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Critiques de Laurent Petitmangin (629)
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Ce qu'il faut de nuit

C'est dans sa parution en Livre de Poche que je découvre Ce qu'il faut de nuit, premier roman de Laurent Petitmangin. Lors d'un lundi de Pentecôte pluvieux et d'un détour à ma librairie préférée, mon attention est soudain attirée par un petit livre pastillé d'un Prix des lecteurs 2022 et entouré d'un bandeau, indiquant trois autres prix. Peu encline à me laisser influencer par les lauriers littéraires, la quatrième de couverture emporte le morceau avec cette remarque de Libération : ”Un premier roman bouleversant qui vous hante longtemps après que vous l'avez déposé, la gorge nouée”.

Je sors de cette lecture sonnée, ébranlée par un uppercut d'authenticité et de sensibilité, d'injustice également, face au destin qui semble s'acharner sur un père précocement veuf et ses deux fils.

Laurent Petitmangin dépeint, avec justesse et simplicité, la fragilité de la vie et les tournants imprévisibles, souvent impitoyables, du destin. ”J'avais finalement compris que la vie de Fus avait basculé sur un rien. Que toutes nos vies, malgré leur incroyable linéarité de façade, n'étaient qu'accidents, hasards, croisements et rendez-vous manqués. Nos vies étaient remplies de cette foultitude de riens, qui selon leur agencement nous feraient rois du monde ou taulards”.

Un roman d'une sincérité touchante qui remet en question nos certitudes et nos jugements quant à la responsabilité, les convictions et l'engagement,

Enfin, un magnifique roman sur l'amour d'un père pour ses enfants, les délicates relations familiales et l'amitié.

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Ce qu'il faut de nuit

Un homme, après la mort de sa femme, élève seul ses deux garçons. L’un va basculer vers l’extrême droite et se retrouver devant les tribunaux. Comment, avec les hasards de la vie, se comporter face à son fils assassin ? Culpabilité ? Remise en question ? Où a-t’il échoué ? Pourquoi n’a-t-il rien vu venir ? Doit-il suivre les directives de l’avocat ? Et pourtant il l’a tant aimé ce petit garçon qu’il revoit encore protégeant son petit frère. Une prouesse d’écriture sur un sujet difficile.
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Ce qu'il faut de nuit

Entouré de ses 2 fils, Fuß et Gillou, ce père veuf fait face au deuil de "la Moma" décédée des suites d'une longue maladie à 44 ans. Employé à la SCNF en Lorraine, ce père trouve du réconfort dans la présence de ses fils, et celle des sympathisants de gauche de la section. Le quotidien est fait de petits riens qui rythment la vie de ces trois hommes qui s'aiment sans le dire.

Peu à peu, Fuß change et semble fréquenter un groupe d'extrème-droite...c'est le premier pas vers des non-dits censés apaiser une véritable scission entre père et fils. Laurent Petitmangin sait exprimer dans une langue simple, authentique et parfois régionale, l'ordinaire de cette famille d'hommes taiseux, éprouvés par la vie. J'y ai ressenti un peu l'ennui du quotidien jusqu'au moment où l'irréparable est commis. Un électrochoc pour la famille et pour nous, lecteurs qui suivons les affres d'un père confronté à une réalité qui le dépasse et le laisse sans voix. Tout comme son fils, emporté par un destin moqueur, qui a basculé en quelques secondes... J'ai beaucoup aimé la dernière partie du roman pour la tension et le style, en particulier cette lettre émouvante de Fuß qui clot ce premier roman réussi.
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Ce qu'il faut de nuit

Je referme ce livre et je suis partagé au moment de coucher quelques mots sur le clavier.

Sur la note, pas d’ambiguïté, elle se doit d'être excellente.

Mais que dire, comment exprimer mes sentiments, conseiller ou non cette lecture ?

Parce qu'on n'en sort pas indemne !

Très vite, on accompagne ce père de famille, on suit l’évolution de ses sentiments.

On accepte ces sauts dans le temps non linéaires qui nous apprennent alors d'un coup un paquet de nouvelles... jusqu'à ce dernier saut, surprenant, bouleversant...

Alors si vous attendez une lecture positive qui va booster le moral, passer votre chemin.

Si vous êtes prêt à prendre une claque, empruntez ce chemin pour cette lecture plaisante, courte, bien construite, vraie et tellement touchante !

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Ce qu'il faut de nuit

Que ferions-nous si notre enfant prenait un tournant idéologique qui nous dégoûtait ? Que ferions-nous si ça tournait vraiment mal ? Aurions-nous assez d'amour ? Aurions-nous la tête assez froide pour rester droit dans nos bottes et le condamner ? C'est ce que raconte, avec beaucoup de pudeur et de dignité Laurent Petitmangin. La Moselle, un père veuf, deux ados. Malgré le deuil, c'est une famille unie, quasiment heureuse. Le père-narrateur est cheminot et (absurdement) militant socialiste. Le fils cadet est un brillant élève; il intègre sciences po Paris. Papa peut être fier, son fils et son copain Jeremy seront les futurs apôtres de la bienpendance. L'autre fils...

Même si j'ai presque détesté ce père, aveuglé par son idéologie, l'écriture de Laurent Petitmangin m'a fait le comprendre et souffrir avec lui. Comme Florence Aubenas ce "jeune auteur" sait susciter l'empathie du lecteur car, vraisemblablement, il l'éprouve lui-même. Une très belle histoire d'hommes. Avec, en plus, l'envie de découvrir la Moselle.
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Ce qu'il faut de nuit

Bref et tranchant, ce roman est magnifiquement porté par la plume et les talents d'architecte de Laurent Petitmangin. Enfin, quand j'écris "magnifiquement", c'est à une beauté sombre que je fais référence.

Son style, sec, sans une once de gras, rend parfaitement la vie de cette famille réduite (un père, deux fils), leurs échanges, leurs difficultés, leurs attachements, leurs attentions, leurs points de friction. Pour le décor, l'auteur n'en fait pas plus, il n'est pas là pour poser du papier peint fleuri sur ce coin de Meurthe-et-Moselle, à la frontière du Luxembourg et du département voisin (et rival) de la Moselle. Les villages sont tristes, le temps est triste, le quotidien est triste, les entreprises ferment, les jeunes s'ennuient ; le front national ramasse les dés.

Mais ce coin de France n'est pas uniquement ce que le reste de la France en pense. Au milieu de cette grisaille, Laurent Petitmangin nous parle de liens fraternels, de fierté paternelle, de sport, de rires, d'amitié, d'engagement, et aussi de la beauté de la lumière à la fin du mois d'août.

"Comme il est vrai que la beauté réside dans le regard de qui la contemple", écrivait Charlotte Brontë (affirmation reprise à son compte par Oscar Wilde).

Ce style sans excès permet aussi à l'auteur de créer un sentiment progressif de tension. Une tension muette ; une extinction des regards, un éloignement. Pas grand chose. Qui mènera pourtant à un choc inattendu.

C'est en cela que la construction est remarquable : après une montée lente des ombres, sans plus d'explications qu'il n'en faut pour justifier l'évolution de chaque personnage, de ses convictions, de ses réactions, l'auteur brise cette progression et nous fait basculer dans un autre monde, plus noir encore ; et où les choses, pourtant, deviennent plus claires.

Viennent alors d'autres questions. Sur la responsabilité, sur le hasard qui conduit deux chemins à se croiser, pour le bien ou pour le pire ; sur les limites de ce qu'on peut accepter, voire soutenir, de la part de ses proches. Et sur la manière d'assumer ses décisions.

Avec ces interrogations, subtilement émises, et avec cette écriture qui colle au plus près de ses protagonistes, des lieux et des idées, Laurent Petitmangin nous entraine dans un roman social à la fois sombre et humain ; jusqu'à une dernière page qui coupe littéralement la respiration.

Et la quatrième de couverture nous achève.
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Ce qu'il faut de nuit

C'est l'histoire d'un père de famille qui habite en Meurthe-et-Moselle avec ses deux enfants, Frédéric surnommé "Fus", l'aîné de 24 ans et "le Gillou" quelques années de moins et très proche de son grand frère.



C'est aussi l'histoire d'un père de famille qui a perdu sa femme, la môman, la mère de ses enfants, il y a peu de temps et qui gère comme il peut avec son maigre salaire de cheminot.



Mais, c'est surtout un père de famille qui ne transigera jamais sur ses deux principes de vie principaux : le foot et la politique.



Premier principe : le foot, parce qu'il faut maintenir comme il se doit la flamme familiale de supporter du FC Metz qu'il partage sans concession avec ses deux fils, tout en assumant ouvertement son statut de traître à la Meurthe-et-Moselle et au club de l'AS Nancy-Lorraine. Le foot, c'est dans leur ADN à tous les trois, plus qu'une passion, une nécessité.



Deuxième principe : la politique, parce que le père, il a la gauche dans ses tripes. Le socialisme est l'évidence même, compte tenu de son statut d'ouvrier, des luttes sociales gagnées par le passé, et de sa haine pour le Front National à l'autre côté de l'échiquier. Il continue d'aller régulièrement à la section même, ces derniers temps, il trouve qu'il n'y a plus vraiment la même ferveur chez les militants.



D'ailleurs, ces deux principes se recoupent parfois parce qu'ils assistent à chaque match dans la tribune qui donne sur le canal et non pas la tribune de l'autoroute, remplie de gros fachos d'extrême droite.



La vie n'est pas vraiment folle depuis que "la môman" est partie mais un certain équilibre s'est néanmoins installé. C'est pas tous les jours la fête (voire jamais) mais cet équilibre est sa fierté, sa raison de vivre. Même si c'est fragile, ça tient malgré tout. Le Fus est pris en IUT, même s'il aurait pu mieux faire sans doute, et le Gillou se met à rêver de bonnes écoles à Paris. Son fils le mériterait compte tenu de ses capacités et de ses résultats mais il se demande si un fils d'ouvrier pourra s'en sortir dans un milieu aussi hostile que cette classe sociale favorisée si méprisante pour les bouseux de la France périphérique.



Mais voilà... c'était sans compter sur le grain de sable qui allait gripper la machine.



C'était sans compter sur les nouvelles fréquentations de "Fus". Ces fréquentations infréquentables qui vont évidemment faire honte à toute la famille. Non, il ne peut pas y avoir de fachos dans la famille. C'est impossible.



Jusqu'à ce que "Fus" se fasse tabasser. Mais pas juste une petite bagarre de voisinage avec deux bleus pendant trois jours. Ici, c'est une vraie agression en règle qui l'envoie directement à l'hôpital dans le coma pendant quelques jours. Il a une sale gueule le "Fus" tellement il a pris cher.



Ce sera donc une déchirure pour ce père de famille écartelé entre ses convictions politiques inébranlables et son rôle inconditionnel de père à tenir.



Il y a plein de choses dans ce roman court de 141 pages. Parmi toutes, il y a les difficultés latentes vécues par les habitants de ces territoires oubliés par la république, à cause de la désindustrialisation et à la désertification de cette France périphérique, de ces petites villes de province, sacrifiées depuis trop longtemps maintenant. Il y a également la décrépitude de la gauche qui a préféré petit à petit l'insupportable prétention du wokisme/boboïsme des grandes villes et l'islamo-gauchisme des banlieues. "Tu veux des jeunes ? Y'en a plein les kebabs. Leurs gueules ne te reviennent pas mais c'est avec eux qu'on avancera", dira Jeremy l'ancien meilleur pote de "Fus". Cette gauche paumée et déglinguée qui a poussé la classe ouvrière dans les bras accueillants de l'extrême droite.



Une qualité d'écriture qui pose magistralement la complexité des sentiments antagonistes qui foudroient le père.



Un livre court mais puissant, qui fait mal, qui questionne. Comme un gros poing dans ta gueule.
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Ce qu'il faut de nuit

Une écriture brute, un style presque râpeux: sans être dans le registre vulgaire, on entend un ouvrier parler de ses souffrances, par à-coups, dévoilant petit à petit, avec une grande pudeur, sa douleur d’homme écorché par la vie. Une histoire d’un père aimant ses fils, qui m’a profondément émue, que j’ai trouvé belle, au ton juste et bien maîtrisé.

(Plus sur Instagram)
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Ce qu'il faut de nuit

C'est toujours un très grand embarras pour moi quand je ne hurle pas avec les loups...



Je n'ai pas eu le temps de m'attacher à ce père et ses fils au cours de ces 142 pages (version "Le livre de poche"), que j'ai mis quasiment une semaine à lire.



J'avais beaucoup d'attentes. Elles ont été déçues. Ce livre n'a pas résisté aux comparaisons que j'ai pu faire avec mes autres lectures.



On sait que la mère a été terrassée par une maladie grave, laissant seuls père et enfants. Mais on sait très peu de choses des émotions que cela a entraîné, des difficultés que père et enfants ont dû surmonter. Tout au plus apprend-on finalement qu'il serait possible de reprocher des manquements au père (pour les besoins de la cause, dont je ne dirai pas davantage).



Quant à la thématique de l'extrême droite, elle est survolée. Je n'en ai perçu ici qu'une approche de surface fondée sur une opposition, une réaction au socialisme.



Si le thème de l'extrême droite vous intéresse, je ne peux que vous recommander l'excellent roman "Le coeur à l'échafaud" d'Emmanuel FLESCH. Une vraie pépite !



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Ce qu'il faut de nuit

L’écriture de L. Petitmangin est d’une limpidité presque effrayante. La plume – simple et brute – nous contamine petit à petit jusqu’à nous intoxiquer. Cette histoire d’un père qui élève seul ses deux fils est bouleversante par sa psychologie.



Un chavirement sublime à découvrir.
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Ce qu'il faut de nuit

Roman plein d'amour et de douleur d'une famille lorraine cabossée par le décès de la moman : le père s'occupe seul de ses fils, faisant ce qu'il peut pour les élever au mieux entre soucis ordinaires et matches de foot, les fils, de bons enfants estimés de tout le voisinage, une famille soudée face à la maladie qui a frappé.

Et puis le fils ainé grandit, se détache, a des fréquentations politiques opposées à celles de son père. Le fossé se creuse, même si les liens sont indéfectibles.

Quand le drame éclate, chacun vivra comme il pourra entre honte, résignation, acceptation, combats, soucis des autres.

Un premier roman d'une grande finesse, d'une sensibilité extrème qui m'a bouleversée, un homme qui écrit sur des hommes. Un vrai coup de coeur !

Lu dans le cadre de la sélection Roblès 2021.
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Ce qu'il faut de nuit

Voici un premier roman avec beaucoup de qualités et prometteur. L'action se passe dans la Lorraine en voie de désindustrialisation et de paupérisation. Le narrateur, le père, militant politique socialiste, perd sa femme victime d'un cancer et reste seul pour élever ses deux garçons. Le second comble ses attentes en poursuivant ses études et un avenir serein s'ouvre pour lui. Quant au premier, il file un mauvais coton en s’encanaillant avec des jeunes fachos, tout en restant un bon fils. Jusqu'au drame. Voilà un livre pudique, ancré dans la réalité, écrit avec justesse et sobriété.
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Ce qu'il faut de nuit

Tant à dire sur ce premier roman si simple mais en réalité tellement intense, profond. Il décrit avec tellement de délicatesse, de pudeur, mais aussi de franchise, les écueils de la vie, d'une famille, d'un fils et d'un père en l'occurrence. Magistral et mémorable. Bravo.
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Ce qu'il faut de nuit

Simplement bouleversant, deux mots qui résument complètement ce roman.

En tournant la dernière page, j'ai pris conscience de la profondeur de cette histoire et je suis longuement resté les yeux dans le vide, comme abasourdi par le poids des derniers mots, percuté par le dénouement et par la façon dont un livre, cet objet si léger et simple d'apparence, peut offrir, par les mots qui le composent, des émotions aussi intenses et authentiques.

Derrière un récit simple et plutôt commun, l'histoire d'un père qui élève seul ses deux garçons, l'auteur nous offre un récit poignant débordant d'humanité. Au travers de cet homme confronté aux turpitudes de l'existence, aux joies et aux peines, aux manques mais aussi aux déceptions et aux espoirs jusqu'au drame qui affecte directement ou indirectement ses enfants, l'auteur nous offre une figure de père touchant, autant par la force que par la fragilité qu'il laisse transparaître. Son impuissance face aux choix de ses fils et leurs conséquences, sa vision de leur destinée et, malgré tout, l'amour qu'il ne cesse de leur donner en acceptant de pardonner leurs actes, parfois avec une certaine fatalité, sont d'une sincérité rare et ne peuvent que toucher le papa de deux garçons que je suis. Et que dire de ses deux enfants qui garderont jusqu'au bout le désir de rester digne aux yeux de leur père, de le ménager de leurs peines et de leurs colères face aux évènements de la vie.

Je ne m'attendais pas à une lecture qui touche autant au coeur. le récit est plutôt commun dans l'ensemble dans le sens où nous suivons les pensées de cet homme, veuf, père, d'un milieu social modeste, dans son quotidien: matchs de foot du dimanche, école, moments partagées avec les copains, combats politiques entre partis au pouvoir et faux espoirs portés par les syndicats… Mais c'est justement la simplicité et le côté intimiste du récit qui finissent par lui donner sa noblesse et sa beauté. Les yeux posés par ce père sur le destin de ses fils, les maux que porte son âme sont empreints d'humilité et de sensibilité et j'ai eu peine à accepter le dénouement tant j'ai été pris moi-même dans le tourbillon de la vie de ces trois hommes au coeur déchiré mais toujours battant.

Une lecture atypique remplie d'humanité qui nous montre autant l'amour et la bienveillance d'un père pour ses enfants que leur respect en retour; autant le courage d'un père pour protéger ses fils que la force de caractère de ces derniers pour tenter d'épargner leur « cher Pa » déjà bien malmené par la vie, comme si la destinée de chacun ne tenait qu'à un fil(s). Comme pour nous rappeler ce qu'il faut de nuit pour gouter les joies d'un jour sans nuage.

Une leçon faite de joies autant que de souffrances, une vraie leçon de vie.
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Les Terres animales

On se souvient encore de cet engouement général pour Ce Qu’il Faut De Nuit (La Manufacture de livres 2020), premier roman de Laurent PetitMangin qui raflait une vingtaine de prix de la rentrée littéraire de 2020. Oscillant entre la chronique sociale et le roman noir en se déroulant dans la région de sa Lorraine natale, on relevait cette pudeur et cette émotion que l’auteur distillait autour des relations entre un père cheminot aux convictions syndicales bien ancrées et un fils tenté par les dérives de l’extrémisme de droite, en s’inscrivant ainsi sur certains thèmes abordés par Nicolas Mathieu issu de ces mêmes contrées lorraines. Écrivant depuis au moins une dizaine d’année sans jamais être publié, Laurent Petitmangin proposait aux éditeurs, en même temps que Ce Qu’il Faut De Nuit, un texte intitulé Ainsi Berlin (La Manufacture de livres 2021) en changeant totalement de registre puisqu’il abordait le genre de l’espionnage de l’après-guerre autour d’une relation amoureuse. Publié au début de l’année 2021, la visibilité de ce roman fut probablement quelque peu occultée par la continuité du succès du premier ouvrage dont on parle encore aujourd’hui. Les aléas du succès sans doute. Mais il est temps de se tourner vers Les Terres Animales, nouveau roman de Laurent Petitmangin qui change une nouvelle fois de genre avec un récit dystopique où l’on rencontre une petite communauté persistant à rester dans une région irradiée suite à l’explosion d’une centrale nucléaire, en s’inspirant notamment d’un reportage s’intéressant à ces personnes âgées voulant à tout prix continuer à vivre à Fukushima en dépit des risques engendrés.



Ça a finit par arriver. La centrale a explosé. L’équivalent de dix Fukushima avec une région qu’il a fallu évacuer pour fuir les radiations. Une zone condamnée, silencieuse où certains ont pourtant choisi de rester malgré tout, attachés qu’ils sont par les souvenirs. Et puis il y a le corps de Vic qui repose dans cette terre contaminée, la fille que Sarah et Fred ont perdu bien avant l’accident de la centrale. Un attachement viscéral auquel s’associe les amis de longue date que sont Marc et Lorna, ainsi qu’Alessandro. Ils forment un groupe soudé qui leur permet de survivre sur ce territoire empoisonné où ils côtoient quelques anciens ainsi qu’une douzaine de migrants estimant que pour eux il n’y a pas d’ailleurs que cette terre animale et désormais indomptable. L’avenir est donc tout tracé pour ces femmes et ces hommes qui vont pourtant devoir remettre en cause leurs certitudes à la survenue d’un événement qui va bouleverser leur existence.



On recommandera tout d'abord d'éviter de s'attarder sur le résumé du quatrième de couverture dévoilant trop d'éléments de l'intrigue. Tout comme Ce Qu'il Faut De Nuit, on constatera que Les Terres Animales est un roman assez bref où Laurent Petitmangin ne s'embarrasse pas de détails. Ainsi, hormis la beauté vénéneuse du paysage et ce sentiment de liberté qui s'en dégage malgré tout, on ne saura rien de l'aspect géographique de la région dans laquelle évolue cette communauté qui fait le choix de rester dans cette atmosphère irradiée, tout comme l'on ignorera les circonstances de l'accident de cette centrale nucléaire ainsi que l'évacuation qui s'ensuit à l'exception de quelques détails en rapport avec les maisons abandonnées comme figées par la catastrophe. Essentiellement concentré sur l'humain, Laurent Petitmangin décline son récit sur une alternance des points de vue de Fred et de Sarah en définissant ainsi leur quotidien ainsi que les rapports qu'ils entretiennent avec Alessandro et l'autre couple que forme Marc et Lorna en prenant également la mesure des raisons tout de même insensées qui les poussent à vivre ou plutôt survivre au coeur de ce territoire empoisonné qui ne laisse que peu d'espoir quant à leur devenir. Devant l'absence de rationalité d'une telle décision, on ne peut donc raisonnablement pas vraiment s'attacher à ces personnages qui nous bouleversent tout de même au gré des événements auxquels ils vont devoir faire face en bousculant leur périlleuse routine, tout en remettant en cause leurs motivations respectives qui les ralliaient plus particulièrement autour de la destinée de Sarah. Avec cette belle écriture poétique qui caractérise son texte, Laurent Petitmangin met en place cette espèce de léthargie qui enveloppe ce groupe engoncé dans des certitudes ataviques qui perdent brutalement tout leur sens, au rythme d'une succession de drames dont on prendra toute la mesure au terme d'un épilogue chargé d'une émotion parfaitement contenue ce qui la rend d'autant plus poignante. L'intrigue prend également une forme admirable autour des non-dits et plus particulièrement du vertige des ellipses temporelles entre les chapitres qui ne font que renforcer l'intensité des péripéties qui vont marquer les membres de ce groupe qui se révélera beaucoup plus fragile qu'il ne le laisse paraître en révélant toutes les failles de ces personnages qui se révéleront dans tout le poids de leur humanité tragique et que le regard extérieur des membres de cette communauté d'Ouzbeks qu'il côtoient ne fait que renforcer, en devenant ainsi les témoins impavides des malheurs qui frappent ces terres animales. Avec Les Terres Animales, Laurent Petitmangin dépeint, de manière remarquable, cet attachement viscéral au territoire autour de l’amitié qui se désagrège dans les entrelacs de la déraison et des certitudes aveugles.





Laurent Petitmangin : Les Terres Animales. Editions de la Manufacture de livres 2023.



A lire en écoutant : Lullaby For Caïn de Shinead O'Conor et Gabriel Yared. Album : The Talented Mr. Ripley (Music from th Motion Picture). 1999 Sony Music Entertainment.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
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Ce qu'il faut de nuit

Depuis que leur mère ("moman") est morte, le père élève seul ses deux fils, Fus l'aîné (Frederic qui doit son surnom a sa passion pour le foot), et Gillou le plus jeune. Bien entendu, il a fallu faire face après trois années de traitements, de séjours à l'hôpital et les mois qui ont suivi l'enterrement ont été particulièrement terribles. Leur joie de vivre s'en est allée avec elle.

Le père s'occupe des caténaires et doit très vite redescendre sur terre. Il fait ce qu'il peut pour gérer le quotidien avec ses fils, est le plus souvent possible présent auprès d'eux et les élève dans les valeurs qui sont les siennes et que lui ont transmises ses propres parents. Tous les trois sont unis et partagent de bons moments même si la mère leur manque terriblement.

Le père s'est remis à fréquenter la section locale du Parti Socialiste, dont en tant que cheminot il est le pilier, et retrouve du plaisir à discuter avec ses amis même si leurs rencontres sont loin de ressembler à des rencontres politiques, ils y croient encore. Tous déplorent cependant le manque de jeunesse parmi eux, et le fait que certains dans le groupe se mettent à tenir des propos racistes.

Et puis les années passent...

Fus grandit, il fait de plus en plus souvent des choses seul avec ses copains, passe des vacances en Espagne, partage des soirées qui s'éternisent après les cours au lycée. Le père a confiance et ne voit rien venir. Il se dit que Fus est encore un gosse certes, mais qu'il doit lui laisser faire ses propres choix pour qu'il puisse un jour devenir adulte. Fus ne veut pas faire d'études longues, qu'importe, il ira à l'IUT du coin. Il faut dire aussi qu'il n'y a pas grand chose à faire dans cette petite ville de Lorraine pour un ado qui ne sait plus où il en est.

Aussi le père ne croit pas son ami Bernard de la section qui lui dit avoir vu Fus coller des affiches avec un groupe de jeunes du FN.

Le jeune frère est différent. Il veut continuer ses études en prépa à Paris, avec l'aide d'un ancien ami de son frère. Il couvre son aîné qu'il admire et qu'il aime par-dessus tout. Mais il poursuit son chemin, s'en va étudier en ville et ne voit pas le drame arriver lui non plus. Son frère aîné reste avant tout pour lui un héros. Mais difficile de se construire dans une famille qui n'en est plus une.

Comment être heureux dans ces régions oubliées, quand les fins de mois sont difficiles et les tentations bien trop importantes ailleurs pour les jeunes ? Tous trois vont tomber de bien haut quand le drame éclate...



Ce roman a obtenu plusieurs prix dont le Prix Femina des Lycéens en 2020, le Prix littéraire Georges-Brassens et le Prix Stanislas du premier roman la même année. C'est un roman coup de poing qui nous parle de la relation père-fils, une relation fragilisée par l'absence de la mère, la souffrance et la solitude qu'elle a laissés derrière elle.

C'est aussi une histoire d'amour fraternel réciproque et très fort.

Tout ce que le lecteur comprend c'est que Fus manque de repères et qu'il se réfugie dans une bande qui n'était pas à priori faite pour lui, mais qui a su l'entourer et l'intégrer, lui permettre d'exprimer sa révolte et de trouver un sens à sa vie. Alors que Fus est passionné de sport, le lecteur a du mal à le voir s'éloigner de son équipe.

Il est ému de voir ce père seul s'occuper de ses fils, ce père qui trouve important d'aller voir Fus jouer au foot le dimanche malgré sa fatigue, qui tente de maintenir le lien coûte que coûte et reste fier de lui tout en le regardant jouer avec tendresse.

J'ai aimé la subtilité du récit qui donne la parole au père, taiseux par ailleurs en société. Le lecteur accède ainsi à ce qu'il pense au fond de lui de plus intime, à cet amour immense qu'il a pour ses enfants qu'il ne sait exprimer que maladroitement. Il est terriblement émouvant ce père, perdu devant les actions de son fils aîné, décalé par rapport aux valeurs auxquelles il croit et qu'il leur a inculquées.

Ce qui fait la force de ce roman, c'est ce père qui se met à nu, ce père blessé au plus profond de lui-même qui nous parle en direct, sans pathos, sans fioriture, qui reniera son fils dans un premier temps avant que l'amour soit le plus fort et qu'il soit prêt à se pardonner et à lui pardonner.

Même si l'auteur décrit une petite ville qu'il connait bien, et plonge dans ses propres souvenirs pour nous faire vivre des instants qui sentent le vécu, ce n'est pas un roman autobiographique pour autant.

Je devais le lire depuis très longtemps et c'est chose faite et c'est un roman bouleversant qui est pour moi un véritable coup de cœur !
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Ce qu'il faut de nuit

L'apocalypse ne s'annonce pas avec fracas et éclairs. Elle ne vous adresse pas son plan de carrière par anticipation, au début d'une vie qui clapotis gentiment au bord du fleuve de vie. Elle passe en catimini et vous frôle, laissant sur votre bras une marque indélébile, qui vrille le cours du temps. Il faut alors tant de courage pour affronter les éléments, que le combat exige une rançon. Le père, seul, au départ agonisant de la moman, devra déposer à l'entrée son livret de famille. Élever seul ses deux fils. Les faire pousser avec amour et droiture. Les aimer coûte que coûte. Et échouer comme on trébuche sur une route mal éclairée.

Cet homme travaille à l'entretien des caténaires de la SNCF, engagé auprès des représentants syndicaux des cheminots comme on s'engage dans un club de copains, sur fond d'un quartier au paysage de Moselle. De retour chez lui, il est le père, responsable de deux jeunes fils, qui poussent dans l'esprit de préserver leur père, inversant le rôle des responsabilités. Aussi, le réveil n'en est que plus douloureux lorsque l'un d'eux ouvre une boîte de pandore : rejoindre la rive opposée à celle sur laquelle marche le père. Peut-on aimer son enfant sans qu'il marche dans vos pas ? Peut-on continuer à le comprendre avec encouragement, lorsque sa main reste si loin de la vôtre ?

Pour moi, la question semble évidente, et le lien est trop fort pour rompre ou devenir élastique quoiqu'il arrive. Mais qu'en sais-je, depuis ma place préservée, ne vivant pas le dilemme de rechercher en permanence l'aval de celui qui a disparu.

Quelle douleur que cette fin, qui ejecte le lecteur de sa route balisée...quelles répercutions que cette lecture du premier roman noir d'un auteur attaché à sa terre. Laurent Petitmangin, un nom à retenir !
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Ce qu'il faut de nuit

Un vrai coup de coeur ! Je ne connaissais pas cet auteur, ce livre et je suis heureuse de l'avoir découvert en regardant les sorties "poches", sinon il m'aurait échappé.

C'est l'histoire d'un père qui doit élever ses deux garçons après la disparition de son épouse. Une chose bien difficile, mais ce père est magique, il aime ses deux garçons et fait tout ce qu'il peut pour les éduquer comme la "moman" l'aurait voulu. Il veut qu'ils réussissent.

Mais à l'adolescence, l'aîné va s'éloigner de son père et surtout de ses valeurs à lui, encarté à gauche, se mobilisant pour certaines grandes causes. Et les choses vont basculées.

C'est l'histoire d'un père qui ne comprend plus, mais qui aime toujours.

Le phrasé est simple, comme le père, mais nous prend aux tripes.

Magnifique !!!
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Ce qu'il faut de nuit

Entre Metz et Nancy, un père élève seul ses deux fils depuis qu’un cancer a emporté la « Moman »…

Une famille simple et modeste ; le père bosse à la SNCF à l’entretien des caténaires. Il partage sa passion du foot avec ses mômes Fus (pour Frédéric) et Gillou. Ils ne loupent aucun match de leur équipe favorite, le FC Metz.

Le père va régulièrement à la section, les locaux du parti politique qu’il défend, le PS. Mais Quand Fus, son aîné, se tourne vers des idées très différentes de celle de son père, leur relation va se dégrader et un drame va bouleverser leur existence à tout jamais…



Le père est le narrateur, à travers ses yeux on vit le récit. Et je peux vous dire qu’il m’a bouleversé, la chute du roman m’a donné des frissons ! J’ai pris un uppercut et je suis restée KO quelques minutes tant il est chargé en émotions.



Quelle détresse pour ce pauvre père pourtant si dévoué à ses enfants, si bienveillant et aimant !



Ce livre percutant interroge ; Est-on toujours responsable des dérives de nos enfants ? J’pense pas ! On peut les élever du mieux qu’on peut, leur transmettre nos valeurs, leur apprendre la bonne conduite… mais suffit d’une mauvaise rencontre, d’un peu de naïveté, d’un mauvais choix, pour que tout soit remis en question…

Comme on dit, petit = petits problèmes, grand = grand problèmes…



J’ai apprécié l’écriture sobre et la plume aiguisée de l’auteur. Ses mots sont justes. Les tourments du père sont décrits avec pudeur. J’ai eu l’impression que c’est à moi qu’il se confiait.



Et puis l’histoire se passe en Lorraine, c’est ma région !



Merci à l’auteur Laurent Petitmangin pour ce roman court mais intense (Il fait moins de 150p).

Les prix qu’il a reçu sont plus que mérités. Tu dois le lire absolument ! il
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Ce qu'il faut de nuit

Ca n'engage que moi : Un grand cri d'amour muet, les regards et les gestes feront le reste.

Les souffrances intérieures sont étouffées par la vie.

Les mauvaises fréquentations et la naïveté font exploser le futur.

L'incompréhension, la timidité, la peine n'aideront pas à avancer vers un avenir radieux : enfin, pas pour tous !

Un court roman rempli de tendresse, d'une vie simple racontée à la première personne, avec tout le talent de l'auteur pour nous transmettre autant d'émotions.

Très belle réussite.
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