1945, la Mandchourie est occupée par les japonnais et les russes ne sont pas très loin.
Un livre chorale, autour de deux personnages principaux, pas facile à raconter tant il fourmille de récits, d’anecdotes.
Chen, chinois, cuisinier, ne se sépare jamais de son couteau ni du billot hérités de son père. D’ailleurs, l’histoire de ce billot est très particulière. Chez cet homme, la cuisine n’est pas la préparation des repas, c’est beaucoup plus que cela, c’est sa vie. D’obédience communiste, il voue une haine farouche envers les japonnais qui occupe la Mandchourie.
Yamado Otozô, commandant en chef de l’armée qui occupe la Mandchourie est, dans le civil, professeur de littérature. Lui, adore la cuisine du côté table, mais attention, du raffiné. Cet homme cache une cruauté dure, fine et jouissive
A eux deux, nous avons le ventre et la tête, les deux cerveaux qui règnent sur nos êtres.
A cela, il convient d’ajouter Kilsun, jeune femme coréenne, femme de Chen, arrivée ici pour y retrouver son frère. Kidnappée par les japonnais, elle a servi de délassements aux soldats et violée continuellement. Chen a pu l’en sortir et l’a épousée. Pourtant par un subtil jeu de hasard, elle se retrouve captive de Yamada Otozô qui joue, là, une partition très subtile, et cruelle, car il sait qui est Kilsun. Quant à elle, ce n’est pas seulement les japonais qu’elle veut détruire « J’ai simplement envie de détruire le monde des hommes de mes propres mains. Qu’importe ma cible. »
Un jeu cruel du chat et la souris entre deux esthètes de la cuisine. Otozô a gracié Chen, qui a tenté d’empoisonner les japonnais) mais lui a coupé la moitié de la langue, lui laissant le reste pour qu’il puisse goûter les mets commandés par le japonnais et qu’il prépare. A chaque repas, Chen, joue sa vie.
A travers sa cuisine, ses mœurs, la lutte contre l’impérialisme japonnais, l’auteur parle d’un pays qui se verra coupé en deux. Un pays, un peuple humiliés qui se bat avec ses armes. La cuisine est une métaphore de l’art cruel de la guerre
La cuisine comme l’un des grands arts, raffinement des mets et de la cruauté. Le couteau sert à préparer les mets mais aussi à couper la langue du cuisinier et le sabre à tuer.
Jeong-Hyun Kwon a le sens du raffinement, du détail qui attire l’œil, sans ostentation avec force de détails, comme la cuisine de Chen. L’écriture alerte donne un rythme vif au livre et la traduction donne à voir la finesse, l’ambiguïté, le double sens.
Une nouvelle très belle découverte des éditions Picquier qui m’ont ouvert, à travers les livres lus, l’horizon de la littérature asiatique
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