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Citations de Joseph Incardona (457)


Margot avait toujours peur de manquer. Elle préférait donner, voire jeter si nécessaire, plutôt que de se retrouver à court. Sa collaboration en free-lance pour un magazine de décoration d’intérieur rapportait des clopinettes au regard de notre train de vie. Soigner mon inspiration équivalait à sauvegarder un standard au-dessous duquel elle n’était pas disposée à revenir. Sans doute jugeait-elle suffisantes les années de vaches maigres passées dans un deux-pièces avec Johanna. Elle m’avait beaucoup durant cette période, je l’avoue. Cependant, je me demande ce qu’il serait advenu de notre couple si j’avais continué à ramer dans l’espoir d’un succès sans cesse reporté.
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La vie serait intolérable sans le mensonge. Notre système économique est construit là-dessus. La plupart des relations humaines également. Tout est fiction, tout est virtuel. L'argent, le cours de la monnaie, la bourse… Les sentiments aussi d'une certaine façon… La religion, tenez, le plus gros mensonge qui soit…
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Quand les phrases se bousculent au portillon, lorsqu'elles lèvent chacune la main pour débouler la première de votre cerveau, lorsque vous faites du bon travail, qu'il faut juste mettre un peu d'ordre dans cette abondance et cette floraison de spontanéité créatrice, alors, oui, je peux dire que le métier d'écrivain vaut le coup, je ne vois pas ce qu'il pourrait y avoir de mieux.
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Jeunes couples, sachez qu'une prise de bec chez Ikea relève généralement d'un malaise bien plus profond qu'il n'y parait.
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S'il était poète, il en ferait quelque chose de littéraire, mais puisqu'il est banquier, il ne fera rien d'autre que de subir son état.
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Si j'y repense, un des aspects désagréables de l'enfance est de ne pas pouvoir être seul quand on le souhaite, c'est à dire la plupart du temps. p 67
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- Habitue-toi à perdre avant de gagner quoi que ce soit. (p55)
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Car un des thèmes du roman est aussi celui de la superficialité au croisement de la tragédie. p 271
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Ce sont les filles qui lui ont fait perdre la foi dans le sport. L’esprit de sacrifice. L’abdication graduelle aux plaisirs intrusifs de la sexualité.
Il a compris très tôt l’impact que pouvait avoir son apparence quand, à quinze ans, il s’était fait dépuceler par la mère d’un camarade dans l’abri de jardin près de la piscine. Il y avait ce petit bouton sur lequel il suffisait d’appuyer et un monde
s’offrait à lui. Entre toutes, les femmes proches de la quarantaine remportaient habituellement la mise, car plus téméraires et cyniques dans la recherche et l’assouvissement de leur plaisir.
Aldo a été à bonne école. On n’oublie pas ses premières fois. Aldo a appris ce qu’il faut donner dans un lit. D’un certain point de vue, ce n’est pas très éloigné du sport: technique, endurance, créativité.
Forger son propre style.
Mais surtout: monnayer la vigueur et la jeunesse comme un don de soi. Laisser croire à sa partenaire plus âgée que cette jeunesse se prolonge en elle, qu’elle dure même après l’amour. C’est l’inverse de la crainte du déclin: l’espoir de l’éternelle jouvence transmise par les fluides.
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INCIPIT
Octobre 1989
Lignes de fond
Cet homme, sur le court de tennis, c’est lui, Aldo Bianchi.
Celui de l’histoire d’amour.
Un avantage de son métier est de pouvoir se placer derrière l’élève, saisir son poignet afin de lui montrer, lentement, le mouvement correct à effectuer. D’une voix douce, mais ferme, il accompagne le geste par la parole, la lui souffle à l’oreille, en quelque sorte. Les corps se touchent, c’est inévitable. L’été indien permet encore de porter short et jupette de tennis. Et Dieu seul sait combien — avec monsieur Sergio Tacchini —, combien les tissus de ces combinaisons sportives sont minces.
Les corps maintiennent encore leur bronzage. Les corps sont les derniers à vouloir renoncer et céder à l’automne.
Aldo prend la main dans la sienne, se presse davantage contre le dos de son élève et achève le geste du coup droit lifté par une rapide torsion du poignet. L’élève sent la cuisse du professeur de tennis s’insinuer entre ses jambes. Elle a beau vouloir
retenir son souffle, elle ne peut s’empêcher de respirer l’odeur de phéromones que dégage son torse en sueur.
L’élève n’a pas bien compris le geste de torsion du lift. L’élève est troublée.
Généralement, l’élève est une femme entre 40 et 55 ans.
Mariée – le mari est souvent absent.
Mère – les enfants sont grands.
Riche – elle laisse ses bijoux au vestiaire.
Elle a encore quelques belles années devant elle, pressent le gâchis du temps perdu à attendre. La routine du luxe: villa, jardin, piscine, shopping, loisirs. L’entretien du domaine. Du corps. De l’esprit. D’une vie affective. Des relations. L’entretien du temps qui passe.
De l’ennui.
Aldo recule, se détache et l’élève se sent désorientée. La promesse de son corps aussitôt rétractée. Aldo lui sourit tout en lui disant de prendre le panier et de ramasser les balles.
«Okay, Odile, prenez le panier et ramassez les balles!» Et Odile
exécute. Elle a une femme de ménage, une décoratrice d’intérieur, deux jardiniers et une life coach, mais elle obéit, elle qui ne fait même pas son lit. Se soumettre, c’est tout au fond d’elle-même, comme l’envie d’être prise par ce rital à peine lettré lui expliquant comment frapper dans une balle.
Sûr qu’il n’a pas lu Madame Bovary, ça non.
On n’imagine pas non plus Aldo tomber amoureux.
Il maîtrise le petit jeu de la parade nuptiale, s’essuie le visage avec une serviette en coton. Il dépasse le mètre quatre-vingt, ses cheveux châtains striés de mèches blondes évoquent la coupe d’André Agassi avant qu’il devienne chauve et porte une
perruque sur le circuit. Les yeux bleus, rieurs, creusent des pattes-d’oie comme la bonne blague d’une vie à 180 sur l’autoroute. Un petit diamant brille au lobe de son oreille. Et, peut-être, la seule note discordante, le seul bémol, serait sa voix un peu nasillarde s’accordant mal à son physique de playboy:
«Semaine prochaine, dernier cours, Odile!»
Odile regarde autour d’elle. Les arbres devenus jaunes, le lac en contrebas qui s’étend derrière les losanges du grillage, juste après les pins sylvestres et les marronniers séculaires, le gazon impeccable délimitant le parc... Il y a comme un flottement, une seconde de désarroi: le dernier cours signifie le passage à l’heure d’hiver, la nuit plus vite, la solitude plus tôt. Présage de l’autre hiver, plus vaste et dramatique: celui de la vieillesse et de la déchéance. Tout à l’heure, un dîner à la Coupole en compagnie de sa fille et de son fiancé, le retour sur la colline, le cabriolet au garage — villa au milieu des villas, système d’alarme à désactiver puis à enclencher une fois en sécurité à l’intérieur.
L’époux en escale à Boston. Est-ce possible, Odile? Tout ce que tu voulais, et maintenant cette excitation adolescente, cette métamorphose qui te fait perdre dix ans d’un seul coup?
Les feuilles égarées sur le court en terre battue se désintègrent en craquant sous les semelles de ses tennis. Odile ramasse jusqu’à la dernière balle, qu’elle rapporte, docile, à son professeur.
Aldo a refermé son sac de sport, emporte la raquette de son élève qu’il a pris soin de remettre dans la housse, et l’échange contre le panier lourd de Slazenger en feutre jaune.
Aldo sait, le moment est arrivé.
Sur l’échiquier, il attend qu’elle bouge sa pièce.
C’est le jeu. Il n’y a pas d’autre possibilité. Trop gâtée, trop écoutée, trop plainte, choyée, soutenue. La coach, la femme de ménage, la décoratrice, les copines. Trop de femmes autour d’elle, trop de condescendance partagée. Instinctivement — sans pouvoir poser dessus une réflexion liée au libéralisme, à l’uniformisation des marchés ou à son corollaire qui est l’atomisation de la société —, Aldo a compris que le monde devient femelle. Que maris et pères sont surchargés de travail, que leur taille s’épaissit, qu’ils deviennent myopes. Et s’il y a quelque chose à prendre dans ce monde où tout se confond, il l’obtiendra en restant mâle, en jouant sur le paradoxe de l’émancipation des femmes. Ce qu’elles gagnent, ce qu’elles
perdent. Ses rivaux dans ce domaine sont les immigrés latinos bourrés de testostérone écumant la ville depuis le boum de la salsa, pêche miraculeuse à la femme blanche.
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Parfois le jeu est ainsi fait : des hommes laids ou malveillants abusent de leur pouvoir en s’octroyant des femmes qui ne les regarderaient pas dans une réalité différente ; en échange, des femmes profitent de leur beauté et accèdent à des situations professionnelles qu’elles n’obtiendraient pas autrement.
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Cette enfance qui ressurgit lorsqu’on est seuls, que personne ne nous voit. Cet être neuf et spontané que l’on ne cesse d’être si on veut bien y croire encore.
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S'occuper de ce chantier, entre autres, destiné à rénover le vaste hall du rez-de-chaussée selon le concept d'aménagement des frères Eberhard et Wolfgang Schenelle : destruction de cloisons, multiplication des sources de lumière naturelle, rénovation des guichets d'accueil, choix de peintures claires, installation de distributeurs d'argent automatiques ; le tout dans l'esprit de l'open space destiné à révolutionner, dans ce cas précis, le rapport à la clientèle. Une sorte d'effet boomerang, puisque le concept est né dans les années 1950 en Allemagne, a fait fureur aux Etats-Unis, avant de revenir en Europe, mais sans l'option plantes vertes, une croix définitivement faite sur l'aspect paysager à l'origine du concept. A l'instar de Frank Lloyd Wright, les cloisons et les espaces fermés évoquent une tendance fasciste et totalitaire.
Et une banque n'a rien de fasciste ni de totalitaire.
N'est-ce pas ?
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Les banquiers ont des hommes et des femmes comme les autres. Ils ne meurent ni plus ni moins que les autres. Toutefois, il arrive souvent que leur mort soit en corrélation avec leur métier. Je parle principalement des banquiers qui nichent au sommet de la pyramide. Pour les employés des étages inférieurs, c'est forcément moins glamour : il s'agit de tenir et de s'accrocher au-delà des 50 ans, d'éviter le chômage et la dépression. C'est un métier qui fait appel aux forces vives de la jeunesse, se nourrissant de sa lymphe et de ses désirs à exaucer. Il existe des écoles pour ça, des universités mondialement réputées qui vous moulent et vous lancent dans l'arène. Il suffit d'adhérer. Vous êtes pris en charge. Le terrain de jeu est défini, ses règles établies dans les grandes lignes. Cadre. Structure. Mode opératoire. Le système vous accueille et vous fait une place. Le système se perpétue. Harvard, Yale, Oxford. Le système divise pour mieux régner. Crée la concurrence. Pour lui-même. Le système n'a plus de début ni de fin. Il est devenu comme Dieu.
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La souffrance est un excellent levier pour un tas de choses, l'art et le commerce, notamment. Et le crime.
Vous savez de quoi je parle. Et si ce n'est pas le cas, je vous la conseille, la souffrance liée à la jalousie, juste une fois, histoire de faire un tour en enfer. Ne plus se suffire, ne plus exister. Equation insoluble de l'amour et de la folie. Supposition de trahison, paranoïa avec des caméras et des micros partout; C'est une dépersonnalisation, la voie ouverte à l'humiliation, à la mésestime de soi, à la dissolution de son identité.
Vous êtes une torche qui brûle. Vous êtes une bille de plomb qui coule. Vous êtes une merde qu'on écrase.
Bref.
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Quelques citations/extraits du roman Derrière les panneaux, il y a des hommes (2015) de Joseph Incardona (Edition Pocket, février 2017)

• « Nous vivons dans un monde chrétien. Mais pas forcément un monde de bonté. » p. 21.

• « Une belle femme qui tombe tout en bas, c’est encore plus avilissant. La beauté n’a pas le droit de se meurtrir. » p. 31.

• « Pascal roule. Davantage de risques à opérer sur une aire d’autoroute, mais après, c’est plus facile. Tout bouge tout le temps. Tant qu’on ne sort pas du circuit. Pascal n’en a aucune intention. Pascal aime : les centres commerciaux, les supermarchés, les grands parkings, les gares, les aéroports. L’autoroute. Un non-lieu. On y est bien : travail, observation, capture. On n’est personne. On est : fonction, rouage, marchandise. » p. 65.

• « Elle voudrait faire le vide, mais « faire le vide » équivaut souvent à réfléchir. Même en dormant, elle a l’impression de réfléchir. Soucis récurrents, se transformant en rêves, demi-sommeil agité des individus sous pression. Et puis le réveil comme une libération avant le pire. » (sur Julie Martinez, la policière) p. 70.

• « Le malheur s’observe au microscope et rares sont ceux qui ont envie d’y jeter un oeil. » p. 85.

• « Pierre a beau chercher. Rien qui aurait pu appartenir à Lucie. Il ne sait pas ce qui est pire : une trace ou l’absence de trace. » p. 137

• « Obsession de Pierre : retrouver Lucie. Retrouver Lucie ne signifie plus retrouver Lucie au sens propre. Retrouver Lucie, c’est chercher le sens. Car le monde n’existe pas en soi. Il n’existe que comme plié. Il n’existe qu’enfermé dans chaque âme. Dans chaque nom propre. » p. 140.

• « Il y a une dignité à se confronter au mal, à le regarder en face. Une manière de prendre le malheur à bras-le-corps, de lui livrer bataille. Il y a une sincérité, aussi. Qui marche main dans la main avec la dignité. Il y a, enfin, la contemplation du gâchis social, de l’insondable gâchis humain au regard duquel son gâchis personnel est une simple conséquence, « macro » enveloppant le « micro ». » p. 178.

• « La colère portée vers le monde est la colère de soi. » p. 206.

• « Une dépression, c’est un gouffre. C’est potentiellement proche du suicide. C’est en tut cas l’absence d’ironie, de retour sur soi. C’est déjà l’amertume et la défaite. » p. 238.

• « Tous ces sandwichs sous cellophane, des centaines si on les mettait les uns à côté des autres, un monticule jusqu’à devenir son propre poids, devenir sandwich soi-même, poulet et mayonnaise, mayonnaise et thon, thon et crudités, crudités et jambon, réfrigéré, sous cellophane, quand tu crèveras, Pierre, ton corps restera entier, en Technicolor, bourré de conservateurs et d’additifs alimentaires, ton corps sera mise en bière dans un cercueil triangulaire muni d’un code-barres, l’homme-sandwich exposé sous cloche dans un restoroute comme ceux des saints dans une crypte, le texte dira que tu auras été tenace, obstiné, les crocs plantés dans le bitume, rayon identique d’une roue tournant sur elle-même… Oui, il t’en a fallu temps et tout ça est évanoui. » p. 264.

• « Même si l’existence est une juxtaposition d’existences, même si elle n’est pas linéaire. On peut sortir de l’ellipse, dévier sa trajectoire, partir et disparaître. Dans le cosmos. Imploser en silence. Pierre Castan espère une seule chose : Que Bouddha se soit trompé. Que Bouddha soit un bonhomme jovial, obèse et heureux, mais qu’il se soit trompé. Que la réincarnation n’existe pas. Surtout pas. Surtout ne pas vivre encore et encore. L’enfer, c’est l’éternité. » p. 265.
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J’ai dribblé les décorations de Noël installées le long du trottoir, poussé la porte du café des Arts. J’ai déchiré la cellophane du paquet neuf, entamé une première cigarette. C’est peut-être ça le secret de l’endurance: l’habitude.
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Les fans eux-mêmes ignorent qu'ils attendant de le voir s'effondrer.
Le public espère la chute ou l'anectode.
Alors, il faut lui donner à manger.
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À 110 degrés Celsius, il n'y a que votre peau pour vous contenir, votre peau est tout ce que vous possédez.
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«Une fois le train expulsé du tunnel, la voix du contrôleur a grésillé dans les haut-parleurs, prononçant une autre de ces phrases qui en disait bien davantage que son sens littéral, les phrases de la petite légende personnelle et immigrée qui mettaient un terme définitif aux vacances: Wir treffen in Brig ein.»
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