Payot - Marque Page - Jhumpa Lahiri - Whereabouts
Je regarde le ciel renfrogné qui couvre la mer, qui se confond avec l'horizon, la paix au-delà de cette confusion. Je suis frappée que personne à part moi ne s'aperçoive de la splendeur de la mer.
Ils ne sont pas d'ici. Ils ont beau travailler toute la journée dans une ruelle bruyante, ils demeurent des insulaires, ils ont dans leurs os la brûlure du soleil, des collines arides remplies de moutons, des rafales de mistral.
Il est en train de traverser un pont, il arrive d’un côté, moi de l’autre. On s’arrête au milieu pour regarder les ombres des passants projetées sur le mur qui longe le fleuve. On dirait des fantômes qui avancent en file indienne, des âmes obéissantes qui passent d’un monde à l’autre. Le trajet du pont est plat, et pourtant on a l’impression que les ombres – silhouettes dépourvues de substance contre le mur solide – montent, et ne cessent de s’élever. On a l’impression de voir des prisonniers qui avancent en silence vers un but néfaste.
"Elle revint vers la table et se rassit, et au bout d'un moment il en fit autant.Ils pleurèrent ensemble, sur les choses qu'ils savaient désormais......"
« Subhash observait la vie autour du bateau : les fous de Bassan avec leur tête crémeuse et leurs ailes noir et blanc , les dauphins qui bondissaient d’eux par deux, les baleines à bosse qui crachaient de la bruine, fendant l’eau joyeusement, plongeant parfois sous la coque sans l’effleurer pour émerger de l’autre côté » ....
Désormais ma mère est attachée à la vie comme un morceau de scotch jauni, dans un album de photos, qui peut lâcher à tout instant en accomplissant sa tâche. Il suffit de tourner la page pour qu’il se détache en laissant derrière lui, sur le papier, une tache claire, carrée.
Il se demande comment ses parents ont pu assumer cette coupure, laisser leurs familles respectives derrière eux, entamer une autre vie presque sans contact avec l'ancienne, choisir cet état de perpétuelle attente, de nostalgie permanente. Tous ces voyages à Calcutta auxquels il a participé de mauvaise grâce, était-ce suffisant ? Bien sûr que non. Gogol comprend que ses parents ont inventé une vie en Amérique envers et contre ce qui leur manquait, avec une énergie et une confiance qu'il a peur de ne pas avoir lui-même. Il a passé des années à marquer la distance avec ses origines, eux à tenter de la combler autant qu'ils le pouvaient.
Plus tard dans la soirée elle venait le voir. Lorsqu'il l'entendait monter, il rangeait vite le roman qu'il était en train de lire et se mettait à taper des phrases sur le clavier de son ordinateur. Elle posait ses mains sur des épaules et regardait avec l'écran bleuté. "Ne travaille trop dur", disait-elle au bout d'une minute ou deux, avant d'aller se coucher.
Ashima signifie "celle qui est sans limite, sans frontière."
Ashoke, le nom d'un ancien empereur, veut dire "celui qui surmonte le chagrin."
Les petits noms n'ont pas ces ambitions. Ils ne sont jamais inscrits et enregistrés, seulement prononcés et mémorisés. Contrairement aux prénoms, ils n'ont souvent aucun sens, ou bien ils sont délibérément niais, ironiques. Ils peuvent s'apparenter à l'onomatopée, même. Enfant, chacun peut se voir affubler de douzaines d'entre eux jusqu'à ce qu'un seul finisse par "tenir".
Mais, finalement, un désir n'est pas autre chose qu'un besoin fou.