Citations de Kae Tempest (188)
La solitude s'abat sur lui. Ses griffes familières l'arrachent brutalement à la chaise et le suspendent au plafond, d'où il se balance.
Alors Becky fit ce que font tous les ados quand ils sont entourés d'adultes qui disjonctent : elle prit la tangente.
"David attrape son sourire en vol et l'épingle à sa poitrine comme une médaille de natation."
"L'hiver posa ses mains solennelles sur la ville et éteignit d'une caresse les couleurs du ciel."
TROIS. Les années passaient,
UN. On se défonçait dans des trucs et on se prenait
DEUX. Pour des dieux.
Pour que les mots soient porteurs de sens, il faut qu'ils soient lus.
Ce n'est pas chose aisée d'être pleinement ancré dans l'instant présent.
C‘était assez drôle en réalité.
On était assises à la table de la cuisine,
une sororité,
buvant du vermouth.
J‘ai ouvert la fenêtre,
craché ma fumée dans la nuit,
passionnément ivre.
Amoureuse de deux femmes et séductrice du mieux que je le pouvais.
À un moment
je t’ai demandé de graver ton nom dans la chair de mon bras
avec la lame d’un cutter.
Tu as demandé si j’étais sûre.
J'ai dit oui je l’étais.
Je t’ai regardée et c’était un oui profond.
Tu étais excitée
comme tu l’es
quand les choses sortent du commun.
Alors tu as fait pénétrer la lame et tu m’as saignée
et ça a fait mal comme tout faisait mal avec toi.
J'ai souri charmeuse
et j’ai mis du sang partout.
L’autre femme dont j’étais amoureuse
a rempli d’encre ma plaie ouverte
et ensemble
vous avez frotté des cendres de clope sur les lettres encore saignantes.
En vous souriant.
Et en me souriant.
— India
Quand j’étais jeune
je pouvais parler avec les animaux,
ces jours-ci
je ne sais pas quoi dire.
Ils reniflaient mes oreilles avant,
mais maintenant
ils sentent ma peur
et s’en vont.
— ce que nous perdons
Sans objectif clair, les jours sont noyés de lumière, reflets vides d’eux-mêmes. Ou alors un enchaînement sans fin de tâches à effectuer.
La culture, en règle générale, est un passe-temps bourgeois, la réaffirmation d’une vie policée qui cimente les préjugés et légitime l’ignorance. Et une grande partie de la musique actuelle est produite en masse, fabriquée avec cynisme. À part tes clics, elle ne réclame rien de toi. Ce qu’elle attend, c’est ton apathie.
La vie telle qu’on la connaît est parfaitement irréelle, parfaitement inhumaine. Ce système de compétition effrénée à base de selfies nous a dévorés.
Si un rappeur que tu écoutes sur YouTube t’atteint en plein cœur, tu n’as pas à en rougir. Tu n’as pas à t’en justifier dans les cercles littéraires. Idem si tu apprécies un poète classique. Non, pas besoin d’aborder les œuvres portées aux nues avec dévotion. Le gisement d’influences dans lequel tu puises ne doit pas avoir reçu le blanc-seing d’une académie ou d’une institution, ni être garrotté par les paramètres d’un genre, d’un sous-genre ou d’un « mouvement ». Écoute de tout. Lis autant que possible.
L’homme est une créature empathique qui éprouve des émotions vis-à-vis d’autrui, et c’est sa grande réussite en tant qu’espèce. Il peut se flatter d’être capable de reconnaître les besoins de ses semblables, de prendre part à leur douleur et de s’identifier à eux sur les plans physique et affectif.
Lorsqu’une vie dérape et s’abîme dans la déconnexion, ou dans un excès de connexion, on peut s’épuiser à tenter de ressusciter son avatar ou de ré-enraciner ce qui a été déraciné.
Quand je mentionne « l’écrivain », je fais référence à la personne qui signe un texte ou compose une musique, mais aussi à la personne qui produit du vécu. Cette part en soi qui construit le récit de sa propre existence et qui cherche sans relâche un fil assez solide pour traverser les pages blanches de l’enchaînement des jours.
"La connexion créative, c'est l'emploi de la créativité au service de cette connexion, dans le but de la ressentir et d'investir une zone où des liens se nouent entre toi et les personnes qui t'accompagnent à cet instant."
L'agence pour l'emploi le tue. L'amour pour Becky le tue. Retrouver Chaque soir la chambre qu'il occupait petit garçon, ça le tue aussi. Tout le tue, et pourtant sa vie ne finit pas de n'en plus finir: le matin arrive et il est encore là, les yeux ouverts. Vivant.
P 128- lorsque l’apathie me gagne, comment me connecter ? impossible. En revanche, je peux essayer d’aménager un environnement favorable à la connexion pour le cas où elle se présenterait. L’abstinence digitale peut aider. Ne pas toucher à mon portable une journée entière me remet en phase avec mon esprit et m’aide à affuter mes sens. Jeuner aide aussi. Gouter un aliment après une journée sans manger me permet de mesurer la valeur des actions du quotidien. (…) la solitude est aussi salutaire.
Fatiguée et triste, le vrai visage des gens qui ne se pensent pas observés. L'anonymat de la rue permet de baisser la garde sans risque. ( p 279 )