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Citations de Kate Grenville (34)


page 233
[...] Il mangerait d'abord l'igname, au délicat gout de terre, puis la mangue, sucrée, parfumée, dont la texture faisait penser à de la viande.
- Doucement, monsieur Rooke, chuchota Henrietta. Prenez votre temps, allez-y doucement.
Après avoir mangé une bouchée de chaque, il se rallongeait. La mangue était sucrée sur la langue, mais elle laissait un arrière-gout amer. Il aurait voulu la faire descendre avec une gorgée d'eau, mais il n'avait pas la force de s’assoir et de boire.
La chambre était de plus en plus chaude. Il sentit une goute de sueur glisser le long de sa joue. Il vit le rideau à la familiarité épuisante, le carrelage, la moisissure. Il se crut incapable de passer une autre journée à regarder la lumière faire le tour de la pièce, à attendre la tombée de la nuit.
Il s'entendit expirer tout l'air de ses poumons en poussant un cri entre le grognement et le gémissement. Henrietta se pencha vers lui et s'assit longuement à son chevet, en lui caressant les doigts. Il sentait ses doigts, leur peau glissante, lisse et chaude contre les siens.
"Putuwa". C'était le mot que Tagaran lui avait enseigné. "Putuwa", et il en avait inscrit la signification dans son carnet : se réchauffer la main devant le feu puis serrer doucement les doigts d'une autre personne. [...]
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Ces deux hommes que je connaissais si bien auraient difficilement pu être plus différents. mais il n'existait pas meilleurs êtres au monde que ces deux-là. Quelle chance d'avoir eu deux hommes comme eux dans ma vie. Plus de chance que je n'en méritais. J'avais jamais dit à John Daunt que je l'aimais. C'est pas comme ça qu'on se parlait. Mais en le regardant avec Jack, j'étais certaine de l'aimer à ce moment, aussi sûre que Sarah Thornhill avait aimé jack Langland
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Je peux seulement raconter ce que je sais. La cruauté et les crimes, les souffrances de toutes parts. Mais de tous les crimes perpétrés, le pire serait de laisser échapper cette histoire. Pour ce qu'elle vaut, la mienne doit trouver sa place, parmi toutes les autres.
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« Il m'a tourné le dos et s'en est allé, doublant l'allure, s'assurant de mettre de la distance entre nous. J'ai serré les coudes et j'ai couru. L'air me raclait la gorge mais j'en manquais. J'ai forcé mes enjambées, l'une après l'autre. J'avais du mal à respirer, j'étais déchirée, le soleil perdait son éclat. Je suis tombée par terre sans reste de voix pour l'appeler. J'ai levé la tête juste à temps pour le voir prendre le virage, pour voir ce dernier pas. Le balluchon s'est balancé, sa botte a repoussé les cailloux et son coude l'a entraîné.
J'ai regardé la poussière jaune, là où son pied s'était posé. Comme s'il allait revenir si je regardais longtemps. Je retenais mon souffle, j'attendais. Une bouffée de vent a agité les buissons, s'est enroulée par terre et redressée en emportant la poussière et les feuilles. Elle a tourbillonné comme une chose vivante, puis elle est retombée sur elle-même, poussière sur poussière.
Jack était parti, mais mon corps ne voulait rien entendre. Son rejet me retournait toute entière, j'ai vomi des cris et des larmes m'arrachant de longs gémissements désespérés que je n'avais pas le pouvoir d'arrêter. Je me suis accroupie dans la poussière et je me suis balancée d'avant en arrière pour repousser cette chose impossible à admettre. J'ai tiré mes cheveux, j'en ai arraché des mèches entières ; je voulais une douleur dans mon corps capable de détourner la douleur dans mon coeur. »
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Il est impossible d'acquérir une langue sans établir de relation avec ses locuteurs. Son amitié avec Tagaran ne se résumait pas à une liste d'objets, ou de mots pour ce qui se mange ou ne se mange pas, qui se jette ou en se jette pas. C'est la lente élaboration de la carte d'une relation.
Le nom des choses, si l'on voulait les comprendre, concernait tout autant les espaces entre les mots que les mots. Apprendre une langue n'était pas comme relier deux points à l'aide d'une ligne. C'était un saut à l'intérieur de l'autre."
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Un des aspects du non-dit entre deux personnes, commença t-il à comprendre, c'est qu'à partir du moment où la voie est ouverte, il est plus facile de la suivre que de rebrousser chemin.
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Même lorsqu'ils les croisaient de très près dans les ruelles étroites, Rooke remarqua que les esclaves ne le regardaient jamais en face. On leur avait sans doute appris à ne jamais soutenir le regard d'un homme blanc. Leurs traits étaient exotiques, puissants, comme s'ils étaient taillés dans une matière plus solide que le mastic insipide des visages anglais.
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« C'était donc ça, la nostalgie : se sentir bouleversé par la musique du pays où l'on est né. La perte de ce pays était aussi douloureuse et poignante que la perte d'un être aimé.
Nous, gars et filles natifs de ce pays, nous n'avions pas de tels sentiments pour cette terre que nous appelions la nôtre. Elle n'avait pas de voix à nous faire entendre, pas de chanson à nous faire chanter. Rien que du vide à la place du passé. Un vide, comme une pièce fermée, dans notre dos. »
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Comme un organe étranglé par un garrot, Rooke avait l'impression d'avoir été comprimé par toutes ces années de scolarité et de vie en mer. A présent, il pouvait enfin se dilater et combler l'espace qui lui convenait, quel qu'il fût. Dans ce lieu, avec ses pensées comme seule compagnie, il deviendrait la personne qu'il était vraiment, ni plus ni moins.
Lui-même. C'était un territoire aussi inexploré que celui où il se trouvait.
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Les Langland avaient un chapelet d'enfants. Ils ressemblaient à Mme Langland, pâles et mous comme des gâteaux sortis trop tôt du four.
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Je ne voyais moi-même aucune utilité à faire traîner la cour en longueur, j'étais tout aussi impatiente. [...] Ainsi quand il m'a retrouvée un beau matin dans le pavillon d'été, je savais à quoi m'attendre. Il s'est assis en face de moi, au bord de son siège, un peu pâle. L'agitation de ses mains ne m'a pas échappé. J'ai senti un pincement au cœur pour lui et pour tous les hommes, qui sont forcés de s'exposer à l'affront d'un refus. [...] Une femme peut perdre la raison à force d'attente, mais le rôle de l'homme est loin d'être aisé.

(P179)
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Il était vrai que les noirs n'avaient ni champs ni clôtures, ne construisaient pas de maisons dignes de ce nom et vagabondaient sans se soucier du lendemain. Il était vrai qu'ils étaient trop ignorants pour se couvrir le corps et qu'ils s'asseyaient cul nu dans la terre comme des chiens. Et à cet égard, certes, ils n'étaient rien qu'une bande de sauvages.
Mais, par ailleurs, ils ne semblaient pas avoir besoin de travailler pour subvenir à leurs modestes besoins. Tous les jours, ils consacraient un peu de temps à remplir leurs écuelles et à attraper les créatures qu'ils accrochaient à la ceinture. Après cela, ils prenaient le temps de bavarder longuement auprès du feu, de plaisanter et de caresser les membres potelés de leurs bébés.
En comparaison, la maisonnée Thornhill se levait avec le soleil, coltinait l'eau, sarclait sans répit le champ de maïs et déboisait la forêt qui le bordait. Il lui fallait attendre que le soleil ait glissé derrière les montagnes pour prendre ses aises et personne n'avait alors envie de plaisanter ou de jouer. Personne n'avait plus assez d'énergie pour faire rire un bébé.
L'idée le traversa quand il était sur le point de s'endormir : les noirs étaient des fermiers, au même titre que les blancs. Mais ils ne se souciaient pas de construire des clôtures pour enfermer leurs animaux. Ils préféraient s'arranger pour créer un coin de verdure appétissant et les appâter. Et en fin de compte, ça se traduisait par de la viande fraîche pour dîner.
Mais plus encore, ils lui faisaient penser aux nobles. Comme eux, ils consacraient un bref moment de chaque jour à leurs affaires, puis passaient le reste du temps comme ça leur chantait. La différence, c'est que dans leur univers, il n'y avait pas besoin d'une autre classe de gens qui attendaient sur le fleuve; de l''eau jusqu'aux cuisses, qu'ils eussent fini leur bavardage pour les mener voir une pièce de théâtre ou leur maîtresse.
Dans le monde de ces sauvages dénudés, tout le monde était noble.
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Le voyage de découverte dans lequel il venait de se lancer était d'une importance comparable, un voyage qui ne se contentait pas d'explorer la langue d'une race jusque-là inconnue, mais qui allait à l'intérieur du cosmos qu'ils habitaient : l'organisation de leur société, les dieux qu'ils vénéraient, leurs pensées et espoirs, leurs craintes et passions.
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Il y a deux choses qui commencent à puer après trois jours, disait-elle. Le poisson et les invités.
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Une fois qu'on sait, on ne peut plus jamais ne pas savoir.

(P266)
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Je n'avais jamais vraiment eu envie de lire, jusqu'alors, mais en regardant ce bout de papier, j'ai compris comment les mots écrits peuvent faire durer les choses. Une fois écrits, ils sont là pour toujours, impossible de les oublier.

(P239)
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Quand on se fait seul, on veut en faire profiter les enfants. On ne veut pas les voir tout jeter et retourner là d’où on vient
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Il devait lui en parler, sinon ce qui était resté jusque-là dans le domaine de la vie privée entrerait dans celui, dangereux et puissant, du secret.
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Il aspirait à devenir un garçon plus ordinaire, mais il était impuissant à devenir autre chose que lui-même.
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Elle ne sait même pas qu'elle s'appelle Polly!
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