridée (la séquence de rêve de Bone en pirate) ou en retenue (le dialogue des 2 créatures rats dans leur fossé). Il utilise aussi des éléments graphiques très particuliers (par exemple les petits cœurs roses autour d'un personnage enamouré), mais uniquement pour rehausser l'expressivité, jamais comme raccourci pour masquer un manque de savoir faire.



Lorsque les 3 Bone sont réunis (par exemple quand Smiley et Phoney taquinent Fone pour ses poèmes), le lecteur a l'impression que la scène s'écrit toute seule, tellement chaque trait participe à l'harmonie du tout. Smiley Bone montre une certaine tendance à voler la vedette à tous les autres personnages, chaque fois qu'il apparaît. Fidèle à son point de départ, Smith continue d'écrire les 3 Bone comme des individus au caractère entier. Ainsi Smiley sert de ressort comique, de bouffon. Même dans les situations délicates, il continue d'arborer un franc sourire et de faire des pitreries (il faut le voir chevaucher sa guitare).



Du coup le lecteur en vient presque à regretter que Jeff Smith tienne absolument à développer son intrigue plutôt que de s'en tenir à ces moments de grâce. Pourtant l'auteur a posé de solides fondations pour que les différentes péripéties et révélations participent naturellement au récit, que ce soit les révélations concernant Thorn, l'apparition du serviteur du seigneur des locustes, ou le pari saugrenu concernant le bar de Lucius Down. La narration de Jeff Smith conserve son caractère confortable, en ce sens que le lecteur a le temps d'apprécier les moments de calme auprès des personnages, d'autant plus qu'à ces occasions ces derniers prennent de l'épaisseur psychologique. Le lecteur ne se sent pas pressé par l'action, et il l'apprécie d'autant plus quand elle vient accélérer le rythme de la lecture. Smith conçoit avec intelligence ces séquences mouvementées, agissant avec adresse sur l'accélération du temps, et sur les cadrages.



Pourtant la dichotomie liée aux Bone demeure. D'un côté ses personnages sont immédiatement attachants, avec un fort potentiel comique savamment exploité. De l'autre, le choix de Jeff Smith de forcer leur trait de caractère est à double tranchant. Ces Bone se comportent comme des enfants, ou des grands enfants, ce qui leur confère une forme de pureté les rendant encore plus attachants. Ces caractères entiers et leur apparence épurée les mettent à part du monde des adultes. Le savoir-faire de Jeff Smith lui permet de les intégrer sans solution de continuité au reste de leur environnement (lieux et personnages) qui sont représentés de manière plus réaliste.



Néanmoins Smith montre de manière claire par la morphologie des Bone qu'il s'agit d'êtres qui n'appartiennent pas à la race humaine. De la même manière leur comportement infantile implique qu'il ne s'agit pas d'adultes. Ces 2 caractéristiques conduisent le lecteur à conclure que l'amour que Bone porte à Thorn relève plus de la passion d'enfant, que d'un sentiment adulte, et qu'il ne pourra pas aboutir à une relation sérieuse. L'emploi comique de Smiley et Phoney dédramatise chaque situation dangereuse puisqu'il s'agit des personnages principaux et que leur rôle induit que le lecteur ne les prenne pas au sérieux, ne les assimile pas à de vrais personnages.



Du coup, en fonction de son âge, le lecteur pourra éprouver une forme de distanciation vis-à-vis des personnages (ce qui ne nuit pas à son ressenti vis-à-vis d'eux) qui diminuera sa capacité à prendre l'intrigue au sérieux, à s'y impliquer. Par exemple, il est difficile de consentir un niveau suffisant de suspension d'incrédulité, pour accepter que Lucius Down souffre réellement des conséquences de son pari quant à la propriété de son bar. Ce léger détachement est encore accentué par le caractère irrémédiablement méchant des individus qui s'opposent aux gentils Bone et à leurs amis.
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Rasl, tome 3 : Romance at the Speed of Light

Ce tome fait suite à The fire of St. George (épisodes 4 à 7). Il comprend les épisodes 8 à 11, initialement parus en 2010/2011, écrits dessinés et encrés par Jeff Smith. Ce tome est en noir & blanc. Il existe une édition intégrale (épisodes 1 à 15) en couleurs. L'histoire s'achève dans The lost journals of Nikola Tesla (épisodes 12 à 15).



Ce tome, comme les autres, s'ouvre avec une citation de Nikola Tesla : "Nos vertus et nos échecs sont indissociables, à l'instar des forces et de la matière. Quand ils se séparent, l'homme n'est plus". La première scène ramène le lecteur dans le passé, alors que Robert Joseph Johnson (RASL) fait comprendre à Maya Riley que son mari a compris la nature de leurs relations. De retour dans le présent, Johnson (un coquard conséquent autour de l'œil gauche) s'aperçoit qu'il est suivi par une petite fille pied nu, la bouche ouverte, et les yeux trahissant une déficience mentale. Elle le tire par la manche pour qu'il découvre son tatouage sur le biceps gauche (l'inscription "Maya") et trace un diagramme de 2 terres entrelacées dans le sol. Dans le dos de RASL, surgit le Président de la Rue (un clochard apparu dans l'épisode 3) qui lui explique qu'il entend des voix dans sa tête et que la jeune fille à l'air débile est Dieu. Il reste peu de temps à Johnson pour respecter les termes de l'ultimatum de la supérieure de Salvador Crow.



Le tome 2 annonçait la couleur en termes d'anticipation, avec un soupçon de conspiration, en échafaudant des hypothèses chimériques sur les derniers travaux de Nikola Tesla. Ce tome 3 enfonce encore le clou avec la participation de ces 2 personnages improbables, la jeune fille et le clochard. Non seulement leur apparence dénote, mais en plus ils effectuent des actions ou tiennent des propos qui prouvent qu'ils disposent d'informations et de connaissances capables de déstabiliser Johnson. Alors que le lecteur pensait avoir vu tous les principaux personnages, il découvre que Smith introduit quelques éléments supplémentaires qui infléchissent la tonalité générale du récit, en accentuant les bizarreries.



L'ultimatum concernant les écrits de Tesla semble oublié ou en suspens, Johnson rendant visite à plusieurs personnes. Jeff Smith surprend à nouveau le lecteur en étoffant la relation de son personnage principal avec plusieurs autres, à commencer par Maya et Uma Giles. Tout en restant dans le registre roman noir avec un personnage principal dur à cuire peu bavard, prêt à se battre avec ses poings et faisant preuve d'une détermination peu commune malgré sa poisse, Jeff Smith dévoile un autre aspect de ses pérégrinations, en consacrant une séquence où la personnalité de Maya Riley transparaît, puis une autre dans laquelle Uma Giles révèle une personnalité complexe et attachante. Sans se reposer sur le stéréotype de la garce, Smith accorde une épaisseur inattendue aux personnages secondaires dont la présence ne semblait jusqu'alors que destinée à nourrir l'intrigue.



D'une certaine manière, dans cette troisième partie, Jeff Smith semble prendre un malin plaisir à ne pas donner au lecteur ce qu'il attend, à proposer quelque chose de plus par rapport à cette forme de course-poursuite d'une dimension à l'autre qui constituait jusqu'alors le ressort principal de l'intrigue.



Avec ce tome, Jeff Smith donne l'impression de s'écarter encore plus du style graphique qui a fait sa renommée sur Bone. Le premier élément graphique qui frappe l'imagination est le visage tuméfié de Johnson. Il a l'œil gauche à moitié fermé, une grosse ecchymose sous l'œil, des sortes de griffures sur la peau du visage. Sans tomber dans le cliché du gros dur à cuire, le lecteur ressent pleinement qu'il a souffert physiquement et qu'il en porte les stigmates. Avec sa chevelure hirsute, voilà un personnage principal peu reluisant. Tout aussi déconcertant et encore plus dérangeant, le visage de la jeune fille (celle qui figure en couverture) ne prête pas à sourire, et introduit un malaise sourd et persistant, avec son strabisme divergent et sa lèvre inférieure pendante. Smith est tout aussi à l'aise pour dessiner des visages purs et angéliques aux personnages féminins, en leur donnant des expressions qui ne laisse aucun doute quant à leur roublardise (surtout Maya Riley). Dans ces épisodes, les personnages s'incarnent au-delà des simples dispositifs narratifs qu'ils étaient jusqu'alors.



Les décors et les arrières plans semblent perdre un peu en consistance par rapport aux épisodes précédents. Alors que la scène d'ouverture dans le désert du premier épisode était magnifique et très immersive, les décors des séquences se déroulant dans le désert sont dessinés à gros traits, sans détail. Si le lecteur peut toujours se projeter dans chaque lieu, ils ont perdu en niveau de détail et en texture. Sans être catastrophique, cela fait un peu baisser l'intensité de la lecture. Smith se montre plus inspiré dans l'interprétation graphique du mythe des origines, version amérindienne en début d'épisode 8.



Avec cette troisième partie, Jeff Smith surprend son lecteur en continuant à développer ses personnages et son intrigue selon un axe inattendu. L'empathie augmente d'intensité, le suspense du thriller ne faiblit pas et bien malin qui pourra anticiper le dénouement. Par contre cette bifurcation dans la narration peut déconcerter, ainsi que les environnements peu développés.
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