Citations de Léon Blum (31)
Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté, doit commencer par leur garantir l'existence.
Les grands bombardiers venus de l’ouest ont survolé Ratisbonne. Ils remontent à présent la belle vallée romantique que nous avons descendue hier. Les voici sur Neustadt. Nous revoyons la petite ville paisible, si distante de la guerre, et qu’écrasent en cet instant les bombes de deux tonnes. Nous revoyons les enfants qui jouaient sur le pas des portes ; la petite fille aux grâces précoces, qui dansait sur le trottoir avec son bout de ficelle…Nous pensons aussi aux petits gosses qu’en France on arrachait des bras de leurs parents, avant le départ en trains plombés pour les camps de concentration…Maudits soient ceux qui, à force de cruauté, ont déchaîné sur ce monde la contagion de la haine !...
On ne restaurera pas l'ancienne France. On doit honorer les morts, on peut s'inspirer de leur exemple; on ne les ressuscite pas. Une tradition peut se prolonger dans son esprit, mais personne ne parviendra jamais à couler la réalité présente dans ses formes abolies. Pour reprendre une image de Jaurès, on peut entretenir le flamme on n'en ranimera pas la cendre.
L’œuvre juste et nécessaire s’accomplira. Si jamais les misères et les vilénies du temps présent jetaient le trouble dans nos cœurs, eh bien, projetons nos regards au-delà de notre moment circonscrit de la durée vers le passé et l’avenir ; étendons la vue au-delà de notre canton étroit de l’espace vers le tout harmonieux de l’univers. Il ne s’agit pas d’oublier la tâche immédiate et de nous en divertir par de vaines contemplations. Nous ne sommes pas des rêveurs, nous n’avons pas les moyens de rêver ; mais le moment présent passera, les dictatures campées sur l’Europe passeront, les misères et les vilénies passeront, et il existe pourtant dans le monde des idées éternelles ; il existe une destinée humaine liée elle-même aux lois universelles, et dans lesquelles nous devons inscrire notre destin d’un jour. Nous travaillons dans le présent, non pour le présent. Combien de fois, dans les réunions populaires, ai-je répété et commenté les paroles de Nietzsche : « Que l’avenir et les plus lointaines choses soient la règle de tous tes jours présents. Ce n’est pas l’amour du prochain, c’est l’amour du plus lointain que je te conseille ». Pourquoi la race humaine, pourquoi la nation française se monteraient-elles indignes dans l’avenir de ce qu’elles ont accompli dans le passé ? La race humaine a créé la sagesse, la science et l’art, pourquoi serait-elle impuissante à créer la justice, la fraternité et la paix ?
«Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté, doit commencer par leur garantir l'existence»
Le verrou de ma porte et les barreaux de la fenêtre ne m’ont pas séparé de la France. Je m’emplis de tous ses espoirs comme de l’air que je respire ; je baigne dans toutes ses misères. Je sens ma vie battre à chaque instant à l’unisson de la sienne, cependant que la solitude donne plus de poids et sans doute plus d’indépendance à mes réflexions.
L’humanité est-elle condamnée à retourner vers la barbarie pour échapper à la décrépitude ? N’y a-t-il pas en elle d’autres forces que la brutalité, d’autre énergie que la férocité primitive ? Qui donc accepterait pour elle cette opinion impie ? Le problème de la civilisation, tel qu’il se pose depuis que l’humanité a pris connaissance d’elle-même, est précisément de substituer aux énergies animales des forces disciplinées, harmonieuses, spiritualisées, de transformer les fanatismes et les idolâtries sauvages en certitudes fondées sur la raison, en convictions fondées sur les exigences de la conscience personnelle. Le progrès humain consiste à préserver et même à développer l’énergie vitale, mais en l’appliquant à des fins qui apportent une satisfaction de plus en plus complète aux « impératifs » de la raison et de la conscience personnelle, et, par conséquent, à ces idéaux collectifs qu’on appelle la liberté, la fraternité, la justice. Qu’on parle de civilisation chrétienne, d’humanisme gréco-latin ou de « matérialisme historique », on ne désigne pas autre chose que cette évolution qui est la loi même de l’humanité.
L’expérience enseigne qu’aux moment redoutables de sa vie l’homme se la sauve qu’en la risquant.
L’amour de la patrie est éternel, au même titre que l’amour de la famille, que l’amour du pays natal, que tous les liens qui rattachent l’âme aux réalités les plus proches et les plus chères. Mais ce don je suis pleinement convaincu, c’est que patriotisme et humanisme, ou, si l’on veut, amour de la patrie nationale et de la patrie internationale sont des sentiments compatibles par essence. L’attachement à la Nation, d’une part, et d’autre part, la « charité du genre humaine », comme disait un grand ancien, peuvent cohabiter la même conscience, aussi naturellement que le patriotisme et l’amour de la famille, que le patriotisme et une croyance religieuse.
L'homme n’a pas deux âmes différentes, l'une pour chanter et chercher, l'autre pour agir ; l'une pour sentir la beauté et comprendre la vérité, l'autre pour sentir la fraternité et comprendre la justice. Quiconque envisage cette perspective se sent animé un invincible espoir. Que l'homme contemple le but, qu'il se fie à son destin, qu'il ne craigne pas d'user sa force. Quand L'homme se trouble et se décourage, il n'a qu'à penser à l'Humanité.
pas de démocratie politique sans démocratie sociale.