J'ai annoncé à mon chef d'équipe que je donnais ma démission. Il m'a invitée au restaurant, on a mangé du samgyeopsal, de la poitrine de porc grillée. Si je me souviens bien, il m'a demandé de tenir ne serait-ce que deux mois de plus. Tu sais, quand un employé quitte son entreprise sans raison particulière, son supérieur voit sa note baisser. C'est pour ça qu'il voulait que je patiente jusqu'à ce que la période d'évaluation soit passée.
J'ai vu beaucoup de filles comme Eun-hye, bonnes élèves à l'école, devenir bonnes à rien à force de rester enfermées chez elles. Quand on sort peu, qu'on ne rencontre pas grand monde, qu'on n'est jamais confronté à la moindre difficulté, on devient paresseux, notre esprit se racornit. On n'est plus capable de se mettre à la place des autres. Je ne voulais surtout pas devenir comme ça.
Dans le bonheur aussi il y a les "capitaux" et les "liquidités". Certains bonheurs viennent du fait qu'on accomplit quelque chose. Le souvenir de cette réussite reste en mémoire et rend les gens heureux un peu chaque jour pendant longtemps. C'est leur capital bonheur.
Aujourd'hui, le marché d'Ahyeon est presque désert. Qui, de nos jours, fait encore ses courses dans un marché traditionnel. On dit que la Corée est devenue un pays riche et que Séoul s'est développé de façon fulgurante, au point d'en être méconnaissable, mais certains quartiers de la ville et certaines gens n'ont pas changé. Ils n'ont connu aucune amélioration. Il n'y avait donc aucune garantie que ma vie devienne plus belle si je restais en Corée, les bras croisés.
Comme moi, elle était plus intéressante quand elle n'était pas dans son état normal. Nos individualités troublées par l'abus d'alcool s'accordaient à merveille, comme une vis et son écrou.
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Le premier jour, c'est vrai que la bière m'a donné l'énergie de continuer à travailler, seul dans mon coin. Mais je me suis mis à picoler tous les soirs. J'avais remarqué que tous ceux qui préparent le concours boivent comme des trous, toujours avec de bonnes excuses. Dix pour cent des histoires du forum des candidats sur internet sont des lamentations d'ivrognes ! Au début, je me suis dit que je me débarrassais du stress accumulé toute la journée. Après le repas du soir, je commençais à avoir la gorge sèche.
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La plupart des Coréens sont comme ça. Ils cachent tellement leur bonheur qu'ils préfèrent le cacher au plus profond d'eux-mêmes et supportent chaque jour qui passe non pas grâce à ce bonheur mais en puisant de l'énergie dans le malheur des autres.
Quand on sort peu, qu'on ne rencontre pas grand monde, qu'on n'est jamais confronté à la moindre difficulté, on devient paresseux, notre esprit se racornit. On n'est plus capable de se mettre à la place des autres.
Quand on devient australien, on peut toucher des indemnités chômage sans rien faire, et quand on attrape une maladie grave, on est soigné gratuitement. Quand on achète pour la première fois une maison, on touche vingt mille dollars d’aide de la part de l’État. On reçoit aussi plusieurs dizaines de milliers de dollars pour financer les études universitaires de ses enfants. En bref tout est merveilleux. En additionnant tout ça, on peut dire que la nationalité australienne vaut environ un milliards de Wons coréen.
Mon pays natal, la Corée du Sud, s'aime d'abord lui-même. Il chérit uniquement les membres de la société qui lui font honneur, comme la patineuse Kim Yuna ou l'entreprise Samsung. Et il colle une étiquette infamante sur ceux qui ternissent son image.
Si je me retrouve dans la misère et que je ne suis plus en mesure d'accomplir mon devoir de citoyenne, il ne m'aidera pas, ce sera à moi de faire en sorte de ne pas entacher la gloire de ma patrie.