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Critiques de Jeroen Olyslaegers (49)
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Trouble

"Trouble" est le passé de Wilfried Wils. Aujourd'hui vieillard d'âge canonique, il se raconte dans des mémoires qu'il destine à son arrière-petit-fils. Remontant aux prémices de la Deuxième Guerre mondiale, il déroule le fil de l'Occupation à Anvers, sa ville, celle du diamant et d'une importante communauté juive. En ce temps-là, Wil a tout juste 20 ans, et pas de conscience politique ni même morale. Il veut juste échapper au travail obligatoire en Allemagne, alors il s'engage comme auxiliaire de police. C'est sous cet uniforme qu'il vivra la mise en place de la réglementation anti-juive, le racisme, les dénonciations, les lynchages, les arrestations. Choisit-il un camp ? Non, jamais. Il louvoie sans arrêt entre son ami Lode, lui aussi policier, qui prendra le parti des résistants, et Barbiche Teigneuse, son maître à penser germanophile, collabo à peine masqué. Pourquoi ne choisit-il pas son camp ? C'est moins clair. le Wilfried d'aujourd'hui vous répond que son seul but était de survivre à cette période terrible. Mais le Wil d'alors poursuivait-il consciemment cet objectif ? A la lecture, on a plutôt l'impression que le jeune homme est terriblement passif, exécute les missions qui lui sont confiées de part et d'autre sans jamais les avoir acceptées ou refusées clairement, et qu'il joue presque malgré lui un rôle d'agent double. Agir, s'abstenir, parler, se taire, Wilfried semble ne décider de rien et se laisser porter par le courant plus ou moins nauséabond d'un opportunisme cynique. Mais tout cela est très ambigu et flou, difficile de savoir si les confessions de l'arrière-grand-père sont sincères (voire lucides), ni s'il porte une quelconque responsabilité dans les événements qu'il relate. Toujours est-il que son pseudo "non choix" se rappellera douloureusement à lui des années plus tard.

Double jeu, dualité, dédoublement… Non content d'osciller entre collaboration et résistance, Wil, qui aspire désespérément au retour de la normalité, doute vaguement de son identité sexuelle et doit aussi se coltiner son alter ego, sa part d'ombre : Angelo, sa voix intérieure impétueuse et sarcastique, qui lui dicte les obscurs poèmes que Wil finira par publier après-guerre sous le titre "Confessions d'un comédien". Ambigu, vous avez dit ambigu ?

"Trouble" est une sorte de Chagrin d'Anvers qui nous fait plonger dans l'histoire sombre et peu glorieuse de la ville, et surtout de son administration et de sa police, à la botte de l'Occupant. Une fresque un peu brueghelienne, dans laquelle des personnages caricaturaux et rarement sympathiques se trouvent, à l'image de Margot la Folle (Dulle Griet, tableau évoqué à plusieurs reprises dans le livre), dans des situations monstrueuses sans savoir s'ils les ont provoquées ou simplement acceptées. Malgré des longueurs, une surabondance de noms de rues et une narration non chronologique, les pièces du puzzle apparues dans le désordre finissent par s'imbriquer peu à peu. Il y aurait encore beaucoup à dire de ce roman riche et complexe, mais j'en retiens que le Bien, le Mal, le choix ou son absence, la responsabilité, la culpabilité et la très inconfortable question du "qu'aurais-je fait à leur place ?" en sont les sujets, qui résonnent encore aujourd'hui aux oreilles d'une certaine Flandre qui ne s'est pas affranchie de son passé.

En partenariat avec les éditions Stock via Netgalley.
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Trouble

Je ne débute cette critique que longtemps après avoir lu ce roman.

L’envie m’en est née après en avoir écrit une autre sur Le fracas du temps de Julian Barnes. J’y ai retrouvé un thème commun : qu’aurais-je fait dans cette situation ?



Wilfried, un très vieil homme, se remémore son passé durant la seconde guerre mondiale et écrit ses mémoires à son arrière-petit-fils, c’est un long monologue sans véritable chronologie, et entre-coupé de relation de sa situation actuelle, malade, mouton noir pour sa famille et vivant seul à l’exception des visites de so infirmière.



Anvers en 1940, la ville est occupée par les Allemands et il lui faut peu de temps pour retrouver une vie normale.

Wil, le protagoniste principal, est un véritable anti-héros et un personnage ambigu.



Il se considère comme poète mais pour échapper au travail obligatoire en Allemagne, trouve un emploi à la police d’Anvers.

Il se fiance avec la belle Yvette, dont le frère, Lode, fait également partie de ce corps.

Ses ambitions littéraires sont encouragées par son professeur particulier surnommé barbiche teigneuse.



Ambigu il l’est certes, d’un côté il aide Lode qui est résistant à cacher un juif et lui apporte nourriture et livres et de l’autre, il participe en tant que policier aux grandes rafles de juifs. Il ne prend pas position, il se laisse mener par les événements et tente de survivre.

Barbiche teigneuse, son mentor est quant à lui admiratif des Allemands et hait les juifs.

Tout cela est raconté par lui sans rien cacher.

Il apparaît donc parfois sympathique, mais parfois odieux, son portrait par lui-même est nuancé mais ne tache-t-il pas parfois de plaider en sa faveur ?



On y découvre aussi sa tante, tante Emma, maîtresse d’un officier allemand pendant la guerre et maîtresse d’un Canadien lorsque la guerre est finie.



La ville d’Anvers est un personnage important. Le narrateur nous entraine dans ses rues, en les nommant toutes, il nous décrit ses bars, les Anversois heureux de voir les juifs partir de la ville, le marché noir, la collaboration des autorités avec l’occupant, la situation morale de la ville occupée, le double-jeu mené par certains afin de pouvoir s’en sortir si après la guerre la situation devait se retourner.

Tout le monde prend des libertés avec ses principes.



Ce récit joue le rôle de miroir, et j’ai la certitude que l’auteur l’a voulu ainsi : qu’aurions-nous fait dans ce contexte ?



Le roman a manifestement fait l’objet de recherches historiques, nombre de détails le confirment.

Il se lit facilement et rapidement.

Je l’ai aimé.















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Trouble

Un vieil, Wilfried Wis, raconte à son arrière-petit-fils son histoire : pendant la guerre, voulant fuir le STO, il s’engage dans la police et se retrouve dans une situation inconfortable, traquer ceux qui le fuient aussi, et assister à la complicité des miliciens et collabos en tous genres.



Le roman dénonce l’attitude de la Belgique pendant la guerre, avec les résistants, comme son ami Lode ou sa sœur, Yvette, fille de boucher qui « traficote » ou les nazillons comme le bien nommé Barbiche Teigneuse. On voit les sympathies pro-nazis décomplexés, la haine des Juifs, les bassesses, dans Anvers, la ville des diamantaires …



Victime d’une méningite dans l’enfance, il est resté longtemps dans le coma ; il a dû ensuite tout réapprendre car ne reconnaissait plus ses parents et il en a déduit qu’on lui racontait des histoires et que ce n’était pas sa vraie famille. Il s’est inventé un alter-ego, Angelo, comme une manière schizophrénique, Will, tentant de représenter le Bien et Angelo le Mal…



On va retrouver cette opposition Bien et Mal durant tout le roman, en fait. Anvers dans sa dualité, sur fond de Bruegel, ou citations de Rimbaud, car bien-sûr Will écrit des poèmes !



Jeroen Olyslaegers raconte aussi les réactions de la famille, comment vit-on avec un tel père ? il finira par se fâcher avec toute la famille : son fils est mort, il y aura le décès de sa petite-fille…



Wilfried a choisi de ne pas choisir, de rester neutre, et tout au long de cette longue confession, il cherche à se dédouaner, responsable mais pas coupable… ne pas choisir, c’est aussi regarder faire les autres, donc être complice. On retrouve cette fameuse phrase : « on ne savait pas » !



La question que l’on se pose très vite, en lisant ce roman, est la suivante : est-il sincère dans son récit ? En fait, je ne pense pas, il réécrit l’histoire pour se dédouaner, même s’il veut faire croire que c’est sa mémoire qui lui joue des tours. Je n’ai pas senti de culpabilité, de regret chez lui, ou du moins ça sonne faux.



La première partie est très intéressante car axé sur le récit alors que la deuxième raconte la vie actuelle de Will, victime d’une fracture de hanche et qui n’est pas un patient facile, ce qui augmente le doute concernant son histoire !



J’ai beaucoup aimé ce roman car, à travers le récit de Will, il pose la question éternelle : qu’est-ce qu’on aurait fait ?



Le style de Jeroen Olyslaegers m’a plu, même si parfois le côté décousu de la narration pouvait s’avérer gênante, et je connaissais peu l’Histoire de la Belgique pendant cette guerre qui m’intéresse toujours autant. Le titre de ce roman est très bien choisi !



#Trouble #NetGalleyFrance
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Trouble

Au crépuscule de son existence, Wilfried Wils rédige ses mémoires à l'attention de son arrière-petit-fils. Le vieil homme revient avant tout sur la Seconde Guerre mondiale. Engagé dans la police comme auxiliaire pour se soustraire au S.T.O., il s'est trouvé au coeur des événements tragiques de cette période, en qualité de témoin et parfois d'acteur.



L'histoire se déroule à Anvers, la ville du diamant, qui abrite une communauté juive importante. Rapidement, les Allemands mettent en place des mesures discriminatoires, procèdent à des arrestations arbitraires, des rafles et des déportations. Wilfried Wils va côtoyer les deux camps ennemis : Lode, son ami et collègue, lui présente des résistants qui viennent en aide à un fugitif juif ; son mentor qu'il surnomme Barbiche teigneuse, le met lui en relation avec des collaborateurs. Et voilà notre Wilfried balloté d'un côté à l'autre, comme sans volonté, recruté pour des missions clandestines, sans jamais faire de choix clair. La période est trouble et le jeune homme plein d'ambiguïtés. Même le lecteur peine à déterminer sa part de responsabilité dans les machinations et les trahisons. Il doit se contenter des aveux à demi-mot d'un vieillard écrasé par une culpabilité lancinante.



Il faut dire que le narrateur est animé depuis toujours d'une dualité inquiétante. A l'âge de cinq ans, il a perdu la mémoire après une violente méningite. Il a dû réapprendre son nom et celui de ses parents. Il reste persuadé qu'il s'agissait d'une duperie, qu'on l'a trompé sur sa véritable identité. En son for intérieur, il est Angelo, son moi obscur qu'il dissimule dans ses profondeurs, un alter ego inquiétant, violent, qui parvient parfois à s'imposer et à interrompre la comédie sociale de Wilfried. A Angelo la hargne, la passion , à Wilfried la représentation et la normalité. Angelo s'exprime à travers les poèmes publiés par Wilfried . Ses premiers textes sont d'ailleurs publiés après-guerre dans un premier recueil au titre évocateur : « confession d'un comédien »…



Ce roman m'a dérouté. Cela tient bien sûr à l'ambigüité de son narrateur mais aussi à la structure chaotique de son récit. Ses souvenirs sont évoqués de manière décousue, sans transition. Ce n'est qu'en progressant dans le texte que l'on parvient à situer les personnages et à reconstituer la chronologie des événements. J'ai également eu du mal à me repérer dans la géographie d'Anvers. Jeroen Olyslaegers livre un roman historique peuplé de personnages croqués sous des traits grotesques. Il dresse avec talent le portait de ces salauds ordinaires qui pullulaient sous l'Occupation. Ecrire sur la Seconde guerre mondiale, un sujet traité par les plus grandes plumes, est un pari risqué. Olyslaegers s'en sort avec brio avec un roman traversé de fulgurances et de visions cauchemardesques.





Je remercie les éditions Stock et Netgalley pour ce partage.
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Trouble

Par un long monologue, un arrière-grand-père raconte ses souvenirs dans un récit décousu, redonnant vie et couleurs sépia à Anvers, pendant la seconde guerre mondiale.

Sautant d’un événement à l’autre en brouillant la chronologie, le vieil homme évoque ses origines familiales, son éducation, sa passion pour la poésie, son mariage...

Et surtout son métier de policier, inévitablement aux ordres sous tutelle allemande.



En panorama se dessine la Belgique partagée entre collaboration et résistance, gangrenée par le nationalisme et l’antisémitisme dans une ville riche du savoir-faire des diamantaires juifs.



Si le contexte historique est proche de celui d’un autre pays européen à la même époque, le ton de narration est pour beaucoup dans l'originalité du livre et la personnalité très ambiguë du personnage principal.



Ce vieil homme qui se raconte reste un mystère dans sa duplicité. Spontané, direct, souvent cynique, il donne une vitalité percutante au récit, avec un esprit affûté, sans langue de bois. L’homme apparaît peu sympathique, distant, opportuniste, à la violence souterraine, naviguant à vue (comme une partie de la population d’un pays occupé) en cherchant avant tout à sauver sa peau dans une zone de chaos.



Une approche différente et originale sur l’attitude humaine d’un pays occupé.

Et un écrivain qui nous tient jusqu’à l’étonnant dernier chapitre.

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La femme sauvage

Au XVI eme siècle, Anvers est une ville prospère , arrivée au moment du récit à son apogée , gouvernée par la sœur du roi Philippe d'Espagne et où se côtoient papistes, luthériens et calvinistes dans une tolérance apparente mais superficielle .



Beer est propriétaire de l'Auberge de l'Ange .

C'est un homme marqué par le décès de ses trois femmes et seul l'enfant de la dernière a survécu, Ward .



Dans le début de la première partie, intitulée l'Homme sauvage , le lecteur survole les années brèves des trois mariages de Beer , il se sent maudit mais le visage des mortes s'effacent peu à peu .



"Le remords est la première porte du deuil, ai-je appris, et cette porte s'ouvre sur un couloir long et étroit qui semble interminable et qu'il faut traverser, qu'on le veuille ou non. "



Rapidement, l'histoire dévie sur les fréquentations de l'aubergiste : gens de tout bord politique ou religieux , nobles , philosophes , imprimeurs, libraires et marchands se succèdent et viennent discuter, batailler ou s'épancher . Beer reçoit respectueusement ses hôtes en fonction de leur importance et en premier lieu ceux de la Famille de l'Amour, sorte d'association de notables dont les motivations ne sont pas toujours charitables mais souvent mercantiles.



Circulent également à l'auberge des ouvrages interdits considérés comme blasphématoires .

D'ailleurs il héberge un anglais, John Dee, qui rédige un livre de dialogue direct avec Dieu et les Anges.



La religion et surtout le rapport permanent avec Dieu est omniprésente dans ce roman mais ce n'est en aucune manière du prosélytisme .

Il faut y voir plus le poids des différentes croyances pesant sur les gens de ce siècle avec l'importance des réformes protestantes , en particulier aux Pays Bas et le carcan du catholicisme imposé par les Espagnols.

Il persiste , comme dans d'autres pays et d'autres époques jusqu'à la notre des rites païens , en particulier autour de la fin de l'hiver, et c'est là qu'intervient l'Homme sauvage joué par Beer dans une fête annuelle d'Anvers .



" Pour moi, l'Homme sauvage que je ressuscitais chaque année à la Chandeleur était peut-être même notre véritable forme à tous, le passé immémorial qui nous reliait tous . "



La vie de cette époque est également bien évoquée , avec , en particulier un hiver très rude qui a entrainé une famine et a dévoilé au grand jour la faiblesse des dirigeants, incapables de venir en aide à la population.



La deuxième partie concerne à la fois la révolte des gueux , puis une conspiration comme un vent de folie,balayant tout sur son passage et la mutinerie des troupes espagnoles qui saccagent la ville avec la mort de nombreux habitants et le destin de la Femme sauvage ...



Avant le déferlement des soldats espagnols Beer a déjà quitté la ville et s'est installé à Amsterdam. , ayant tout perdu , ses amis et son honneur abusé par un homme perfide et rusé qui s'est servi de sa naïveté et de sa complaisance .



Il fuit avec la femme "sauvage" ramenée d'une expédition au grand Nord et logée , ou, devrais-je dire emprisonnée , avec sa fille à l'auberge de Beer qui va organiser des visites pour apercevoir ce que la plupart des gens appelle des bêtes jusqu'à ce que Beer se donne la peine de regarder cette femme comme un être humain .



Roman foisonnant tant l'histoire de cette période et de cette ville est dense . C'est richement documenté, jamais ennuyeux même si le récit entremêle parfois différentes époques, il faut juste être attentif .



C'est aussi à travers l'histoire d'un homme, l'aubergiste Beer , une leçon d'humilité , d'amitié et de pardon.



"Pour moi, l'acceptation est quelque chose d'absolu, quelque chose qui doit valoir pour le restant de tes jours. Mais là, près du feu, je me suis rendu compte que ça pouvait se limiter à un instant."



J'ai eu , pendant un long moment l'impression de voyager dans les tableaux du peintre Pierre Bruegel , un visionnaire , qui dans ce roman fréquente l'auberge et entretient des rapports cordiaux avec Beer , cela m'a permis de bien rentrer dans ce siècle en regardant la reproduction de ses toiles .



Je remercie NetGalley et les Éditions Stock

#Lafemmesauvage #NetGalleyFrance
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Trouble

Trouble Jeroen Olyslaegers , Stock, janvier 2019,#Trouble #NetGalleyFrance.

Anvers de nos jours, il neige sur la ville. Un très vieil homme sort marcher, ses bottines d'avant-guerre aux pieds. Il se souvient et commence à raconter sa vie, l'histoire de sa ville. Hiver 1941, il a 20 ans et porte l'uniforme de policier. La ville est occupée par l'armée allemande. La chasse aux juifs a commencé avec l'assentiment de beaucoup .

Il se souvient et ouvre enfin les vannes de sa mémoire.

Bilan réaliste voir surréaliste! Ressentiment , colère, peur, trahison, amour, opportunisme, malheur, et la guerre toujours et encore avec son cortège d'horreurs.

Qui est vraiment Wilfried? quel a été son rôle? a t'il aidé, trahi? Est t'il le salaud que tous craignent et évitent?

Arrivé au bout de sa vie il essaye de faire le bilan. mais est il sincère, se voit il vraiment comme il pense avoir été ou comme il a vraiment été. Ceux qui pourraient le contredire ne sont plus là !

Jeroen Olyslaegers nous livre un roman mémoire, un roman coup de poing intemporel et universel. Il nous met face à l'éternelle question sans réponse et moi qu'aurais-je fait ou que ferais-je si je me retrouvais dans la même situation? Récompensé par le prestigieux prix littéraire belge Fintro ce roman mérite absolument le détour.

Un très grand merci aux éditions Stock pour ce partage.
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Trouble

Trouble, le premier livre traduit en français de l'écrivain flamand Jeroen Olyslaegers est un roman puissant et chaotique qui ressemble à l'époque et à l'endroit qu'il décrit : l'occupation allemande dans la ville diamantaire d'Anvers où vivait une importante communauté juive. L'ouvrage se présente comme un long monologue d'un vieil homme, de nos jours, à destination de son arrière petit-fils où il raconte, plutôt qu'il ne justifie, ses actes durant cette sombre période où les lignes entre collaboration, résistance et neutralité, si tant est que cela ait pu exister, étaient pour le moins floues et sujettes à interprétation, bien des années plus tard. le temps était alors à l'ambigüité, au doute, aux faux-semblants, et pour la plupart des anversois, à la survie. Wilfried, le narrateur, qui n'a peut-être plus toute sa tête, lâche de temps à autres quelque bribes de son histoire et de celle de ses proches après 1944. Durant l'Occupation allemande, Il était insaisissable, un policier aux allures de couleuvre qui se glissait dans tous les milieux, peu décidé à choisir un camp plutôt qu'un autre. Cet univers trouble rappelle un peu celui du Lacombe Lucien de Louis Malle (à la différence que le susdit avait de son côté pris parti, un peu par hasard, d'ailleurs). Trouble est un grand livre exigeant qui orchestre le capharnaüm ambiant avec maestria, quitte à perdre son lecteur parfois, notamment dans ses premières pages. L'atmosphère y est délétère et le cynisme autant que le tempérament dual de son personnage principal, poète à ses heures et soumis à des bouffées de violence éruptive, contribuent à densifier un roman qui alterne moments crus et instants lyriques, dans un style intense qui laisse peu de temps pour souffler. C'est vraisemblablement le livre le plus abouti de Jeroen Olyslaghers dont on serait curieux de lire d'autres récits, ce qui devrait pouvoir se faire si, comme il le mérite, Trouble connait le succès en France.
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Trouble

Un livre troublant, comme l'annonce son titre qui semble référer au contenu du roman et aussi à l'effet produit sur le lecteur ! Dérangeant dès la première page… J'ai mis du temps à le lire, et j'ai laissé passer quelques jours avant d'écrire cette chronique. Dans trois parties de longueurs inégales, un vieil homme parle à la première personne à un interlocuteur absent qu'il interpelle fréquemment tout au long de son récit : « C'est alors, mon garçon, qu'un type comme moi doit sortir, vieux ou pas. » Il nous dira plus tard qu'il écrit ses souvenirs pour son arrière-petit-fils. Il se présente sans fard au début, et on comprend dès la première page qu'il est raciste.



Le récit de ce policier à la retraite navigue entre le présent et le passé, souvenirs d'enfance et d'adolescence parfois, mais surtout souvenirs de l'Occupation d'Anvers pendant la Deuxième Guerre mondiale. Je me suis habituée très vite au fait que présent et passé se télescopent parce que la narration est le plus souvent au présent  Le récit n'adopte pas une chronologie linéaire, mais suit le fil de la pensée, saute du coq-à-l'âne, d'une époque à l'autre. Il en va ainsi de la première anecdote racontée ; elle se situe en janvier 1941, sept mois après l'arrivée des Allemands à Anvers, alors que lui-même, Wilfried Wils (« Ce n'est pas vraiment mon nom, mais ça, je te le raconterai plus tard »), et Lode Metdepenningen sont de tout récents auxiliaires de police. Les jeunes collègues sont recrutés par deux Feldgendarmes pour aller rafler une famille juive, les Lizke, dont le père est un personnage épisodique, mais important, du roman. Les deux Allemands se comportent très brutalement et blessent un des cinq enfants. Lode, bouleversé, prend l'enfant blessé dans ses bras. Un « Feldfritz » sort sa matraque pour frapper le jeune homme, mais Wilfried stoppe son poignet, se révélant alors capable de courage dans le feu de l'action.



Mais le lecteur découvre petit à petit la dualité du personnage, dualité qui prend peut-être racine dans l'enfance : atteint par une méningite à cinq ans, Wilfried se réveille après quatre mois de coma, mais ne se souvient plus de rien, ni de ses parents, ni de son prénom. Il pense s'appeler Angelo et doit tout réapprendre (pages 48 à 50). Son indécision, son inertie, sa passivité viennent-elles de cet événement ? Ne sont-elles pas plutôt le reflet de sa lâcheté et de sa volonté de sortir indemne de cette période si trouble, justement ? Angelo est présenté comme le double cynique et violent d'un Wilfried pas si mauvais que ça ; cet ami imaginaire, ou plutôt cette face sombre de lui-même, prend parfois l'avantage et parfois se contente de ricaner en jugeant sévèrement et à l'aune de sa propre morale les actes ou le refus d'agir de Wilfried. Dualité encore ou duplicité ? Lode Metdepenningen, le meilleur ami (?) et beau-frère de Wilfried est du côté de la Résistance. Mais Felix Verschaffel, son « mentor » en français et en littérature, et en bien d'autres choses…, surnommé Barbiche Teigneuse, affiche pour sa part ses sympathies nazies et se réjouit quand il peut apporter son soutien actif à la cause. Et Wilfried ? il suit l'un ou l'autre, selon les circonstances, se contentant pendant longtemps de laisser passer l'orage. On le sait pourtant capable de violence. Dès le début du livre (p. 44 à 46), il va tenter de noyer le chat de sa femme parce que l'animal lui a filé une puce…



J'ai trouvé ce livre prenant, mais particulièrement dérangeant. le personnage principal apparaît ambigu et antipathique, même si on sent çà et là la volonté, non pas d'être aimé, me semble-t-il, mais d'être compris. Est-ce un parfait salaud ? Il tente de s'en sortir au quotidien, et pour ce faire, il adopte un attentisme assurément prudent, jusqu'à ce que… La distance, parfois le détachement avec lequel Wilfried présente ses souvenirs, la plupart du temps comme le ferait un témoin plutôt qu'un acteur, impose au lecteur une grande réserve, je crois. J'ai l'impression que c'est en partie ce point de vue distant qui m'a ramenée sans cesse à la question : « Et là, dans cette situation précise, qu'aurais-je fait à sa place ? » Impossible de répondre… J'ai regretté cependant que la deuxième partie du roman ne soit pas plus resserrée : les mêmes interrogations reviennent et j'ai eu le sentiment qu'on tournait un peu en rond.
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Trouble

Quand j’ai entendu l’auteur en interview lors de la dernière Foire du livre (qui mettait les Flamands à l’honneur), la journaliste a fait référence à Guerre et térébenthine de Stefan Hertmans. Certes il y a bien le point commun de la relation entre un grand-père (ou arrière-grand-père ici) et son (arrière-)petit-fils mais le point de vue de Jeroen Olyslaegers est radicalement différent. L’aïeul de Stefan Hertmans a combattu toute la première guerre sur le front de l’Yzer, de façon tout à fait patriotique et c’est le petit-fils qui cherche les traces de son grand-père à travers souvenirs de famille et carnets du jeune soldat. Ici c’est l’arrière-grand-père parvenu à un âge avancé qui s’adresse à son arrière-petit-fils qu’il lui est interdit de voir désormais, on comprendra pourquoi au fil de la lecture. Wilfried Wils était policier à Anvers en 1940. Avec le recul, tout le monde sait bien que la police belge a collaboré avec l’occupant nazi notamment dans la traque des Juifs, bien présents à Anvers dans le commerce du diamant. Et donc, avec ce recul, on se dit que Wilfried Wils est un collabo. Mais ce n’est pas si simple et Jeroen Olyslaegers va s’employer de façon magistrale à semer le doute (le trouble) dans la tête de son héros et dans celle de ses lecteurs. Car Wilfried s’adresse directement à son arrière-petit-fils en « tu » et le lecteur est donc confronté d’office aux actes et aux pensées, aux doutes, aux incompréhensions, aux justifications de ce narrateur qui cache au fond de lui son double, un poète bien malmené en ces temps extraordinaires.



Jeroen Olyslaegers a écrit un roman brillant, interpellant, un grand roman qui exhibe un pan de l’histoire belge par le biais de la fiction. Une fiction qui part d’un fait bien réel, un « incident » (que je vous laisse découvrir en lisant) lors de l’arrestation d’une famille juive qui habitait la même rue que l’auteur aujourd’hui et retrouvé aux archives par un de ses amis. Une fiction qui convoque le début de l’Iliade « Chante, ô Muse, le ressentiment… » et Margot la Folle pour expliquer les agissements d’une frange d’Anversois (et donc de Belges) sous l’Occupation. Une fiction qui montre à merveille les zones grises, la frontière souvent poreuse entre résistance et collaboration. Une fiction qui nous interpelle, nous bouscule sur nos choix, nos compromissions, nos motivations profondes. Car, si certaines scènes sont insoutenables, le lecteur peut sans peine s’identifier à Wilfried, c’est le brio de l’auteur, et s’interroger à son tour : qu’aurais-je fait en pareilles circonstances ? Qu’est-ce qui distingue un salaud d’un héros ? Qui sont les vrais salauds ? Qui est vraiment Wilfried ? Autant de questions qui se confrontent à l’actualité belge et qui roulent sous la plume gouleyante de Jeroen Olyslaegers. A souligner aussi, la qualité de la traduction.



Ce sera certainement une des lectures les plus marquantes de ce mois belge et de cette année 2019.
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Trouble

Au soir de sa vie, Wilfried Wils se souvient et recompose de mémoire son existence, et notamment la période sombre de l'occupation. Il avait vingt-deux ans, vivait avec ses parents à Anvers, et était policier, ce qui signifiait participer parfois à des actions qu'il réprouvait, sans pouvoir toutefois s'y soustraire.

Pris entre son amitié pour son collègue Lode, plus carré et plus idéaliste que lui, son amour pour Yvette, et ses relations avec son professeur, un collaborateur qu'il surnomme Barbiche Teigneuse, le jeune Wilfried ne sait pas quel parti prendre, balançant entre résistance molle et participation peu active à des exactions à l'encontre des Juifs.



Le roman dévoile l'influence de ces années de guerre sur toute la vie de Wilfried en alternant les époques, et en étudiant ses relations avec les membres de son entourage.

Entrer dans les pensées du vieillard qui veut laisser une trace, des explications, à son arrière-petit-fils lycéen, n'est pas une sinécure. Malgré son grand âge, il reste cynique et grinçant, ne regrette presque rien, cherche constamment à justifier tout ce qu'il a pu faire. Il fait intervenir à cette fin son double, inventé dans son enfance, Angelo, qui aurait été son côté maléfique. L'ambiguïté est le maître-mot de ce roman.



Il ne faut pas venir chercher dans Trouble des personnages tout d'un bloc, sans faille, ou d'un courage hors du commun. Scruter des personnalités souvent lâches et pitoyables, en premier lieu celle du « héros », ne rend pas la lecture facile, mais passionnante, oui, et posant des questions universelles.

Bien qu'il ne soit pas dépourvu de quelques longueurs, le texte dense et fort, peu dialogué, restitue brutalement l'atmosphère menaçante d'une ville aux prises avec les heures les plus sombres de son histoire, ainsi que les motivations de chacun des protagonistes, souvent peu reluisantes.
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Trouble

Wilfried Will est un très vieux monsieur qui écrit ses souvenirs pour son arrière-petit-fils. Il est né en 1920 à Anvers, il s’entend mal avec ses parents qu’il ne pense pas être ses vrais géniteurs. A l’adolescence, il éprouve de grandes difficultés scolaires et son père l’envoie prendre des leçons de français auprès d’un amateur de poésie décadent et marginal dont on ne connaîtra tout au long du livre que le surnom, Barbiche Teigneuse. Il devient vite son mentor. Cet homme admire Rimbaud, mais surtout l’Allemagne nazie et sera un collabo de la première heure. Wilfried devient rapidement son ami et le reste durant la guerre. Notre héros termine des études très moyennes en 1940 et s’engage comme policier surtout pour éviter le STO.



Le récit n’est pas chronologique, mais oscille entre le présent, dans lequel Wilfried est complètement rejeté par le peu de famille qui lui reste et surtout les années noires de la guerre, en particulier 1940 – 42. On ne sait pas trop si son récit est objectif ou s’il ne sert qu’à le justifier. Il nous raconte son quotidien de flic de base qui patrouille dans les rues d’Anvers, il participe à des actions ordonnées par les forces d’occupation, la police locale collaborant aux arrestations de Juifs. Lui même ne choisit pas son camp, il veut simplement survivre et devenir poète. Son ami Lode est résistant, avec son père, il cache un Juif dans les réserves de la boucheries familiale et Wilfried les aide. Par ailleurs, il continue à fréquenter Barbiche Teigneuse et ses amis tout au long de ces années noires, louvoyant entre les deux camps, il devient agent double presque à son insu. Finalement chacun le considère comme un traître réel ou potentiel. En 1944, il choisit enfin le bon camp, mais plus par opportunisme que par réel choix. Il a survécu et son premier recueil de poèmes est publié en 1946, l’avenir semble lui sourire, mais les conséquences de son ambivalence le rattraperont cruellement des décennies plus tard.



J’ai beaucoup aimé ce roman historique qui montre bien le climat qui régnait en ce temps-là, un climat bien trouble justement. Wilfried m’a fait penser à L’étranger de Camus. Il est comme en dehors de la vraie vie, il laisse les circonstances dicter sa conduite en essayant de s’impliquer le moins possible. Il ne devient vraiment violent que lorsque sa vie est en danger, et là il est capable du pire. En amour aussi, il laisse les choses se faire. Yvette la soeur de Lode le drague, il se laisse faire et finit par entrer dans une relation avec elle sans savoir s’il l’aime vraiment et l’épousera sans avoir résolu la question, son identité sexuelle n’est pas claire non plus et la relation avec Lode est parfois ambiguë.



Anvers est le personnage central du livre avec Wilfried. L’auteur parle de sa géographie, mais surtout de son ambiguïté vis à vis des Juifs, de sa lâcheté collective. Le doute plane sur les motivations des résistants, agissent-il par idéalisme ou par cupidité ? Et le père de Lode illustre bien cette problématique. Aucun des personnages n’est attachant, toutefois ils nous tendent un miroir : Aurait-on fait mieux qu’eux en ces années noires ? Wilfried a préféré son rêve de poésie à la vraie vie et il a échoué.



Ce roman est très documenté et tout à fait passionnant, de plus je connais très peu la littérature belge et j’ai eu grand plaisir à découvrir cet auteur. Un tout grand merci à Netgalley et aux éditions Stock pour ce partenariat très apprécié.

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Trouble

Imaginez être propulsés à Anvers, en 1940, en pleine occupation Allemande. Imaginez que la moitié de vos amis sont des collabos, et que l’autre moitié sont des résistants. Où vous positionneriez-vous ? Comment réagiriez-vous face aux sollicitations des uns et des autres ? Saurez-vous seulement où se trouve le bien et le mal, les méchants et les gentils ? C’est cette période trouble qu’évoque dans son récit Jeroen Olyslaegers, au milieu des uniformes noirs des SS et des étoiles jaunes des juifs. Wilfried est policier, le cul entre deux chaises, entre son collègue Lode et son ami Barbiche Teigneuse, chacun comptant sur lui pour filer un coup de main, soit aux résistants, soit aux Allemands. Il n’est pourtant pas si simple de choisir un camp et Wilfried n’aura finalement jamais ce courage… jusqu’à ce qu’il s’en morde les doigts, une fois sa vieillesse atteinte.



Trouble est une grande confession, témoignage détaillé d’un homme n’ayant plus toute sa tête, cherchant à expliquer sa vie, sans justifications, sans excuses. Il se contente de poser les faits sur le papier, de replacer le contexte, et de donner quelques unes de ses réflexions. Mais finalement Wilfried ne semble pas dévoré par le regret, ou le remords. Ses non-choix, sa passivité et son opportunisme apparaissent au fil des pages, lui ne semble pas avoir conscience d’avoir été le jouet de l’Histoire, il se semble pas réaliser qu’une prise de position aurait été possible – et même nécessaire. Mais pouvons-nous vraiment le juger ? Qui sait ce que c’est de vivre dans un pays occupé, où les hommes en uniforme tabassent femmes et enfants sous prétexte qu’ils sont juifs ?



C’est un livre qui se lit d’une traite, comme une histoire que nous raconterait Wilfried alors que nous sommes assis à son chevet. C’est décousu, plein de circonvolutions, retours en arrière et sauts en avant, de l’enfance à la vieillesse, tout étant finalement lié à cette période noire de son existence, ces années de guerre, où la Belgique a courbé les dos et ses habitants ont dû trouver des moyens de survivre. Trouble est un livre puissant, magnifiquement écrit, résolument placé sur cette ligne entre le bien et le mal, un no man’s land où ces notions philosophiques n’ont plus lieu d’être et où plus rien n’est blanc ou noir. Une claque en somme.
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Trouble

Très belle découverte. Anvers 1940 occupée par les bottes allemandes, ville hautement stratégique par sa position géographique, ville terriblement attirante par l’éclat de ses diamants.

Au crépuscule de sa vie, Wilfried se souvient du jeune homme qu’il était alors. A son arrière petits-fils, il écrit une confession sans concession. Entre ses aspirations de futur grand poète et son statut de policier dans une ville sous domination nazie, où se trouve la ligne de partage entre le bien et le mal, entre la séduction d’un maître à penser collaborateur, le courage d’un frère d’arme et la découverte de l’amour avec Yvette ? Une époque confuse ne peut-elle engendrer que des comportements troubles, des actions troublantes, une certaine confusion latente….

Travaillant habillement les allers et retours entre le passé et le présent, Jeroen Olyslaegers compose une œuvre tout en subtilité, saupoudrée d’une bonne dose d’acuité et d’une grosse pincée d’acidité. Point de jugement moral, de nostalgie, ni d’héroïsme sublimé par le passage du temps. L’auteur, au contraire, ouvre grand les yeux laissant tout sa place à la lucidité et à l’auto-critique. Le résultat est éblouissant sur le fond, brillant sur la forme grâce à un style au cordeau. Tip top comme disent nos amis suisses.

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Trouble

Dans ce roman, le trouble est partout. À Anvers, ville diamantaire par excellence, occupée par les Allemands qui veulent en chasser les juifs. Dans l'esprit du narrateur, ensuite, qui nous conte sa vie compliquée pendant cette période, et dont on ne sait pas jusqu'où on peut lui faire confiance. Chez le lecteur/la lectrice, enfin, qui se sent de plus en plus mal au fur et à mesure qu'il/elle tourne les pages.

C'est toutefois un livre important, bien écrit et bien construit, sur un salaud ordinaire, un jeune homme pris dans le tourbillon d'une histoire qui le dépasse. Un roman qui regarde la collaboration (et la résistance) en face.
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Trouble





Trouble du belge Jeroen Olyslaegers est-il le grand roman sur la Belgique sous coupe allemande des années quarante? Certains le pensent et l'ont écrit. Tel n'est pas mon avis. On saisit bien l'objectif de l'auteur: donner une moche image d'une moche période. l'occupation est un temps béni pour les différentes pourritures, rarement nobles. Ces confessions d'un salaud dans Anvers, ville de diamants donc forcément... "enjuivée"(attention, je cite), ne sont guère sympathiques. C'est vrai que ce n'est pas le sentiment attendu dans un ouvrage au ton acerbe et vaguement célinien. Un vieillard raconte ses années sous la botte nazie à son arrière-petit-fils. Il est policier et fréquente aussi bien le milieu que quelques résistants. Parfois on mélange un peu les deux. Le roman justifie ainsi son titre.



Personne ne sort vainqueur de cette confrontation de basse-fosse et j'ai vraiment trouvé peu d'intérêt à cette histoire de rancoeurs et de bassesses. Abusant de flash-back, et finalement assez confus à mon idée, Trouble est un livre monologue, le monologue d'un Will presque sénile, qui a mal vieilli mais qui de toute façon n 'avait déjà pas été un jeune homme très intéressant.

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Trouble

Littérature du Nord de mon pays, une LC avec Anne, Maryline et Kathel dans le cadre du mois belge, l'envie de prolonger "le flirt flamand" initié par la Foire du Livre de Bruxelles.



Wilfried Wils écrit ses confessions à l'attention de son arrière-petit-fils, il est au seuil de sa vie et revient sur sa jeunesse et les périodes "troubles" du début de la seconde guerre mondiale.



Est-il sincère ? On peut en douter, lui qui publia après la guerre de la poésie sous le titre évocateur de "Confession d'un acteur"?



Anvers 1940, Wilfried Wils a 22 ans et pour échapper au Travail Obligatoire, s'engage comme auxiliaire de police. C'est le tout début et avec son collègue Lode - fils d'un boucher qui deviendra son beau-frère - ils sont "réquisitionnés" pour participer à l'arrestation de la famille de Chaïm Lizke.



Le décor est planté, Anvers, cité diamantaire avec forte concentration de population juive. Wil va participer bon gré, mal gré à la mise en place de la politique anti-juive, arrestation, déportation, lynchage.



Partagé entre Lode, son beau-frère résistant et son ancien prof collabo "Barbiche Teigneuse", Will ne choisira pas son camp. Wil est passif, il exécute pour sauver sa peau dira-t-il .



Trouble, le personnage qui dans sa petite enfance a perdu la mémoire suite à une méningite. Il a dû réapprendre son nom, celui de ses parents et a développé une double personnalité. Il y a Wil dans la normalité et Angelo pour le côté obscur, violent, passionné, poète et hargneux.



Trouble est sa relation avec Lode qui un moment lui fait des avances, attiré par lui mais aussi résistant et sensible.



Trouble l'histoire de la tante de Wil qui mène la grande vie avec l'ennemi.



Trouble enfin (le roman porte très bien son titre) la construction du roman qui sans chronologie, nous livre les souvenirs d'hier ou d'aujourd'hui de son narrateur. De quoi se perdre au début j'avoue , les personnages multiples, les faits qui s'entremêlent. Il m'a fallu un certain temps pour apprécier cette structure chaotique qui fait en réalité parfaitement écho au récit. Les pièces s'imbriquent finalement les unes dans les autres et tout s'éclaircit et captive.



Une histoire sombre, celle de la ville d'Anvers où l'administration et la police sont à la botte de l'occupant, un récit illuminé par la présence d'Yvette la future épouse de Wil.



Pris continuellement entre deux réalités, à l'image de lui même Wil versus Angelo, c'est l'absence de choix qui est marquante. Une dualité à l'image de ses actes ; d'une part il participe à des rafles, de l'autre il prend soin d'un juif.



Le bien, le mal, où se situe la frontière ?



Cette absence de choix mais peut-il objectivement faire un choix dans sa réalité ? et l'inévitable question comment aurais-je agi en de telles circonstances ?



C'est sur un fond de tableau de Bruegel avec Margot la Folle et la poésie de Rimbaud que Jeroen Olyslaegers nous livre ce récit magistral sur Anvers et son histoire. Une histoire qui malheureusement semble toujours dans une moindre mesure à l'ordre du jour.... Malgré la narration coupée, non chronologique, un roman complexe, riche avec un vrai style. Un récit marquant, incontournable.
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Trouble

La Feuille Volante n° 1348 – Mai 2019.



Trouble – Jeroen Olyslaegers – Stock.

Traduit du néerlandais par Françoise Antoine.



Wilfried Wils revient sur son passé et se raconte, dans un long monologue, à son arrière-petit-fils qu'il ne peut pas voir. Quand il commence son récit, il a 22 ans à Anvers et les nazis occupent le pays. Il a l'âge d'être envoyé en Allemagne au titre du « Service du travail obligatoire » et, pour y échapper, entre dans la police comme auxiliaire. En France ses contemporains ont plutôt rejoint la Résistance, le maquis. Dans ces fonctions il connaît une situation plutôt ambiguë puisqu'il doit traquer ceux qui, comme lui, fuient le STO. De plus Anvers est la ville des diamantaires où les Allemands procèdent à des rafles et des déportations et d'un côté son collègue Lode le met en relation avec des résistants qui viennent en aide à des Juifs et de l'autre, son ancien professeur devenu son mentor, surnommé Barbiche teigneuse, le présente à des collaborateurs. Ainsi est-il, témoin et acteur, ballotté entre antisémitisme, collaboration avec l'occupant, dénonciations et résistance au cours de cette période trouble mais sans jamais pouvoir ou vouloir prendre parti pour un camp ou pour un autre, acceptant sans trop réfléchir les missions qui lui sont confiées avec pour seul objectif survivre. Il a en effet contact notamment avec le boucher traficoteur dont il finit par épouser la fille, Yvette. Il est effectivement mal à l'aise dans son uniforme de policier notamment parce qu'il écrit des poèmes sous le pseudo d' « Angelo », sa voix intérieure, sa part d'ombre. Ce personnage n'est pas là par hasard puisque, lorsqu'il avait 5 ans, Wilfried a été victime d'une méningite, est resté longtemps dans le coma et à son réveil il a dû tout réapprendre et a fini par penser que ses parents le trompaient sur sa propre identité. Ainsi imagine-t-il Angelo, poète à la fois violent et passionné, rêvant pour lui d'un destin littéraire qu'il ne connaîtra pas, quand Wilfried reste lui dans la normalité, une illustration manichéenne de sa personnalité, une dualité troublante dans cette période. La publication de ses poèmes se fera après-guerre, mais sous le titre de « confession d'un comédien » sous le pseudo d'Angelo, Wilfried, lui, restant policier.



Il y a aussi un contexte familial particulier et difficile puisque que sa famille l' abandonné, car si lui est plus que « trouble » dans son attitude, sa tante elle choisit de profiter pleinement de la présence de l'ennemi. Il y a aussi lui l'idée prégnante de la mort, celle de son fils, de sa petite-fille, dévastée par son attitude, puis de sa femme. Pourquoi écrit-on ses mémoires ? Pour nourrir son œuvre quand on est écrivain, pour laisser une trace après sa mort pour sa descendance, pour faire le bilan de sa vie, se justifier aussi et c'est sans doute ce que veux faire Wilfried quand il destine cette confession à son arrière-petit-fils parce que, dans un telle démarche, surtout si elle est spontanée, il y a toujours la contrition et la recherche de la rédemption. Il a survécu à cette période orageuse au terme de nombre de compromissions personnelles et souhaite s'expliquer pour laisser sans doute une bonne image de lui. Il est difficile au lecteur de prendre parti. Je ne suis pas très sûr qu'il soit cependant sincère dans sa démarche puisque, écrasé par la culpabilité, il ne lui reste plus que cela, avant sa propre mort, pour justifier sa conduite. Pour ceux qui n'ont pas connu la Deuxième guerre mondiale, il est difficile de juger objectivement ceux qui ont chaque jour dû survivre, parfois au prix d'abandons, de machinations, de compromissions, de trahisons, autant de situations dont on n'est pas fier après coup mais qui ont permis de sauver sa propre vie. Cela nous revoie à l'éternelle question qu'on ne peut pas ne pas se poser. « Qu'aurais-je fait si j'avais vécu à ce moment-là ? » que je me suis souvent posée. J'aurais probablement fait comme la plupart des gens de cette époque, j'aurais cherché à survivre pour moi-même et pour ma famille en évitant de jouer les héros, une attitude de tiède qui n'a rien de bien glorieux. La dualité du personnage qui a traversé cette vie en solitaire est intéressante puisqu'elle nous concerne tous. En outre cette période se prête particulièrement bien à l'étude de l'espèce humaine qui trouve dans ces événements matière à révéler sa véritable nature, bien loin de ce que tous les propos lénifiants qu'on nous a souvent assénés. Elle est capable du pire comme du meilleur, mais bien souvent du pire, à l'image des salauds ordinaires qui pullulaient sous l'Occupation. Cette fiction évoque aussi l'histoire de la Belgique face à l'occupation allemande et notre littérature nationale a également trouvé là matière à réflexion et à écriture.

Sur le plan de la forme, j'ai noté beaucoup de longueurs, des faits et des personnages multiples, ce qui m'a un peu rebuté.

©Hervé Gautier.



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Trouble

Un testament d’un homme devenu très vieux, abîmé par l’âge, coupé des siens parce que le passé l’a rattrapé, parce que sa petite fille n’a pas supporté qu’il soit ou plutôt qu’il ait été un salaud. Un salaud ? Même pas, en réalité. Wilfried Wils était, pendant la guerre, jeune, policier et poète à Anvers. Un moment où il faut choisir ou se cacher. Il ne va pas choisir et ne va pas vraiment se cacher, un pied dans chaque camp. Métaphore d’une ville d’Anvers qui se revendique de la Justice, mais aussi de la Prudence. La prudence des lâches, de ceux qui transigent, de ceux qui limitent les risques. Wilfried Wils ne croit, en réalité, en rien. Il se laisse porter en se protégeant et s’il faut verser dans l’ignominie – et prendre part à des rafles ou à des séances de torture -, il ne se dérobera pas. Mais s’il faut aider à sauver un juif, il le fera également. Égocentré, inapte à la grandeur, il est sans idéal et a des élans pauvres, ne trouvant d’ambitions confuses que dans la poésie. C’est somme toute l’histoire de la solitude d’un homme au dialogue intime atrophié, un homme ordinaire qui traverse tristement la vie. Il ne se grandit pas dans l’amour que lui donne celle qui deviendra sa femme, Yvette ou dans l’amitié partagée avec Lode, le frère résistant de celle-ci. Bref, l’histoire d’un homme sans grand intérêt que la vie efface. L’auteur a voulu user d’un style breughélien qui, peut-être à cause de la traduction, lasse. Il se perd dans une narration quelque peu fastidieuse. On retiendra cependant une peinture décapée de cette ville-prostituée qui se donne au plus fort, une ville qui s’est donnée depuis plus de six ans comme un bourgmestre, un nationaliste populiste qui n’aurait en rien dépareillé dans le décor de 1940 décrit par l’auteur.
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Trouble



Avec la ville d’Antwerpen/Anvers sous l’occupation nazie comme décor de fond un homme que sa famille a renié pour ses actes dans ces années noires écrit sa vie et surtout sa guerre à un arrière-petit-fils imaginaire qui aurait le même âge que lui avait à cette époque. Une guerre avec ses héros, ses salauds et sa majorité qui ne pense qu’à survivre. Jeroen Olyslaegers ne se prive pas de relater le rôle peu reluisant de la ville d'Anvers, de son administration et de sa police ces années-là mais sans jugement réel de sa part laissant au lecteur se faire sa propre opinion. Son long monologue est un subtil mélange de lucidité et de dégoût de soi. Superbe roman lyrique et truculent tout à la fois, dans ce style typique des écrivains du nord du pays et qui même traduit en français ne perd rien ou si peu de sa verve. Un roman très fort qui tombe fort à propos en ces jours où la peste brune se fait de plus en plus entendre flattant les plus bas instincts de notre société.























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