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EAN : 9782070297108
378 pages
Gallimard (30/11/-1)
4/5   10 notes
Résumé :
Une bourgade de Tchécoslovaquie proche de la frontière allemande, au printemps 1945 : ni les rumeurs du front, ni la présence d'une usine de "Messerschmidt" ne semblent troubler la quiétude toute "bovarienne" d'un groupe de "zazous" qui viennent de créer un ensemble de jazz. Danny, le narrateur saxophoniste ne rêve que d'Amériques et de filles. Même Benno, le trompettiste, retour d'un camp pour "demi-juifs" ne jure que par la musique et la "bonne bouffe". " La révol... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"Après la bataille, tout le monde est général"

... dit le proverbe. Ces mots caractérisent à la perfection "Les lâches", le deuxième titre de la pentalogie libre de Josef Škvorecký, consacrée à Danny Smiřický, son alter-ego littéraire.

J'ai toujours aimé, chez Škvorecký, ce mélange d'écrivain et d'homme simple. Il n'était jamais un fanatique, un lèche-botte qui tourne sa veste à la demande, ni un monsieur-je-sais-tout qui critique son époque en voulant avant tout attirer l'attention sur lui. Même en le comparant avec des auteurs bien plus connus : Kundera, Havel, Kohout, Klima, Uhde (et pratiquement toute l'élite intellectuelle tchèque de l'époque), il reste fascinant par son désengagement. C'est comme si depuis le début, quelque part, il "savait", en ne se laissant jamais amadouer par aucune idéologie; les efforts des histrions qui faisaient tout pour devenir visibles le laissaient de marbre, et il écrivait pour le simple plaisir d'écrire.
Son exil à Toronto après le fameux '68 n'est que logique, et presque tragicomique, si on connaît l'histoire de plusieurs versions de ses "Lâches", finalement autorisés à sortir après les corrections imposées... juste pour servir d'exemple à quoi la bonne littérature socialiste ne doit surtout pas ressembler. Contre toute attente, les lecteurs s'arrachent cet horrible fruit véreux, et l'auteur de la seule critique positive qui apparaît dans la presse est immédiatement licencié.
Škvorecký n'était jamais attiré par la "grande littérature", sa passion pour le genre détective en témoigne, et la plupart de ses héros portent en eux cette lucidité et l'étrange tristesse qui émane aussi de son personnage de lieutenant Boruvka.
Il continue à écrire à Toronto, il enseigne la littérature, et avant tout il dirige (avec sa femme Zdena Salivarová) une maison d'édition '68 Publishers, consacrée aux auteurs proscrits dans leur pays. Malgré les razzias de la police secrète, ces livres continuent à circuler parmi les lecteurs en Tchécoslovaquie. ("Quel mot bêtement long", songe parfois Danny...)

Josef Škvorecký et le Danny Smiřický de ses livres... c'est du pareil au même. Danny est loin d'être un héros socialiste, tout ce qui l'intéresse c'est la culture américaine, les filles et le jazz. Mais il a le don d'utiliser les mots justes pour analyser ce qu'il est en train de vivre, même dans cet accès de faux héroïsme quand tout véritable danger est déjà écarté.
Le livre décrit les huit derniers jours de la guerre, mieux connus comme "l'insurrection de Prague". Les Allemands se retirent et les Russes avancent, mais tandis qu'à Prague c'est un soulèvement armé contre l'occupant, dans la petite bourgade de Kostelec où vit Danny, c'est le calme plat. Mais les Allemands battus approchent, et chacun attend avec impatience de pouvoir arracher une petite partie de la gloire, pour dire plus tard : "Moi aussi, j'étais dans la résistance !" Même Danny et ses potes du jazzband veulent être là, surtout pour frimer devant les filles et notamment la belle Irena.
Même si Irena sort déjà avec Zdenek (ce bolchevik !), et même si Danny la trouve complètement bête. C'est le jeu de séduction qui l'intéresse. Et il se pourrait que Zdenek meure pendant cette "révolution de fortune" qui se prépare à Kostelec, ce qui arrangerait Danny, ou alors c'est lui qui va mourir, et l'idée de savoir Irena triste est très plaisante.
Pas très héroïque, ni très nationaliste, comme pensées...
Danny va se joindre au groupe d'hommes de la brasserie qui sont pour le départ calme et organisé des Allemands, mais la situation va déraper face aux communistes exaltés, et avec le chaos ambiant il va se perdre quelque peu entre les deux factions... mais peu importe, il est là, il profite de la vie, et il pense à Irena... dans cet inimitable langage populaire plein d'expressions réjouissantes dont Škvorecký a le secret.

Pour moi, ce livre est une sorte de paradoxe. C'est extrêmement bavard, ça tourne souvent en rond en se perdant dans des réflexions interminables sur les filles et le jazz, et Danny, ce parfait exemple de la jeunesse dorée, est un freluquet qui m'insupporterait dans la vraie vie. Et pourtant... à chaque fois je me fais avoir, car l'ensemble est incroyablement charmant.
Si un jour vous visitez Náchod (qui a servi de modèle à "cette belle ville de Kostelec"), vous trouverez le pub Port Arthur inchangé, comme si le jazzband de Danny venait juste de partir. Il ne manque que le vieux Winter, pour vous servir la fameuse limonade verte.
Et vous pouvez imaginer la belle Irena sourire par la fenêtre de la poste à la statue de Danny/Josef, assis juste en face et lui souriant en retour de son visage de bronze.
Je donne 4 symboles de l'armée libératrice sur 5.
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Critique disponible sur mon blog www.marcbordier.com.

D'inspiration très largement autobiographique, Les lâches relate la fin de la seconde guerre mondiale et la libération d'une petite ville imaginaire située à la frontière tchéco-allemande. le récit est raconté du point de vue de Danny Smiricky, un jeune homme de bonne famille amateur de jazz, de culture américaine, et de filles. Ce roman a connu une histoire mouvementée : publié en 1958, il a été condamné par les autorités socialistes de l'époque et retiré de la vente. La raison ? Il met joyeusement en pièces le mythe officiel de la libération de la Tchécoslovaquie, cet idéal patriotique selon lequel des révolutionnaires tchèques téméraires auraient héroïquement lutté contre l'occupant allemand et accueilli avec enthousiastes leurs libérateurs russes. Dans le récit de Skvorecky, nulle trace d'héroïsme: les habitants de Kostelec (version à peine déguisée de Nachod, ville natale de l'auteur) se montrent lâches, pusillanimes, et préoccupés avant tout de la sauvegarde de leurs propres intérêts. Skvorecky décrit leur comportement avec un talent et une dérision bien sentie qui rendent la lecture de son livre assez jouissive . Ainsi, dans ce passage (p.60) où les révolutionnaires tchèques s'en prennent à des soldats allemands à peine sortis de l'adolescence:
"Désarmez-les!" cria dans le fond un intrépide.
Personne ne bougea."
Par sa dimension sarcastique et sa déconstruction burlesque des mythes fondateurs du pouvoir, le roman de Skvorecky s'inscrit dans la lignée de l'esprit tchèque incarné par le brave soldat Chveïk (que je vous invite à redécouvrir en lisant ici mon billet daté du 24 mai 2010). Omniprésente, la dérision y prend pour cible tous les objets qu'elle rencontre. le narrateur ne s'épargne pas lui-même, comme en témoigne ce passage dans lequel il moque son narcissisme gonflé d'autosatisfaction (p. 60): "J'étais nu. […] Je me regardai. Ainsi nu, je me plaisais à moi-même. J'étais beau. J'avais un corps harmonieux, les hanches étroites. Lorsqu'il n'y avait pas à côté de moi un athlète, et donc pas de comparaison possible, j'avais l'air tout à fait grec." Parfois, le sarcasme vire à la misogynie décomplexée (p.61), en particulier dans les scènes où le jeune Smiricky tente en vain d'attirer la belle Irène dans son lit: "Il ne lui vint même pas à l'idée qu'elle n'avait rien compris du tout. Il paraissait évident qu'elle ne possédait pas, dans le cerveau, l'équipement qui lui aurait permis de comprendre. D'ailleurs, dans l'ensemble, les filles ont dans le cerveau un équipement très primitif."
Volontiers provocant et agréablement je m'en foutiste, le roman de Skvorecky est une lecture rafraichissante qui ravira les amateurs d'humour burlesque et de littérature tchèque.

Lien : http://www.marcbordier.com
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Nous sommes en mai 1945 dans une petite ville de Tchécoslovaquie proche de la frontière allemande. La guerre est sur le point de finir, les Allemands sur le point de partir, les Russes sur le point d'arriver. La situation est vue et racontée par un jeune homme, Danny, passionné de jazz et obsédé par les filles. Il observe avec un regard décalé, teinté d'une ironie qui semble ne pas en être, le monde autour de lui, celui des adultes, dont il refuse de faire partie, mais dont aucun travers ni aucune contradiction ne lui échappe. Il croque des portraits mi-tendres mi cruels des gens qu'il rencontre, préfère le rêve à l'action, et l'air de rien, à petites touches dessine un monde en train de disparaître, un monde dont les défauts ne lui échappent pas, mais dont il a déjà la nostalgie alors qu'il est en train de vivre ses derniers jours. Tout cela dans une écriture originale, dansante et mordante, qui fait de la lecture de ce livre une expérience joyeuse et grave à la fois, jouissive et inquiétante.

J'adore ce ton désinvolte, cette façon de dire des choses sans avoir l'air d'y toucher et dans un discours en apparence trivial et inoffensif, sans en avoir l'air glisser des choses plus graves, voir tragiques. Mais sans aucun pathos.
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Figurant indéniablement parmi les auteurs tchèques majeurs de la seconde moitié du XXème siècle, même s'il est beaucoup moins connu que Kundera et Hrabal, Josef Škvorecký est l'auteur d'une trilogie libre, constituée par Les lâches, L'escadron blindé et Miracle en Bohême. Rédigé en 1948 mais publié seulement en 1958, Les lâches valut à son auteur une interdiction de publier de plusieurs années et la perte de son travail. Il traite de la libération de la ville natale du narrateur Danny Smiřický, du 4 au 11 mai 1945.

Le régime communiste ne laissait pas de place à l'humour et à la nuance. Si le livre de Josef Škvorecký peut apparaître à un lecteur actuel comme un témoignage objectif des derniers jours de la Seconde Guerre Mondiale dans la ville tchèque de Kostelec, il porte néanmoins un regard loin de la ligne officielle qui magnifiait la libération de la Tchécoslovaquie et y répandait un fort lyrisme.
On suit ainsi Danny Smiřický, le narrateur. Il a 20 ans et a deux grandes occupations : le jazz, une passion qu'il partage avec une bande copains, et les filles, qu'il essaie de séduire, et en premier lieu une dénommée Irène, qui se refuse malheureusement à lui :
Les Allemands refluent de Kostelec, les premières célébrations ont lieu, et des accords sont passés entre la municipalité et les occupants pour éviter les combats inutiles. Dans ce cadre, les jeunes gens, qui se sont inscrits pour combattre, sont un peu désabusés. Les patrouilles leur semblent inutiles, et Danny préfère aller passer son temps à séduire Irène. Les prisonniers du front Est font leur apparition à Kostelec : il s'agit de soldats anglais en captivité depuis 5 ans, des Juifs en guenilles… Les derniers combats, sanglants, ont lieu entre les SS et l'Armée Rouge, auxquels participent Danny et ses amis.
Les lâches constituent un témoignage historique très intéressant sur ces derniers jours de la guerre. Ils ont un caractère autobiographique certain car Škvorecký est né lui aussi en 1924 et derrière Kostelec, se cache Náchod, une ville du Nord-Est de la Bohême où est né l'auteur. Danny porte un regard tantôt détaché, tantôt humoristique ou ironique sur la situation. « Lui, il était obligé d'être héroïque parce que, pendant la guerre, il ne l'avait pas été du tout » dit-il en parlant d'un des voisins, sans oublier de prendre part aux combats, même s'il relativise son héroïsme. Danny a la naïveté de sa jeunesse, mais également une profonde honnêteté. Il saisit bien le caractère des gens qui l'entourent et le rôle que certains veulent jouer. Il prend conscience qu'une nouvelle époque est en train de naître avec l'arrivée de l'Armée Rouge.

C'est un vrai régal de lire à nouveau Škvorecký ! On ne peut que regretter une nouvelle fois qu'aucune édition récente ne permette à un lectorat plus large de découvrir son oeuvre. C'est à la fois facile à lire, très vivant grâce à de nombreux dialogues, mais en même temps profond, bien écrit, « humoristiquement intelligent ». de la très bonne littérature en conclusion.

Lien : https://etsionbouquinait.com..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Tout ça, tout ce que j'ai vécu, était beau et heureux. Tout ce que j'étais en train de vivre, les regrets et le désespoir dans lesquels j'étais empêtré, était bête. Mais une fois vécu, ça devenait beau. C'était toujours comme ça. Je le savais. Je savais sacrément bien qu'on ne peut jamais être heureux, parce que le bonheur est foncièrement une affaire du passé.
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A sa taille était fixé un vieux sabre autrichien et il paraissait sorti d'une crazy comedy américaine. C'est à cause de ce travail pro-boche que maintenant il était bien obligé d'être héroïque. J'étais curieux de voir si les autres collabos se trouvaient eux aussi à la brasserie. Mais sûrement. Ils étaient tous obligés d'être héroïque, les pauvres !
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La place se remplit de leur bruit et du claquement des longs fouets. On eût dit que la procession n’allait jamais finir. L’air lui-même s’imprégna de leur odeur, le fumet de la toundra et de la taïga. Je regardais ces visages hâlés et il me semblait incroyable qu’il ait pu exister des gens comme ça, des gens qui ne connaissent rien du jazz et peut-être rien non plus des filles. Ils passaient saouls, victorieux, ne pensant à rien, tout à fait différents de moi, tout à fait étrangers. Et en même temps, je me sentais attiré par eux. Je les admirais. C’était cela, l’Armée rouge. Elle fonçait en avant, poussiéreuse, sauvage, infatigable, trempée de sueur, barbare. Je ne savais pas si réellement quelque chose commençait, une révolution, et si elle avait quoi que ce soit à voir avec moi et avec mon monde. Tout cela passait en dehors de moi, et moi, il me semblait que j’étais perdu pour tout cela. Je savais seulement qu’on acclamerait les novateurs, que les gens feraient de grands discours pour le communisme et que moi, je ne mentirais jamais. Je n’avais rien contre le communisme. Je ne le connaissais pas. Et je ne faisais pas partie de ceux qui sont contre quelque chose, pour la seule raison que leur famille et que leurs amis sont contre. Je n’avais rien contre personne, aussi longtemps que je pouvais jouer du jazz sur mon saxo. Car c’était ça que j’aimais le plus, et simplement je ne pourrais jamais soutenir quelque chose qui serait contre le jazz.
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