Nos vies étaient remplies de cette foultitude de petits riens, qui selon leur agencement nous feraient rois du monde ou taulards.
J’étais cet homme condamné à seulement effleurer cette jeune Américaine. Parce qu’il y avait cette faute, cette Schande, à laquelle je ne pouvais me soustraire, même dans le camp des vainqueurs. Liz me ramenait à ma condition d’apatride et de miraculé.
Cela ne m’empêchait pas de passer de belles heures avec elle, avec ce qu’il fallait de secret, d’innocence et de frustration.
Käthe travaillait à l’orchestration des Trümmerfrauen, les femmes des ruines. Qui allaient des années durant nettoyer les décombres, récupérer les briques des immeubles détruits, les retailler, les ranger par groupes de seize sur douze hauteurs. Les tas étaient comptés, et chaque soir ces femmes recevaient de quoi survivre. Käthe avait peu de compassion pour ces travailleuses, elle s’agaçait quand elle les entendait rire – car parfois elles riaient encore -, elle n’acceptait pas les retards et, quand un pan entier d’immeuble s’écroulait sur l’une d’elles, elle montrait peu d’émotion.