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Critiques de Kapka Kassabova (77)
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L'écho du lac

Rentrée littéraire 2021 #33



« Peut-être l'épopée de ceux qui ne sont pas nés est-elle déjà inscrite dans les signes tracés par les vents sur le lac, comme par des calligraphes cosmiques. Dessinés et sans cesse redessinés, car les vents viennent de partout et se chevauchent en une conversation polyglotte qui n'est pas près de s'achever, pas avant que le lac ne soit asséché et que le vent n'ait cessé de geindre et de rire comme la samovila des ballades folkloriques ... avec une voix humaine. »



L'auteur revient sur les terres de ses ancêtres, à la source de son histoire maternelle, d'où est originaire son arrière-grand-mère : les lacs d'Ohrid et de Prespa, les plus anciens lacs européens, à cheval entre la Macédoine du Nord, l'Albanie et la Grèce. Elle qui appartient à la quatrième génération de femme. Elle qui est née en Bulgarie, avant de grandir en Nouvelle-Zélande pour vivre actuellement en Ecosse. Elle veut comprendre d'où vient cette douleur héritée comme un fardeau, née de la malédiction de l'exil qui semble frapper les femmes de sa famille. Au-delà de cette psychologie transgénérationnelle à questionner, elle veut découvrir comment l'histoire et la géographie de nos ancêtres nous façonnent au plus profond, comment ces historio-géographies sculptent son paysage intérieur, les nôtres plus largement.





Kapka Kassabova n'est pas une aventurière en quête d'exploits, elle ne se contente pas de traverser les régions explorées, elle veut raconter des lieux, faire resurgir des mémoires. En fouillant dans l'histoire intime de sa famille autour des lacs Ohrid et Prespa, elle s'ouvre aux autres. Le récit, pétri de générosité, s'épanouit à leur contact et le talent de conteuse, enveloppe le lecteur dans une odyssée éclatante d'humanité.



A chaque rencontre ( des pêcheurs, gardiens de monastères, guides de montagnes etc ), elle recueille des anecdotes par dizaines, elle collecte des histoires subjectives qui tissent un récit-gigogne riche mêlant passé et présent, mythes enfouis et épisodes historiques, guerre et paix, ville et nature, totalement à contrepied du récit de voyage traditionnel. Avec une fluidité impeccable, ce vagabondage digressif ne perd jamais le fil et interroge avec intelligence sur l'identité et l'appartenance dans une région aux frontières nationales mouvantes dans lesquelles l’enchevêtrement culturel et religieux a été la norme avant que d'être broyée par les guerres ( première et seconde guerre mondiale, guerre de Yougoslavie entre autres ) et des régimes dictatoriaux ( de l'empire Ottoman à Tito ou la dictature des Colonels ). Les Balkans sont la région où la dichotomie guerre / paix s'est déployée avec le plus de férocité en Europe.



Le travail passionnant de Kapka Kassabova rend parfaitement intelligible les mécanismes des conflits et de la division, comme celui de la réconciliation. Et lorsqu'on referme le livre, c'est son message de paix, d'une paix possible, affranchie de la culture guerrière, qu'on retient. A l'image de la tombe de Saint Naum, en Macédoine du Nord, où Chrétiens et Musulmans viennent se recueillir. C'est bien une culture commune qui palpite au travers des destins brisées des habitants des Balkans.
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Lisière

Toujours dans les Balkans j'entreprends un voyage avec Kapka Kassabova, aux frontières de son pays d'origine la Bulgarie, "Là où la Bulgarie, la Grèce et la Turquie convergent et divergent… ". Ces frontières, principales lignes de démarcation pour échapper au joug du communisme au temps de la Guerre Froide, devenues aujourd'hui les principaux lieux de passage des migrants vers l'Union européenne.



Elle débute son voyage en 1984, dans la Bulgarie communiste, qu'elle appelle "une prison en plein air", sur une plage à Strandja , une région frontalière avec la Turquie. En 1992 la famille immigre en Nouvelle Zélande suite à la chute du communisme, elle y retournera 30 ans plus tard en 2014 alors que l'ère post-communiste, coincée entre le désastre laissé par les communistes et le pillage présent des nouveaux capitalistes , des ex-communistes recyclés, n'arrive pas à trouver un nouveau souffle.



En choisissant de commencer son périple par cette chaîne de montagne frontalière,

"forêt ancestrale qui foisonne d'ombres et vit hors du temps ", Kapka part à la recherche de l'inconnu, dans ces régions particulières où la frontière est une zone chargée d'histoires et de mystère, vibrant d'une énergie à haute tension, d'histoires souvent criminelles, d'outre-tombe, et même surnaturelles . Son chemin va notamment croiser les croyances païennes qui y subsistent, dont les adorateurs du Feu qui marchent sur les braises ardentes durant les cérémonies, l'histoire de la voyante du coin dont s'enticha même les VIPs communistes de l'époque, les boules et disques de feu si commun dans la région que les gens les acceptent comme une loi de la nature.....Elle continue son voyage de l'autre côté de la frontière turco-bulgare à Edirne, en Turquie où elle va se retrouver dans un autre monde, pourtant pas si différent que celui du "komshu"( voisin en turc ).....



Divers rencontres extrêmement intéressantes, Grecs, Bulgares, Turcs, Pomaks, espions, contrebandiers, botanistes , gardes frontières à la retraite, réfugiés syriens et irakiens kurdes....illuminent ce voyage aux confins de l'Europe, "qui toujours échappent à la vue du grand public ", peuplés de personnes qui " ont peut-être quelque chose à nous apprendre sur les limbes ". Les limbes, un état de l'au-delà situé aux marges de l'enfer, auquel Kassabova se réfère à un moment donné de son voyage. Alors qu'elle va quitter Svilengrad, ville frontalière bulgare, du balcon de sa chambre la nuit humant l'odeur du lilas, pensant aux âmes brisées des camps de réfugiés présents et tout à côté les joueurs des casinos qui s'acharnent sur les machines à sous, se demande avec étonnement, "Comment en sommes nous arrivés là?".



Un livre extrêmement intéressant où l'Histoire rencontre le Présent à travers mythes et légendes , souvenirs et quête intime. Une approche pour mieux appréhender notre Monde d'aujourd'hui vide de tout idéologie et de tout rêves d'un Monde meilleur. Pourtant son message de la fin est claire, impossible de renoncer à l'Espoir , vu qu'il faut continuer à vivre et réinventer nos vies à la lueur des nouvelles conditions de Guerres, de Pandémie, d'Immigration massive et de nouvelles identités. Écrit originalement en anglais d'une langue de toute beauté, non dénuée d'humour, et chargée d'émotions, que ce soit à travers les descriptions de paysages , la générosité d'un réfugié kurde, l'amour du rom musulman Tako pour un monastère qu'il garde et chérit gratuitement ou l'histoire de Selvet la gardienne de phare. Un livre fascinant qui fait réfléchir sur les nombreux préjugés établis sur les sujets qu'il aborde, que je vous invite à découvrir sans tarder.

Prix du Livre de voyage Nicolas Bouvier 2020, amplement mérité.



"La vraie vie des hommes et des femmes est celle qu'on ne voit pas ".

"Mes voyages nourrissent une géographie intime ; je veux raconter des lieux, mais avant tout des gens, et faire ressurgir une mémoire ".
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Lisière

« C’est précisément quand vous avez perdu vos racines que le moindre endroit où vous allez prend un sens considérable ».



Kapka Kassabova a choisi un bel objet et un titre a priori simple pour son livre : Lisière. Il s’agit, dans son sens littéral, de chacune de deux bordures d’une pièce d’étoffe, tissées parfois dans une autre armure que l’étoffe elle-même, parfois à chaîne doublée. Un terme qui a été étendu pour donner le sens géographique de bordure d’un terrain, d’une région, d’une forêt. Bref un synonyme de frontière. Quoique. Sentez-vous combien le terme choisi de lisière est plus flou, plus mystérieux, plus poétique que le terme de frontière ? Davantage chargé en matières, en symboles, en histoires. Plus texturé, plus nuancé. Moins bureaucratique.



Aller à la lisière c’est également aller à la rencontre de ses propres contours, de ses propres fibres, de ses coutures et de ses racines. Kapka Kassabova est écossaise mais originaire de Bulgarie, de Sofia. Pour se comprendre, elle décide d’aller dans ce lieu emblématique. D’y aller et d’y rester un temps très long. Elle prend son temps pour écouter, errer, recueillir, sentir. Elle s’imprègne de multiples récits au sujet de la frontière, nous imprégnant à notre tour. Pas de souvenirs de sa propre enfance, pas d’intimité dévoilée, elle laisse parler les autres et les écoute pour mieux se comprendre et se retrouver. Pour recoudre des morceaux d’elle-même trop longtemps laissés de côté. Aller à la lisière, c’est sentir aussi qu’au-delà de du bord, il y a ce que nous redoutons tous, la mort. Et donc mieux apprécier la vie.



« Les personnes qui habitent à la lisière ont peut-être quelque chose à nous apprendre sur les limbes ».



L’image de la bordure du tissu me plait particulièrement. Toute bordure naturelle d’une région est, elle aussi, souvent composée d’éléments d’une autre armure que la terre elle-même : fleuves, montagnes qui délimitent. Qui font frontière. Sauf lorsque les hommes s’en mêlent. En l’occurrence ici ce n’est pas deux mais trois pièces de tissus qui tentent d’être délimitées et raccordées par cette bordure imprégnées d’un renfort de mythes, de légendes, d’histoires, de civilisations disparues, de montagnes, de forêts denses: Kapka Kassabova nous amène en effet au croisement de la Bulgarie, le pays de son enfance, de la Grèce et de la Turquie. Là où prend fin l’Europe et où commence l’Asie. Pour nous guider, une carte de la région est disponible en tout début de livre et j’avoue l’avoir souvent regardée pour comprendre sa progression, son itinéraire en quatre grands lieux. Le livre se divise d’ailleurs en quatre parties qui correspondent à ces quatre itinéraires : Mer noire, plaines de Thrace, col des Rhodopes puis retour à la Mer noire. Une boucle frontalière tel est son périple.



Si l’histoire, chargée, de la région est expliquée de façon très détaillée, l’auteure a fait le choix de nous l’enseigner par la voix des personnages rencontrés, tous croqués d’une façon poignante par la jeune femme, empreint d’une belle humanité. L’auteure sonde les visages, écoute leurs récits, partage leurs repas, apprend de nouveaux mot. Des gens simples au destin chamboulé par la grande Histoire de ce lieu, lieu emblématique au croisement de deux continents, de deux blocs, de deux religions. C’est cette alliance qui m’a émerveillée, cette façon de procéder : nous apprendre par le menu l’histoire méconnue de cette région par la voix de gens simples qui pour certains ont été broyés par cette lisière mouvante, ce couloir dans lequel circule de pauvres hères, mais qui vivent malgré tout. Et Kapka Kassabova partage ce quotidien. Cela donne un livre à la fois érudit tant en termes historiques que géographiques, et poignant tant les personnages rencontrés et à qui elle donne la parole sont présenté de façon respectueuse, authentique, empathique. Le tout enrobé de contes et légendes de la région, d’ésotérisme, parfois saugrenue mais salvatrice, de rites, de mets culinaires. De poésie magnifique dans la description de certains paysages, dans cet espace naturel le plus préservé d’Europe. Une dimension humaine et poétique de l’histoire via une épopée grandiose. Voilà ce que nous offre l’auteure.



« Évoluant vers l’ouest depuis les plaines de la Thrace, j’avais l’impression de rebrousser chemin pour m’enfoncer à nouveau dans l’hiver. La neige était tombée très dru deux semaines plus tôt et les cols avaient été fermés. La première partie du trajet menant à la région orientale des Rhodopes était bordée d’arbres égayés de bourgeons blancs et roses frémissant sous l’effet de la brise et, pendant une heure enivrante, je roulais parmi les pétales volatils semblables à des confettis, comme emportée par une procession matrimoniale fantôme. Mais lorsque la route se mit à grimper pour atteindre les gorges, tels un ruban qui se déploie, les bourgeons s’évanouirent. Des sapins noirs se dressaient au-dessus de la chaussée, à peine fixés à des parois si hautes qu’on n’apercevait même pas leurs cimes. Des camions aux cargaisons pesantes lambinaient pareils à des escargots loin devant, flanqués d’un à-pic vertigineux. Le bitume était érodé par la récente fonte des neiges et jonché de décombres forestiers, mais les accidents étaient étonnamment rares. Les conducteurs savaient que personne ne viendrait les chercher ici en cas de sortie de route. Qu’ils se décomposeraient au fond de la gorge, où les vautours viendraient picorer leurs os pour finir de les nettoyer, alors ils se cramponnaient au bitume et à la vie par la même occasion ».



J’ai été particulièrement marquée par le traitement des musulmans de Bulgarie massacrés, contraints à la conversion au christianisme ou forcés à l’exil en Turquie alors même que ces personnes ignoraient tout de ce pays et de sa langue, cette lointaine terre d’origine. Certains passages m’ont fait frémir. J’ai appris que 340 000 personnes ont ainsi été déplacées par leur propre Etat ce qui représente le plus grand déplacement de population en Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale. Et ce en temps de paix. Je ne savais pas. Et ça c’est pour les musulmans d’origine turque…pour les Pomaques, les musulmans sans terre d’origine, c’est plus compliqué car ils n’ont nulle part où aller.



« La Bulgarie abrite la plus importante population de natifs musulmans de toute l’Union Européenne. Pas des migrants fraichement arrivés comme les Turcs d’Allemagne, mais des Turcs autochtones vivant en territoire bulgare depuis des générations, l’héritage humain de cinq siècles de domination ottomane riches en brassages ethniques ».



La guerre froide est également évoquée, cette partie du monde étant à l’époque le lieu des fuites clandestines des gens du bloc de l’est pour le bloc de l’ouest ; est abordée aussi l’histoire des exilés actuels, réfugiés syriens notamment. Une lisière chargée d’espoirs, de dangers, de menaces et de morts. Une lisière surveillée, quadrillée, renforcée comme les bords d’un tissu.



Si ces aspects du livre peuvent sembler complexes et sombres, quoique toujours amenés à travers des voix vibrantes et profondément humaines, cette lisière est également pleine de vie, multiculturelle, bigarrée, que l’auteure magnifie tout du long comme ici dans ce marché à Edirne, ville turque toute proche de la frontière :



« Ici les pauvres se comptaient par milliers, au sein de ce royaume du kilim et du kitsch. Et quand ils n’étaient pas pauvres, ils n’étaient pas riches non plus, car ici, pour une poignée d’euros, on pouvait se procurer des vêtements de bébé, de l’huile de serpent, des jeans Levi’s « véritables » et des sous-vêtements XXL, du maquillage à forte teneur en paillettes et des chaussures en faux cuir. Les vendeurs, abrités dans leurs cavernes d’Ali Baba faites de peaux arrachées à des espèces africaines menacées, braillaient et amadouaient le chaland dans toutes les langues possibles et imaginables, dont l’arabe et le russe ».



Lisière est un magnifique livre de voyage, érudit, exigeant, empli d’humanité. Une dentelle qui lève le voile sur une partie du monde assez méconnue. Qui découd les clichés, nombreux, sur ces terres balkaniques. Qui tricote une mémoire et des racines, nécessaires à tout européen.



Lisière est également un livre métaphysique, une réflexion sur le sens même de ce terme, terme qui fait particulièrement écho à toutes celles et ceux dont les racines sont multiples, complexes, flouées, arrachées, voire coupées…La frontière entre soi et l’autre, entre les chanceux biens nés et les autres nés de l’autre côté, entre le rêve et la veille…connaitre ses frontières devient alors un moyen de retrouver ses racines. Et d’apprécier la vie avant de passer l’ultime frontière. Celle de la mort.



« Qu’est-ce qu’une frontière lorsque les définitions lexico-graphiques ne suffisent plus ? C’est une chose que tu portes en toi, à ton insu, jusqu’au jour où tu te retrouves en pareil endroit. Alors, tu hurles en direction du gouffre dont une paroi est baignée de soleil et l’autre plongée dans les ténèbres, et l’écho décuple son souhait, déforme ta voix, l’emporte jusqu’à une lointaine contrée où un jour, peut-être tu es allé ».

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Élixir

Pages miraculeuses nous invitant à pénétrer dans la forêt de fleurs, à savoir nous enchanter pour la Terre comestible et à atteindre la complétude…



Kapka Kassabova est une auteure bulgare qui vit en Écosse, dans les Highlands. De son enfance bulgare, lui sont restés les souvenirs précieux de sa grand-mère avec laquelle elle partait en expéditions-cueillettes dans les forêts d'altitude truffées de fraises, glanant également les orties, à la fois médicaments pour l'arthrite de son aïeule et délicieux à savourer en beignets. Les souvenirs de sa grand-tante également, totalement auto-suffisante, au riche jardin vivrier, sources d'innombrables plats, magicienne des bocaux de yaourt, du jus de sureau, de la récolte du miel… « Ainsi naquit mon enchantement pour la terre comestible ».

Un printemps, l'auteure décide de revenir sur sa terre natale pour rencontrer les derniers cueilleurs. Elle souhaite apprendre d'eux, se reconnecter à ce savoir ancestral, elle qui connait bien les plantes mais qui se sent seule, prenant parfois la cigüe pour du cerfeuil sauvage…



Véritable concentré de connaissances géographiques et historiques sur cette petite région des Balkans, territoire traversé par ce fleuve imposant qu'est la Mesta dans lequel se jettent de multiples rivières, et bordé de massifs montagneux et sylvestres ; traité délicat, ancestral mais aussi mythologique, voire magique, sur les plantes médicinales et la phytothérapie ainsi que les médecines alternatives ; ode poétique à la nature ; manifeste touchant mettant à l'honneur un peuple mosaïque. Tel est ce livre, Élixir, véritable élixir.





Élixir c'est donc tout d'abord un précis sur les plantes médicinales et comestibles. Nous apprenons beaucoup sur ces plantes (mais aussi sur les champignons) qui guérissent et qui adoucissent nos démons, leurs origines, les remèdes qu'elles soignent, la façon de les prendre, manière parfois très ésotérique et associée à des rites ancestraux, la façon de les cuisiner éventuellement, mais aussi la mythologie associée aux simples et l'histoire décriée de la phytothérapie, longtemps perçue comme remèdes de sorcières et rejetée par la médecine traditionnelle. C'est passionnant.

Ainsi ai-je appris, entre mille et mille autres choses, que le basilic sauvage, aussi appelée « patte de chat » est bon pour les problèmes féminins, les indigestions, les reins, la prostate et la peau. Que la gentiane a d'incroyables propriétés antibactériennes, elle nettoie les voies digestives et hépatiques. Que les racines d'arum tacheté servent à purger les viscères, que l'Achillée millefeuille fait des miracles contre les problèmes de femme. Que la valériane est administrée en cas d'insomnie mais aussi appliquée sur les vêtements des amants en Europe centrale pour repousser les « elfes envieux »…

Le livre est composé de quatre grands chapitres consacrés aux quatre éléments : le feu, la terre, l'eau et l'air car, comme l'explique l'auteure, dans la pensée taoïste, la personnalité constitutive de tout individu est un microcosme des écosystèmes de la Terre et chacun possède en soi une combinaison d'éléments : le bois, le feu, la terre, le métal et l'eau. Il y a aurait ainsi des êtres de bois, des êtres de terre, des êtres de métal avec des éléments dominants. Et les plantes portent précisément l'une le feu, une autre la terre ou encore l'eau. Se connaitre, et connaitre les plantes permet ainsi d'atteindre l'équilibre, de modérer un caractère trop impétueux, de calmer une personnalité trop anxieuse. La plante communique à qui la prend toute son essence, sa dominante.



"La médecine populaire et la médecine occidentale se situent aux deux extrémités du spectre humain environnemental. D'un côté, le matérialisme scientifique dépourvu d'âme ; de l'autre, la magie dépourvue de science. Toutes deux vous dissuadent de prendre votre propre bien-être en main. Toutes deux vous maintiennent dans l'ignorance et la dépendance. La médecine occidentale agit sur la manière d'un patriarche trop délicat portant un masque, et la médecine magique à la manière d'une matriarche manipulatrice, son souffle sur votre nuque".





Élixir, c'est ensuite une région mise à l'honneur, un territoire à la géographie complexe et aux hameaux dotés de noms étranges basés sur leur aspect zoomorphique et anthropomorphique. Une carte en début de livre est là pour guider le lecteur.

« Les habitant de la Mesta savaient ce que signifie souffrir. Mais ils avaient quelque chose de précieux : la forêt. Tout y était encore connecté – les sommets, les gens, les plantes. Cet endroit avait conservé quelque chose de l'ancien temps, des espaces sauvages : la médecine, le sens, la magie. La Bulgarie, comme je l'ai découvert, est un des premiers pays exportateurs de plantes médicinales et culinaires. Nombre d'entre elles sont toujours récoltées dans la nature, et le bassin de la Mesta est une plaque tournante dans ce secteur du fait de sa richesse écologique : trois chaines de montagnes, une superposition de plusieurs microclimats, le tout quasiment épargné par l'industrie. Et même par la mécanisation ou la modernité jusque dans les années 1950. L'Etat communiste exploita ensuite la vallée au maximum ».



La Bulgarie, un des plus gros exportateurs européens de plantes comestibles et médicinales, notamment de lavande et de paprika, est également le creuset d'un entrelacement complexe, depuis des siècles, de chrétiens, de gitans, de Roms et de musulmans, les Pomaks, véritable mosaïque mouvante. Si à certains endroits la cohabitation est pacifique, ces derniers y endurent cependant calamité sur calamité, entre massacres, obligations de changer de nom, de nationalités et de coutumes, humiliations, brinquebalés par les vicissitudes de l'histoire, depuis la défaite de l'empire ottoman contre la Russie à la fin du 19ème siècle, l'indépendance de la Bulgarie, les guerres balkaniques, les guerres mondiales, l'arrivée puis la chute du communisme, le rideau de fer.



Ce qui motive également le voyage de l'auteure, au-delà de ses racines, au-delà des plantes et de la nature, est de rencontrer ces gens du bassin de la Mesta, ces gens dans toute leur diversité, de découvrir ce qu'il subsiste de leur connaissance de la terre, de comprendre leurs rites, et d'apprendre d'eux sur les maux et les remèdes, en les écoutant respectueusement et patiemment. Ce livre palpite d'humanité tant les personnes rencontrées, véritable mosaïque eurasienne, personnes jeunes et vieilles, chrétiennes et musulmanes, éleveurs et cultivateurs, artisans et poètes, hommes et femmes, glaneurs, semeurs, guérisseurs, cueilleurs de champignons, émigrants, petits paysans, sont des personnes touchantes et décrites avec justesse. Livrant savoir-faire, vécu, savoirs, traditions, rumeurs, recettes mais aussi contes pour les plus malheureuses qui ne peuvent relater leur terrible vécu et que « dans les contes, vous creusez un trou pour y hurler votre vérité », c'est un kaléidoscope de personnages pittoresque que nous offre l'auteure bulgare, tous inoubliables par leur simplicité, leur humilité, leur générosité et leur sagesse. Des personnes auxquelles je pense à présent.



« Après quoi, il me remettait un sac de tomates et de concombres, ainsi qu'un bocal de yaourt au lait de brebis, dont il se souvenait que je raffolais, car il se rappelait tout des gens.

S'il avait pu mettre dans un sac la Mesta noire, là où jadis des truites impétueuses aux écailles roses descendaient le courant à vive allure tels des reflets traversant furtivement un visage, ses yeux et ses mains de garçonnet à leurs trousses comme s'il pouvait les suivre depuis ces hauts plateaux plongés dans la pénombre jusqu'à la lumière égéenne qu'il ne verrait jamais…S'il avait pu l'ensacher et vous la donner, il l'aurait fait ».



Ce livre est surtout une ode poétique à la nature et un manifeste écologique. Kapka Kassabova nous convie à prendre le temps de regarder, de humer, de ressentir et à prendre conscience de l'impact de nos activités sur la nature sans pathos, sans leçon de morale, sans vérité proclamée mais avec un regard émerveillée sur la nature et ses éléments. En cela ce livre est magnifique. La jeune femme nous explique sans jugement la baisse de la biodiversité, la disparition des espèces, avec humilité et douceur, sans jamais perdre sa contemplation méditative et poétique pour les choses les plus simples.

« Mon dos absorbait la chaleur du sol et je me muais en ver de terre. le bruissement de la forêt de haricots verts, l'odeur de résine du tas de bois, le sirop de pin de Zaidé dans le bocal, les hirondelles décrivant en silence des cercles sur les cimes – tout frémissait dans la lumière telle une toile d'araignée, puis volait en éclats à mon réveil, visage brûlé, soleil éclipsé ».





Au final, c'est un voyage lent et contemplatif mais aussi érudit, une somme qui ne se lit pas comme la plupart des livres, pour pouvoir en tirer toute la substantifique moelle, toute l'huile, essentielle. Pour que cet Élixir infuse tous ses bienfaits, il faut y aller pas à pas avec Kapka Kassabova, comme elle nous l'avait proposé dans Lisière contournant alors les frontières de la Bulgarie, boire délicatement cette substance miraculeuse en cheminant avec elle, en prenant le temps d'écouter les rares habitants de cette contrée désolée qui continuent à cueillir les plantes médicinales et comestibles que nous offre avec générosité la Terre, prendre le temps d'observer leurs faits et gestes, ressentir leurs craintes, leurs peines, en prélevant avec respect une graine sur un capitule de tournesol gorgée de chaleur et le fendre avec ses dents, en buvant une chaude infusion de thym. Il faut humer, respirer, se laisser bercer, qu'importe la longueur, qu'importe les longueurs, toutes ont un sens, celle d'honorer un peuple mosaïque. Et donc il faut écouter…





Kapka Kassabova est ainsi une cueilleuse d'histoires, une alchimiste incroyable, une magicienne à moins que ce ne soit une sorcière, broyant, à l'aide d'une plume sur un carnet, une sorte d'élixir d'éternité, palpitant d'humanité, concassant sa mixture pleine d'énergie et de bonnes ondes hors de portée des lecteurs impatients, avides d'aventures et de rebondissements. C'est une femme sensible et empathique qui prend le temps d'aller à la rencontre des gens, de cheminer longuement sur un territoire, de humer, de gouter, d'écouter avec respect, sans jamais juger.

La lire est une parenthèse enchantée qui transforme le lecteur en citoyen du monde.

Et replonger dans cet élixir, de temps à autre, en humain sachant tendre l'oreille pour percevoir le murmure des plantes et des planètes, humain comble « telle une tasse remplie à ras bord. Être avec les lieux, les plantes et les gens. Nul besoin de but plus abouti ».



Immense coup de coeur, sans aucun doute ma meilleure lecture en cette année 2023 !

Un merci ému à Babélio et aux magnifiques éditions Marchialy pour cette masse critique privilégiée !



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Élixir

C'est une sensation étrange que celle de se retourner sur ses dernières années de lectures, de repenser à toutes les émotions ressenties, les épreuves traversées et les difficultés stylistiques ou thématiques rencontrées, la plupart du temps surmontées avec une immense satisfaction. C'est un peu comme se retrouver en haut d'une montagne qu'on vient de gravir, ayant cheminé à travers une forêt de livres, de lignes, de personnages, de mots parfois denses et touffus, parfois plus légèrement clairsemés ou carrément purs et limpides, coulant comme une eau vive et cristalline ; arriver en haut, donc, contempler les sommets qui nous restent à gravir certes, mais avoir envie de faire une pause pour savourer là où l'on en est au moment présent. L'équivalent de l'intégration après une bonne séance de yoga. S'arrêter, détendre ses épaules, lever la tête vers le ciel, yeux fermés pour laisser la caresse du soleil nous effleurer le visage, puis se retourner pour contempler le chemin déjà parcouru, un léger sourire aux lèvres.

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Penser que, au début de cette ascension, il s'agissait simplement d'une mini-envie d'évasion, d'une petite randonnée d'une heure ou deux sans difficulté majeure, afin de se dégourdir les neurones. Et puis un pas après l'autre, un livre en amenant un autre, on a pu se sentir guidé, appelé par l'expérience suivante, le personnage suivant. Une fois ce bagage acquis, l'envie d'explorer plus intensément et plus profondément cette forêt littéraire est rapidement devenue irrésistible, vitale, évidente. Marcher toujours plus loin sur les pas des auteurs ou lecteurs précédents, s'enfoncer plus loin encore dans les émotions, les expériences de vie ou de style, monter plus haut et plus vite jusqu'à s'essouffler, chercher à s'explorer soi-même ce faisant, tester ses propres capacités de résistance à l'effort littéraire, devenir plus exigent avec soi-même et dans le choix des chemins que nous décidons d'emprunter désormais. Bannir les sentiers tout publics, ou se les réserver pour les pauses et les moments de faiblesse, de détente ; mais se ménager toujours plus de temps et d'espace pour la découverte, l'exploration sauvage de contrées que nous ne n'aurions même jamais pensé avoir un jour envie de découvrir.

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C'est cela, l'aventure littéraire. C'est la mienne en tout cas. Et j'ai la sensation aujourd'hui, quand je regarde ma sente littéraire parcourue, ses nombreux rallongis mais surtout ses exquis passages secrets et dérobés empruntés parfois par ce qui semblait être un hasard balisé, autant dire le destin, d'avoir parcouru l'un des nombreux chemins de Saint-Jacques littéraires, d'en être heureuse mais d'autant plus curieuse tant les choix que j'ai fait ont laissé autant de chemins inexplorés encore, d'en avoir un peu le tournis, mais surtout une furieuse motivation pour repartir dès maintenant gravir tous les autres et même, pourquoi pas, réexplorer certains pans particulièrement appréciés pour bifurquer vers les chemins précédemment laissés de côté !

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Ce n'est pas par hasard que m'est venue cette métaphore entre littérature et nature. J'ai toujours eu un grand lien avec cette dernière avant d'aimer la lecture ; j'ai eu la chance de pouvoir toujours, jusqu'à l'âge adulte, la vivre et l'expérimenter. A tel point que je ne voyais pas du tout l'intérêt de lire un livre sur la nature, qui reflétait de toute façon l'expérience de quelqu'un d'autre et n'était jamais totalement la vivre, la ressentir… Et puis la vie nous a un peu écarté, mère nature et moi. Sans que ce ne soit une volonté de mon fait, je me trouve limitée à de nombreux points de vue pour y avoir autant accès qu'avant. Et ça me manque. Alors j'ai commencé à apprécier les romans de nature writing… Puis ce livre, Elixir, est sorti. le chant des sirènes, vous connaissez ? Il m'appelait, mais je le pensais inaccessible à mon endurance littéraire, à ma capacité à écouter quelqu'un d'autre me parler de nature. Un jour n'y tenant plus - envie de nature, curiosité littéraire, challenge, appelez ça comme vous voulez - je n'ai plus pu résister. Et je l'ai ouverte, cette édition magnifique. Touché ses feuilles, son tronc, me suis abreuvée à la sève de ses mots. J'ai cherché, dans le récit de voyage de cette auteure Bulgare habitant en Ecosse, qui revient sur ses terres d'origine, l'Elixir qui me ferait du bien et rendrait mes sensations immortelles.

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Et finalement c'est cela, que j'y ai trouvé comme dans l'Intranquillité de Pessoa : une auteure qui me rend à mes sensations délicieuses avec pourtant ses mots à elle, clairs, lavés à l'eau de source et à l'air pur de ces forêts de montagne, ces forêts de pins mais aussi de fleurs, de simples que les habitants connaissent encore, savent non-seulement prélever à la nature lors de cérémonies rituelles, mais aussi utiliser pour leur bien-être ou leur guérison, et pas uniquement pour la vente en gros à nos pays d'Europe. Dès l'incipit je me suis laissée promener à la rencontre de ces peuples, de leur histoire, de leur culture et connaissance, de leurs rites, légendes et recettes qui mijotent avant de s'infuser en nous pour diffuser leurs bienfaits. de leur respect de la nature, notre mère nourricière à tous. J'ai adoré l'humilité de l'auteure autant que sa curiosité, qui servent toutes les deux notre découverte via son émerveillement, les questions qu'elle pose, ses recherches, les anecdotes et les mots qu'elle choisit et emploie.

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Je n'ai pas de recette miracle pour mon actuel manque de nature, mais j'ai trouvé dans cette lecture formidable des recettes d'infusions de feuilles de figuier pour lisser ma glycémie, de sirop de sureau pour fortifier mes défenses naturelles. J'y ai trouvé de l'évasion par procuration tellement je me suis crue avec l'auteure dans ses échappées en bord de rivière ou dans les fêtes de village traditionnelles. J'y ai trouvé du rêve parce que c'est bien un endroit que je n'aurais jamais envisagé pour des vacances, alors que j'ai désormais une furieuse envie d'y passer quelques temps en retraite. J'y ai trouvé des amis aussi, car si c'est ainsi que nous lecteur qualifions souvent nos livres, leurs personnages peuvent aussi vite le devenir et c'est ce qui s'est passé avec les villageois de ce peuple aussi bigarré que torturé, qui demeure accueillant malgré son passé violent et sa situation économique actuelle peu enviable.

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Mais alors même que la douceur de plume nous ferait facilement croire à la douceur de vivre dans ces montagnes parmi les simples, les pins et les sources d'eau pure, puisqu'on a envie de croire, après ces moments de lecture délicieux, que le pouvoir des plantes soigne tout, Kapka KASSABOVA sait également nous émouvoir et nous surprendre avec un réalisme désespérant que nous faisait oublier ses récits de fées, d'elfes, de miracles de guérisseurs et de sorcières, de potions et de cueillettes, de sieste à l'ombre de grands chênes… Ici presque toutes les femmes sont sous anti-dépresseurs et les hommes n'osent plus sourire à la vie, les enfants doivent partir travailler dans les pays limitrophes et rapportent, avec leur maigre salaire saisonnier, une modernité et des envies incongrues dans ce pays où les rêves et les populations ont été décimés par les luttes politiques successives.

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Si je me suis égarée dans mes pensées naturelles et livresques, à travers cette critique, c'est que je n'étais pas encore tout à fait réveillée de ce récit de voyage, de ce rêve éveillé, de cette réalité féérique qui nous fait nous exclamer « Ca existe encore ça ?! Mais où je signe pour en faire l'expérience, même de courte durée ?! ». Une lecture enrichissante mais, quand je pense à ce que l'auteure a vécu réellement durant ses voyages là-bas, je me dis qu'elle en sort encore plus riche et, revenant à mes pensées premières, je me dis que ce livre m'est presque insuffisant : j'en veux plus, et il se pourrait que ce livre me pousse à explorer des possibilités que je m'occultais jusqu'alors… Je suis très peu sûre de vous avoir donné envie avec cette critique, mais je n'ai pas de regret car, comme tout livre qui nous laisse tout chose, je n'aurais pas su bien en parler de quelque manière que je m'y prenne.

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A chaque lecteur de choisir ses chemins dans la forêt dense et touffue de livres en tout genre qui nous enserrent, nous appellent, nous repoussent - nous griffent et nous mordent parfois aussi. Comme vous le recommanderait l'herboriste du village, glanez les livres qui vous tentent, testez-en quelques un, celui-ci peut-être ? Voyez l'effet qu'ils ont sur vous, s'ils vous échauffent recrachez-les, s'ils vous font du bien, mâchonnez-en quelques feuilles chaque jour au lever et au coucher du soleil. Couchez-vous à l'ombre de votre PAL et, pour y prélever un livre, n'oubliez surtout pas de reboucher le trou que son absence provoque par un autre, en susurrant un poème de remerciement pour les heures de plaisir que tout cela vous procure ;-) Que votre chemin soit long et beau comme ce récit, qui cheminera encore longtemps en moi, m'exhortant à explorer toutes les portes qu'il m'a entrouvertes… Certains livres devraient faire l'objet de prescription parce qu'ils ont le pouvoir de soigner ; Et quel livre pourrait s'y prendre aussi bien que cet Elixir, ce retour aux « sources » pures et vives, aux « racines » culturelles de cette auteure, ce récit sur le lien entre les humains et les plantes, cette couronne de fleurs séchées tissées de feuillages et de racines coupées en dés, émaillée de réflexions sur la médecine scientifique occidentale et la médecine traditionnelle ou magique ? Ca lui vaut, et ce n'est pas si souvent, mes plus belles 5 étoiles du berger de montagne se détachant dans le ciel bleu mille et une nuits de Babelio, luisantes comme du beurre fondu à la poêle, qui me guideront encore longtemps dans l'exploration de ma montagne de livres.

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Un Elixir littéraire au goût de reviens-y, à consommer sans modération, pour cultiver sa forêt intérieure. « Ce qui compte le plus selon moi c'est l'amour. L'amour est le seul Elixir ».
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Élixir

Et nous voici partis en Bulgarie, mais pas celle de Sylvie Vartan, du fameux yaourt et du célèbre parapluie. Une Bulgarie de cueilleurs, de guérisseurs et de mythes, le jardin de l'Europe de l'Est.

Une excursion dans les Rhodopes nous fait découvrir sa nature, ses habitants, sa culture, sa frontière point de convergence avec la Grèce et la Turquie.

Histoire des hommes, des plantes, des lieux et d'un pays, Élixir Dans la vallée de la fin des temps est un merveilleux voyage.

C'est aussi la rencontre des Pomaks un peuple dont j'ignorais l'existence qui a préservé sa culture, a survécu aux communistes, aux nombreux conflits et continue à transmettre ses savoirs

Une rencontre avec des personnes, des plantes et la terre-mère, une vie respectueuse de la nature, simple mais d'un grand intérêt car beaucoup sont des cueilleurs, des guérisseurs, des herboristes.

Un monde fascinant où les mythes, les légendes ont leur importance, les rencontres sont touchantes et la sagesse de ces hommes est au rendez-vous. On y parle des Bogomiles, des Cathares et de leur prophétie mais aussi de voyants.

Voici les paroles de quelques habitants mais il y en a bien d'autres et tous ont un savoir à nous transmettre.

Metko, la mémoire vivante d'un village et l'enseignement qu'il en a reçu : « le monde est empêtré dans un cycle de victimes et de bourreaux victimisés par leurs propres crimes. Je veux mettre tout ce système délétère au défi en m'extrayant du cycle et en devenant un être humain libre. »

Vanga et son herbe de miséricorde : « Pas de fleurs coupées surtout, précisait-elle. Elles sont comme des enfants aux mains tranchées… Apportez-moi une plante vivante. »

Emin et sa vie avec les karakachans (chevaux) : « J'ai pas choisi tout ça, déclara-t-il. C'est un mal qu'on m'a transmis Certains héritent des maladies. Moi j'ai hérité des chevaux.»

Je n'ai pu m'empêcher d'avoir la larme à l'oeil quand il raconte sa vie parmi les chevaux qui en fait un solitaire, un fou pour certains.

Kapka Kassabova nous parle d'un temps révolu :

Il n'existe presque plus de gens comme Emin, car la vie sauvage n'existe presque plus. Pourtant , autrefois, nous étions partout. La couronne faite de 77 plantes et demie se tissait depuis la rivière Beauly jusqu'à la Mesta puis au Nil et au-delà. Jusqu'à ce que les plantes deviennent « mauvaises », que les femmes deviennent des sorcières et que l'enfant de la nature devienne un fou.

Après quelques chapitres ont retenu mon attention :

Botani, avec des rituels et des prières dites par les cueilleuses.

Elixir, qui parle d'alchimie et du pouvoir de guérir que nous avons oublié.

Pélerines, étonnant !

L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux, magnifique et terrible.

Pour Kapka Kassabova, il sagit d'un retour aux sources et à ses racines dans tous les sens du terme mais c'est aussi la rencontre d'herboristes et la connaissance des plantes sur le terrain dans leur environnement ainsi que la découverte de leurs vertus. C'est un texte érudit, passionnant.

Élixir est un monde foisonnant que j'ai quitté à regret mais il me reste Lisière et L'écho du lac qui me permettront de prolonger ma visite de la Bulgarie.

Voyageuse des pages, naturopathe et curieuse à plein temps ce livre est un immense coup de coeur que je dois à HordeDuContrevent

Merci aux éditions Marchialy qui nous ouvrent une fenêtre sur un monde différent.

#Élixir #NetGalleyFrance


Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Élixir

L'auteure, originaire de Bulgarie, retourne dans son pays , plus exactement au sud est de la Bulgarie , et plonge dans un monde où le végétal a encore toutes ses lettres de noblesse.

Bienvenue dans un monde que l'on pourrait croire avoir disparu . Bienvenue dans un monde où les plantes aident les hommes à se guérir, à vivre .

Mais ce livre , c'est bien autre chose qu'un dictionnaire listant les bienfaits de plusieurs centaines de plantes .

C'est un plébiscite pour une vie simple , loin du profit et des intérêts humains.

Et bien sur , une ode à la nature , à ce que la terre peut nous offrir quand nos yeux se détournent de l'essentiel.

Et puis, il y a les hommes et les femmes qui vivent encore avec les plantes . Les rencontres sont belles puissantes, les religions cohabitent, ne semblant pas être au courant qu'elles pourraient s'opposer.

Le livre appuie aussi sur l'idéologie communiste qui a mis à mal beaucoup de pratiques en essayant d'imposer les siennes. On savait qu'elle avait détruit des vies humaines, elle a aussi saccagé la nature.

C'est remarquablement écrit, cela se lit comme un roman , les personnages sont attachants, émouvants . On plonge dans la culture des Pomaks, ce peuple autochtone de religion musulmane au comportement laïque.

Une très belle découverte.

Merci à Babelio et aux éditions Marchialy pour leur confiance.
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Lisière

Merci à Bookycooky chez qui j’ai pioché cet ouvrage. Quand le besoin se fait sentir de retrouver le lieu de ses racines... L’écrivaine retourne en Bulgarie, son pays natal, quitté alors qu’elle était enfant, fuyant la guerre froide. Disons qu’elle se rend surtout près des frontières de la Turquie et de la Grèce. D’où certainement ce titre Lisières, mot que j’associe à Olivier Adam qui l’emploie souvent dans ses romans et le fabuleux Les lisières. Œuvre d’une grande richesse historique et humaine. L’historique : pas évident quand on n’y connaît pas grand chose. J’ai surtout été touchée par ce côté genre « carnet de voyages » peuplé de rencontres avec des belles personnes et des légendes locales. J’aurais aimé en savoir plus sur son immigration à elle et de sa famille en Écosse, leurs parcours. Pudeur ? Des passages forts sur ce qui se passait à ces frontières entre espions, milices et ceux qui espéraient un avenir de liberté et de vie.

Comble de joie lié à ce livre : un MP de Bookycooky qui m’a dévoilé un pan de la vie de ses grands-parents fort passionnant.
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Élixir

Kapka Kassabova, installée en Ecosse depuis 2005, revient sur ses terres natales bulgares, plus précisément dans la vallée de la Mesta, une région montagneuse des Balkans où la nature est encore relativement préservée. Dans ce sanctuaire où poussent, libres et folles, une multitude d'herbes et plantes médicinales (742, paraît-il), l'auteure part à la rencontre de ceux et celles (et ils sont peu nombreux, et âgés) qui connaissent encore les plantes. Une connaissance transmise depuis des générations, un savoir et un savoir-faire qui se sont perpétués malgré les tourbillons de l'Histoire, guerres, déplacements de populations et communisme en tête.



Bien plus qu'un guide de botanique ou d'herboristerie, ce livre aborde une foule d'autres sujets : l'histoire de la région et du peuple Pomak, les relations entre chrétiens, musulmans et Roms, la mythologie locale, l'alchimie, le mysticisme, la sorcellerie, l'anthropologie, les liens entre corps et esprit, l'opposition entre médecines classique et alternative. C'est aussi une ode à la Nature et un plaidoyer pour que l'Humain (et la médecine occidentale) s'y reconnecte de toute urgence, dans son propre intérêt vital, pour qu'il en protège la biodiversité et qu'il comprenne enfin qu'il n'en est qu'un élément parmi d'autres.



Tous ces thèmes s'entremêlent dans ce livre plein de charme mais un peu fouillis, qui ne suit pas de fil conducteur très clair. Cela a rendu ma lecture un peu laborieuse (et lire ce livre sur liseuse n'a pas aidé). Mais il faut reconnaître à l'auteure un vrai talent lorsqu'elle raconte ses rencontres avec les gens. Elle restitue ces moments de façon sincère, attachante, émouvante. On ressent son enthousiasme, son exaltation même, sa curiosité inépuisable, son émerveillement, son profond sentiment de joie et de bien-être à se trouver là. Elle donne envie d'aller découvrir cette région riche de nature et de culture. Et elle m'a convaincue d'essayer le thé grec des montagnes.



En partenariat avec les Editions Marchialy via Netgalley.

#Élixir #NetGalleyFrance
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Lisière

"Lisière" est un récit hautement dépaysant. Kapka Kassabova est née en Bulgarie mais elle a vécu toute sa vie en apatride, vivant actuellement en Ecosse après avoir suivi, enfant, ses parents en Nouvelle-Zélande. Autant dire qu'elle sait ce que signifie l'exil et le déracinement. A quarante ans, elle a entrepris un travail de retour aux sources déconcertant pour elle-même et le lecteur en retournant dans ce carrefour territorial que constitue l'antique Thrace à la croisée des routes de la soie et de la mer Noire, entre Bulgarie, Grèce et Turquie.



Des sources, il en est énormément question dans ce récit de voyage qui se focalise sur les "lisières", c'est-à-dire les frontières naturelles, humaines, géopolitiques. Eaux vives ou eaux troubles, archives ou mémoires des hommes. Ce retour au bercail ne laissera pas Kapka Kassabova indifférente ni même indemne. Dans les forêts profondes et sauvages de la mystérieuse et mystique Strandja, chaque centimètre carré est un concentré de beauté et de danger.



Narré à la façon d'un roman mais très documenté, ce voyage dans l'espace et le temps enivre autant qu'il effraie. C'est le récit des contrastes, des hontes, des espérances, des mixités mais aussi des passions, des croyances, des héritages. "Lisière" ne peut vraiment pas laisser le lecteur indifférent et pour peu qu'il s'intéresse à l'histoire européenne du XXème siècle, il sera véritablement passionné par ce livre.





Challenge MULTI-DEFIS 2022

Challenge ATOUT PRIX 2022

Challenge ABC 2022/2023
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Élixir

"Aucune plante psychotrope n'a été utilisée dans la réalisation de ce livre ; seulement un sentiment d’émerveillement."

C'est bien un sentiment d’émerveillement qui persiste suite à la lecture de ce récit de voyage de Kapka Kassabova, reçu dans le cadre d'une masse critique privilégiée et offert par les éditions Marchialy dont je salue le travail.



L'auteure qui vit désormais en Ecosse est retournée dans sa Bulgarie natale, dans une vallée fluviale isolée entre les Rhodopes occidentaux et le Parc National du Pirin.

Dans ces montagnes magnifiques, à l'écosystème préservé, on ramasse 742 plantes médicinales différentes pour les vendre partout dans le monde.

Kapka Kassabova raconte dans une prose poétique d'une grande qualité, son expérience d'un système symbiotique où la nature et la culture se mélangent depuis des milliers d'années. Pour cela, elle puise dans des matériaux issus de l'anthropologie, de la psychologie, de l'histoire, de la mythologie, de la botanique et de l'alchimie, tout en les tissant ensemble d'une manière si habile et subtile que le récit distille en continu des connaissances inattendues.



Les lecteurs intéressés par l'herboristerie seront sans aucun doute fascinés par ce livre qui dispense de nombreux conseils et des recettes innombrables pour se soigner avec les plantes. Avis aux naturopathes, herboristes, radiosthesistes, guérisseurs, phytotherapeutes et tout autre adepte de médecine alternative.

Alors que je suis totalement ignorante en matière de plantes, le plaisir de la découverte a été à peine estompé par des descriptions parfois trop longues des propriétés d'une fleur. Il faut reconnaître à l'auteure un indéniable talent pour nous mettre en contact avec cette végétation abondante et précieuse.



Mais ce récit est bien davantage qu'un guide botanique.

L'auteure est allée à la rencontre des plantes, mais aussi de paysages d'une grande beauté qui ont gardé les traces d'une histoire bien mouvementée.

Elle aborde donc, au fil de ses rencontres, la mythologie et les différents cultes religieux, le Moyen-âge et les bâtisseurs, l'empire ottoman, les deux guerres et la dictature communiste. Et elle ne craint pas d'ouvrir son propos à l'histoire de l'alchimie ou à celle des sorcières, nombreuses dans ce pays d'abondance de potions magiques.

"En Grande-Bretagne les plantes sauvages sont toujours associées à la figure de la" sorcière ", car dans la mentalité collective phytophobe, l'usage des plantes est assimilé au terrible destin des sorcières tombées aux mains de l'Eglise."



Le récit serait peut-être moins digeste sans les nombreuses personnalités rencontrées au cours du voyage. Dans ces montagnes isolées, les habitants sont souvent pauvres mais possèdent de grandes qualités humaines et la volonté de partager leurs connaissances. Kapka Kassabova a rencontré de nombreux travailleurs non qualifiés qui sont payés misérablement pour ramasser les plantes, les champignons et les légumes qui seront vendus à prix d'or sur les marchés occidentaux.

Elle a aussi croisé des personnes qui ont fait des études mais qui sont employés comme main-d'œuvre bon marché dans les pays européens plus riches.

L'un d'entre eux confie : "L'occident a fait de nous des récureurs de chiottes bardés de diplômes."

Et puis, parmi toutes ces personnalités, certains sont devenus des amis : cueilleurs, guérisseuses, bergers.



Elixir est une exploration des liens profonds entre les personnes, les plantes et la nature. Dans cette région de la rivière Mesta, il semble plus facile que partout ailleurs de se reconnecter à la Terre et de repenser notre façon de vivre les uns avec les autres.

En tous cas, personne ne pourra résister à la recherche d'images pour mieux visualiser ces paysages grandioses et faire naître l'envie de voyager dans ce pays.



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Lisière

Kapka Kassabova parcourt la frontière bulgaro-turque et y recueille des dizaines de témoignages, légendes de chasseurs de trésors, anecdotes, rumeurs complotistes sur ce qui scinda le monde chrétien et l'Islam, qui, jusqu'en 1989 sépara le communisme et l'occident et qui, maintenant, est une porte d'entrée des Syriens vers l'Europe.



Elle prend son temps pour raconter, mais qu'est-ce qu'elle le fait bien!



J'ai bien aimé le personnage de Minka la mince, une femme peu loquace qui posait votre commande sur la table avec un « Fais-toi plaisir » sec, fataliste!

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Lisière

C’est la critique de anneAFB (qu’elle en soit remerciée) qui m’a donné envie de lire Lisière. Ce livre me semblait receler une énigme, et j’ai été tout à fait enchantée de le trouver à la médiathèque.

Au premier abord, j’ai eu du mal à y entrer, à entrer dans le rythme de l’écriture de Kapka Kassabova. Ensuite, j’ai eu du mal à le lâcher.

C’est un récit de voyage avant tout, une sorte de carnet de bord et de rencontres, le long de la frontière Sud de la Bulgarie. Le rythme, donc, alterne des passages contemplatifs, des réflexions rêveuses, et des épisodes effrénés en compagnie de... commerçants… plus ou moins... légaux… (contrebandiers serait le terme exact).

À la manière de Svetlana Alexievitch, c’est au travers de multiples témoignages que Kassabova retrace l’Histoire compliquée de cette frontière, depuis l’Antiquité et ses mythes, jusqu’à l’Union européenne, en passant par la Guerre froide. C’était alors le lieu où franchir le Rideau de fer semblait le plus facile, et l’autrice retrouve des personnes qui ont tenté l’évasion : pas si facile que cela, puisque les cartes disponibles en Europe de l’Est étaient délibérément fausses afin de duper les candidats à l’exil.

Aujourd’hui dans l’autre sens, c’est la tentative désespérée de passage des personnes migrantes espérant trouver en Europe un avenir meilleur – un avenir tout court.

Mais c’est aussi la frontière qu’on franchit, depuis la puritaine Turquie... pour aller jouer au casino.

L’autrice y rencontre de nombreuses nationalités, des personnes de toutes origines parlant de multiples langues, dont elle dresse des portraits sensibles, tragiques ou savoureux (D’un homme maigre : "taillé dans un tibia de cigogne".).

Elle entoure ces témoignages de ses réflexions personnelles, de son propre ressenti plein d’humanité et de compassion.

"À un moment, je me rendis compte que moi aussi je pleurais. Certaines choses sont irréparables, et c'est pour cela que les larmes existent."

Ça a été un bonheur de parcourir cette Lisière au rythme de Kapka Kassabova.

Traduction impeccable de Morgane Saysana.

Challenge Globe-Trotter (Bulgarie)

LC thématique de septembre 2022 : "État des lieux"
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Élixir

2019-2020 : vallée de la fin des temps, Bulgarie

La narratrice vit depuis dix ans au bord d’une rivière dans les Highlands en Ecosse. Elle se rend dans la vallée de la Mesta, la région de son enfance. Mais ce ne sont pas les traces de cette enfance qu’elle cherche. Portant un intérêt aux plantes curatives, elle se souvient de ses vacances chez sa grand-mère paternelle quand elles arpentaient la vallée, la forêt, la montagne pour aller cueillir plantes, fruits, champignons. C’est là-bas qu’elle a compris que la terre était comestible.

Elle va donc s’installer quelques mois dans la région, aller au-devant des habitants qui vivent encore de la nature : cueilleurs, guérisseurs, sorciers…

C’est le récit de son (ses) séjours(s) qu’elle narre dans ce récit attachant, de ses rencontres avec des gens souvent âgés qui continuent à vivre chichement de la montagne, qui lui racontent les plantes mais aussi leur vie, le dur passé de cette région des Balkans qui a eu à subir les multiples aléas politiques du XXème siècle entre collectivisation forcée, acculturation, racket des mafias d’aujourd’hui…

Elle livre aussi ses réflexions quand elle confronte ses recherches en herboristerie, ses lectures sur la médecine chinoise, sa connaissance en tant que patiente de la médecine occidentale et ce qu’elle découvre des pratiques ancestrales de la vallée faite de savoirs transmis, de croyances, de procédés plus ou moins magiques pour se soigner et soigner les autres.

J’ai beaucoup, beaucoup aimé ce texte, le regard bienveillant que l’auteure porte sur ces personnes de rencontre qui vont au fil du temps se révéler devenir des amitiés pour bon nombres d’entre elles.

J’ai aimé ses expéditions seule ou en compagnie à la recherche de la plante rare, l’attention qu’elle porte à ce qui l’entoure : paysages, couleurs, odeurs.

Je remercie chaleureusement Babelio et les Editions Marchialy pour cette découverte qui m’a enchantée. Je vais me procurer très vite « Les lisières » de la même auteure.

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Lisière

Lisière est une œuvre singulière et originale, du moins de mon point de vue.

L'autrice se rend à la frontière entre Bulgarie, Grèce et Turquie et va voyager dans ces différentes contrées limitrophes. Pas de découverte de lieux touristiques, mais de belles et riches rencontres des habitants de cette zone reculée qui montrent tant l'histoire et la mouvance de la géopolitique (guerre froide , intégration ou non à l'union européenne, etc) au fil des siècles et notamment des dernières décennies, les activités économiques et habitudes quotidiennes de ces habitants, leur adaptation en fonction du temps et des situations familiales et économiques.

Atypique, je ne m'attendais pas trop à un tel contenu, mais pour véritablement m'en imprégner (plus de 600 pages) j'ai ressenti le besoin d'être moi-même en congé pour être plus disponible dans cette lecture sans intrigue qui me happe. Car une fois mon cadre de lecture organisé, sur deux périodes différentes, j'ai eu plaisir à m'y plonger. Il m'en reste un doux souvenir, où les frontières ont une valeur relative dans le quotidien de ces personnages et de belles rencontres qui ont très vraisemblablement fait grandir l'autrice.
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Élixir

🌼Chronique🌼



« Qu’y avait-il de si spécial dans la vallée? »



Si je vous le disais, l’enchantement se briserait.

Dans cette vallée, pourtant, il nous faudrait y aller. Juste pour parler à la montagne. Juste pour parler aux éléments. Juste pour parler aux gens. Juste pour parler aux plantes. Et peut-être qu’alors, certains d’entre eux ou elles, vous diraient un, voire, deux secrets de santé. Cette vallée, c’est un bout de terre encore préservé…Et ce morceau de terre est l’endroit où réside certainement le pouvoir de notre guérison. C’est ceci qu’elle a de spécial, cette vallée de tonnerre et de feu: l’espoir d’un remède pour l’humanité, rien que ça! Encore faut-il faire l’effort, d’aller à la rencontre de cette vallée et de faire l’expérience poétique, intime, politique, historique, spirituelle, culturelle, magique, ésotérique, philosophique, initiatique, comme s’y prête, magistralement, l’autrice…

Kapka Kassabova nous entraîne avec elle, dans sa quête d’Elixir au cœur de cette vallée bulgare et nous pousse à réfléchir à notre rapport à la nature. De par ses rencontres, elle nous emmène à developer nos sens et notre façon d’être au monde. En cherchant le miracle de la guérison, elle s’intéresse aux 742 plantes médicinales présentes ou invisibles de cette vallée, mais son cheminement personnel sera d’autant plus fructueux, qu’elle va apprendre les vertus curatives de la transmission du savoir par la parole et les gestes rituels des personnes initiées. Sorcières, guérisseurs, chamans, poètes, cueilleurs: tous ont leurs méthodes et leurs tips pour soulager de tous les maux incrustés dans la chair, l’esprit, ou l’âme…

Ce voyage se veut donc exceptionnel, et j’en reviens totalement émerveillée. Il ravive des vérités et des légendes ancestrales. Il éveille aux pouvoirs bienfaisants du végétal. Il enchante par ses histoires fabuleuses. Il nous permet de s’aligner à la sagesse de la montagne. Chaque interaction est propice au savoir, au savoir-vivre, au savoir-être, au savoir-faire: c’est une mine d’informations et de secrets alchimiques! L’élixir, c’est l’objectif ultime, mais le chemin est tellement enrichissant…J’ai pris plaisir à contempler, divaguer, apprendre, méditer, comprendre tout ce qui a attrait à la botanique. C’est non seulement une ode à la nature et la plume de Kapka Kassanova lui rend hommage par tant de beautés, mais j’irai même jusqu’à dire, que c’est un manifeste ecoféministe tellement, l’implication des femmes est prégnante. La relation qu’elles entretiennent avec le Vivant, la montagne, la magie, la terre, les plantes, est essentielle pour maintenir cette biodiversité propre à ces lieux. La sororité est à mon intime avis, l’ingrédient mystère qui reconnecte tous les plans de cet écosystème complexe.

Vous l’aurez sans doute compris, ce livre, c’est un trésor, ma nouvelle référence, mon baume magique. C’est l’Eliksir. C’est une dose d’amour pure. C’est mon coup de cœur 2024! Et puisque, on commence l’année, et qu’il est encore temps de faire des vœux…Puisque le pissenlit est la fleur qui dissémine tout au long de ces pages, sa poésie, et que j’ai moi-même, un pissenlit tatoué sur ma peau et que je le ressens dans mes os, les coïncidences sont trop belles pour ne pas se risquer à faire, ici, un sortilège-poème:



Lisez Élixir

Aimez Élixir

Adorez Élixir

Prends-le maintenant!

🌼🌼🌼🌼🌼🌼🌼🌼



Je tiens à remercier très chaleureusement Babelio ainsi que les éditions Marchialy de leur confiance et l’envoi de ce livre.
Lien : https://fairystelphique.word..
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Élixir

Au départ je me suis dit qu'un tel pavé sur les plantes médicinales n'allait pas être facile à lire.

Mais dès les premières lignes, on est séduit par une écriture élégante et poétique.

L'auteure quitte l’Écosse, prend son baluchon et part pour la Bulgarie où elle a vécu ses premières années.

Elle s'installe dans la vallée entourée de hautes montagnes, et là, émerveillée, découvre un formidable écosystème culturel.

Elle arpente les moindres recoins de la région.

C'est là qu'il y a le plus de plantes médicinales qui sont exportées dans le monde entier.

Il en reste encore 742 espèces.

Mais des dangers menacent.

La déforestation qui appauvrit le sol.

Le nombre de plus en plus réduit de ramasseurs.

Ce sont essentiellement des Roms qui récoltent les plantes.

La mafia qui a main mise sur le marché de la vente des plantes.

Elle nous fait tout partager de son formidable voyage et de son expérience.

D'abord, les paysages magnifiques, les moindres coins de cette terre comestible.

Et puis les plantes et leurs vertus. La manière de les reconnaître, de les cueillir, de les conserver, de connaître leur pouvoir, de les utiliser.

Enfin, les exceptionnelles rencontres humaines qu'elle a faites.

Les cueilleurs, les exportateurs, les bergers, les apiculteurs ,les guérisseurs, les gens aux pouvoirs « magiques »..........

et toutes les légendes qui subsistent sur ces terres bulgares.

Une occasion aussi de connaître un peu mieux l'Histoire de la Bulgarie.

C'est un formidable voyage enchanteur qu'elle nous offre.

On ne peut que remettre en question nos modes de vie, la méconnaissance des richesses de la terre et la perte des connaissances ancestrales.



Un véritable grand merci à babelio et à l'éditeur
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Lisière

Ce récit de voyage est d’un rare intérêt car Kapka Kassabova réussit à nous raconter la frontière entre la Bulgarie, la Grèce et la Turquie, par petites touches, en nous faisant ressentir l’histoire des déchirements causés par son édification, la chappe de plomb imposée par le régime soviétique, le courage nécessaire pour s’exiler et la complexité du peuplement des balkans que les différents états-nation ont entrepris de “détricoter” depuis un siècle. On ressent aussi tout l’amour qu’elle porte à son pays natal, et en particulier à la Strandja.



J’ai eu cependant un peu de mal à rentrer dans le récit. Le style est en effet un peu élusif avec des cassures de rythme. C’est vraiment un vagabondage d’histoires, de pensées, d’anecdotes toutes intéressantes formant une mosaïque pour mieux donner à appréhender cet endroit. Mais j’ai été très heureuse de continuer et d’accompagner cette voyageuse dans ses pérégrinations. Il manque parfois un peu de contexte pour bien comprendre le texte car la culture dans laquelle elle nous plonge nous est complètement inconnue : que ce soit la culture soviétique, bulgare, grecque, des balkans… Ce qui donne envie de creuser toutes les interrogations qu’elle suscite : “De quand datent les frontières dont elle parle ? Que sont les pyrolâtres? Quelle différence entre les grecs et les macédoniens ? Que sait-on sur les Thraces (en particulier sur le rite solaire orphique)?...” Mon rythme de lecture était donc assez lent car il y avait beaucoup de choses à assimiler.



J’ai été très émue aussi par l’empathie de Kapka Kassabova qu’on ressent fortement à travers sa capacité à faire des rencontres car Lisière est avant-tout le récit des rencontres qu’elle a faites pendant deux ans à arpenter ces frontières. Des frontières qui l’ont changée. On pense, pour n’en citer que quelques uns, à Marina, ethnologue qui inaugure et clôt son récit, Nikos et Ziko, deux anciens passeurs du temps de la guerre froide et qui sont restés contrebandiers, Mustapha le berger, Nizar le réfugié kurde syrien ou encore le gitan Tako, gardien musulman bénévole contre vents et marées d’un monastère byzantin…



Il y a beaucoup de choses à retenir de cet ouvrage mais je crois que je garderai en mémoire sa vision des empires qui veulent assembler, tisser les populations alors que les états-nations veulent désassembler, ce qui a mené aux différents fils ethniques d’être retirés. Ce livre est décidément une très belle porte d’entrée sur les Balkans.

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Élixir

Elixir est un cri d'amour à la nature...mais aussi un urgent et bienfaisant rappel de l'importance de notre environnement.



Mais ce n'est pas tout. Ce livre est également une somme sur le monde des plantes : se nourrir, se soigner...nous découvrons les propriétés d'un grand nombre de plantes. Et atout important, c'est une lecture facile, simple et agréable. Et ce tout en étant savante.



Nous découvrons la vallée de la Mesta, une des rivières les plus anciennes d'Europe, en Bulgarie.

Nous partageons la vie simple, mais passionnante des cueilleurs...et aussi leurs secrets. Il y a quelque chose de magnifique chez les habitants de ce lieu magique.



Certaines observations et pensées de Kapka Kassabova sont déchirantes. Elles font ressortir une intense inquiétude sur l'éloignement de l'homme avec la nature.



Les personnes rencontrées par l'auteure sont plein de modestie et de dignité. Certaines, âgées, ont connu les aléas dramatiques du XXème siècle.



Kapka Kassabova a un immense talent et beaucoup d'humanité.



Un livre remarquable.

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Élixir

Un gros coup de coeur pour ce livre reçu en Masse Critique Privilégiée, merci à Babelio et aux éditions Marchialy (très beau travail, bel objet livre).

Ce livre ne sortira en librairie que demain, c'est pourquoi j'ai attendu pour publier mon avis et il y a déjà de très belles critiques. A aucun moment ce n'est rébarbatif qu'il s'agisse de botanique, de paysages, de légendes et de traditions, et de l'histoire tragique de ce pays des Balkans, la Bulgarie.

Cette femme respire la sympathie et la générosité; elle a du courage au cours de ses voyages éprouvants; elle est à l'écoute de ceux qui peuvent lui transmettre leur savoir.Je ne connaissais pas l'histoire du peuple survivant qui lutte pour s'habiller selon la tradition et surtout pour garder leurs noms et leur identité. J'ai été sensible aux propos positifs sur les gitans car c'est relativement rare.

Un livre à lire et à relire car il est d'une grande richesse.

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