Ce tome est le dernier dans une histoire complète en 9 neufs tomes. Il faut donc avoir commencé la lecture avec le premier tome Out from
Boneville.
Jeff Smith est le créateur de la série, dont il a scénarisé, dessiné et encré les 9 tomes. Cette édition bénéficie d'une mise en couleurs pertinente et intelligente, réalisée par Steve Hamacker.
À Atheia,
Bone et Thorn croupissent dans une geôle, avec des fers au pied. Sur les remparts, Mamie Ben parlemente avec les soldats de l'ordre du Veni Yan, tout en observant l'avancée de l'armée de Sans-Visage. En bas des remparts, le seigneur Tarsil tente de parlementer avec Sans-Visage et sa horde de rats-garous, tout en restant à la tête des Vedu (un groupe séparatiste des Veni Yan).
Comme il s'agit du dernier tome de la série, le lecteur attend une fin en bonne et due forme, que
Jeff Smith réalise en 210 pages, avec un bel épilogue. Bien évidemment, le lecteur a l'occasion de revoir une dernière fois tous les principaux personnages, y compris les 2 rats-garous pleutres. L'intrigue principale bénéficie d'une résolution claire et nette qui n'appelle pas de suite.
Jeff Smith a décidé de terminer son récit en mode action : il s'agit d'un grand finale, plein de bruit et de fureur. le lecteur n'est pas déçu car l'intrigue tient ses promesses : révélation sur la nature de a couronne d'aiguille, découverte du trésor caché par Tarsil, et bien d'autres surprises. Il y a donc un peu moins de place pour la personnalité de chaque protagoniste. Fone
Bone repasse en mode héros, mais son joli corps tout blanc porte la marque des coups qui ne guérissent pas d'une page à l'autre. Thorn est également en mode héroïne prête à sacrifier beaucoup pour le bien de tout le monde. Smith se montre un peu plus nuancé dans le comportement de Phoney
Bone dont la cupidité ressort avec force (en cohérence avec son caractère tel que constaté dans les tomes précédents), ou encore dans celui de Smiley
Bone toujours aussi souriant et décidé.
Les scènes d'action sont rapides et spectaculaires à souhait, avec un bon niveau d'arrières plans pour permettre une immersion satisfaisante. Smith sait aussi bien représenter une armée de grande ampleur, qu'une avancée périlleuse dans les arches de cavernes souterraines. Il aurait pu mieux doser la résistance à la douleur d'un personnage dont la jambe est transpercée, sans qu'il ne perde connaissance ou que la souffrance ne devienne insupportable. Lors d'une autre séquence, un personnage se découvre une capacité de vol autonome bien pratique pour franchir un obstacle, capacité perdue dès la séquence suivante où pourtant elle aurait également bien servi. Cela reste 2 défauts mineurs.
Jeff Smith a donc encore quelques surprises dans sa manche, telle l'arrivée d'un sorcier bien sympathique appelé Mermie. Sans dévoiler son rôle, ce personnage a une apparence bonhomme et presqu'inoffensive qui atténue un peu la gravité de la situation. En y prêtant attention, le lecteur remarque d'autres pointes d'humour à des moments inattendus (en particulier la tête ahurie de Sans-Visage lors d'une explosion massive (page 65). Ces moments font baisser la tension dramatique du récit, en étant parfois à contretemps du récit. Toutefois, Smith est toujours aussi efficace avec un humour gentil et drôle, irrésistible. Ainsi il réutilise par 2 fois la blague récurrente de la quiche, de 2 manières différentes et parfaites.
L'épilogue compte une trentaine de pages permettant à Smith de montrer les conséquences de la bataille finale, et d'apporter une forme de résolution aux relations entre les personnages, à la fois teintée de tristesse et d'expectative pour un nouveau départ.
Ce dernier tome dépasse les attentes du lecteur, tout en les comblant. Il y a bien une succession de scènes spectaculaires et de grandes batailles, sans qu'il soit possible de prévoir leur nature. Il y a bien une prédominance de l'action et du grand spectacle, sans que la personnalité des uns et des autres ne soit oubliée. Il y a bien de nombreuses réponses d'apportées, sans que tout soit expliqué de manière détaillée (le lecteur aurait pu espérer un éclaircissement sur la nature du monde des rêves). Il reste également des îlots d'humour toujours aussi sensible et drôle, même s'ils sont parfois à contretemps.
Cette série en 9 tomes constitue un conte plutôt pour enfant, sur fond dans le genre "Sword & Fantasy". Tout en respectant les codes en vigueur dans ce genre de récit (combat à l'épée, dragons, un soupçon de magie, un environnement moyenâgeux),
Jeff Smith les assimile pour mieux les faire siens. Les personnages principaux se partagent en 2 groupes : d'un côté 2 femmes (ce qui dénote fortement par rapport à ce type de littérature plutôt pour adolescent mâle), de l'autre 3 individus aux traits simples. le lecteur prend un grand plaisir à voir les êtres humains normaux essayer de se dépatouiller dans une situation complexe prenant ses racines plusieurs générations auparavant. Il prend un plaisir encore plus grand à voir évoluer les 3
Bone, aux expressions et mimiques aussi drôles qu'épatantes. En fonction des mouvements du récit, ces protagonistes disposent de plus ou moins de personnalité, ce qui affadit certaines séquences. Il est possible aussi de regretter que les références à Moby Dick restent à l'état de dispositif comique, sans réelle profondeur.
Pour les lecteurs qui restent sur leur faim, ils peuvent encore se plonger dans Rose écrit par
Jeff Smith et magnifiquement illustré par
Charles Vess, revenant sur la jeunesse de Mamie Ben, et dans Tall Tales écrit par
Tom Sniegoski et dessiné par
Jeff Smith, les aventures de Big Johnson
Bone.