« Pologne, 1939. Yossel, 13 ans, est un dessinateur prodigieux : c’est grâce au dessin qu’il échappe à la déportation, et qu’il exorcise l’horreur quotidienne du ghetto de Varsovie. Quand un évadé d’Auschwitz raconte ce qui s’y produit, Yossel et ses compagnons réalisent qu’aucun espoir n’est permis : ils se joignent à l’insurrection du ghetto, au printemps 1943 » (synopsis éditeur).
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Joe Kubert est un auteur complet. Né en 1926 en Pologne, il n’a que deux mois lorsque ses parents émigrent aux Etats-Unis et s’installent à New-York. Très tôt, l’envie de faire de la bande dessinée était une évidence pour Joe Kubert. Il n’a que 15 ans lorsqu’il fait ses débuts en tant qu’encreur et coloriste pour des périodiques. A 16 ans, il est dessinateur (toujours pour des périodiques), à 27 il devient directeur éditorial avant de réaliser ses propres séries et personnages… et à 50 ans, sans interrompre son activité d’auteur, il fonde la Joe Kubert School of Cartoon and Graphic Art (située dans le New Jersey) ! Ses premiers romans graphiques datent des années 1990 (Abraham Stone, Fax de Sarajevo…).
Yossel est écrit en 2000 et publié en 2003 ; l’ouvrage est une fiction qui se déroule pendant la Seconde Guerre Mondiale. En s’inspirant des témoignages entendus dans la sphère familiale et de recherches documentaires, Joe Kubert revient sur le drame de la Shoah, le ghetto de Varsovie, les camps et ce jour d’avril 1943 qui a marqué le début de l’insurrection du ghetto.
En préface, on est confronté aux propos de l’auteur. Il raconte dans quelles conditions sa famille est arrivée aux Etats-Unis, la place du dessin dans sa vie et des questions comme celle de savoir ce que serait devenue sa vie si ses parents étaient restés en Pologne.
« En 1939, j’avais treize ans et j’allais au collège de Dessin et de Musique à New York. En 1939, Hitler a envahi et conquis la Pologne. (…) Je me rappelle qu’au début de la guerre, nous recevions parfois des visiteurs venus de notre ville d’origine en Pologne, comme mes parents me l’ont dit ensuite. Je me souviens de discussions chuchotées à voix basse. De mots que je n’avais pas le droit d’entendre. Après leur départ, je pressais mon père de questions ». L’écriture de Yossel s’est présentée à lui comme étant nécessaire.
Yossel, reflet de son créateur Joseph « Joe » Kubert. Yossel (Joseph en yiddish) dessine, pour lui aussi c’est une vocation, comme si c’était quelque chose d’inné. Le même rêve anime le jeune garçon : celui d’être un jour auteur de bandes dessinées. Un père boucher, sa grande sœur, la tolérance de ses parents… Et là, le texte lu en préface (et trop vite oublié) prend tout son sens. Si ses parents n’avaient pas persévéré quant à leur projet d’émigrer en Amérique, quelle aurait été sa vie ? Kubert s’imagine donc vivant en Pologne. Il a 13 ans, le contexte familial reste le même à l’exception que son quotidien est à Yzeran (une petite ville de Pologne) au lieu de Brooklyn. On mesure ce que cette mise en abyme a pu lui coûter en se projetant – lui : Joe Kubert – tout en n’étant pas exactement le même.
Réalisés au crayon, les dessins de Kubert sont livrés sans aucun traitement supplémentaire. Certains font réellement penser à des croquis exploratoires. Le fait que toute l’œuvre soit ainsi construite donne l’impression que le dessin est instinctif et réalisé en temps réel. Il n’y a aucune volonté d’habiller le propos d’apparats inutiles. La spontanéité donne une force inespérée à ce travail artistique.
Il n’y a aucun décalage entre ce qui est dit et ce qui est fait et la présence de cette immédiateté permet au lecteur de s’enfoncer dans la lecture très rapidement. L’impression que le personnage de Yossel avance crayon ne nous quitte pas un instant, comme s’il dessinait chaque cène au moment même où elle se déroule, le fait de la dessiner lui permettant de se l’approprier ; le filtre du dessin pour accepter l’inacceptable… mais aussi le dessin comme un refuge, un bouclier pour éviter de sombrer dans la folie.
Le scénario déplie une intrigue dans l’huis-clos du ghetto de Varsovie cependant, Joe Kubert fait intervenir des personnages secondaires qui permettront au lecteur de disposer d’un regard plus large sur ce drame historique. Les camps de concentration, la rumeur qui enfle de plus en plus quant au sort réservé aux personnes déportées, le ratissage effectué dans toute l’Europe par les troupes d’Hitler… Rare sont les figures historiques que nous voyons « apparaître » dans ces pages ; elles sont généralement nommées à l’exception de Mordecaï, homme emblématique de la révolte du ghetto sans qui la résistance juive n’aurait peut-être pu se mobiliser. Les faits défilent, des images que l’on connait par cœur à force de les avoir vues dans nos manuels d’Histoire.
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