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Citations de Josef Skvorecký (32)


La place se remplit de leur bruit et du claquement des longs fouets. On eût dit que la procession n’allait jamais finir. L’air lui-même s’imprégna de leur odeur, le fumet de la toundra et de la taïga. Je regardais ces visages hâlés et il me semblait incroyable qu’il ait pu exister des gens comme ça, des gens qui ne connaissent rien du jazz et peut-être rien non plus des filles. Ils passaient saouls, victorieux, ne pensant à rien, tout à fait différents de moi, tout à fait étrangers. Et en même temps, je me sentais attiré par eux. Je les admirais. C’était cela, l’Armée rouge. Elle fonçait en avant, poussiéreuse, sauvage, infatigable, trempée de sueur, barbare. Je ne savais pas si réellement quelque chose commençait, une révolution, et si elle avait quoi que ce soit à voir avec moi et avec mon monde. Tout cela passait en dehors de moi, et moi, il me semblait que j’étais perdu pour tout cela. Je savais seulement qu’on acclamerait les novateurs, que les gens feraient de grands discours pour le communisme et que moi, je ne mentirais jamais. Je n’avais rien contre le communisme. Je ne le connaissais pas. Et je ne faisais pas partie de ceux qui sont contre quelque chose, pour la seule raison que leur famille et que leurs amis sont contre. Je n’avais rien contre personne, aussi longtemps que je pouvais jouer du jazz sur mon saxo. Car c’était ça que j’aimais le plus, et simplement je ne pourrais jamais soutenir quelque chose qui serait contre le jazz.
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"Vraiment ? dit la chanteuse. Mais comment savez-vous qu'il va vous descendre ce soir ?
-Il m'en a averti ce matin, dit monsieur Jensen.
-C'est extrêmement irrespectueux de sa part."

La fille sortit un paquet de cigarettes d'un petit sac à paillettes, décora son visage pâle par un clou-de-cercueil blanc, et après une courte hésitation en offrit une au monsieur qui devait être assassiné.

"Non, merci, dit-il. Ou pourquoi pas ? De toute façon, aujourd'hui je vais mourir."
Il prit la cigarette en la plantant comiquement au milieu de sa bouche. La chanteuse attendait qu'il sorte un briquet de sa poche, mais il ne s'est rien passé. Elle frotta donc une allumette, alluma la sienne, et se pencha vers lui avec du feu.
Le monsieur aspira est s'est mis à tousser. Il sortit tout de suite la cigarette de sa bouche, en la regardant avec répugnance.

" Que je sois damné, c'est quoi, cette saloperie ? L'herbe marine, non ?
-Vous n'avez sans doute jamais fumé ça, sourit la fille de toutes ses dents. Cela s'appelle une partisane.
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« Loin de Moscou ― c'est un livre ― un livre ― comme on dit ― un livre ― je veux dire un livre ― où on ― où ils, c'est à dire dans ce livre ― l'auteur nous raconte ― nous raconte ou plutôt nous décrit ― ce qui est arrivé ― nous raconte ― la vie, quoi, là-bas, le travail... comment ça s'est passé là-bas ― loin de Moscou, c'est ça ― très loin de Moscou n'est-ce pas? et l'auteur raconte ― décrit ce qu'ils ont fait ― comment ils ont travaillé... pas vrai ! ― bien travaillé, les camarades, ou pas tellement bien que ça... certain, c'est à dire, ben, y en avait qui travaillaient pas si bien que ça... mais après ils ont compris qu'il le fallait... parce que... ils travaillaient pour eux... là-bas, dans ces contrées... dans ces contrées... loin de Moscou... loin de la capitale de l'Union soviétique... parce qu'il n'y avait plus de capitalistes... qui extorquaient... qui exploitaient... les ouvriers et il fallait améliorer... comment qu'on appelle ça... ah oui, c'est ça, les normes parce que les travailleurs... travaillent pour le peuple alors à la fin ils ont compris... ils ont pris des... comment dire des initiatives là-bas... ils ont pris des engagements sovié... socialistes seulement ça a été dur parce qu'il fallait expliquer aux gens qui ne comprenaient pas... et les curés qui leur disaient qu'ils iraient en enfer s'ils travaillaient...et il y avait aussi des Koulaks... des saboteurs dans ce pays-là, loin de Moscou, loin de la capitale de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques... »
Le sous-lieutenant Prouza se remit enfin de sa stupeur. Il savait que les soldats ne possédaient pas comme lui le don de la rhétorique, mais il ne soupçonnait pas un telle carence de moyens d'expression ― et en plus, il avait l'impression que l'adjudant ne connaissait pas grand-chose au livre. Il se demandait même ce que les curés venaient faire là-dedans.
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Tout ça, tout ce que j'ai vécu, était beau et heureux. Tout ce que j'étais en train de vivre, les regrets et le désespoir dans lesquels j'étais empêtré, était bête. Mais une fois vécu, ça devenait beau. C'était toujours comme ça. Je le savais. Je savais sacrément bien qu'on ne peut jamais être heureux, parce que le bonheur est foncièrement une affaire du passé.
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Je ne savais pas quoi dire, je voulais seulement prolonger cette expulsion du paradis, parce que j'étais tout de même un spécialiste malgré mon fiasco, et je savais qu'il était parfaitement inutile de rester là, inutile d'écrire des lettres, d'être spirituel ou sincère, simple ou compliqué, d'y aller avec un poème avec Mlle Stribrna ou de me jeter sur elle comme un charretier ivre. Avec elle, j'avais perdu avant de commencer, j'avais perdu sur toute la ligne.
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L'avertissement que les personnages et les événements décrits dans le présent livre sont rigoureusement imaginaires et que, s'ils rappellent au lecteur des personnages qu'il a connus ou des événements dont il a été témoin, la ressemblance ne peut être qui fortuite, ne sera sans doute pas pris au sérieux par personne parce qu'il correspond à la vérité. Car ce livre n'est pas un roman psychologique ou social, mais un roman policier ; il ne décrit pas des hommes et des femmes réels, mais des attitudes réelles dans manifestations rudimentaires, celles qui répondent le mieux aux deux objectifs essentiels d'un roman policier : la découverte de l'assassin et le divertissement du lecteur.
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Ce n’était pas une tête de Lilliput agrandie sur un corps atrophié auquel des glandes perfides auraient joué un bien vilain tour ; c’était une tête normale de bel homme sur un thorax normal ; un César tronqué, me dis-je ; il marchait comme un canard et je découvris qu’en effet, il était tronqué, coupé aux genoux ; il n’avait pas de mollets, il marchait sur ses genoux emmaillotés de chiffons crasseux.
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A sa taille était fixé un vieux sabre autrichien et il paraissait sorti d'une crazy comedy américaine. C'est à cause de ce travail pro-boche que maintenant il était bien obligé d'être héroïque. J'étais curieux de voir si les autres collabos se trouvaient eux aussi à la brasserie. Mais sûrement. Ils étaient tous obligés d'être héroïque, les pauvres !
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Sur l’écran de son imagination se projeta l’image de la pomme de la tentation infernale, sous l’aspect d’un séduisant chignon châtain surmontant un cou de cygne.
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Elle disait ça comme un marin souffrant du scorbut qui apercevrait une île après avoir erré sur la mer pendant des mois.
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L'idée m'a effleuré que j'étais comme Apollinaire. Moi aussi je savais tout sur les trucs dont personne ne savait rien mais dont personne n'avait besoin de rien savoir.
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C'est uniquement la musique de compositeurs du Reich allemand. Jiri Patocka, Gunther Furwald. J'énumérais plusieurs noms de notre invention que nous avions inscrits à la place d'Ellington, de Chick Webb, de Hoagy Carmichael.
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L'amour me camouflait la cervelle, je ne faisais attention à rien, même pas au prof de maths, M. Bivoj, qui a flanquait dix-sept zéros en l'espace d'une heure à cause d'une équation de je ne sais quel degré, et il m'a loupé par miracle.
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C'était la deuxième fois de la soirée qu'on me claquait une porte au nez mais c'était à chaque fois très prometteur.
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« …il reste au moins une empreinte, au moins la trace d’une âme, de cette beauté, de cette splendeur, de cet homme ou de cette femme, de ce rêve, de cette légende, d’Emöke… »
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L'amère expérience de toutes les révolutions nous apprend que si le groupe politique qui s'est emparé du pouvoir ne rétablit pas à temps le contrôle extérieur sur lui-même, il perd, tôt ou tard, le contrôle de soi et dégénère. Tout contrôle, toute pression au sein du groupe dirigeants dans le but d'améliorer la qualité de la direction doit nécessairement s'étioler s'il n'est pas nourri par une pression, un contrôle de l'extérieur qui améliore la qualité de ce groupe dans son ensemble. Au lieu de se régénérer en permanence, le groupe dirigeant se fige, se pétrifie et ainsi s'aliéne de plus en plus par rapport à la réalité… Il se proclame incarnation du progrès et se transforme aussitôt en une société de défense d'intérêts communs où l'on retrouve côte à côte les restes de l'élite intellectuelle du pays, les carriériste et de sombres brutes…
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Je faillis répondre que pendant 20 ans on avait présenté les choses comme si le Parti n'avait jamais rien fait de mal et que par la suite, lorsque, Dieu sait pourquoi, il s'était mis à laver son linge sale en public, on ne nous accordait qu'un seul droit : celui de nous extasier sur cette lessive. Celui qui s'avisait d'attirer l'attention sur toute la merde dont ce linge était taché, celui qui disait que parfois il ne suffit pas de laver le linge et que mieux voudrait en changer, se faisait mettre une muselière.
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Il est certain que ce sera une guerre sanglante. Mais le parti a tout prévu. D'après les calculs génétiques, 20 000 enfants suffiront à régénérer la nation en quelques générations.
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À 45 ans, déjà professeur à la faculté de médecine, c'était un de ces êtres indestructibles qui ont appris à temps à la fois un métier et l'art de se taire, observant le monde et ses fourberies du haut de la tour d'ivoire d'une compétence indispensable à tous les régimes. Il s'était toujours gardé de signer les manifestes qui changeaient selon les époques et rares étaient les intimes auxquels il faisait comprendre qu'il vivait déjà dans un XXIe siècle où les querelles mythologiques entre diverses idéologies paraîtraient aussi dérisoires que les recherches sur le sexe des anges.
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D'après Milan Kundera dans la préface :
Mai 68, c'était une révolte des jeunes. L'initiative du Printemps de Prague était entre les mains d'adultes, fondant leur action sur leur expérience et leur déception historiques.
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