Citations de Kevin Canty (49)
Il leur a dit qu'il allait faire un tour, peut-être boire une bière. Donc, il ira à pied. Seul, l'esprit clair, dans le froid. Les chiens aboient derrière les clôtures métalliques, des bateaux et des motoneiges dans les allées, les humains retranchés chez eux, la lumière jaune de la lampe, la lumière bleue de la télé. La semaine dernière, il est passé devant l'université avec son amie Margaret et c'était la même histoire, elle se sentait triste pour eux, tous ces êtres humains enfermés dans leurs cages. Et eux deux dehors, libres dans le froid. Une autre vie.
" La pensée de Layla apporta une petite lueur de bonheur, un peu de chaleur dans la coquille froide de son être; puis le froid revint, la froide conscience qu'il ne devait pas, qu'il ne le ferait pas, la pensée de sa fille, le fils à venir... Il avait prit des engagements et le temps était venu d'agir en homme face à eux. Et ensuite, d'être un homme, peut être un peu desséché en dedans mais qui tenait bon, tenait le coup jusqu'à la fin, son Amy (sa femme) lui sourirait parfois, et n'était ce pas assez? Cela devait être assez. Ce serait assez."
Le temps détruit, se dit-elle. Une chose est là puis elle n'y est plus. Ma mère n'est plus là, ni mon père, ni mon mari. Voilà l'oeuvre du temps. C'est ainsi qu'il agit.
S’il fallait toujours éprouver de la sympathie pour quelqu’un, s’il fallait que les autres aient toujours envie de nous voir, alors on finirait tous seuls.
Un touriste avait acheté la baraque, avec les empreintes de semelles et tout, deux cent trente mille dollars. De quoi être déprimé par l'abondance des jobards. Et la source n'était pas près de se tarir, pas avant que la Californie soit déserte.
Endormie, éveillée ? ou quelque part entre les deux, elle se lève, va uriner dans la salle de bain sans prendre la peine d’allumer, est prise de vertige. Elle se souvient d’avant, avant les effets du temps, les cicatrices, quand il était tout entier lisse et jeune. La maison est plongée dans l’obscurité, elle porte toujours le même pantalon de survêtement. Quelle heure est-il ? Elle a oublié de remonter le réveil près du lit, hier ou le jour d’avant, et maintenant il est toujours trois heures moins dix.
Elle entend le son de sa propre respiration. Elle est seule.
C’est alors que David comprend, il comprend la réalité dans toute son ampleur, tandis que le mineur cherche désespérément à trouver des mots pour quelque chose qui n’en possède pas, une émotion terrible qui ne peut s’exprimer ni par le langage, ni par les larmes, ni par la violence.
Elle avait conclu un marché avec sa vie, et sa vie l’avait flouée.
Les gens du coin ne vandalisent pas les voitures. Il y a trop d'armes. Trop de fous furieux.
Ann ouvre toutes les portes et les fenêtres pour aérer la maison. La maison est habitée par l'absence.
...
Tout dans cette vie peut vous être retiré en un instant. N'importe quand. Elle l'avait toujours su. Mais elle le comprenait seulement aujourd'hui.
Tout ce que vous savez et tout ce que vous aimez. Si elle avait pu se souvenir de chaque minute de sa vie, elle aurait vécu différemment. Elle aurait été plus affectueuse avec Malloy. Elle l'aurait chéri.
"Tu n'y as jamais pensé? A cet autre monde de l'autre côté? Juste aussi réel que celui-ci, et nous sommes seulement le rêve qu'ils ont de l'autre côté. Nous n'en avons aucun souvenir exact. Ils se réveillent de l'autre côté, et ils se disent : j'ai fait le plus étrange des rêves."
Marvin prépara quand même du café, avec de la poudre soluble. Il n'était que huit heures et demie, que faire d'autre? Retour au pays des montres. Le moment de lire le journal, le moment de déjeuner, ce n'était pas là qu'il voulait vivre. Là où il voulait vivre, c'était la veille au soir, au pays des dernières choses. Le dernier dîner, le dernier baiser, la dernière conversation. Il ne se reconnaissant pas dans cette idée. En général, c'était lui qui tâchait de tout installer, qui recherchait le quotidien; pourtant, il n'avait pas envie que ça s'arrête. Et il ne voyait aucun moyen de la ramener à la maison saine et sauve. Le choix était le suivant: soit continuer de rouler, rouler toute la nuit, au-delà des limites et par-dessus bord, soit ce qui se passait en ce moment: cette lente détérioration. Justine lui présentait un visage gris et hostile.
On ne peut pas intenter un procès pour ce genre de choses. Ce sont des gamins.
Lorsqu’un homme et une femme sont à bout, c’est toujours à l’homme d’agir.
Ann s'étonne que tout lui paraisse si nouveau. Elle a parcouru cette route un nombre incalculable de fois, et pourtant aujourd'hui elle a l'impression d'être une étrangère, elle découvre les drôles de petites maisons isolées derrière des clôtures grillagées, l'environnement misérable, les bateaux à moteur qui pourrissent dans les arrière-cours, le bois de chauffage empilé sous des bâches bleues. Pourquoi vivre ici ? Après toutes ces années, les fumées du haut-fourneau ont fini par tuer les arbres. Remplacés par un enchevêtrement de broussailles sur les coteaux. Des traces de neige persistent dans les replis au sommet des collines, alors que c'est le printemps dans la vallée, une saison de boue et de fleurs. La moitié des voitures semblent abandonnées. Les chiens aboient au passage de celles qui circulent encore. Les gens sont restés là parce que la paie était bonne et que la vie était agréable, mais que reste-t-il de cette époque ? On dirait une ville de pauvres, de gens de passage qu'un bon coup de vent suffirait à balayer.
Il respire et elle respire en même temps que lui. Elle va bien. Tout ira bien. Elle a sa vie, sa sœur. Elle a quelqu'un qui la serre contre lui, au moins pour l'instant. Inspirer, expirer, inspirer, expirer, il n'y a plus rien.
Chez lui : David se tient dans le jardin, regarde par la fenêtre du salon. Son père et sa mère sont assis côte à côte sur le canapé, sans se toucher, le regard fixé sur l’œil allumé de la grosse télévision en noir et blanc. La boîte idiote, comme l'appelle son père. Elle est restée en marche toute la semaine. Ils sont dans cet entre-deux, puis un jour – demain ? La semaine prochaine ? - la carapace se brisera et une vie toute neuve et vierge émergera. Mais pour l'instant il est là, dehors, à observer.
Un homme boit un verre, un verre en entraîne un autre, le verre entraîne l'homme.
Elle laisse les survivants dispersés, les enfants sans père, les mères sans fils, et toujours les épouses, les épouses, les épouses...
le mineur cherche désespérément à trouver des mots pour quelque chose qui n'en possède pas, une émotion terrible, qui ne peut s'exprimer ni par le langage, ni par les larmes, ni par la violence.